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par Aziber Seïd Algadi, Docteur en droit, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition professions
le 12 Mai 2016
Introduisant la journée, le Professeur Guinchard a relevé que le sujet reste d'actualité même si le projet de la justice du 21ème siècle (projet J21) n'a pas encore abouti. La nouvelle ère de la procédure civile se révèle notamment à travers deux aspects : l'ère du conventionnel (A) et l'ère du numérique (B).
A - L'ère du conventionnel
L'ère du conventionnel est celle de la promotion du lien procédural, qui est fondé sur le consensus avec le retour à l'esprit de conciliation mais surtout le retour à l'esprit de certaines pratiques du procès, antérieures au Code de procédure civile de 1975 (décret n° 75-1123, 5 décembre 1975, instituant un nouveau Code de procédure civile N° Lexbase : L8919IRR) et parfois vieilles de plus de deux cent ans.
Elle est de plus en plus impulsée par les MARD dans les textes récents d'inspiration européenne mais aussi à travers le projet "J21".
Deux remarques s'imposent à ce sujet :
- premièrement, à l'aune des droits fondamentaux, notamment du droit d'accès au juge, la CEDH a validé la sanction de l'irrecevabilité d'une demande en justice pour non respect de l'obligation de faire précéder cette demande d'une tentative de conciliation ou de médiation (CEDH, 26 mars 2015, Req. 11239/11, disponible en anglais). Ainsi, il est fait obligation de procéder à une tentative de conciliation avant toute déclaration au greffe devant le tribunal d'instance ou le juge de proximité ;
- deuxièmement, si le recours aux MARD est souhaitable pour apaiser les relations sociales et soulager le juge en le déchargeant de certains litiges, l'on ne peut s'empêcher de constater que l'expérimentation dans le passé, sous la Révolution de 1789, fut un échec -y compris dans le cadre du divorce sans juge, par déclaration devant un citoyen, par exemple-, de même que fut un échec le préalable obligatoire de conciliation devant le juge de paix.
Il convient de relever qu'à l'époque contemporaine, l'esprit de conciliation est surtout attisé par la rigueur budgétaire qui frappe les justiciables. Le coût et la lenteur des procès ne sont plus supportables et il est vrai que la voie de la conciliation-médiation apparaît comme une voie permettant de répondre à des besoins qui ne sont pas satisfaits de nos jours.
Mais, il reste, cependant, une question importante qui est celle de la charge du paiement des frais de médiation et, comme l'écrivait le Doyen Carbonnier, à propos de la conciliation, dans quelques années (100 ou 200 ans) quand les anthropologues étudieront notre société, l'on sera peut-être surpris de notre course à la "justice fondée sur le baiser de paix". La justice, soulignait-il, c'est d'abord deux plateaux d'une balance qu'on devait chercher à équilibrer. Ce n'est pas forcément en recherchant le "baiser de paix" qu'on arriverait à une solution.
La question des MARD devrait inviter à la réflexion.
Il est également utile de s'intéresser à la mise en état externalisé entre les mains des parties via leurs avocats à travers la convention de procédure participative revisitée et vivifiée par le projet de création d'acte de procédure contresigné par les avocats.
Le projet "J21" sera en principe examiné le 15 mai 2016 mais il faudrait attendre certainement quelques années pour que les praticiens utilisent cette procédure.
B - L'ère du numérique
L'ère du numérique, à l'inverse du conventionnel, ne nous plonge pas dans les racines procédurales mais nous projette dans les innovations du futur.
La communication électronique a, en effet, un impact sur le droit des justiciables qui peut être bénéfique lorsqu'elle accélère le déroulement des procès en audience avec l'effectivité des principes directeurs du procès. Elle peut être maléfique aussi par l'exigence de confidentialité des échanges électroniques qu'impose la sécurité des échanges pouvant, dans certaines conditions, heurter le principe de la publicité de la justice ou encore, lorsqu'en l'état, seuls les professionnels de la justice y ont accès.
