Réf. : CE 10° et 9° s-s-r., 11 avril 2014, n° 344990, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1027MKA) et n° 346687 (N° Lexbase : A1029MKC) et n° 359640 (N° Lexbase : A1063MKL), inédits au recueil Lebon
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N2237BUE
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par Simon Ginesty, Avocat, Landwell & associés
le 22 Mai 2014
Le Conseil d'Etat a été appelé à se prononcer sur l'épineuse question du mode de financement des succursales en France. Et la réponse fut à la hauteur des attentes suscitées par les décisions des juridictions inférieures : "Considérant [...] que ni ces termes, ni ces règles n'autorisaient l'administration fiscale à apprécier le caractère normal du choix opéré par le siège de la société de financer l'activité de sa succursale en la laissant recourir à l'emprunt, plutôt qu'en lui apportant des fonds propres, ni à en tirer, le cas échéant, de quelconques conséquences fiscales".
La Haute juridiction a donc consacré la liberté du mode de financement des succursales et écarté les multiples fondements invoqués par l'administration fiscale pour justifier le redressement opéré, preuve s'il en était de la difficulté à appréhender les situations internationales mettant en jeu des succursales. En effet, le choix des trois banques de privilégier le financement de leur succursale par des prêts plutôt que par l'allocation d'une partie de leurs fonds propres posait un problème pour l'administration fiscale, y décelant tour à tour un transfert indirect de bénéfice, puis un acte anormal de gestion, enfin un contournement des principes de territorialité combiné à une mauvaise application des conventions internationales.
Voici donc l'occasion pour nous de revenir sur les impacts fiscaux du mode de financement des succursales dont l'actualité s'avère particulièrement riche (1).
I - La liberté du mode de financement des succursales
L'administration en était intimement convaincue : en s'abstenant de doter les succursales françaises de "capitaux propres" suffisants au profit d'un recours massif à l'emprunt dont les intérêts étaient ensuite déduits de leurs résultats, les contribuables n'avaient pas respecté les règles du jeu. Encore fallait-il trouver le bon argument, étant rappelé que le dispositif de lutte contre la sous-capitalisation tel que prévue à l'article 212 du CGI (N° Lexbase : L2866IXG) n'est pas applicable aux établissements financiers (2).
A - Le financement d'une succursale par l'emprunt peut-il être constitutif d'un transfert indirect de bénéfice ?
Nous rappelons qu'en application de l'article 57 du CGI (N° Lexbase : L3365IGQ), "Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités".
Le choix de l'article 57 du CGI était donc tentant en l'espèce ; de plus, et sur un plan économique tout au moins, un transfert de "bénéfice" pouvait fort bien correspondre à une certaine réalité opérationnelle.
C'est d'ailleurs ce qu'estime la doctrine administrative, qui précise que "les versements effectués, sous la dénomination d'intérêts ou de redevances, par la succursale française d'une société étrangère en rémunération des sommes que cette société a prélevées sur ses fonds propres et met sous quelque forme que ce soit à la disposition de sa succursale, ne peuvent être admis en déduction du bénéfice imposable en France. En effet, la succursale n'ayant pas de personnalité juridique distincte ni d'autonomie patrimoniale, ces versements représentent en réalité une partie d'un bénéfice réalisé en France par la société étrangère. Concrètement, d'ailleurs, ils ne peuvent s'analyser qu'en des versements que la société se fait à elle-même. Cette règle s'applique également aux versements rémunérant les bénéfices réalisés par la succursale et laissés à sa disposition puisque ces bénéfices doivent être regardés comme des fonds propres de la société étrangère" (3).
L'administration a donc rehaussé les résultats imposables en France des succursales en estimant qu'eu égard à la nature et à l'importance de leur activité, elles n'avaient pas été dotées par les sièges d'un capital suffisant pour leur permettre d'exercer leur activité dans des conditions concurrentielles normales et que cette insuffisance de dotation avait nécessité le recours des succursales à l'emprunt ; en conséquence, les intérêts versés par les succursales sur les sommes empruntées auprès de leurs sièges respectifs constituaient bien un transfert de bénéfices au profit de ces derniers, au sens de l'article 57 du CGI.
L'argumentation de l'administration souffre néanmoins la critique : en effet, l'application de l'article 57 du CGI dans les relations entre une société et sa succursale s'avère pour le moins complexe (4) et la jurisprudence indécise (5). Si juridiquement, et en l'absence de toute personnalité morale, la succursale ne peut contracter de prêt (on parle alors d'avances de trésorerie), fiscalement, la succursale est assimilée à une entité distincte de son siège, et devrait donc pouvoir bénéficier des mêmes règles que les filiales en déduisant -sous les réserves indiquées ci-après- les intérêts versés à un tiers, soit en l'occurrence à son siège.
Consciente des difficultés auxquelles elle ferait face, l'administration substitua au cours des débats contentieux un fondement autrement plus convaincant.
B - Le financement par l'emprunt d'une succursale est-il par principe constitutif d'un acte anormal de gestion ?
Au stade du contentieux, l'administration fiscale invoqua ainsi l'acte anormal de gestion pour justifier du redressement des trois succursales. L'argument est intéressant et mérite de s'y arrêter.
Pour rappel, la théorie de l'acte anormal a été développée dans le cadre d'une interprétation de l'article 39, 1, 1° du CGI (N° Lexbase : L3894IAH) et permet à l'administration fiscale d'ignorer les charges contraires à l'intérêt de l'exploitation ou de réintégrer les profits qu'aurait dû réaliser l'entreprise.
Il ne fait nul doute que cette théorie puisse jouer dans le cadre d'une succursale, étant entendu que l'article 39 du CGI lui est applicable. La question était donc de savoir si le choix des banques étrangères de recourir à l'emprunt pour le financement de leurs succursales pouvait constituer un acte anormal.
