Réf. : CE Contentieux, 4 juillet 2014, n° 361316, Publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3121MU7)
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par Gilles-Robert Lopez, Ancien Bâtonnier, Président de la CARPA Rhône-Alpes et Gilles Vidal, Avocat au barreau de Lyon, Droit fiscal - IACF
le 04 Septembre 2014
A - L'état du droit positif antérieur à 1981
Comme chacun le sait, il n'a pas fallu attendre 2014 et l'arrêt de l'Assemblée plénière du Conseil d'Etat pour avoir une idée précise de la fiscalité applicable aux activités lucratives des OSBL, lorsque de telles activités sont exercées à la fois dans un but désintéressé et dans le cadre d'une activité indissociable des autres moyens mis en oeuvre par l'OSBL pour remplir son objet de caractère non-lucratif.
En effet, la doctrine administrative s'y est employée d'abord dans une instruction du 27 mai 1977 (Droit fiscal, 1977, n° 25, I, D. 5417), qui indiquait que peuvent échapper à l'impôt sur les sociétés, à taux plein, mais aussi à taux réduit de l'article 206-5 du CGI (N° Lexbase : L0111IKC), les OSBL qui, bien que ne poursuivant pas un but lucratif, effectuent des opérations lucratives lorsque cette activité est exercée de façon tout à fait désintéressée.
Cette analyse a été confirmée dans son principe en 1981, par voie de réponse ministérielle, au sujet d'un OSBL, qui gérait un centre d'aide par le travail, et utilisait une ferme prise en location pour rééduquer professionnellement des travailleurs handicapés dont elle avait la charge.
Le ministre (7) a, en effet, admis, d'une part, que l'exploitation directe d'un domaine agricole pouvait concourir directement à la réalisation même de l'objet désintéressé en vue desquels de tels organismes ont été constitués et être, de ce fait, indissociable des autres moyens qu'ils mettent en oeuvre pour remplir leur objet propre, et, considéré, d'autre part, que de tels centres pouvaient échapper à l'imposition à taux réduit, sous réserve que la situation de fait confirme cette analyse que l'exploitation agricole ne soit pas regardée comme distincte et que ses résultats ne soient pas considérés comme des produits de placement pour l'application de l'article 206-5 du CGI.
Cette doctrine administrative est conforme à la décision du Conseil d'Etat du 22 octobre 1980 (8) concernant précisément un OSBL gérant un centre d'aide par le travail.
La Haute juridiction a considéré, en effet, que l'exploitation agricole était indissociable des autres moyens mis en oeuvre par l'association pour remplir son objet de caractère non lucratif et que l'association ne pouvait être imposée à raison des résultats de cette exploitation agricole.
Les termes de cette solution plus que trentenaire, pour ne pas dire historique, valent d'être cités.
"Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'association requérante est un organisme à but non lucratif qui gère un centre d'aide par le travail ; qu'elle utilise la ferme qu'elle loue à N.... pour assurer la rééducation professionnelle de travailleurs handicapés dont elle a la charge ; que le prix de journée qu'elle reçoit du service de l'aide sociale tient compte des produits de cette ferme ; que, dans ces conditions, l'exploitation agricole, concourant directement à l'exécution même de l'activité à but non lucratif de l'association, est indissociable des autres moyens que l'association requérante met en oeuvre pour remplir son objet propre, de caractère non lucratif, et ne peut pas être regardée comme une exploitation agricole distincte, dont les résultats doivent être assujettis à l'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions précitées de l'article 206-5 ; que, par suite, l'association requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de ... a rejeté celles des conclusions de sa demande en décharge des impositions à l'impôt sur les sociétés établies au titre des années 1971 et 1972 [...]".
A l'époque, la portée de l'arrêt n'avait pas échappé au chroniqueur de la RJF qui la commentait dans les termes suivants.
"Dans l'espèce ci-dessus [...] l'exploitation agricole n'avait pas pour objet de fournir à l'association des revenus qu'elle aurait utilisés aux fins qui sont les siennes, mais de procurer aux personnes handicapées accueillies par l'association à l'occasion de participer à des travaux agricoles et d'acquérir ainsi la formation professionnelle, objet même poursuivi par l'association".
Assurément, le Conseil d'Etat n'a pas posé un critère conjoncturel, mais, au contraire, un critère organique.
Le critère organique de la réalisation de l'objet même de l'OSBL, au-delà de son mode de financement.
La doctrine administrative et la jurisprudence du Conseil d'Etat ne semblaient pas diverger et l'arrêt poser une véritable clef de voûte du système de la fiscalité des OSBL.
Reste à expliquer comment la jurisprudence postérieure et même la doctrine (9) sont venues perturber un dispositif qui paraissait solidement établi.
B - La jurisprudence postérieure à 1981 : de l'arrêt "Association Saint Anne" (10) à la décision de la cour administrative d'appel de Lyon du 24 mai 2012 (11) en passant par la jurisprudence relative aux Comités interprofessionnels du logement, dits CIL
L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 24 mai 2012 a donné l'occasion à ceux qui s'y sont intéressés (12) de faire le point sur l'état de la jurisprudence du Conseil d'Etat.
Il n'est pas question ici de paraphraser les commentateurs, mais seulement de faire le rappel des solutions qui ont retenu leur attention, en procédant à un classement thématique.
1 - L'arrêt "Association Saint Anne" du 24 février 1986 : l'IS à taux réduit et les revenus fonciers
Cet arrêt revêt une importance particulière, moins par les solutions classiques qu'il contient, eu égard à la jurisprudence et à la doctrine administrative précitées, que par les qualités de clarté et de pédagogie des conclusions du Président Fouquet, alors Commissaire du Gouvernement.
"1° La location d'immeubles par une association dont l'objet est social et l'activité sans but lucratif, à d'autres associations dont l'objet, également social, et l'activité sans but lucratif complètent les siens, s'intègre à son activité désintéressée dès lors qu'en consentant des loyers d'un montant très inférieur à la valeur locative des immeubles, l'association bailleresse entend permettre aux associations locataires de poursuivre leur activité désintéressée. L'association n'est pas imposable à raison des loyers ainsi perçus.