A l'avenir, se posera le problème d'un procédé ouvert à tous les justiciables avec un clivage qui pourrait être jugé discriminatoire entre ceux qui ont accès à internet et les autres. Une frange de la population, n'ayant pas les moyens financiers ou intellectuels, sera dès lors marginalisée. De nos jours, les procès se déroulent encore avec la présence physique des parties. L'évolution du numérique pose la question de ce que seront les procès dans les années à venir. Qu'en sera-t-il de la compétence territoriale des juridictions ? La présence physique en matière civile sera-t-elle encore nécessaire ? Il est intéressant de s'y appesantir.
II - Les conventions sur l'instance
A - Les MARD, préalable obligé ou substitut au procès
Les MARD sont les techniques permettant de contractualiser la solution d'un litige, d'arriver à une solution dite amiable (2). Le terme amiable évoque, selon le Professeur Natalie Fricero, plutôt des sentiments, de l'affection, un terme subjectif qui n'a rien à voir avec la contractualisation de la solution.
Le développement des MARD est tout à fait évident, au moins sur le plan législatif et sur le plan des idées. Les raisons de ce développement sont bien connues.
D'une part, il y a les contraintes européennes : l'Union européenne considère, dans le cadre des Directives et Règlements, que les MARD présentent des avantages considérables pour les citoyens dans l'Europe pour le maintien du marché unique et son développement ; ce qui veut dire qu'il s'adresse en priorité aux consommateurs plus qu'aux justiciables de droit commun.
A côté de ces contraintes européennes, qui conduisent tout de même à développer les MARD sur le plan interne, il existe aussi des facteurs économiques. Les contraintes économiques étaient déjà connues en 2007 avec la RGPP (révision générale des politiques publiques) qui obligeait l'organisation des services publics de la Justice dans le cadre des contraintes budgétaires et plus tard avec la MAP (modernisation de l'action publique) où il est précisé comme objectif de rationaliser la gestion budgétaire, faire des économies tout en restant performants.
Le développement des MARD traduit une logique de libéralisme, de privatisation et de contractualisation de la résolution des différends. C'est la naissance d'un nouveau droit de l'Homme qui est celui d'un droit à règlement amiable équitable et d'un droit de l'Homme subsidiaire tend à être maintenu qui le droit à un procès équitable alternatif ou subsidiaire.
1) Un nouveau droit de l'Homme : le droit à règlement amiable équitable
Les facteurs d'émergence des MARD ne sont pas uniquement économiques ou européens.
Il y a un facteur substantiel : l'organisation sociale est devenue horizontale et non plus verticale. Elle est fondée sur la liberté des individus, l'égalité et non plus sur une verticalité permettant au juge d'imposer une solution avec un jugement qui a autorité de la chose jugée et force exécutoire. Ces derniers sont remplacés par la force obligatoire des conventions et de la chose consentie. On retrouve évidemment cette théorie dans l'empowerment anglo-saxon : la société civile reprend le pouvoir et nous en avons l'exemple aujourd'hui dans l'organisation politique. Peter Andreas Thiel prône à cet effet le libertarisme, c'est-à-dire le rétrécissement maximal de l'Etat, la primauté absolue de la liberté individuelle et imagine un monde post-politique.
Tous les récents rapports sur la justice du 21ème siècle insistent sur l'objectif de faire du citoyen un acteur de la résolution des différends. Il y a bien un mouvement de fond qui est philosophique, idéologique et mondial et contre lequel l'on ne peut pas lutter parce qu'il se manifeste quotidiennement.
Le deuxième facteur d'émergence est la transformation totale, la mutation anthropologique des individus en raison de l'introduction de l'internet et des nouvelles technologies qui conduisent à des modes de communications différentes et surtout à des activités émergentes dont on ne soupçonnait même pas l'existence. Comme les MARD ne relèvent d'aucun monopole professionnel mais de la liberté totale d'entreprendre et la liberté individuelle, les legal start-up proposent des MARD, des arrangements divers et variés et ce mouvement, appelé l'"ubérisation", pénètre le marché du droit et de la résolution des différends.
