En matière de concurrence, les programmes de clémence de l'Union et des Etats membres coexistent de façon autonome ; ils sont l'expression du régime de compétences parallèles de la Commission et des autorités nationales de concurrence. Tel est le sens d'un arrêt rendu le 20 janvier 2016 par la CJUE (CJUE, 20 janvier 2016, aff. C-428/14
N° Lexbase : A1948N4W). Le droit de l'Union (Règlement n° 1/2003 du 16 décembre 2002
N° Lexbase : L9655A84) vise à garantir une application cohérente des règles de concurrence dans les Etats membres au moyen d'un mécanisme de coopération entre la Commission et les autorités nationales de concurrence. Ce mécanisme est appelé "réseau européen de la concurrence" (REC). En 2006, le REC a adopté, au niveau européen, un programme-modèle concernant la clémence. En 2007, l'Autorité italienne de concurrence (AGCM) a adopté, au niveau italien, un modèle similaire prévoyant une demande de clémence "sommaire". En 2007 et 2008, plusieurs société ont présenté séparément à la Commission et à l'AGCM des demandes de clémence. Elles alléguaient que le droit de la concurrence de l'Union avait été violé dans le secteur des services d'expédition internationaux de marchandises. C'est dans ce cadre que le Conseil d'Etat italien a demandé à la CJUE d'interpréter le droit de l'Union en ce qui concerne les relations entre les différentes procédures coexistant au sein du REC. Dans son arrêt du 20 janvier 2016, la Cour établit que les instruments adoptés dans le cadre du REC, y compris le programme modèle en matière de clémence, n'ont pas d'effet contraignant à l'égard des autorités nationales de concurrence et ce indépendamment de la nature juridictionnelle ou administrative de ces autorités. Par ailleurs, il n'existe aucun lien juridique entre la demande d'immunité présentée à la Commission et la demande sommaire présentée à une autorité nationale de concurrence pour la même entente, si bien que cette dernière n'est pas obligée d'apprécier la demande sommaire à la lumière de la demande d'immunité et n'est pas tenue de contacter la Commission pour avoir des informations sur l'objet et les résultats de la procédure de clémence mise en place au niveau européen. Enfin, la Cour constate que le droit de l'Union ne fait pas obstacle à un régime national de clémence qui permet d'accepter la demande sommaire d'immunité d'une entreprise, lorsque cette dernière a présenté, en parallèle, à la Commission une simple demande de réduction d'amende. En conséquence, le droit national peut prévoir qu'une entreprise, qui n'est pas la première à déposer une demande d'immunité auprès de la Commission et qui est donc uniquement susceptible de bénéficier, devant la Commission, d'une réduction d'amende, peut présenter une demande sommaire d'immunité (totale) aux autorités nationales de concurrence. Cette conclusion découle de l'absence du caractère contraignant des instruments adoptés dans le cadre du REC à l'égard des autorités nationales de concurrence.
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