La lettre juridique n°571 du 22 mai 2014 : Éditorial

L'intérêt de l'enfant s'arrête-t-il là où commence celui des autres ?

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 22 Mai 2014


"La liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres" professe John Stuart Mill, dans son célèbre opus sur La Liberté. Le concept est alors étroitement associé à celui de "Droit", jusqu'à se confondre même le plus souvent. C'est d'ailleurs ce qu'il peut ressortir des affres de l'examen de la proposition de loi "relative à l'autorité parentale et à l'intérêt de l'enfant", examinée depuis de 19 mai par l'Assemblée nationale. La vingtaine d'articles proposée est loin de faire l'unanimité, malgré le temps mûri pour trouver le bon angle de réforme (l'intérêt de l'enfant) et, surtout, l'hypotrophie de la loi au regard des ambitions affichées il y a encore un an sur le sujet...

Hormis peut-être la réaffirmation de l'exercice conjoint de l'autorité parentale malgré la séparation et la contravention pour non-présentation d'enfant, l'accord exprès de l'autre parent en cas de déménagement d'un parent, le principe de double résidence, le "mandat d'éducation quotidienne" du beau-parent et l'amendement "anti-fessée" ravivent les tensions connues lors de l'adoption de la loi relative au "mariage pour tous", opposant cette fois la voix des défenseurs des droits des pères à celle des associations féministes.

En effet, si la proposition de loi se voulait consensuelle et visait, d'abord, à renforcer l'exercice conjoint de l'autorité parentale en cas de séparation des parents, afin que l'enfant puisse conserver, malgré cette séparation, des relations équilibrées et régulières avec chacun de ses parents, cette recherche de l'équilibre ne se fait pas sans heurts. L'octroi parlementaire de droits supplémentaires aux pères retirerait une partie de leurs droits aux mères, selon certains, et le "mandat d'éducation quotidienne" brouillerait le positionnement du père biologique à l'égard de l'enfant. Il apparaîtrait donc inconcevable d'étendre les droits des pères sans restreindre ceux de la mère, pour obtenir ce fameux équilibre, tout subjectif qu'il soit. Et, c'est précisément la quadrature du cercle que les parlementaires devront résoudre... dans l'intérêt de l'enfant.

L'Assemblée nationale a beau jeu de promouvoir la médiation familiale, symbole d'une pacification, presque décrétée, des relations familiales après une séparation, lorsque le débat se cristallise désormais sur près de 700 amendements dit "d'obstruction", établissant tantôt la majorité sexuelle à 18 ans, tantôt le droit de garde suivant l'investissement du parent dans la prise en charge de l'enfant, tant sur plan personnel que financier. Que dire d'une meilleure prise en considération de la parole de l'enfant notamment dans les procédures judiciaires, alors que des droits de l'enfant, le débat semble n'avoir cure ?

Si, dans Les troqueurs, La Fontaine promouvait déjà le divorce, conséquence inéluctable de l'inconstance humaine, bien que contraire au droit canon :

"Le changement de mets réjouit l'homme :
Quand je dis l'homme, entendez qu'en ceci
La femme doit être comprise aussi :
Et ne sais pas comme il ne vient de Rome
Permission de troquer en hymen ;
Non si souvent qu'on en aurait envie,
Mais tout au moins une fois en sa vie :
Peut-être un jour nous l'obtiendrons, Amen,
Ainsi soit-il ; semblable indult en France
Viendrait fort bien, j'en réponds, car nos gens
Sont grands troqueurs, Dieu nous créa changeant
s",

la considération de l'enfant peine toujours à primer, près de trois siècles plus tard, au-delà de la seule querelle des rancoeurs ; rancoeurs parfois alimentées, il est vrai, par des violences conjugales, certes en baisse selon une étude publiée le 7 mai 2014 par les ministères de l'Intérieur et des Droits des femmes, mais dévastatrices, et un désengagement personnel et financier de la part du parent qui se sent isolé...

A tout le moins, à 50 000 euros l'heure de discussion parlementaire, il devrait, s'il faut en revenir à des considérations bassement matérielles, échoir aux parlementaires de trouver, plus rapidement, un terrain d'entente, en lieu et place des parents encore endeuillés par leur séparation... Car pendant ce temps là, la Russie et la Chine redessinent l'ordre mondial...

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