Certaines professions réglementées essayent de "surfer sur la vague" des modes amiables en ligne. Ainsi en est-il des huissiers qui ont mis en place une plate forme "Medicys" de résolution des différends. Le CNB envisage également de créer un site de référencement des avocats médiateurs et éventuellement un site de consultation juridique, de modes amiables sécurisés (3).
Sur internet, il existe énormément de sites qui interviennent dans des secteurs extrêmement diversifiés (site de création du "robot avocat" aux USA pour ne pas payer ses contraventions). Il importe que les professionnels s'en rendent compte au plus vite.
Quel est l'impact des MARD pour la résolution des contentieux ? Il est actuellement difficile de le mesurer mais, à lire la presse économique, ces start-up lèvent des fonds colossaux, ce qui veut dire que la clientèle est au rendez-vous et que le marché est promoteur. Ces innovations sont à très bas coûts, attirent un grand nombre de consommateurs et finissent par cannibaliser les activités beaucoup plus chères mais sécurisées des professionnels.
Quelles en sont les garanties pour les citoyens ? L'article 16 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1363A9D) précise qu'"une société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée n'a point de constitution". Un Etat de droit peut laisser se développer sur son territoire des MARD, mais à condition de garantir les droits fondamentaux. C'est la raison pour laquelle l'amiable fait actuellement l'objet d'une codification qui introduit les principes fondamentaux dans les MARD : la confidentialité, la durée raisonnable, la compétence, la diligence, les règles de déontologie.
Comment ces règles seront-elles appliquées à des plates-formes de médiation internationale avec des sites créés à l'étranger et à l'abri des règlementations nationales ? La perspective actuelle en France réside dans le maintien d'un droit au juge à la condition qu'il devienne subsidiaire.
2) Un droit de l'Homme subsidiaire : le droit à un procès équitable alternatif
Il est certain que le recours au juge ne disparaît pas, mais la saisine de la juridiction n'est admise qu'en l'absence de règlement amiable. Le recours au juge est un ultime recours. L'amiable devient un préalable plus ou moins obligatoire.
De nos jours, il y a de plus en plus de contrats avec des clauses de règlement aimable préalable. La Cour de cassation a décidé que, lorsqu'il y a de telles clauses, tout recours au juge sans préalable amiable se heurte à une fin de non recevoir non régularisable en cours d'instance (Cass. com., 29 avril 2014, n° 12-27.004, F-P+B N° Lexbase : A6953MKQ). Il faut donc faire appel au mode amiable et, en cas d'échec, le recours au tribunal est admis.
Il y a ensuite des préalables obligatoires intégrés dans l'instance judiciaire. L'exemple type est celui de la procédure prud'homale. La loi "Macron" (loi n° 2015 -990 du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques N° Lexbase : L4876KEC) a introduit le fait que le bureau de conciliation peut entendre les parties séparément comme un médiateur.
Aussi, on note les préalables amiables incitatifs, issus du décret n° 2015-282 du 11 mars 2015, relatif à la simplification de la procédure civile à la communication électronique et à la résolution amiable des différends (N° Lexbase : L1333I8U) (C. pr. civ., art. 56 N° Lexbase : L1441I8U et 58 N° Lexbase : L7281A4G) et dans lequel le législateur essaye de modifier la culture des citoyens et avocats en les incitant à tenter d'abord un mode amiable et indiquer les diligences accomplies.