2° La location par l'association d'un immeuble, moyennant un loyer normal, à une autre association, ne s'intègre pas, en revanche, à son activité désintéressée, alors même qu'elle a consenti un abandon partiel du loyer, dès lors que cet abandon n'était pas nécessaire pour permettre à l'association locataire de poursuivre son activité. L'association est imposable à l'impôt sur les sociétés au taux de 24 % sur le loyer stipulé même s'il n'a été que partiellement perçu".
"Votre jurisprudence distingue trois cas correspondant aux trois secteurs possibles d'activités d'un organisme à but non lucratif :
1. Le premier secteur comprend les activités lucratives exercées par l'organisme parallèlement à ses activités désintéressées. Leur produit est imposable à l'impôt sur les sociétés au taux de droit commun, en application de l'article 206-1 du CGI qui vise "toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou des opérations de caractère lucratif" (CE 26 juillet 1982, n° 22206 (13), RJF 10/82 p. 450 ; CE 14 décembre 1984, n° 41139 N° Lexbase : A7832ALN, RJF, 2/85 p. 119).
2. Le deuxième secteur comporte les activités patrimoniales qui, sans constituer le moyen de réaliser l'objet désintéressé de l'organisme, lui procurent des ressources. Ces ressources lorsqu'elles proviennent de la location d'immeubles, de l'exploitation de propriétés agricoles ou forestières et de revenus de capitaux mobiliers, sont passibles de l'impôt sur les sociétés au taux de 24 %, en application des articles 206-5 et 219 bis du CGI.
3. Le troisième secteur correspond aux activités qui concourent à l'exécution de l'objet non lucratif de l'organisme, et leur produit n'est pas imposable. Vous avez ainsi jugé que n'était pas imposable le bénéfice agricole produit par une exploitation appartenant à une association qui l'utilisait pour procurer aux personnes handicapées qu'elle accueillait, l'occasion de participer à des travaux agricoles et d'acquérir ainsi la formation professionnelle, que l'association avait pour objet de dispenser : CE 22 octobre 1980, n° 4906 (14), RJF 12/80 p. 515.1.22".
2 - La jurisprudence concernant les CIL : les produits financiers sont exonérés de l'impôt sur les sociétés à taux réduit -ISTR dans la suite du texte- ou non selon qu'ils résultent d'un emploi de fonds fidèle à leur affectation ou non
Dans un souci de clarté et seulement pour les besoins des développements qui suivent ont distinguera entre les CIL selon que les CIL fonctionnement dans le strict respect des conditions pour lesquels ils ont été constitués ou non : ceux qui fonctionnent dans le strict respect de celles-ci seront dit "CIL purs".
a) Lorsque le CIL est "pur" il est exonéré de l'ISTR sur les produits financiers générés par les prêts liés à la construction de logement
Le Conseil d'Etat a en effet jugé en 1988 (15) (16) que, si un CIL fonctionne conformément à la réglementation en vigueur, il n'est pas imposable à l'impôt sur les sociétés à raison des intérêts des prêts qu'il a accordés ou de ses excédents de gestion.
De même, il été jugé en 1990 (17) que les intérêts des avances consenties par un comité de coordination des organismes d'aide au logement à divers comité interprofessionnels du logement ou a des organismes de construction, dans la mesure où les avances consenties s'inscrivent dans le cadre de l'activité même de l'OSBL.
Les produits financiers correspondants sont la conséquence spontanée, naturelle et directe de l'activité de l'OSBL. Ils bénéficient pleinement de l'exonération.
b) Le CIL est imposable à l'ISTR sur les produits financiers générés par les prêts qui ne sont pas liés à la construction de logement, mais simplement placés dans l'attente de leur emploi dans la destination prévue
Le Conseil d'Etat a été amené à jugé que, si un CIL ne fonctionne pas conformément à la réglementation en vigueur, pour ne pas avoir accordé des prêts dans les conditions prévues par celle-ci, il est imposable à l'Impôt sur les sociétés.
Il en a été ainsi en 1993 (18) pour les produits des sommes en attente d'emploi qui ont fait l'objet de placement dans un établissement financier.
A ce stade, il apparaît très clairement que :
- la frontière entre revenus imposables et revenus non imposables ne tient pas à la nature de l'activité ;
- la frontière tient à l'existence du lien entre les revenus et la mission principale de l'OSBL, telle qu'elle fixée par la loi ou ses statuts, et plus encore à la force de ce lien ;
- le critère organique dégagé plus haut est la clef du dispositif d'exonération de l'ISTR.
Ce constat est corroboré par l'analyse des décisions relative à des OSBL autres que les CIL.
c) Les OSBL qui se sont pris à tort pour des "CIL purs" ne sont pas exonérés de l'ISTR
Cette rubrique fournit les plus nombreux exemples. On retiendra les trois suivants en raison de la diversité des statuts juridiques et des buts poursuivis par les OSBL concernés.
Le Conseil d'Etat a considéré, en 1989 (19), à propos de ce groupement, que la circonstance que pour remplir sa mission non lucrative il était tenu de constituer des réserves financières ne permettait pas de regarder les produits financiers, qu'il tirait du placement de ces réserves, comme indissociables du but lucratif poursuivi.
La cour administrative d'appel de Paris a jugé 1990 (20) que les revenus constitués par le placement des subventions reçues d'avance doivent être considérés comme des produit de placements de sommes en attente d'emploi, que de tels produits ne sont pas indissociables du but désintéressé poursuivi par l'office franco-québécois pour la jeunesse et que par suite, ces revenus sont imposables à l'IS au taux réduit (CGI, art. 206-5).
Le Conseil d'Etat a refusé en 1993 (21) le pourvoi dirigé contre l'arrêt du 25 septembre 1991 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a jugé qu'une association à but non lucratif était imposable à l'impôt sur les sociétés au taux de 24 %, en application de l'article 206-5 du CGI, sur les produits retirés du placement des subventions d'équipement reçues et en attente d'emploi, dès lors que ces recettes lui avaient été procurées par une activité dissociable du but non lucratif qu'elle poursuivait par ailleurs.
A ce stade, on peut conclure avec le Professeur Martial Chadefaux (22) à la cohérence de la jurisprudence du Conseil d'Etat.
Cette affirmation se trouve corroborée par l'examen des deux décisions évoquées ci-après : elles sont sensiblement postérieures à celles examinées ci-dessus et donnent un éclairage particulier sur la notion d'indissociabilité des produits financiers des OSBL.
