Réf. : Circ. CNAV, n° 2016/23, du 18 avril 2016, Validation des stages en entreprise par le régime général d'assurance vieillesse (N° Lexbase : L7407K7H) ; CE 8° et 3° s-s-r., 10 février 2016, n° 394708, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7088PKQ)
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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la protection sociale"
le 12 Mai 2016
Pour mémoire, il faut rappeler que le taux horaire de la gratification minimale versée aux stagiaires effectuant un stage de plus de deux mois s'élève à 3,60 euros pour les conventions signées à compter du 1er janvier 2016 (6). La loi n° 2014-788 du 10 juillet 2014 a fixé la gratification à hauteur de 15 % du plafond horaire de la sécurité sociale, et ce uniquement pour les conventions de stages conclues à partir du 1er septembre 2015. Le décret n° 2014-1420 du 27 novembre 2014 a fixé un montant propre aux conventions de stages conclues entre le 1er janvier 2015 et le 31 août 2015, à hauteur de 13,75 % du plafond horaire de la Sécurité sociale.
A - Régime initial (invalidé)
Avant la loi du 10 juillet 2014, l'administration fiscale admettait une exonération d'impôt sur le revenu pour les stagiaires, mais les conditions étaient restrictives : le stage devait faire partie intégrante du cursus, présenter un caractère obligatoire et ne pas dépasser trois mois (7).
1 - Doctrine administrative initiale
La loi du 10 juillet 2014 a prévu que la gratification versée aux stagiaires soit exonérée d'impôt sur le revenu à hauteur du montant annuel du SMIC. L'administration fiscale en avait déduit que ce dispositif d'exonération des indemnités versées aux stagiaires ne s'applique que pour les conventions de stage signées à compter du 1er septembre 2015. Seules les indemnités versées dans le cadre de conventions signées à compter de cette date auraient été exonérées d'impôt sur le revenu à hauteur du SMIC (BOI-RSA-CHAMP-20-30-10-10) (8).
2 - Censure par le Conseil d'Etat
L'exonération d'impôt sur le revenu des gratifications versée aux stagiaires (CGI, art. 81 bis) a été fixée par le législateur, en 2014 (loi du 10 juillet 2014, art. 7, préc. (9)). La question s'est alors posée du traitement fiscal différencié des gratifications versées aux stagiaires en fonction de la date de signature de leurs conventions de stage.
Le Conseil d'Etat (déc. préc.) a reconnu ce caractère discriminatoire, et a décidé que la loi du 10 juillet 2014 est applicable aux gratifications versées à compter du 12 juillet 2014 (date d'entrée en vigueur de la loi) aux stagiaires, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de la date de signature des conventions de stage en vertu desquelles elles ont été versées.
Le Conseil d'Etat a donc annulé les paragraphes 195 à 205 du BOI-RSA-CHAMP-20-30-10-10 du 28 août 2015, car l'instruction fiscale a retenu une application différenciée de l'exonération d'impôt sur le revenu en faveur des gratifications de stage selon que les conventions de stage ont été signées avant ou après le 1er septembre 2015 et non selon que les indemnités et gratifications ont été versées avant ou après le 12 juillet 2014. Cette instruction (préc., § 195 à 205) a donc été annulée, parce qu'elle a exclu du bénéfice de l'exonération d'impôt sur le revenu les gratifications versées aux stagiaires avant le 1er septembre 2015 (date à laquelle le montant des gratifications a été modifié).
3 - Instruction fiscale 11 mars 2016
L'administration fiscale a précisé, par une mise à jour du 11 mars 2016 (BoFip - Impôts, BOI-RSA-CHAMP-20-30-10-10 N° Lexbase : X6675ALS) (10), qu'en cas d'entrée ou de fin de stage en cours d'année, la limite d'exonération doit être ajustée en fonction de la durée du stage.
B - Nouveau régime (en vigueur)
La doctrine administrative (BOI-RSA-CHAMP-20-30-10-10, rédaction au 21 avril 2016) a pris en compte la décision rendue par le Conseil d'Etat le 10 février 2016, selon laquelle l'exonération est applicable aux gratifications versées à compter du 12 juillet 2014.
Les indemnités et gratifications de stage versées jusqu'au 12 juillet 2014 ne sont pas comprises dans la base de l'impôt sur le revenu dû par le bénéficiaire lui-même ou par ses parents, lorsque trois conditions ci-après sont simultanément remplies :
- les stages doivent faire partie intégrante du programme de l'école ;
- ils doivent présenter pour l'élève ou l'étudiant un caractère obligatoire, c'est-à-dire être prévus comme tels par le règlement de l'école ou être nécessaires à la participation à un examen ou encore à l'obtention d'un diplôme ;
- leur durée ne doit pas excéder trois mois (instr. fiscale du 11 mars 2016 BOI-RSA-CHAMP-20-30-10-10, rectifiée le 21 avril 2016, § 200).