Il est vrai que les sanctions y relatives ne sont pas vraiment incitatives puisque l'article 127 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1581I83) précise seulement que le juge peut proposer une médiation ou une conciliation. Pour l'instant, la sanction de l'irrecevabilité de la demande n'est pas prévue mais on peut l'envisager à l'issue d'une modification législative. Le futur préalable obligatoire sanctionné par l'irrecevabilité de la demande se trouve dans le projet "J21" avant une obligation à peine d'irrecevabilité de la déclaration au greffe devant le tribunal d'instance et la juridiction de proximité (jusqu'en janvier 2017), où il est prévu une tentative de conciliation devant un conciliateur de justice. Le préalable amiable sera donc rendu obligatoire à peine d'irrecevabilité si le projet est voté.
Il y a, en réalité, tout un panel à travers lequel le droit français s'oriente vers la mise en place d'un préalable amiable plus ou moins sanctionné.
Avec le second aspect concernant la médiation en ligne gratuite en matière de consommation pour les consommateurs, on note une déjudiciarisation considérable du contentieux de masse. L'amiable se substitue au procès.
Il convient de rappeler que la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation (N° Lexbase : L7887AG9), a obligé les compagnies d'assurances à faire des transactions avec les victimes, soulageant ainsi les juridictions.
Par ailleurs, l'article L. 152-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L5492KGI) traduit un exemple parfait de pré-préalable amiable à la médiation en matière de consommation. Il est écrit que "le litige ne peut être examiné par le médiateur de la consommation lorsque le consommateur ne justifie pas avoir tenté, au préalable, de résoudre son litige directement auprès du professionnel par une réclamation écrite [...]". Il est désormais institué des modes amiables avec un préalable aux modes amiables.
Le médiateur devient ainsi un véritable substitut du juge car, lorsque les parties ne trouvent pas d'accord, le médiateur en propose un (C. consomm., R. 152-3 N° Lexbase : L9686KPG). A l'évidence, l'accord peut être refusé. Le juge amiable règle le différend après un préalable amiable et propose une solution aux professionnels, aux consommateurs même si cela reste contractuel. Le consommateur peut, en effet, refuser la solution et aller vers le juge. Si les médiations se multiplient et envahissent d'autres secteurs, le recours au juge devient un recours ultime.
B - L'acte de procédure d'avocat
L'acte de procédure d'avocat est pour le Professeur Soraya Amrani Mekki, le reflet d'un principe actif qui permet de vérifier toute l'évolution de la procédure civile, ses mutations, ses "métamorphoses". On note de plus en plus une certaine multiplication de décrets, de textes, de projets de réforme qui ne sont pas forcément spécifiques à la procédure civile mais qui traitent de la question (ex. : loi "Macron" qui contient beaucoup de propositions de réforme procédurale).
La recomposition de la justice, des institutions et des professions (avocats, notaires, huissiers) interroge sur l'office du juge dans la société civile. Ce dernier doit-il se recentrer dans ce qui serait son coeur de mission, celui de trancher des litiges complexes, en ultime recours, ou doit-il rester un interlocuteur spécial dans la société civile.
Concernant les modes amiables et notamment l'acte de procédure d'avocat, la question est celle de l'office du juge qui va devenir, en quelque sorte, le modèle des engagements. Le développement des MARD amène le juge à avoir un rôle différent et différé dans le temps. Différé dans le temps parce qu'il intervient après une première tentative de règlement amiable des litiges. Différent car il lui est demandé d'être homologateur des accords obtenus.
L'acte de procédure d'avocat peut paraître anecdotique de même que les modes amiables car il est étonnant de voir le décalage entre l'éparpillement des textes sur les modes amiables et le peu d'utilisation concrète qui en est faite au quotidien.
Traiter de l'acte de procédure d'avocat est, en quelque sorte, traiter simplement d'une nouvelle forme procédurale. En réalité, "la forme c'est le fond qui remonte à la surface".
Dans le cadre du groupe de travail sur l'acte de procédure d'avocats, la conception de celui-ci n'a pas été faite sans de très nombreuses précautions.
