Lexbase Affaires n°417 du 26 mars 2015 : Surendettement

[Chronique] Chronique d'actualité en droit du surendettement - Mars 2015

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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires

le 27 Mars 2015

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose cette semaine de retrouver une chronique d'actualité jurisprudentielle en droit du surendettement. Cette chronique revient, tout d'abord, sur un arrêt rendu le 17 février 2015 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, publié au Bulletin qui exclut des procédures de surendettement des particuliers le propriétaire d'un fonds de commerce donné en location-gérance, resté inscrit au registre du commerce et des sociétés (Cass. com., 17 février 2015, n° 13-27.508, F-P+B). Sont ensuite commentés deux arrêts de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 19 février 2015, également publiés au Bulletin, aux termes desquels le seul fait d'être propriétaire de sa résidence principale dont la valeur estimée, à la date du dépôt du dossier de surendettement, est égale ou supérieure au montant de l'ensemble des dettes non professionnelles exigibles et à échoir, ne peut être tenu comme empêchant que la situation de surendettement soit caractérisée (Cass. civ. 2, 19 février 2015, deux arrêts, n° 13-28.236, F-P+B et n° 14-10.268, F-P+B).
  • Exclusion du propriétaire d'un fonds de commerce donné en location-gérance, resté inscrit au RCS, des procédures de surendettement des particuliers (Cass. com., 17 février 2015, n° 13-27.508, F-P+B N° Lexbase : A0009NCC ; cf. l’Ouvrage "Droit bancaire" [LXB=E2736E44])

Solution

Est présumé avoir la qualité de commerçant et ne peut donc faire l'objet d'une procédure de surendettement le débiteur inscrit au registre du commerce et des sociétés qui est demeuré inscrit après avoir donné son fonds en location-gérance.

Faits

En l'espèce une débitrice a formé un recours contre la décision ayant déclaré irrecevable sa demande de traitement de sa situation de surendettement. Le juge de l'exécution ayant confirmé cette décision, la débitrice a formé un pourvoi en cassation au soutien duquel elle faisait valoir que le commerçant qui donne son fonds en location-gérance cesse d'être commerçant. Ainsi, en déduisant la qualité de commerçant de la débitrice de ce qu'elle a donné son fonds en location-gérance et de ce qu'elle est en conséquence demeurée inscrite au registre du commerce et des sociétés, le tribunal aurait statué par des motifs impropres à établir qu'elle effectuait des actes de commerce, et aurait, dès lors, privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L5549AID).

La Cour de cassation approuve la solution des juges du fond. Elle énonce que le décret n° 86-465 du 25 mars 1986 (N° Lexbase : L8054AI7) a supprimé l'obligation faite à celui qui donne son fonds en location-gérance de s'immatriculer au registre du commerce et des sociétés. Ainsi, ayant relevé que la propriétaire du fonds donné en location-gérance était inscrite au registre du commerce et des sociétés depuis le 11 juin 2001 pour une activité de terrassements et location d'engins de travaux publics et qu'elle était demeurée inscrite après avoir donné son fonds en location-gérance le 1er juillet 2002, de sorte qu'elle était présumée avoir la qualité de commerçant, le juge de l'exécution a légalement justifié sa décision.

Observations

On le sait, ne sont éligibles aux procédures de surendettement des particuliers que les débiteurs personnes physiques de bonne foi et en sont expressément exclus ceux qui relèvent des procédures collectives du livre VI du Code de commerce (C. consom., art. L. 333-3 N° Lexbase : L6601IMG). La détermination des personnes pouvant faire l'objet d'une procédure collective a subi une évolution notable avec l'ordonnance de réforme du 18 décembre 2008 (ordonnance n° 2008-1345 N° Lexbase : L2777ICT) : là où les anciens textes visaient les "commerçants" et les personnes inscrites au répertoire des métiers, les nouveaux textes visent désormais les "personnes exerçant une activité commerciale" et les "personnes exerçant une activité artisanale". On ne reviendra pas sur le débat qu'anime encore cette modification terminologique.
Il semble, à la lecture des moyens annexes, que le droit applicable à l'espèce est celui antérieur à cette ordonnance puisque, parmi les textes cités par le juge de l'exécution se trouve l'article L. 631-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L8853IN9), selon lequel le redressement judiciaire est applicable à "tout commerçant, à toute personne immatriculée au répertoire des métiers, à tout agriculteur et à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale".

Dans l'arrêt rapporté, la Cour de cassation approuve les juges du fond d'avoir déduit de l'inscription du loueur du fonds de commerce au RCS, la présomption de sa qualité de commerçant. Rappelons comme l'ont fait à juste titre les juges que depuis le décret du 25 mars 1986, le loueur n'est plus tenu d'être immatriculé au RCS ou au répertoire des métiers. Le texte a abrogé l'article 2 de la loi n° 56-277 du 20 mars 1956 qui imposait cette immatriculation et prévu que les personnes immatriculées en cette qualité pouvaient immédiatement demander leur radiation ou la modification de leur immatriculation.

