La lettre juridique n°169 du 26 mai 2005 :

[Jurisprudence] Caution, sous caution, débiteur : une trilogie particulière

Réf. : Cass. com., 30 mars 2005, n° 00-20.733, Mme Marie-Claude Losio-Valée, épouse Santini c/ M. François Ghelfi, FS-P+B (N° Lexbase : A4433DHN)

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N4539AIX

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par Marie-Elisabeth Mathieu, Jeantet Associés, Maître de conférences à l'Université d'Evry-Val d'Essonne

le 07 Octobre 2010

Dans le paysage des sûretés personnelles, les cautions, créancières potentielles du débiteur principal, ont entendu se faire garantir leurs propres engagements par une autre caution -la sous-caution ou caution de second rang-. En l'absence de dispositions législatives particulières, la jurisprudence a bâti le régime juridique de cette garantie. Une nouvelle fois, la Chambre commerciale, dans cet arrêt du 30 mars 2005, rappelle un principe fondamental : celui de l'indépendance entre la relation créancier, débiteur, caution et la relation caution, sous-caution, débiteur. Ainsi, la sous-caution sera déliée de tout engagement, lorsque le créancier aura déclaré sa créance auprès du débiteur frappé par une procédure collective, et qu'il demandera à la caution de payer, alors que celle-ci a omis de déclarer sa créance. En effet, le recours en paiement de la caution envers la sous-caution est, alors, dénué de fondement : "à défaut de déclaration par la caution de sa créance, celle-ci est éteinte à l'égard de la sous-caution qui garantit non la créance du créancier à l'égard du débiteur principal mais celle de la caution à l'égard de ce débiteur", le créancier initial étant dépourvu de droit à l'égard de la sous-caution (voir, pour une solution identique : Cass. civ. 1, 7 mai 2002, n° 99-21.088, FS-P N° Lexbase : A6221AY3, cité infra et, pour une interprétation a contrario, Cass. com., 13 avril 1999, n° 96-18.183, M. Cardi c/ Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (CEPME) N° Lexbase : A8042AGX ; Bull. civ. IV, n° 85). Par conséquent, la sous-caution constitue une sûreté pour la caution (I), dans la mesure où la créance de la caution à son encontre ne s'éteint pas pour des causes qui lui sont propres (II). I - La sous-caution, une garantie de second rang

La sous-caution est une garantie particulière. Elle s'engage vis-à-vis de la caution qu'elle garantit (V. Ch. Mouly, Les recours anticipés de la caution contre la sous-caution, JCP éd. G. 1980, 1, 2985) et la jurisprudence en admet, parfois, l'existence implicite (Cass. com., 12 juin 2001, n° 99-12.681, M. Arthur Spinelli c/ Société Banca commerciale italiana (BCI) (France) N° Lexbase : A5914AT9 ; Bull. civ., IV, n°114).

Le bénéficiaire de cette garantie particulière est, donc, la caution de premier rang. Le créancier principal demeure tiers au contrat de sous-cautionnement : la caution, garantie par la sous-caution, devient créancier de celle-ci. C'est une sorte de "variété de cautionnement au second degré" (Ph. Simler, Cautionnement et garanties autonomes, 3ème éd. Litec, n° 118). Contre la sous-caution, le créancier principal ne dispose d'aucune action directe.

La caution principale doit, avant de poursuivre la sous-caution en paiement, payer la dette du débiteur principal (Cass. com., 24 mars 1980, n° 78-12.504, Banque Nationale de Paris BNP c/ Dame Vachier, publié N° Lexbase : A8072CIS ; Bull. civ., IV, n° 141). La sous-caution peut, toutefois, invoquer les exceptions appartenant au débiteur principal pour se soustraire à son obligation de remboursement. Par exemple, l'extinction de la dette principale bénéficie à la sous-caution (Cass. civ. 1, 7 mai 2002, n° 99-21.088, FS-P N° Lexbase : A6221AY3 ; Bull. civ., I, n° 123), qui peut, d'ailleurs, contester l'existence et l'étendue du recours personnel de la caution (Cass. com., 17 septembre 2002, n° 00-14.190, FS-P N° Lexbase : A4494AZH ; Bull. civ., IV, n°123).

Elle ne peut, cependant, se prévaloir de la "décharge" instituée par l'article 2031 du Code civil (N° Lexbase : L2266ABK), ce texte ne profitant qu'au débiteur (Cass. civ. 1, 26 février 2002, n° 99-12.299, Mme Henriette Regnier c/ Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (Cepme), FS-P N° Lexbase : A0738AYY ; D. 2002, p. 2863). Mais elle peut agir avant paiement, en exerçant l'action préventive des articles 2032 (N° Lexbase : L2267ABL) et 2039 (N° Lexbase : L2284AB9) du Code civil. Cette action "se fonde sur une créance personnelle d'indemnité distincte de celle qui appartient au créancier contre le débiteur principal" (Cass. com., 2 mars 1993, n° 90-21.025, Epoux Laurent c/ M. Di Martino, ès qualités de liquidateur de la liquidation N° Lexbase : A6342ABI ; Bull civ., IV, n° 80). Ce recours est particulier, car il est offert à la caution avant qu'elle ne soit appelée en garantie.