1 - La conception de l'acte de procédure d'avocat
Tel que conçu, l'acte de procédure d'avocat est un prolongement des MARD. Celles-ci ne traduisent pas une idée de "résolution" des litiges mais de "traitement" du litige. Dans la mesure où l'on ne doit pas se bloquer sur la résolution amiable du litige parce qu'elle n'est pas possible, l'on propose un traitement du litige pour essayer de nouer le lien social, rompu par le litige et permettre aux parties de discuter sur la manière d'apporter les preuves dans le procès.
L'acte de procédure d'avocat marque l'immixtion de l'amiable dans le juridictionnel.
Il convient de rappeler que l'acte de procédure d'avocat est d'abord un acte d'avocat. Ce dernier existe depuis 2011 même si, sur le plan pratique, ce fut un échec. L'idée était de créer une nouvelle catégorie d'acte. C'est une forme d'acte sous seing privé avec une dispense de mention manuscrite mais qui n'est pas l'équivalent d'un acte authentique, car il n'a pas de date certaine (C. civ., 1374 N° Lexbase : L9305I3Z).
La convention de procédure participative pourra naturellement donner lieu à des actes d'avocats. L'acte de procédure d'avocat suppose que ces derniers soient sensibles à cette démarche et que les parties et leurs avocats agissent conjointement et de bonne foi en évitant toutes les stratégies dilatoires, en écartant les temps morts.
Son objectif est de déterminer l'objet de la preuve et prévoir les modalités d'administration de celle-ci.
L'acte de procédure d'avocats a en réalité pour fonction principale :
- a minima, de limiter l'objet de la preuve pour multiplier les accords et, notamment, renouer les liens en trouvant des points de contact ;
- a maxima, de provoquer une conciliation.
En somme, comme disait Ihering "la preuve, c'est la rançon du droit".
2 - Fonctions de l'acte de procédure d'avocat
Les fonctions de l'acte de procédure d'avocats sont diverses. Plusieurs types d'actes de procédure d'avocats ont été prévus dans le projet. Un acte-cadre pourra établir tous les actes de procédure d'avocat susceptibles d'être conclus.
- Un acte de procédure d'avocats de constatation : il ne remet pas en cause la fonction d'huissier de justice car il s'insère dans une démarche amiable. Ledit acte pourrait aller beaucoup plus loin qu'un acte de constatation. Il peut également porter sur des pièces.
- Un acte de nomination pour désigner d'un commun accord un technicien. En réalité, cet acte existe déjà dans la convention de procédure participative car celle-ci permet de désigner un expert. Il y a un lien naturel et consubstantiel entre l'acte de procédure d'avocat et la convention de procédure participative. Mais, l'acte de procédure d'avocat peut exister même en dehors de toute convention de procédure participative.
- Il pourrait également y avoir des actes de procédure d'avocat d'audition. L'idée étant d'auditionner les parties, de recueillir leurs propos. On peut même faire des actes d'audition des témoins car les juges n'ont pas souvent le temps d'y procéder mais cela n'empêchera jamais au juge de le faire postérieurement lui-même en faisant comparaître les parties ou auditionner les témoins.
Cette conception de l'acte de procédure d'avocat suppose des précautions.
Pour comprendre les précautions utiles, il faut s'interroger sur l'ambition de l'acte de procédure d'avocat. L'idée est celle de l'économie procédurale qui n'est pas une restriction budgétaire. Il s'agit de trouver un bon équilibre entre les besoins.
L'ambition première est de redonner une force au principe du dispositif. Le domaine probatoire n'est pas anodin. La jurisprudence est assez audacieuse en matière probatoire et va jusqu'à casser des arrêts sur le fondement du déni de justice (C. civ. art. 4 N° Lexbase : L1113H4Y) car le juge n'avait pas recherché des éléments de preuve. Le juge a ainsi l'obligation de compléter les éléments de preuve pour arriver à la quantification, voire d'ordonner des mesures d'instruction pour établir, par exemple, que la garantie des vices cachés était antérieure à la vente.