3 - Les deux exceptions appelées au soutien de l'exonération de l'ISTR au nom de l'universalité du caractère indissociable
a) L'exception relative aux Chambres de commerce et d'industrie
Il a été jugé en 2009 (23) qu'une chambre de commerce et d'industrie qui exerçait, comme le lui permettait la loi, une mission de collecte de la participation des employeurs à l'effort de construction, a constitué en 1953, dans le cadre de cette activité, une société anonyme immobilière, qui avait pour objet la construction et la location de logements à des étudiants et a alors acquis des actions de cette société. Après avoir décidé en 1980 de ne plus assurer la gestion de la collecte de cette participation qu'elle a confiée à un comité interprofessionnel du logement en transférant à cet organisme le montant de l'actif net des participations antérieurement collectées mais sans apporter ces actions qu'elle a conservées dans son patrimoine, elle a, après avoir ultérieurement accru sa participation par le rachat d'actions auprès de petits porteurs, cédé en 1990 sa participation majoritaire dans le capital de la société.
Dans ce contexte, la détention des actions de la société entre 1953 et 1980 était indissociable de l'activité de collecte de la participation des employeurs à l'effort de construction et relevait donc d'une gestion désintéressée de la chambre de commerce et d'industrie. En revanche, à partir de 1980, les actions de la société constituaient un élément d'actif susceptible de générer des profits imposables pour leur détenteur.
Cette décision doit être rapprochée de celle de 20 avril 1988, citée ci-dessus concernant l'organisation d'un Comité du logement par une Chambre de commerce, qui a jugé que les produits financiers réalisés ne constituaient pas des revenus imposables à l'impôt sur les sociétés à taux réduit.
Dans ce sens, la décision de 2009 constitue une référence très efficiente en tant qu'elle fait une application stricte et différenciée du critère organique dégagé plus haut.
b - L'exception relative au régime fiscal des produits financiers des entreprises nouvelles du secteur de la grande distribution
S'agissant de l'application de l'article 44 sexies du CGI (N° Lexbase : L1678IZ8), relatif aux entreprises nouvelles (24), il a été considéré en 1998 (25) que les bénéfices provenant pour partie d'activités financières peuvent relever du régime d'exonération dans la mesure où le montant de ces produits financiers n'excède pas les besoins de la gestion de la trésorerie nécessaire à l'exercice de l'activité exonérée.
Dans sa note précitée à la revue Droit fiscal de mars 2013, le Professeur Martial Chadefaux (26) a fait observer que "la jurisprudence rendue en la matière, considère que la réalisation de placements financiers n'est pas de nature à empêcher l'application du régime d'exonération dans la mesure où elle constitue le complément indissociable de l'activité principale éligible".
Il continuait ainsi :
"Dès lors, pourquoi ne pas s'interroger sur une transposition éventuelle de la théorie du complément indissociable aux revenus de placements retirés des excédents de trésorerie de OSBL s'il peut être établi que le placement financier est le complément indissociable de l'activité désintéressé de l'association ?".
Cette exception ne nous paraît pas efficiente en tant qu'elle se rapporte à une entité autre qu'un OSBL, d'une part, et que, d'autre part, elle ne fait pas application du critère organique dégagé plus haut ; elle paraît plutôt se rattacher à un critère strictement conjoncturel, fondé sur les besoins de la gestion de la trésorerie nécessaire à l'exercice de l'activité exonérée.
Au terme de cette revue du droit applicable aux revenus du patrimoine des OSBL on comprend parfaitement le sens de la décision de non-imposition résultant de l'arrêt commenté, tel que rappelé ci-dessus en tête des développements.
Tout naturellement, cela conduit à revenir aux CARPA et à rappeler à la fois quel est leur régime juridique et fiscal, de sa genèse aux péripéties de leur existence, et comment le critère organique, dégagé ci-dessus, a été mis en oeuvre dans le dossier de la CARPA Lyon-Ardèche.
II - L'arrêt "CARPA Rhône-Ardèche" est un grand pas pour le régime fiscal des CARPA
A - Rappel du régime des CARPA
1 - Régime juridique
a) Genèse et évolution législative et règlementaire des CARPA
L'histoire de la création des CARPA a été faite par le Bâtonnier Claude Lussan et reprise sur le site de l'UNCA sous le titre "La Carpa - Une oeuvre collective du Barreau" (27).
Les premières CARPA ont été créées en 1956.
Aux termes de l'article 237 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié organisant la profession d'avocat (N° Lexbase : L8168AID), la forme juridique qui a été retenue par le législateur est celle de l'association sans but lucratif de la loi de 1901.
Aux termes du même article, les CARPA sont placées sous la responsabilité du ou des barreaux qui les ont instituées.
Ce sont néanmoins des organismes juridiquement distincts de barreaux, dotés d'une personnalité morale distincte.
Les CARPA ne sont pas des banques, ni des établissements financiers (28).
Les CARPA sont investies de missions légales, touchant au fonctionnement du service de la Justice, en application des dispositions légales et règlementaires qui les ont instaurées et qui en ont réglé les modalités de constitution et de fonctionnement.
Ces missions sont les suivantes.
1. Mission de dépositaire des fonds, effets ou valeurs reçus par les avocats pour le compte de leurs clients
Les fonds concernés sont notamment, mais non exclusivement ceux par les avocats dans le cadre des affaires dont ils ont la charge, tels que le produit de la cession d'un fonds de commerce ou de parts sociales, les dommages et intérêts alloués à une partie par décision de justice ou encore le montant d'un accord transactionnel.
Aux termes du 9° de l'article 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (N° Lexbase : L6343AGZ), les avocats sont tenus à l'obligation de déposer ces fonds "dans une caisse créée obligatoirement à cette fin par chaque barreau ou en commun par plusieurs barreaux", c'est-à-dire la CARPA.
Aux termes de l'article 235-2 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié, les avocats ne peuvent procéder aux règlements pécuniaires concernés que par l'intermédiaire de la CARPA.
A ce titre, ledit décret précise l'étendue des obligations des avocats et la mission des CARPA.
- Article 235-2 : "Les avocats ne peuvent procéder aux règlements pécuniaires mentionnés au 9° de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 [...] que par l'intermédiaire de la caisse prévue au même article. Il [leur] est interdit [...] de recevoir une procuration ayant pour objet de leur permettre de disposer de fonds déposés sur un compte ouvert au nom de leur client ou d'un tiers, autre que l'un des sous-comptes mentionnés à l'article 240-1".
