Il appartient aux Etats de protéger les intérêts des enfants dans le cadre d'une transaction immobilière. Telle est l'exigence rappelée aux Etats par la CEDH dans un arrêt du 7 mai 2015 (CEDH, 7 mai 2015, Req. n° 13712/11,
disponible en anglais). En l'espèce, deux soeurs ressortissantes croates, S. et J., sont nées respectivement en 1987 et 1992. Elles étaient propriétaires d'une villa en bord de mer. Leur mère, Mme V., et son mari, M. Z., souhaitèrent vendre la villa. S. et J. étant mineures, ils sollicitèrent l'autorisation des services sociaux. Toutefois, avant que la vente n'ait lieu, M. Z. fut condamné à six ans d'emprisonnement. Après l'incarcération de M. Z., l'avocat de celui-ci sollicita le consentement des services sociaux pour échanger la villa contre un appartement appartenant à sa belle-mère, Mme D.. Les services sociaux autorisèrent l'échange. En 2004, M. Z., en tant que tuteur légal des deux soeurs, engagea une action contre Mme D., demandant l'annulation de l'accord d'échange. Le tribunal le débouta au motif qu'il s'agissait d'une décision administrative contestable par la seule voie d'une procédure administrative. Les recours ultérieurs, par MM. Z. et S., n'aboutirent pas non plus. Les requérantes saisirent la CEDH, le 7 janvier 2011, et invoquèrent la violation de l'article 1 (protection de la propriété) du Protocole n° 1 (
N° Lexbase : L1625AZ9). La Cour relève de nombreuses lacunes dans l'appréciation par les services sociaux de l'échange de biens. D'abord, elle relève qu'ils n'ont pas apprécié l'état ou la valeur réels des propriétés, ni examiné avec diligence les possibles conséquences négatives que pouvait avoir l'échange sur les enfants. Ils n'ont, en outre, ni interrogés, ni informés les pères des deux filles du projet d'accord. Les services sociaux n'ont pas davantage contesté les incohérences apparentes dans l'accord concernant l'étendue et les valeurs respectives des biens concernés. La Cour relève, également, l'opacité qui entoure les circonstances dans lesquelles les parents des deux requérantes ont autorisé l'avocat à agir en leur nom. La Cour juge que les autorités croates ont failli à prendre les mesures nécessaires pour préserver les intérêts patrimoniaux des enfants dans le cadre de l'accord d'échange de biens immobiliers ou pour leur donner une possibilité raisonnable de contester effectivement cet accord. Quant à la procédure civile, la Cour estime que les juridictions civiles n'ont pas examiné les raisons qui entravaient toute contestation de la décision des services sociaux, à savoir la toxicomanie et les difficultés financières de Mme V., l'emprisonnement de M. Z. et le conflit d'intérêts de l'avocat. La Cour conclut à la violation de la CESDH.
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