En cas de pluralité d'activités, un contribuable peut, au titre d'une même année d'imposition, bénéficier à la fois de cette exonération et de celle prévue à l'article 81, 36° du Code général des impôts (N° Lexbase : L5844KGK). Il en est ainsi, d'un jeune âgé de vingt-cinq ans au plus au 1er janvier de l'année d'imposition qui, la même année, effectue en cours de sa scolarité un stage obligatoire d'une durée inférieure à trois mois, puis occupe un emploi salarié.
Les indemnités et gratifications versées à compter du 12 juillet 2014, en application de la loi du 10 juillet 2014 (art. 7, préc.) sont exonérées dans la limite, par an et par contribuable, du montant annuel du SMIC. La doctrine administrative en a rendu compte, par une instruction fiscale du 21 avril 2016 (instr. fiscale du 11 mars 2016, BOI-RSA-CHAMP-20-30-10-10, rectifiée le 21 avril 2016, § 205).
Suppression de la proratisation en cas d'entrée ou de sortie du stage en cours d'année. Dans une mise à jour de la base BOFiP-impôts du 21 avril 2016, l'administration fiscale a finalement supprimé cette proratisation. Le stagiaire en entreprise peut bénéficier d'une exonération jusqu'à 17 490 euros (en 2016) quelle que soit la durée de son stage dans l'année.
II - Régime social (assurance vieillesse)
Le législateur, le pouvoir réglementaire (par extension, la doctrine administrative) et les juridictions tant civiles qu'administratives, depuis quelques années, rapprochent le statut des stagiaires à celui des salariés. Par exemple, la jurisprudence administrative sur le crédit d'impôt recherche intègre dans la notion de "personnel de recherche", les stagiaires (CAA Versailles, 6 novembre 2014, n° 13VE01479 N° Lexbase : A4387M3U) (11).
De même, le législateur a, en 2014, conféré un certain nombre de prérogatives au bénéfice des stagiaires, qui sont normalement attribuées aux salariés. Logiquement, ce rapprochement de statuts a des conséquences dans le champ de la protection sociale, spécialement, l'assurance vieillesse.
Ainsi, la loi du 20 janvier 2014 (préc.) (art. 28) a ouvert la possibilité, pour les étudiants de demander la prise en compte, par le régime général, des périodes de stage en entreprise, dans la limite de deux trimestres (CSS, art. L. 351-17).
Pour autant, ce dispositif ne doit pas être confondu avec le rachat des années d'études (CSS, art. L. 351-14-1 N° Lexbase : L2678IZ9 ; autrement désigné par l'expression "versements pour la retraite" (12)), mis en place par la loi du 21 août 2003 (loi n° 2003-775, 21 août 2003, portant réforme des retraites N° Lexbase : L9595CAM ; art. 29), permettant de racheter certaines périodes, jusqu'à 12 trimestres d'assurance, au titre des années d'études (ou des années n'ayant pas permis de valider quatre trimestres ou années incomplètes).
La circulaire CNAV n° 2016/23 du 18 avril 2016 (annulant et remplaçant la circulaire CNAV n° 2015/25 du 23 avril 2015 N° Lexbase : L4657I8Y) a apporté des précisions sur le décompte des périodes de stages ; l'articulation de cette validation avec le versement pour la retraite au titre des années d'études supérieures à tarif réduit et enfin, l'impact fiscal de ce dispositif.
A - Les conditions d'admission liées au dispositif
1 - Les conditions liées aux bénéficiaires
Les personnes visées par le dispositif sont des étudiants ou élèves effectuant leurs études dans les établissements d'enseignement supérieur, des écoles techniques supérieures, des grandes écoles et classes du second degré préparatoires à ces écoles (établissements mentionnés à l'article L. 381-4 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L8707KUZ).
2 - Les conditions liées aux stages
Ces stages doivent être accomplis en milieu professionnel : entreprise, administration publique, assemblée parlementaire, assemblée consultative, association ou de tout autre organisme d'accueil.
Les stages doivent remplir certaines conditions :
- faire l'objet d'une convention tripartite signée par l'enseignant référent (l'établissement d'enseignement), le tuteur de stage (l'organisme d'accueil) et le stagiaire ou son représentant légal ;
- donner lieu à une gratification (C. éduc., art. L. 124-6 N° Lexbase : L4334I8Z) ;
- la période de stage doit être égale à au moins deux mois consécutifs au sein d'une même entité (entreprise, administration, association ou assemblée). Si elle est effectuée au cours d'une même année scolaire ou universitaire, ces deux mois peuvent être consécutifs ou non.