- Article 240 : "Les fonds, effets ou valeurs mentionnés à l'article 53-9° de la loi du 31 décembre 1971 précitée, reçus par les avocats, sont déposés à un compte ouvert au nom de la caisse des règlements pécuniaires des avocats dans les écritures d'une banque ou de la caisse des dépôts et consignations".
- Article 240-1 : "les écritures afférentes à l'activité de chaque avocat sont retracées dans un compte individuel ouvert à son nom ;
Chaque compte individuel est lui-même divisé en autant de sous-comptes qu'il y a d'affaires traitées par l'avocat ;
Tout mouvement de fonds entre sous-compte est interdit....
Aucun sous-compte ne doit présenter de solde débiteur".
- Article 241 : "Aucun retrait de fonds du compte mentionné à l'article 240-1 ne peut intervenir sans un contrôle préalable de la caisse [...] effectué selon des modalités définies par l'arrêté mentionné à l'article 241-1".
Il en résulte explicitement que la mission première des CARPA est donc de sécuriser et de contrôler l'usage et la manipulation par les avocats des fonds qu'ils reçoivent de leurs clients.
Pour assurer la sécurité juridique et financière de l'institution, il est également instauré :
- une obligation de représentation des fonds placés - Article 4 de l'arrêté du 5 juillet 1996 modifié, les placements devant "répondre aux exigences de liquidité suffisante au regard des flux constatés et des échéances prévisibles" ;
- un organisme de contrôle des CARPA - Article 241-3 du décret, une commission "chargée de veiller au respect par les CARPA de l'ensemble des règles et obligations prévues", laquelle est dotée de pouvoirs importants l'autorisant à suspendre le fonctionnement de la caisse et à en organiser l'administration provisoire (art. 241-6).
2. Missions d'emploi des produits financiers tirés du placement des sommes déposées auprès des CARPA
Ces missions sont définies à l'article 235-I du décret précité, qui instaure une double affection obligatoire des produits financiers des fonds, effets ou valeurs concernés par la réglementation.
Ainsi, les produits financiers doivent-ils être "affectés exclusivement :
- au financement d'une part, des services d'intérêts collectifs de la profession et notamment des actions de formation, d'information et de prévoyance, ainsi qu'aux oeuvres sociales des barreaux ;
- à la couverture des dépenses de fonctionnement du service de l'aide juridictionnelle et ;
- au financement de l'aide juridictionnelle et au financement de l'accès au droit".
3. Mission de lutte contre le blanchiment
Selon les dispositions de l'article 17-13° de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, modifiée par l'ordonnance du 30 janvier 2009 (N° Lexbase : L6934ICS) : les conseils de l'Ordre ont pour mission "de vérifier le respect par les avocats de leurs obligations prévues par le chapitre 1er du titre VI du livre V du Code monétaire et financier en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et de se faire communiquer, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les documents relatifs au respect de ces obligations".
L'article 8 de l'arrêté du 5 juillet 1996 impose aux CARPA de contrôler les opérations réalisées par les avocats, en ce qui concerne la provenance des fonds crédités, l'identité du bénéficiaire des règlements, notamment la justification du lien entre les règlements pécuniaires des avocats et les actes juridiques ou judiciaires accomplis par ceux-ci dans le cadre de leur activité professionnelle.
L'importance du dispositif existant a été renforcée en 2014 (29) par la création de la Commission nationale de régulation des Caisses des règlements pécuniaires des avocats et notamment par la modification des pouvoirs de la Commission nationale de contrôle, chargée de veiller au bon fonctionnement des CARPA.
b) Eclairage apportés par deux décisions spécifiques relatives aux CARPA
Saisi d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le décret du 5 juillet 1996 modifiant le décret du 27 novembre 1991, le Conseil d'Etat a été amené à préciser le régime juridique des intérêts résultant des placements de fonds gérés par les CARPA.
Dans ses conclusions, le Commissaire du Gouvernement François Lamy a précisé que, d'un point de vue civiliste, les intérêts appartiennent aux CARPA, par application de la théorie du "dépôt irrégulier", et considéré que les intérêts générés par de tels intérêts de placements "sont le produit d'une activité d'intérêt général pour l'exercice de laquelle le législateur a confié aux CARPA un monopole".
Ni l'arrêt, ni les conclusions précitées n'ont considéré qu'il y aurait lieu de distinguer, dans les missions dévolues aux CARPA, entre des activités relevant précisément de l'accomplissement de leurs missions et des activités distinctes de placement des fonds reçus.
Cet arrêt est rapporté à la revue Lexbase dans les termes suivants.
"La Chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré qu'entre dans les prévisions de l'article 314-1 du Code pénal (N° Lexbase : L7136ALU), et est donc constitutif d'un abus de confiance le fait, pour un avocat, de déposer les fonds reçus pour le compte de ses clients sur un compte autre que celui ouvert au nom de la CARPA, en violation de l'article 240 du décret du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat, peu important qu'un accord existe ou non sur ce point avec l'auteur de la remise.
La Cour précise que, pour déclarer l'avocat coupable d'abus de confiance au préjudice de la CARPA, l'arrêt énonçait, à juste titre, que la prévenue, qui n'était pas propriétaire des fonds, qui ne lui avaient été remis qu'à charge pour elle de les verser au compte ouvert auprès de ladite caisse, les a détournés au préjudice de cette dernière et qu'il importe peu qu'elle ne les ait pas utilisés à son profit dès lors que les sommes ont généré, au seul bénéfice de sa société civile professionnelle, des produits financiers, qui n'ont pas été affectés à l'usage auxquels ils sont destinés, en application du décret précité. Les juges ajoutent que ces agissements résultent d'une volonté consciente de la prévenue, avocate d'expérience, qui ne pouvait ignorer la nature et l'étendue de ses obligations en matière de maniement de fonds".
2 - Définition administrative du régime fiscal
Le législateur n'a pas défini le régime fiscal applicable aux CARPA, ni en 1971, ni en 1991, ni en 1996.
C'est l'Administration centrale qui a défini le régime qui lui paraissait être applicable, par la note fiscale du 3 juillet 1981.
A la lumière de la jurisprudence rapportée ci-dessus, il apparaît sans conteste que cette note n'était pas conforme aux principes applicables aux OSBL et qu'elle ne pouvait pas s'imposer au juge fiscal.
a) Une note fiscale contraire à la doctrine administrative
Les éléments de cette note de service ne peuvent manquer d'être rappelés.