On rappellera que l'inscription au RCS entraîne une présomption de la qualité de commerçant (C. com., art. L. 123-7 N° Lexbase : L5565AIX). Si cet effet présomptif de commercialité est simple à l'égard des tiers, il est, en principe, irréfragable, selon la Cour de cassation, pour celui qui est inscrit au registre (1).

En matière de location-gérance, la loi n'attribue pas la qualité de commerçant au loueur. Et, même s'il devait, à l'origine, être inscrit au registre du commerce, cette inscription ne lui a jamais conféré la qualité de commerçant. La Chambre sociale la Cour de cassation avait ainsi refusé l'inscription d'un loueur de fonds de commerce, inscrit au RCS, aux élections des membres des chambres de commerce et d'industrie estimant qu'il n'était pas, pour autant, commerçant (2). Plus récemment et plus proche de l'affaire qui nous occupe, la Chambre commerciale a, en 1996, censuré une cour d'appel qui avait confirmé l'ouverture d'un redressement judiciaire, à l'égard du loueur d'un fonds de commerce qui contestait sa qualité de commerçant, retenant notamment que l'examen du registre du commerce révélait que l'intéressé était immatriculé au RCS, ce qui emportait présomption de la qualité de commerçant. La Haute juridiction énonce très clairement au contraire qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le loueur du fond n'était pas demeuré inscrit au registre du commerce en la seule qualité de loueur du fonds de commerce et si, dès lors, l'inscription ainsi opérée n'excluait pas le jeu de la présomption précitée (3). Enfin, en 2005, la Chambre commerciale, après avoir rappelé que le débiteur avait cessé son activité commerciale et que sa non-radiation du RCS ne résultait que d'un dysfonctionnement du greffe, elle a en déduit que le loueur du fonds de commerce n'était pas commerçant et ne pouvait donc pas faire l'objet d'un redressement judiciaire (4). Il ne pourra faire l'objet d'une procédure collective que si par des actes positifs il s'est immiscé de manière habituelle dans la gestion du fonds (5).

A contrario, si le loueur du fonds n'est pas commerçant et n'est donc pas éligible aux procédures collectives du livre VI du Code de commerce, il n'entre plus dans les exclusions de l'article L. 333-3 du Code de la consommation et peut donc faire l'objet d'une procédure de surendettement, étant précise que, conformément à l'article L. 330-1 ne pourrait être prise en compte que les dettes non-professionnelles

Dans l'arrêt rapporté, la Chambre commerciale juge le contraire et ne reprend donc pas sa jurisprudence antérieure : l'inscription au RCS du loueur resté immatriculé emporte présomption de commercialité laquelle entraîne l'exclusion du bénéfice des procédures de surendettement. Il devrait donc a contrario être éligible au droit des procédures collective.

  • Caractérisation de la situation de surendettement des propriétaires de leur résidence principale : application des modifications introduites par la loi du 26 juillet 2013 aux procédures en cours (Cass. civ. 2, 19 février 2015, deux arrêts, n° 13-28.236, F-P+B N° Lexbase : A0062NCB et n° 14-10.268, F-P+B N° Lexbase : A0058NC7; cf. l’Ouvrage "Droit bancaire" [LXB=E2737E47])

Solution

Selon l'article L. 330-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6173IXW), dans sa rédaction issue de l'article 69 de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 (N° Lexbase : L9336IX3), le seul fait d'être propriétaire de sa résidence principale et que la valeur estimée de celle-ci à la date du dépôt du dossier de surendettement soit égal ou supérieure au montant de l'ensemble des dettes non professionnelles exigibles et à échoir ne peut être tenu comme empêchant que la situation de surendettement soit caractérisée. Cette disposition est applicable aux procédures de surendettement en cours devant la Cour de cassation.

Faits

Dans les deux espèces, des jugements d'instance, du 23 octobre 2013 et du 8 novembre 2013, ont déclaré les débiteurs irrecevables en leur demande de traitement de leur situation financière. Après avoir analysé leur endettement, leurs charges et leurs revenus, les juges d'instance ont retenu que l'aliénation de leur résidence principale leur permettrait d'apurer l'ensemble de leurs dettes et de faire face aux frais de relogement et aux charges courantes, ce dont il résultait qu'ils n'étaient pas en situation de surendettement. Enonçant le principe précité, la deuxième chambre civile censure les juges du fond au visa de l'article L. 330-1, dans sa rédaction issue de l'article 69 de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 : ces décisions, non conformes aux dispositions de la loi susvisée, applicables aux procédures de surendettement en cours devant la Cour de cassation, doivent en conséquence être annulées.

Observations

Afin d'apprécier la situation de surendettement du débiteur, les commissions et les juges doivent déterminer si le débiteur peut ou non faire face à l'ensemble de ses dettes non-professionnelles échues ou à échoir. Ils prendront donc en compte les revenus et le patrimoine du débiteur pour le comparer à ses dettes. La question de la prise en compte de la valeur vénale du logement, lorsque le débiteur en est propriétaire, a subi une importante évolution. La loi du 1er juillet 2010 dite "Lagarde" (loi n° 2010-737, portant réforme du crédit à la consommation N° Lexbase : L6505IMU) a, en effet, permis une première avancée, en inscrivant dans le Code de la consommation, à l'article L. 330-1, un principe déjà admis par la jurisprudence de la Cour de cassation, à savoir que le seul fait d'être propriétaire ne pouvait constituer un motif d'irrecevabilité au bénéfice de la procédure de surendettement.