B - Montant, versement
Le montant du versement des cotisations, pour chaque trimestre, est fixé à 12 % de la valeur mensuelle du plafond de Sécurité sociale en vigueur au 1er janvier de l'année au cours de laquelle la demande est effectuée (3 218 euros en 2016), soit 386 euros en 2016 pour un trimestre.
C - Régime
Le nouveau régime de validation des stages en entreprise par le régime général d'assurance vieillesse (circulaire CNAV n° 2016/23 du 18 avril 2016) est applicable aux périodes de stages débutant au 15 mars 2015.
1 - La demande de versement de cotisations
Compétence territoriale des caisses. L'assuré doit adresser sa demande, en cas de résidence en France, à la caisse où se trouve son lieu de résidence ; en cas de résidence à l'étranger, à la caisse du lieu où a été effectuée la période de stage.
Délai de dépôt de la demande. La demande de validation des périodes de stage auprès du régime général doit être effectuée par l'étudiant dans les deux ans à compter de la fin de période de stage concerné (CSS, art. D. 351-16, al. 3 N° Lexbase : L1410I8Q). Cette question des délais est très sensible, et elle a été critiquée, à juste titre, par certains observateurs (13), regrettant son caractère bien trop étroit. Les jeunes sur le marché du travail, dans les deux années qui suivent leur stage, connaissent des difficultés d'accès à un marché du travail sélectif ; ils sont concentrés exclusivement sur ce but d'insérer le marché du travail dans les meilleures conditions possibles (et donc, guère sensibilisés à la problématique de validation des périodes de stage auprès du régime général). Enfin et surtout, les étudiants (sauf ceux qui ont suivi un cursus juridique spécialisé en droit social) ne sont pas du tout informés de cette possibilité ouverte par le régime d'assurance vieillesse, de validation des périodes de stage.
Paiement. Le jeune étudiant peut effectuer un paiement comptant, au plus tard le dernier jour du deuxième mois suivant l'envoi par la caisse de sa décision d'admission au bénéfice du dispositif. Le jeune a également la possibilité d'effectuer un paiement échelonné, c'est-à-dire un versement en échéances mensuelles d'égal montant réparties sur une période d'un an ou de deux ans.
2 - L'interruption du versement de cotisations
Fin au versement. Les causes de d'interruption de droit commun (CSS, art. D. 351-20 N° Lexbase : L1414I8U) tiennent à trois éléments : non-paiement ou de paiement partiel du versement non échelonné ; en cas d'échelonnement, le défaut de réception de l'autorisation de prélèvement ou lorsque le premier paiement n'est pas parvenu pour son montant intégral à la caisse à la date fixée ou lorsque le paiement de deux échéances mensuelles, successives ou non, n'a pas été intégralement effectué ; enfin, en cas de décès de l'assuré (par définition).
Nouvelle demande. Le jeune stagiaire en entreprise ne peut présenter de nouvelle demande avant l'expiration d'un délai de 12 mois suivant la date de notification d'interruption du versement de cotisations.
3 - Articulation avec le dispositif de versement pour la retraite au titre des années d'études supérieures à tarif réduit
Le nombre de trimestres validés au titre des périodes de stages en entreprise et au titre des années d'études supérieures à tarif réduit par le régime général d'assurance vieillesse est limité à quatre (14). Ce point avait été également très critiqué (15), en ce qu'il réduit considérablement la portée et l'intérêt de ce nouveau dispositif de validation des stages en entreprise par le régime général d'assurance vieillesse.
(1) L. Flament, Encadrement des stages : la dernière réforme ?, JCP éd. S, n° 50, 9 décembre 2014, 1468 ; Réforme des stages : entre lutte contre les abus et émergence d'un statut particulier, JCP éd. S, 2011, n° 1460 ; nos obs., Lexbase, éd. soc., n° 580, 2014 N° Lexbase : N3358BUW).
(2) LSQ, n° 16886 du 3 août 2015.
(3) Dr. fisc., n° 14, 7 avril 2016, comm. 264 ; LSQ, n° 17021 du 17 février 2016.
(4) Panorama de la doctrine administrative publiée, Lexbase, éd. fisc., n° 653, 2016 (N° Lexbase : N2527BWI) ; LSQ, n° 17072 du 29 avril 2016 ; Dr. fisc., n° 17, 28 avril 2016, act. 269.