"Les Caisses de règlements pécuniaires des avocats, associations à but non lucratif régies par la loi de 1901, ont en règle générale considéré qu'elles entraient dans le champ d'application des articles 206-5 et 219 bis du CGI et elles ont acquitté à ce titre des cotisations calculées au taux de 24 % sur les produits qu'elles tirent de placements financiers, sauf en ce qui concerne les intérêts de bons de caisse pour lesquels elles ne supportent que la retenue à la source.
Or, l'application de ce régime d'imposition a donné lieu à certaines hésitations, les services ayant parfois estimé que ces organismes relevaient de l'article 206-1 du Code et devaient dès lors être assujettis à l'impôt sur les sociétés au taux de droit commun.
Après examen par l'Administration centrale des conditions de fonctionnement des CARPA, le caractère non lucratif a été reconnu à leurs activités de formation professionnelle et d'information des justiciables, ainsi qu'à leur action en vue de l'octroi d'allocations de bourses d'études aux avocats stagiaires et de secours exceptionnels aux anciens avocats.
Quant aux activités d'intérêt collectif facilitant l'exercice des missions des avocats, il a paru possible de les considérer comme n'étant pas de nature à remettre en cause le caractère non lucratif de l'activité des CARPA, à la triple condition que les ressources de ces dernières demeurent constituées pour leur quasi-totalité par les produits des placements financiers qu'elles effectuent, qu'elles ne perçoivent pas de leurs membres de cotisations autres que symboliques et, enfin, qu'elles ne leur fournissent pas, sauf de manière accessoire et à tarif réduit, des services rémunérés que des entreprises à caractère lucratif seraient également susceptibles de rendre.
En conséquence, sous réserve que ces conditions soient respectées, il conviendra de considérer que les CARPA doivent être assujetties à l'impôt sur les sociétés en application des articles 206-5 et 219 bis du CGI".
On n'imagine sans peine que, forte d'une telle instruction de service, l'Administration fiscale ne pouvait pas envisager de ne pas soumettre les produits financiers générés par les CARPA à l'ISTR.
Pour autant, cette note commise par l'Administration fiscale centrale faisait fi à la fois de sa propre doctrine, exprimée en 1977 et 1981, telle que rappelée ci-dessus, et du critère organique dégagé et précisé par le Conseil d'Etat à compter de 1980.
b) Une note administrative de service qui ne liait pas le juge fiscal
Par son jugement précité du 25 janvier 2011, le tribunal administratif de Lyon a su s'affranchir de cette note de service, pour revenir aux principes, en recherchant les éléments du critère organique, dans une analyse du régime juridique gouvernant la constitution et le rôle des CARPA.
La référence au critère organique dégagé plus haut résulte du rappel des textes, et spécialement dans la référence à l'article 235-I du décret 27 novembre 1991, dont il ressort que :
- le dépôt des fonds en carpa est obligatoire pour tout avocat qui reçoit des fonds ;
- les CARPA qui gèrent ses fonds perçoivent des produits financiers ;
- les produits financiers perçus par les CARPA doivent être affectés à un usage défini par la loi.
Pour mesurer la portée de cette décision remarquable, on doit souligner qu'elle a été rendue dans un sens contraire aux conclusions du Rapporteur public (non publiées), et que lesdites conclusions ont pu être écartées parce qu'elles ne prenaient pas en compte la force du critère organique, comme cela résulte de la citation qui suit.
"Si la requérante tente de se placer dans la lignée de la jurisprudence du CIL, vous pourrez souligner que l'obligation faite à la CARPA d'utiliser les fonds exclusivement pour les missions d'intérêt général n'a pas pour effet de rendre indissociables les placements financiers qu'elle réalise du maniement et de la conservation des fonds collectifs provenant des séquestres amiables et judiciaires et des ventes immobilières, du contrôle de ces opérations, de l'organisation de tous les services destinés à faciliter l'exercice de la profession d'avocat ou de la gestion des besoins et intérêts généraux du public dans les domaines judiciaire et juridique.
Les produits financiers que la CARPA tire de ses placements procèdent certes d'une bonne gestion. Pour autant, comme le souligne à juste titre l'administration, la perception des revenus financiers n'a pas de lien direct et automatique avec l'organisation d'une caisse à la différence des revenus perçus à raison des prêts consentis par les CIL dont la réalisation découle directement de la réalisation de l'activité d'aide au financement du logement social assignée à ces organismes".
On peut également faire observer que le Rapporteur public devant la cour administrative d'appel de Lyon (conclusions publiées, références précitées) a conclu en 2012 dans le même sens que son collègue du tribunal administratif.
D'autre part, on doit faire observer que les premiers juges ont également mis en oeuvre, sans même l'évoquer, la décision spéciale précitée du Conseil d'Etat du 17 mai 1999 (32), décision qui valide rappelons-le, à la fois, l'attribution faite aux CARPA des produits financiers générés par elles, sur la base d'une analyse civiliste fondée sur le "dépôt irrégulier", et l'affectation obligatoire desdits fonds fixée par le pouvoir réglementaire.
Et ce, sans même connaître la décision précitée de la Chambre criminelle de la Cour de cassation (33), qui condamne pour abus de confiance au détriment de la CARPA un avocat qui n'a pas cru devoir déposer en CARPA les fonds perçus par lui, pour le compte de ses clients, dans le cadre d'une procédure judiciaire.
Dans ce contexte, on pourrait s'interroger, pour ne pas dire s'étonner, devant le constat que l'analyse des premiers juges n'ait pas été partagée par le ministre, qui a interjeté appel de la décision du tribunal administratif de Lyon, et par les juges du second degré qui ont fait droit à cet appel.
Une telle interrogation paraît aujourd'hui sans objet puisque la décision de la cour administrative d'appel a été cassée et annulée pour erreur de droit.
Dans ce sens, pour reprendre la formule du Bâtonnier Bernard Vatier, ancien président de l'UNCA, l'arrêt commenté doit être présenté, après les arrêts précités des 17 mai 1999 et celui du 23 mai 2013, comme le troisième pilier du système carpalien.
B - L'arrêt fondateur du régime fiscal des CARPA
1 - Considérations générales
Les éléments de la cause ont été déjà détaillés dans la présente publication, comme cela a été rappelé dans une note en renvoi (34).