Par conséquent, la sous-caution est, en réalité, caution de second rang de la caution de premier rang. Elle sera débitrice envers la caution, dans la mesure où celle-ci a payé la dette du débiteur principal et lui en demande le remboursement. Inversement, la caution devient, alors, créancière de la sous-caution.

Ainsi, et conformément au visa de la Chambre commerciale, dans sa décision du 30 mars 2005, la sous-caution est tenue pour d'autres au payement de la dette (V. C. civ., art. 1251, al. 3 N° Lexbase : L1368ABB).

II - Les rapports entre la caution et la sous-caution

En principe, et en présence d'une défaillance du débiteur principal, la caution paye le créancier, puis exerce un recours en paiement contre la sous-caution qui, à son tour, agira contre le débiteur.

La caution devient effectivement, et par le jeu de cette configuration, créancière de la sous-caution (V. en ce sens, Ph. Malaurie et L. Aynes, Les sûretés, La publicité foncière, Defrenois, 2003, n° 152 ; Ph. Simler, Cautionnement et garanties autonomes, 3ème éd. Litec, n° 119). Elle exercera, alors, une action en remboursement contre la sous-caution, tendant au paiement intégral de la dette -dans la limite de l'engagement de cette dernière- et non une action en contribution ou l'action prévue par l'article 2033 du Code civil (N° Lexbase : L1037ABZ) -action d'une caution contre un cofidéjusseur-. Finalement, la sous-caution se retrouvera, une fois sa dette acquittée, caution du débiteur principal.

Au vu de ce mécanisme, la sous-caution garantit la créance de la caution à l'égard du débiteur. Elle n'a, donc, aucun lien avec le créancier : elle ne garantit pas la créance de celui-ci envers son débiteur. La sous-caution n'a de liens qu'avec la caution puis, par voie de conséquence, le débiteur. Le créancier n'a, d'ailleurs, aucun droit sur elle, à moins d'être recevable à agir par la voie de l'action oblique de l'article 1166 du Code civil (N° Lexbase : L1268ABL) (voir, sur les conditions de recevabilité d'une telle action : Cass. civ. 1, 5 avril 2005, n° 02-21.011, F-P+B N° Lexbase : A7496DH4). Dans ce cas, il faudrait que la caution ait payé la dette du débiteur principal et qu'elle soit devenue créancière de la sous-caution.

Mais, puisque la sous-caution garantit la dette du débiteur principal envers la caution, son propre engagement est indissolublement lié à celui de la caution. Ainsi, et c'est le cas de la présente décision, l'obligation de la sous-caution à l'égard de la caution est caduque, si le cautionnement de premier rang s'éteint pour des causes qui lui sont propres. Parmi ces causes, figurent, comme en l'espèce, le défaut de déclaration de créance de la caution à la procédure collective du débiteur ou, dans le cas d'une caution personne morale, la dissolution de la société caution par fusion avec une autre société (CA Bourges, 1ère ch., 13 octobre 1998, n° 9601953, Société de caution mutuelle artisanale du Loir et Cher (SOCAMA) c/ M. Castelain Joseph N° Lexbase : A3945DIX).

Toutefois, si le projet de loi sur la sauvegarde des entreprises, actuellement en discussion, entre en vigueur, le défaut de déclaration de créance de la caution n'entraînera plus l'extinction de l'engagement de la sous-caution, cette absence de déclaration n'étant plus dans le projet de loi, sanctionnée par l'extinction des créances.

Pour conclure, il faut, également, évoquer, dans la gamme des garanties données sous forme de "cautions de second rang", la pratique des certificateurs de cautions (voir C. civ., art. art. 2014, al. 2 N° Lexbase : L2249ABW). Le dispositif est le suivant : un certificateur s'engage envers le créancier à le payer, si la caution est défaillante (B. Saintourens, Certificateurs de caution et sous-cautions, les oubliés des réformes du droit du cautionnement, Mélanges Michel Cabrillac, Dalloz / Litec 1999, p. 397). L'obligation, ainsi garantie par le certificateur, est celle de la caution (Ph. Simler, Cautionnement et garanties autonomes, Litec, 3ème éd., n° 115). Dès lors, l'engagement du certificateur est accessoire à celui de la caution certifiée (Cass. com., 19 janvier 1981, n° 79-11430, Maire de Bonhomme c/ Banque Populaire de Lorraine, publié N° Lexbase : A0874CI9 ; Bull. civ. IV, n° 30). Le cautionnement certifié est, lui-même, accessoire à la dette principale. Par conséquent, entre cette dette et l'engagement de certification s'établit un lien d'accessoire de second degré (voir, sur ce point, J. François, Les sûretés personnelles, Economica, 2003, n° 65).

La fonction du sous-cautionnement est, donc, très différente de celle de la certification : la première garantie profite à la caution, la seconde au créancier. Il importe, donc, de les identifier clairement car leurs régimes respectifs ne sont pas unitaires.

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