(5) Nos obs., L'assurance vieillesse face aux difficultés professionnelles des jeunes, Dr. soc., 2014, p. 617. Sur la réforme, en général : B. Chrétien et A. Ferreira, La réforme des retraites n'aura pas lieu, SSL, n° 1615 du 27 janvier 2014 ; nos obs., Retraite : mesures d'ajustement ou réforme de fond ?, Dr. soc., 2013, p. 769 ; nos obs., lexbase, éd. soc., 2014, n° 556 (N° Lexbase : N0472BUZ). Travaux parlementaires : M. Issindou, Rapport Assemblée nationale n° 1400, 2 octobre 2013 ; P. Terrasse, Avis Assemblée nationale n° 1397, 1er octobre 2013 ; C. Coutelle, Rapport Assemblée nationale n° 1396, 25 septembre 2013 ; Ch. Demontès, Rapport n° 95, Sénat 2013-2014, 25 octobre 2013 ; J.-P. Cafet, Avis n° 76, Sénat 2013-2014, 16 octobre 2013 ; L. Rossignol, Rapport Sénat n° 90, 2013-2014, 22 octobre 2013 ; M. Issindou et Ch. Demontès, Rapport Assemblée nationale n° 1534 et Sénat n° 128, 6 novembre 2013 ; M. Issindou, Rapport Assemblée nationale n° 1541, 12 novembre 2013 ; Ch. Demontès, Rapport Sénat 2013-2014 n° 189, 4 décembre 2013 ; M. Issindou, Rapport Assemblée nationale n° 1661, 18 décembre 2013.
(6) JCP éd. S, n° 51, 15 décembre 2015, act. 494.
(7) Cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" ; D. adm., 5 F-1131, n° 19, 10 février 1999.
(8) Bofip-Impôts du 28 août 2015, LSQ, n° 16904 du 2 septembre 2015.
(9) Dr. fisc., 2014, n° 29, act. 391.
(10) Lexbase, éd. fisc., n° 647, 2016 (N° Lexbase : N1819BWB) ; Dr. fisc., 2016, n° 11, act. 156.
(11) D. Boucher, CIR : la jurisprudence s'enrichit, le dispositif gagne en clarté. À propos des gratifications de stagiaires et des cotisations sociales, Dr. fisc., n° 12, 19 mars 2015, comm. 220. En l'espèce, l'administration fiscale a admis le bénéfice d'un crédit d'impôt recherche en prenant en compte les dépenses de personnel, à l'exclusion de celles relatives à sept ingénieurs stagiaires. La cour administrative d'appel de Versailles a, au contraire, estimé que les gratifications versées aux stagiaires et inscrites comme dépenses de personnel en comptabilité constituent des rémunérations pour l'application du crédit d'impôt recherche. En effet, les stagiaires travaillent en étroite collaboration avec les chercheurs pour assurer le soutien technique indispensable aux projets de recherche éligibles. Dans le même sens, TA Montreuil, 18 novembre 2013, n° 1206938 : les stagiaires qui travaillent en étroite collaboration avec les chercheurs pour assurer le soutien technique indispensable aux travaux de recherche et de développement expérimental doivent être regardés comme des techniciens de recherche, de sorte que les gratifications qui leur sont versées doivent être prises en compte dans les bases de calcul du CIR.
(12) J. Bichot, Les rachats d'annuités autorisés par la loi du 21 août 2003 un bel exemple d'effet Matthieu, Dr. soc., 2004, p. 408 ; Cour des comptes, Rapport annuel, Sécurité sociale, 2009, p. 300-301 ; CNAV, Bilan des versements pour la retraite au 30 septembre 2007, Etude 2008-001 ; COR, séance plénière du 23 janvier 2008, document n° 5, 2007.
(13) L. Flament, Encadrement des stages : la dernière réforme ?, JCP éd. S, n° 50, 9 décembre 2014, 1468, préc., § 18.
(14) Exemple 1 : un assuré a déjà validé deux trimestres au titre des périodes de stage en entreprise, il ne pourra prétendre qu'à deux trimestres au titre du versement pour la retraite au titre des années d'études supérieures à tarif réduit. Exemple 2 : un assuré a effectué un versement pour la retraite au titre des années d'études supérieures à tarif réduit lui permettant d'acquérir quatre trimestres, il ne pourra donc pas prétendre au dispositif de versement de cotisations au titre des périodes de stage en entreprise. Exemple 3 : un assuré a effectué un versement pour la retraite au titre des années d'études supérieures à tarif réduit lui permettant d'acquérir trois trimestres, il pourra prétendre à un trimestre au titre du versement de cotisations au titre des périodes de stage en entreprise.
(15) L. Flament, Encadrement des stages : la dernière réforme ?, JCP éd. S, n° 50, 9 décembre 2014, 1468, préc., § 18.
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