Ils ne seront donc pas repris dans les développements qui suivent.
L'arrêt topique a été rendu en Plénière du contentieux fiscal, par quatre sous-sections spécialisées du Conseil d'Etat.
Il s'agit d'un fait assez rare pour être signalé et qui donne l'importance de la portée de l'arrêt.
L'arrêt procède d'un syllogisme administrativiste implacable qui vaut d'être rapporté intégralement.
"Considérant qu'il résulte de ces dispositions que doivent être compris dans les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés au taux réduit les revenus de capitaux mobiliers dont une association dispose, notamment les produits des placements en attente d'emploi, alors même que l'association n'en aurait la disposition qu'à titre de dépositaire ; que doivent, en revanche, être exceptées de ces bases celles des recettes de l'association qui lui ont été procurées par une activité indissociable du but non lucratif poursuivi par elle et dont la perception découle, non de la mise en valeur d'un patrimoine ou du placement de sommes disponibles, mais de la réalisation même de la mission désintéressée qui correspond à son objet social"
"Considérant qu'il résulte de ces dispositions, d'une part, que la création des CARPA a été rendue obligatoire avec pour objet de recevoir, de conserver et de manier les fonds, effets ou valeurs reçus par les avocats pour le compte de leurs clients avant qu'ils ne soient reversés à leurs bénéficiaires et, d'autre part, que le financement des missions d'intérêt collectif de la profession et des missions d'intérêt général prévues par l'article 235-1 du décret du 27 novembre 1991 entre dans l'objet assigné aux CARPA ; qu'en conséquence, les produits financiers qu'elles perçoivent dans le cadre de leur mission de conservation de ces fonds ne procèdent pas d'une activité de gestion patrimoniale mais sont inhérents à la réalisation même de leur objet social, tel qu'il est défini par les textes qui les régissent".
"Considérant qu'après avoir relevé que la CARPA Lyon-Ardèche pouvait procéder au placement des fonds qui lui étaient confiés par les avocats pour le compte de leurs clients, la cour a jugé que les produits ainsi obtenus rentraient, comme les produits de placement de fonds propres, dans le champ d'application du 5 de l'article 206 du Code général des impôts dès lors qu'ils découlaient d'une activité complémentaire de placement des fonds ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la perception de ces sommes découlait de la réalisation même de la mission désintéressée assignée à la CARPA par les dispositions mentionnées au point 5, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, la CARPA Rhône-Alpes est fondée à demander l'annulation des articles 1er et 2 de l'arrêt qu'elle attaque".
2 - Premiers commentaires
Les premiers commentaires ont résumé et présenté l'arrêt dans les termes suivants (35) :
"En l'espèce, une CARPA a été imposée, sur les revenus qu'elle a déclarés, issus de placements de fonds, à l'impôt sur les sociétés au taux réduit de 10 % (CGI, art. 219 bis), ce qu'elle conteste. Le juge, se fondant sur les articles 206 et 219 bis du CGI, indique que doivent être compris dans les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés au taux réduit les revenus de capitaux mobiliers dont une association dispose, notamment les produits des placements en attente d'emploi, alors même que l'association n'en aurait la disposition qu'à titre de dépositaire. En revanche, sont exclus de l'assiette du taux réduit, les revenus procurés à l'association par une activité indissociable du but non lucratif qu'elle poursuit et dont la perception découle de la réalisation même de la mission désintéressée qui correspond à son objet social, et non de la mise en valeur d'un patrimoine ou du placement de sommes disponibles.
La Haute juridiction rappelle que la création des CARPA a été rendue obligatoire avec pour objet de recevoir, de conserver et de manier les fonds, effets ou valeurs reçus par les avocats pour le compte de leurs clients, avant qu'ils ne soient reversés à leurs bénéficiaires. Le financement des missions d'intérêt collectif de la profession et des missions d'intérêt général entre dans l'objet assigné aux CARPA. Le Haut Conseil en déduit que les produits financiers perçus par les CARPA, dans le cadre de leur mission de conservation des fonds, ne procèdent pas d'une activité de gestion patrimoniale, mais sont inhérents à la réalisation même de leur objet social. Dès lors, les produits financiers issus de la gestion des fonds déposés au sein de la CARPA ne sont pas imposables".
Il n'est pas question ici de voir sanctionner une quelconque prétendue rente (36). Bien au contraire, il s'agit plutôt de consolider un dispositif juridique et fiscal, légal ou jurisprudentiel, comme cela résulte des éléments apportés par l'étude de la jurisprudence antérieure et de la genèse du système carpalien.
3 - Considérations particulières
Parvenant au terme de cette note, on ne peut pas manquer de tenter de préciser les éléments qui paraissent de nature à avoir déterminé la Haute juridiction à annuler la décision d'appel.
1) Les CARPA ont été fondées pour assurer des missions légales dans un système non subventionné
Il en résulte que les CARPA doivent trouver, dans leur existence même et dans l'accomplissement de leur objet, les moyens des missions légales qui leur sont dévolues, comme cela a été rappelé ci-dessus.
Le législateur de 1996 a décidé de l'affectation obligatoire des produits financiers qu'elles peuvent générer par leurs placements et le juge de 1999 a acté qu'elles sont propriétaires des produits financiers résultant des fonds placés.
Le juge fiscal n'a pas confondu le caractère financier des revenus des placements avec des revenus imposables par nature.
2) Le placement des fonds des CARPA participe de leur gestion désintéressée
Les CARPA ont été constituées sous la forme d'association de la loi de 1901, le dépôt des fonds en CARPA est obligatoire, à peine de sanction pénale pour l'avocat qui n'entendrait pas s'y soumettre, et les cotisations des avocats doivent être symboliques, comme cela avait été précisé par la note fiscale de 1981.
Les principes mêmes qui doivent gouverner les placements des CARPA ont été fixés par le pouvoir règlementaire (arrêté du 5 juillet 1996, art. 4 précité).
L'obligation de réinvestissement des intérêts perçus est commandée par l'affectation légale obligatoire desdits produits et l'absence de distribution de tout excédent d'exploitation n'est pas discutée.
Plus encore, dans deux domaines spécifiques des missions légales des CARPA, le législateur a instauré des dispositifs spécifiques, qui ne sont ne sont pas exclusifs du placement des dotations reçues, ni des contributions propres des CARPA.