Mais, il était alors acquis qu'afin d'apprécier la situation de surendettement du débiteur, le juge doit prendre en compte l'ensemble des ressources du débiteur, y compris l'actif immobilier immobilisé tel que le logement principal du débiteur (6). Les juges devaient alors rechercher si, compte tenu de la valeur vénale de son bien immobilier, fût-il son logement, l'intéressée, après avoir aliéné ce bien, serait toujours surendettée (7). Ceci étant, la Cour de cassation imposait de prendre en compte la nécessité de se reloger, pour évaluer i la vente de leur habitation principale diminuée du coût du relogement permettait d'apurer l'ensemble des dettes (8). Ainsi, il appartenait aux débiteurs qui sollicitaient le bénéfice d'une procédure de surendettement de fournir tous éléments sur la valeur de leur actif immobilier permettant de rechercher si la valeur des immeubles n'était pas telle qu'en les aliénant, et compte tenu de la nécessité de se reloger, les débiteurs pourraient faire face à leurs dettes (9).

La loi du 26 juillet 2013 (loi n° 2013-672, de séparation et de régulation des activités bancaires) a souhaité, notamment, améliorer l'articulation de la procédure de surendettement avec le droit du logement, de manière à mieux garantir le maintien du débiteur surendetté dans son logement, qu'il soit propriétaire, accédant à la propriété ou locataire. Cette loi est donc venue préciser à l'article L. 330-1 du Code de la consommation, que le dossier de surendettement peut être déclaré recevable même lorsque la valeur estimée de leur bien est supérieure au total de leurs dettes. La dernière phrase du premier alinéa de cet article dispose donc désormais que "le seul fait d'être propriétaire de sa résidence principale et que la valeur estimée de celle-ci à la date du dépôt du dossier de surendettement soit égale ou supérieure au montant de l'ensemble des dettes non professionnelles exigibles et à échoir ne peut être tenu comme empêchant que la situation de surendettement soit caractérisée".

Ces éléments ont d'ailleurs été rappelés dans une circulaire du 12 mars 2014 qui précise que la possibilité de résoudre la situation de surendettement par la vente de la résidence principale ne doit pas constituer un obstacle à la recevabilité du dossier, si des mesures de traitement appropriées (rééchelonnement des dettes) sont envisageables et permettent d'éviter la cession. De même, si la procédure de surendettement permet de procéder à la vente dans des conditions plus favorables, tant pour le débiteur que pour ses créanciers, que celles d'une cession précipitée, la présence d'un bien immobilier dont la valeur estimée excède le montant de l'endettement ne suffit pas à exclure le débiteur du bénéfice de la procédure de surendettement. Il appartiendra à la commission, sous le contrôle du juge, d'apprécier, une fois la recevabilité déclarée, si la solution la plus adaptée est un rééchelonnement du passif ou la vente du bien immobilier.

C'est donc de cette nouvelle disposition que fait application dans les deux arrêts rapportés. Elle censure ainsi les jugements déférés qui dans les deux cas avaient estimé que les débiteurs n'étaient pas en état de surendettement dès lors que l'aliénation de leur résidence principale leur permettrait d'apurer l'ensemble de leurs dettes et de faire face aux frais de relogement et aux charges courantes. La censure de la Cour de cassation, par l'application, dans ces deux affaires, de cette nouvelle règle s'explique par le fait qu'est entrée en vigueur le 1er janvier 2014 et qu'elle s'appliquent aux "procédures de traitement des situations de surendettement en cours à cette date" (articles 68 et 69 de la loi).


(1) Cass. com., 6 janvier 1987, n° 85-16.524 (N° Lexbase : A6634AAX), Rev. sociétés, 1987, 411, obs. Y. Chaput.
(2) Cass. soc., 30 novembre 1982, n° 82-60.456 (N° Lexbase : A6013CKW).
(3) Cass. com., 20 février 1996, n° 93-20.866 (N° Lexbase : A9473ABH).
(4) Cass. com., 15 novembre 2005, n° 03-14.434, F-D (N° Lexbase : A5461DLT).
(5) Cass. com, 23 mai 1989, n° 88-12.307 (N° Lexbase : A1110CZ7).
(6) Cass. civ. 1, 31 mars 1992, n° 91-04.043 (N° Lexbase : A3574ACD).
(7) Cass. civ. 1, 1er décembre 1998, n° 97-04.054 (N° Lexbase : A8653AHX) ; Cass. civ. 2, 27 mais 2004, n° 03-04.066, F-P+B (N° Lexbase : A5213DC3).
(8) Cass. civ. 2, 27 juin 2013, n° 12-20.533, F-D (N° Lexbase : A2996KIS).
(9) Cass. civ. 2, 10 mars 2005, n° 03-04.196, F-P+B (N° Lexbase : A2537DHG).

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