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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
le 14 Janvier 2016
Les années faisant, l'impôt devint miné : soit que les marges de manoeuvres budgétaires furent nulles ; soit que le sujet devint politiquement et constitutionnellement un parcours du combattant que nos gouvernants n'ont plus ni la patience, ni le courage de surmonter.
La récolte 2016 n'échappe pas à cette règle de "l'immobilisme" selon laquelle le salut de l'impôt passe par sa technicité et son recouvrement. La politique fiscale est gentiment priée d'aller voir ailleurs, encouragée par des clauses de rendez-vous aux calendes grecques.
A donc été publiée au Journal officiel du 30 décembre 2015 -réminiscence d'une vieille habitude qui témoignait de l'âpre compromis parlementaire des lois précédentes- la loi de finances pour 2016, après validation quasi-intégrale du Conseil constitutionnel -là encore, il faut remonter à quelques années (2010 ?) pour que les Sages infligent au législateur autre chose que des remontrances pour cavaliers législatifs-. En effet, le Conseil n'a censuré que deux articles faisant l'objet d'une contestation (articles 30 et 77) -un minima en la matière !-.
L'article 30 élargissait le champ d'application de la taxe sur les transactions financières aux opérations intrajournalières. Le Conseil constitutionnel a constaté que, compte tenu de leurs règles d'entrée en vigueur, les dispositions de cet article n'auraient eu aucun impact sur le budget de l'année 2016. Il a donc censuré l'article 30 comme placé à tort dans la première partie de la loi de finances. L'article 77 était relatif au versement d'une fraction de la prime d'activité sous la forme d'une réduction dégressive de contribution sociale généralisée (amendement "Ayrault"). Son objectif était, pour augmenter le pouvoir d'achat des foyers les plus modestes, d'instituer une modalité particulière de décaissement de la prime d'activité et d'accroître le taux de recours à cette prime en dispensant les travailleurs qui y sont éligibles d'engager les démarches pour percevoir cette prime. Le Conseil constitutionnel a censuré cet article comme contraire au principe d'égalité au motif qu'il excluait du bénéfice de la mesure les travailleurs modestes non salariés, sans que cette différence de traitement soit en rapport avec l'objet de la loi. Voilà donc censurée la disposition la plus "engagée", la plus "politique" de ce collectif d'hiver -pas de quoi révolutionner le landernau fiscal-.
Et, la loi de finances rectificative pour 2015 a subi le même sort (enviable ?), les Sages n'ayant censuré que l'obligation de contribution à une dotation de solidarité communautaire pour certaines communes et partageant le prélèvement du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales entre la métropole du Grand Paris et les communes membres ; ainsi que les nouvelles règles de rémunération du capital des sociétés coopératives... C'est dire les enjeux de la censure !
Chemin faisant, on se contentera donc d'une baisse de l'impôt sur le revenu -du moins pour la première tranche- ; d'une baisse du seuil de déclenchement de la TVA pour les ventes à distance ; d'une baisse de la TVA sur les protections hygiéniques féminines -à force de lobbying- ; d'une limitation des effets de seuils dans les TPE et PME ; d'une généralisation progressive de la déclaration en ligne ; de la prolongation du crédit d'impôt pour la transition énergétique ; d'une simplification et d'un élargissement du prêt à taux zéro ; et d'une prorogation et d'une adaptation de l'éco-prêt à taux zéro.
Et la loi de finances rectificative pour 2015 n'est pas en reste (!) avec une hausse du prix du gazole et une baisse de la fiscalité sur le super sans plomb (sic) ; la mise en oeuvre d'un standard international pour les échanges automatiques d'informations fiscales -grand enjeu des dix dernières années- ; la prolongation jusqu'en 2020 des exonérations fiscales pour les entreprises créées dans les zones de revitalisation urbaines ; la création d'un comité consultatif pour le crédit d'impôt recherche et le crédit d'impôt d'innovation, instance de conciliation en cas de désaccord pendant un contrôle fiscal ; et le report (énième) à 2017 de la prise en compte de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels -année électorale oblige ?-.
A titre d'exemple, il y a dix ans était voté le "bouclier fiscal", la réforme du barème de l'impôt sur le revenu, la réforme de la taxe professionnelle, l'aménagement du régime des réductions de droits applicable aux donations, le renforcement du crédit d'impôt recherche, ou encore les mesures en faveur du capital-risque, l'aménagement du régime fiscal des plus-values réalisées par les actionnaires, l'exonération d'impôt sur le revenu en faveur des salariés expatriés... Des dispositions techniques d'ajustement et d'aménagement certes, mais des dispositions marquant un réel engagement politique et fiscal également.
Au crédit de la timidité fiscale ambiante, l'on pourrait se féliciter d'une stabilisation des régimes et de la structure d'imposition ; renforçant de ce fait la sécurité juridique tant éprouvée les années passées. Mais, "l'urgence économique et sociale" ne commande-t-elle pas d'autres ambitions ? La simplification de l'imposition française doit-elle demeurer une arlésienne ? Il est certain que la révolution que constitue le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu occupera l'administration comme les entreprises dans les mois et années à venir, mais pour quel réel bénéfice budgétaire, hormis celui d'une "année blanche" que notre déficit public peut difficilement se permettre ?
En ce temps-là, nous maugréions Bercy, groupés autour du poêle, en attendant l'hiver... fiscal.
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