Suivant l'article 11 de l'annexe au décret n° 96-887 du 10 octobre 1996 (37) modifié relatif au financement de l'Aide juridictionnelle "Les produits financiers perçus par la CARPA pour les fonds reçus au titre de l'aide juridictionnelle et des autres aides à l'intervention de l'avocat sont exclusivement utilisés pour couvrir en tout ou partie les charges de gestion du service de l'aide juridictionnelle et des aides à l'intervention de l'avocat exposées par la CARPA ou l'Ordre et, le cas échéant, les charges exposées au titre de l'organisation de la défense, conformément au protocole conclu en application des articles 91 et 132-6 du décret du 19 décembre 1991 susvisé" ;
Suivant l'article 68 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 (38) relative à l'aide juridique "Le financement de l'aide à l'accès au droit est notamment assuré par :
- les participations de l'Etat, du département et des autres membres du groupement d'intérêt public prévues par la convention constitutive dans les conditions de l'article 55 ;
- les contributions des caisses des règlements pécuniaires des barreaux du ressort ;
[...]".
C'est dire combien le législateur, qui, rappelons-le, n'a pas défini spécifiquement les ressources des CARPA, avait parfaitement connaissance de l'origine que ces ressources pouvaient avoir et de la capacité des CARPA, et des barreaux dont elles sont l'émanation, à les gérer.
3) La corrélation institutionnelle entre les produits financiers des CARPA et leur affectation exclusive aux missions légales dont celles-ci sont investies procède du rattachement à l'objet social
Depuis 1980, la force du rattachement nécessaire à l'objet social procède du critère organique dégagé ci-dessus.
Celui-ci ne s'embarrasse pas de la nature financière ou non de l'activité. Au contraire, il la transcende.
C'est la constante même de l'examen de la jurisprudence depuis l'arrêt de 1980 relatif à un centre d'aide par le travail, qui définissait les produits tirés de l'exploitation d'une ferme, non pas comme des revenus agricoles ou patrimoniaux, mais comme ceux "d'une exploitation agricole, concourant directement à l'exécution même de l'activité à but non lucratif de l'association, indissociable des autres moyens que l'association requérante met en oeuvre pour remplir son objet propre, de caractère non lucratif, et ne pouvant être regardée comme une exploitation agricole distincte, dont les résultats doivent être assujettis à l'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions précitées de l'article 206-5".
La solution retenue en 2014 par le Conseil d'Etat pour la CARPA Lyon-Ardèche n'en diffère pas : "les produits financiers qu'elles perçoivent dans le cadre de leur mission de conservation de ces fonds ne procèdent pas d'une activité des gestion patrimoniale mais sont inhérents à la réalisation même de leur objet social, tel que définie par les textes qui les régissent" sauf en ce qu'elle se rapporte à des produits financiers et qu'elle fait référence à un objet social défini par des dispositions légales et règlementaires.
Ainsi, l'arrêt commenté est bien fondateur du régime fiscal des Carpa, en ce qu'il pose (enfin pourrait-on dire) les principes du régime fiscal applicable aux produits financiers qu'elles perçoivent.
La portée exacte de cet arrêt devrait encore être précisée à la lumière de l'application des principes qu'il fixe.
Il n'entre pas dans l'objet du présent commentaire d'anticiper sur ce point, fût-ce même seulement au titre d'une analyse prospective.
Tout au plus peut on souligner que le système carpalien est complexe, qu'il a fait l'objet d'un rapport d'enquête de la Cour des comptes, déposés depuis lors (39) et que, dans une conjoncture où les dépenses des missions légales augmentent constamment, quand les produits de placement subissent une lourde baisse conjoncturelle, la fiscalité apparaît désormais comme une nouvelle donne de l'équilibre financier des CARPA et de leur pérennité.
(1) Formule inspirée de la phrase prononcée le 21 juillet 1969 par l'astronaute Neil Armstrong, chef de la mission Apollo XI, à l'occasion des premiers pas de l'Homme sur la lune.
(2) Caisse autonome de règlements pécuniaires des avocats soit en termes abrégés CARPA, abréviation qui sera utilisée dans la suite du texte.
(3) Lire Lexbase Hebdo n° 579 du 17 juillet 2014 - édition fiscale (N° Lexbase : N3207BUC), Droit fiscal, n° 29, 17 juillet 2014, commentaire 395 ; Editions Francis Lefebvre, Actualité, 16 juillet 2014.
(4) Organismes sans but lucratif, soit en termes abrégés OSBL, abréviation qui sera utilisée dans la suite du texte.
(5) TA Lyon, 22 février 2011, req. n° 0802466 (décision classée C+), non reproduite.
(6) CAA Lyon, 24 mai 2012, 5ème ch., n° 11LY01141 (décision classée C+) (N° Lexbase : A8185INH) ; Droit fiscal, 7 mars 2013, n° 10, commentaire 186, avec conclusions P. Monnier et note M. Chadefaux ; RJF, 02/2013, n° 137.
(7) Rép. min., n° 36485, JO, Ass. nat., 9 mars 1981, p. 973 ; Droit fiscal, 20 avril 1981, n° 17, commentaire 906.
(8) CE, 7° et 8° s-s-r., 22 octobre 1980 , n° 4906 (N° Lexbase : A8120AIL), Droit fiscal, 26 janvier 1981, n° 5 commentaire 204 ; RJF, 11/1980, n° 946.
(9) B. Thévenet, Assujettissement à l'IS des revenus mobiliers tirés du placement des sommes déposées dans les caisses des CARPA : la sanction de la rente, Lexbase Hebdo n° 491 du 28 juin 2012 - édition fiscale (N° Lexbase : N2635BTR).
(10) CE 7° et 8° s-s-r., 24 février 1986, n° 54683 (N° Lexbase : A3833AMW), Droit fiscal, 1986, n° 22, comm.1065 ; RJF, 4/1986, n° 354, concl. O. Fouquet, p.200.
(11) Préc..
(12) Préc..
(13) Cas d'une congrégation exploitant une clinique dans des conditions qui la rendent passible de l'impôt sur les sociétés à ce titre : la cession d'un immeuble inscrit à l'actif au bilan de la clinique (ou la reprise de cet immeuble dans le patrimoine civil de la congrégation) dégage des plus ou moins-values imposables selon les prévisions de l'article 39 duodecies du CGI (N° Lexbase : L5787I3Q).