Dans cette configuration du rôle des parties et du juge, il peut être intéressant de redonner force au principe du dispositif. Cette idée était déjà en germe dans le rapport "Coulon" de 1997 (7) où il fallait associer davantage les plaideurs au processus d'instruction.
L'idée de l'acte de procédure d'avocat est de favoriser une certaine maturation de la mise en état en dehors du juge, pour éviter le recours au juge ou à tout le moins faciliter le travail du juge en préparant le dossier ; ce qui peut être une excellente chose ou la pire des choses comme dans le système américain où l'on arrive devant le juge avec un procès complètement préparé.
Il faut donc préciser et imposer des précautions pour l'acte de procédure d'avocat et au-delà de celui-ci.
Pour l'acte de procédure d'avocats, si on veut inciter à l'amiable pour éviter d'encombrer les juridictions, c'est sous réserve de certains pré-requis sans lesquels l'acte de procédure d'avocat ne pourrait pas exister :
- d'abord, il faudrait qu'on puisse bénéficier d'une aide juridique ;
- ensuite, il faudrait qu'il y ait des effets sur l'acte de procédure d'avocat, sur le délai de prescription s'il est fait avant la saisine du juge et sur le délai de péremption, s'il est fait en cours de procédure civile ;
- enfin, il faudrait qu'il soit facultatif et non obligatoire.
Il convient de rappeler qu'en réalité, tout repose sur l'accord et cela pose des questions fondamentales sur l'objet de la preuve. La preuve n'a pas pour objet d'établir la vérité : elle recherche en fait une acceptabilité sociale (8).
Au-delà de l'acte de procédure d'avocats, l'on peut s'interroger sur la direction politique que prend la justice civile aujourd'hui : justice plurielle (Loïc Cadiet) (9), ou juridiversité (Simone Gaboriau) (10) ?
Il ne faudrait pas que la politique du chiffre aboutisse à des pressions trop fortes sur l'admission des modes amiables.
En somme, l'acte de procédure d'avocats et toutes les évolutions vers les modes amiables ne devraient pas constituer un engin explosif pour le Code de procédure civile et rompre les bons équilibres ainsi que la bonne économie procédurale.
(1) Cf. deuxième partie, Le déroulement de l'instance, Lexbase, éd. prof., n° 216, à paraître.
(2) Les anglo-saxons appellent cela mode adapté de résolution des différends, une solution propre à résoudre l'opposition d'intérêts dans un cas déterminé de manière pragmatique, selon la forme anglo-saxonne.
(3) Le groupe de travail "médiation" a présenté un rapport d'étape sur le centre national de médiation des avocats (CNMA), adopté par l'assemblée générale des 11 et 12 décembre 2015, et rappelé les objectifs de ce centre qui tend à promouvoir la médiation auprès des justiciables et de leur faciliter l'accès aux avocats intervenant en médiation.
(4) Expression empruntée au Professeur Serge Guinchard.
(5) La question n'est pas anodine surtout avec les discussions sur le projet de loi "El Kohmri", qui amènent à s'interroger sur le rôle du juge lorsque sont mis en place un plafonnement ou un forfait en matière d'indemnités de licenciements par exemple.
(6) Victor Hugo, Les contemplations, 1856.
(7) Cf. J.-M. Coulon, Réflexions et propositions sur la procédure civile : rapport au ministre de la Justice, 1997.
(8) V. en ce sens, X. Lagarde, Réflexion critique sur le droit de la preuve, LGDJ, 2015.
(9) L. Cadiet, J. Normand et S. Amrani-Mekki, Théorie générale du procès, Paris, Presses Universitaires de France, 2010.
(10) S. Gaboriau, Déjudiciarisation et administration de la justice - Promouvoir la "juridiversité", LPA, n° 119, 14 juin 2012, p. 3
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