(14) Décision citée ci-dessus avec conclusions O. Fouquet.
(15) CE Section, 12 février 1988, n° 50368 (N° Lexbase : A6585APL), avec conclusions Th. Le Roy : RJF, 4/88 n° 409.
(16) CE, 20 avril 1988, n° 58323 (N° Lexbase : A6692APK), RJF, 6/88 n° 716 .Une chambre de commerce qui a créé un service dénommé "comité du logement" pour collecter le "0,77 % construction" n'a pas enfreint la réglementation applicable en prélevant sur les prêts consentis une "participation pour frais de gestion" qui avait en fait le caractère d'un intérêt. Si les intérêts ainsi perçus, ajoutés aux autres prélèvements autorisés par le décret du 27 décembre 1975 ont permis au "comité du logement" de réaliser des excédents de gestion, le fait que ceux-ci n'ont pas été utilisés à des fins autres que celles qui sont prévues par la loi et que les dirigeants n'en ont pas retiré d'avantage matériel suffit à exclure que l'activité ainsi déployée ait revêtu un caractère lucratif. Les intérêts des prêts consentis pour financer les logements sont indissociables de la réalisation de l'objet social désintéressé d'un comité du logement créé par une Chambre de commerce et d'industrie et leur perception découle, non de la mise en oeuvre d'un patrimoine ou du placement de sommes disponibles, mais de la réalisation même de la mission désintéressée qui correspond à l'objet social de l'établissement. Ils ne peuvent donc être assujettis à l'impôt sur les sociétés au taux réduit de 24 % prévu à l'article 206-5 du CGI.
(17) CE, 7° et 9° s-s-r., 26 janvier 1990, n° 91423 (N° Lexbase : A4894AQC) : RJF, 3/1990, n° 266.
(18) CE, 9° et 8° s-s-r., 1er octobre 1993, n° 9642 (N° Lexbase : A1026ANC) : Droit fiscal, 1994, n° 12, comm. 555 ; RFF, 11/1993, n° 1433.
(19) CE 9° et 8° s-s-r., 25 janvier 1989, n° 58877 (N° Lexbase : A0848AQH) : Droit fiscal, 1989, n° 43, comm. 1962 ; RFF, 3/1989, n° 282.
(20) CAA Paris, 3ème ch., 6 décembre 1990, n° 908, Office québécois pour la jeunesse : RJF, 2/1991, n° 154.
(21) CE CAPC, 6 octobre 1993, n° 131950, Association oeuvre hospitalière de nuit ; CAA Nantes, 25 septembre 1991 : RJF, 12/1993, n° 1530.
(22) Préc..
(23) CE, 9° et 10° s-s-r., 31 juillet 2009, n° 294303 (N° Lexbase : A1233EKU) : RJF, 11/2009, n° 915.
(24) Pour les entreprises créées du 1er janvier 1995 au 31 décembre 2013, le dispositif prévu à l'article 44 sexies du CGI, prorogé en dernier lieu par l'article 129 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 (N° Lexbase : L9901INZ), consiste en une exonération des bénéfices réalisés à compter de la date de création de l'entreprise jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de sa création et en un abattement de 75 %, 50 % ou 25 % de leur montant selon que les bénéfices sont réalisés respectivement au cours de la première, de la seconde ou de la troisième période de douze mois suivant la période d'exonération.
(25) CE 8° et 9° s-s-r., 8 juillet 1998, n° 186279 (N° Lexbase : A8024AYT) : Droit fiscal, 1998, n° 44, comm. 959, concl G. Bachelier ; RJF, 1998, n° 921. Voir aussi CE 8° et 3° s-s-r., 9 juillet 2003, n° 230999 (N° Lexbase : A1945C9W) : RJF, 11/03 n° 1223, concl. G. Bachelier ; BDCF, 11/03 n° 134 ; CE 8° et 3° s-s-r., 7 juillet 2006, n° 277456 (N° Lexbase : A3559DQU) ; CE 8° et 3° s-s-r., 7 juillet 2006, n° 277455 (N° Lexbase : A3558DQT) : RJF, 10/06, n° 1162, concl. L. Olléon ; BDCF, 10/06, n° 114.
(26) Préc..
(27) Gaz. Pal., 19 au 21 janvier 1997.
(28) http://www.unca.fr/.
(29) Décret n° 2014-796 du 11 juillet 2014, relatif au contrôle des caisses des règlements pécuniaires des avocats (N° Lexbase : L7103I3H).
(30) Préc..
(31) Cass. crim., 23 mai 2013, n° 12-83.677, F-P+B (N° Lexbase : A1795KHX), Lexbas Hebdo n°153 du 11 juillet 2013 - édition professions (N° Lexbase : N8003BTL).
(32) CE ,17 mai 1999, préc. avec conclusion F. Lamy : Gaz. Pal., 16 mai 2001, p. 19.
(33) Cass. crim., 23 mai 2013, n° 12-83.677, F-P+B, préc..
(34) Voir les commentaires déjà cités.
(35) Voir les commentaires préc. ; voir aussi Droit fiscal, 2014, n° 29, comm. 395 et JCP éd. E, 24 juillet 2014, n° 30, act. 554.
(36) Voir les commentaires déjà cités.
(37) Décret n° 96-887 du 10 octobre 1996, portant règlement type relatif aux règles de gestion financière et comptable des fonds versés par l'Etat aux caisses des règlements pécuniaires des avocats pour les missions d'aide juridictionnelle et pour l'aide à l'intervention de l'avocat prévue par les dispositions de la troisième partie de la loi du 10 juillet 1991 (N° Lexbase : L9431AXL).
(38) Loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique, art. 10 et 68 (N° Lexbase : L8607BBE).
(39) Le 9 octobre 2007, la Commission des finances du Sénat a décidé la publication du rapport d'information sur l'aide juridictionnelle ("réformer un système à bout de souffle") établi par le sénateur du Luart. Dans la foulée, à la demande de la commission et par courrier en date du 10 octobre 2007, le Président de la Commission des finances du Sénat a saisi le Premier président de la Cour des comptes d'une demande d'enquête sur les caisses de règlements pécuniaires des avocats (CARPA) en application de l'article 58-2 de la loi du 1er août 2001. Celle-ci a été publiée en 2008 sous le titre La gestion et l'efficacité des CARPA.
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