L'argument de l'administration fiscale, pour étayer son raisonnement, était schématiquement le suivant : les succursales n'étaient pas dotées d'un capital suffisant pour leur permettre d'exercer leur activité dans des conditions concurrentielles normales. Or, il n'existe aucune réglementation obligeant les succursales françaises de banques de l'Union européenne à respecter un quelconque ratio de fonds propres à leur niveau. Plus précisément, les obligations prudentielles relatives aux fonds propres et au ratio de solvabilité des établissements financiers excluent expressément les succursales de banques établies dans un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou dans un Etat membre de l'Union européenne (6).
En effet, l'article 16 de la Directive 2006/48/CE du 14 juin 2006 (N° Lexbase : L1385HKI) dispose qu'aucun capital de dotation ne peut être exigé par les Etats membres d'accueil, en ce qui concerne les succursales d'établissements de crédit agréées dans d'autres Etats membres, le calcul des ratios de risque s'effectuant au niveau du siège (7). Il n'y a ainsi au niveau européen aucune disposition réglementaire spécifique encadrant le financement et la capitalisation des succursales françaises de banques européennes. L'administration ne pouvait donc pas s'appuyer sur la règlementation bancaire pour justifier le redressement des succursales ; dès lors qu'aucune obligation légale ne pesait sur ces dernières, l'argument de l'acte anormal de gestion ne pouvait prospérer.
Il en aurait été autrement si l'administration avait pu justifier que le niveau d'endettement de la succursale était si élevé qu'il était de nature à compromettre la poursuite de ses activités, ou que le niveau des taux d'intérêt retenus était plus élevé que celui du marché. Mais aucun de ces éléments en ce sens n'avait été invoqué devant le tribunal administratif (TA Paris, 27 mars 2008, n° 0206852/2 ; 5 juin 2008, n° 0209878/2-3 et 16 novembre 2009, n° 0502777/2) puis la cour administrative d'appel (CAA Paris, 7ème ch., 8 octobre 2010, n° 08PA03819 N° Lexbase : A3653GNM ; 16 décembre 2010, n° 08PA05096 N° Lexbase : A6967GQ4 et 22 mars 2012, n° 10PA01140 N° Lexbase : A6616IIU).
Le considérant de principe de la Haute cour, identique dans les trois arrêts et indiqué ci-avant, fut donc le bienvenu pour rappeler le principe de non-immixtion de l'administration dans la gestion d'une entreprise (8). L'administration, loin de s'avouer vaincue, invoqua finalement un troisième fondement, celui du principe de territorialité de l'impôt.
II - Le principe de territorialité de l'impôt français inopérant... pour l'instant
Nous rappelons que le principe de territorialité de l'impôt en France repose sur les termes de l'article 209-1 du CGI (N° Lexbase : L1413IZD), lequel prévoit que les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées notamment par l'article 38 (N° Lexbase : L2882IXZ), et "en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions".
Ainsi, les bénéfices réalisés par une entreprise ayant son siège hors de France sont imposables dans notre pays, notamment lorsqu'ils résultent d'opérations constituant l'exercice habituel en France d'une activité. Selon cette conception, sont exclus de la base imposable en France tous les bénéfices afférents à une activité étrangère, que celle-ci soit établie sous forme de succursale ou de filiale. La succursale française d'une société étrangère est donc considérée comme une entité fiscalement indépendante, au même titre que s'il s'agissait d'une société.
C'est finalement en s'appuyant sur cette dernière notion que l'administration fiscale a justifié le redressement des succursales, en conjonction avec les dispositions des conventions fiscales de lutte contre la double imposition signées avec les Etats dont les établissements financiers étaient résidents (à savoir le Portugal, l'Italie et l'Allemagne).
En effet, lesdites conventions fiscales, établies sur le modèle de convention OCDE (9), prévoient que "Lorsqu'une entreprise d'un Etat contractant exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé, il est imputé, dans chaque Etat contractant, à cet établissement stable, les bénéfices qu'il aurait pu réaliser s'il avait constitué une entreprise distincte et séparée exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues et traitant en toute indépendance avec l'entreprise dont il constitue un établissement stable" (10).
Pour l'administration fiscale, cet article justifie le redressement opéré : en s'abstenant de doter les succursales françaises d'un capital suffisant, les sociétés étrangères n'ont pas respecté les règles qu'une entreprise distincte et séparée exerçant des activités identiques ou analogues aurait dû respecter.
C'est d'ailleurs ce que sa propre doctrine avait établi à l'issue des arrêts "Coréal gestion" et "SA Andritz" (11) : "La répartition des charges financières entre établissement français et siège étranger doit en tout état de cause rester conforme au principe de territorialité, tel qu'il est posé par l'article 209-1 du CGI et l'article Bénéfice des entreprises' des conventions fiscales. Compte tenu de ce seul principe, et sans qu'il soit nécessaire pour parvenir à une telle conclusion de faire référence à l'article 57 du CGI, les avances consenties par une banque étrangère à son établissement français ne sauraient être génératrices d'intérêt, lorsqu'elles couvrent la dotation en capital dont aurait besoin une entreprise indépendante" (12).
Mais les conventions fiscales ne peuvent pas servir de fondement -en soi- à une imposition, mais simplement donner à un Etat la possibilité d'imposer le revenu. Il faut ensuite, et nécessairement, que la législation interne de l'Etat prévoit l'imposition : c'est le principe de subsidiarité (13). Et sur ce terrain, l'article 209-I du CGI n'impose pas de mode d'organisation d'une activité en France ; en particulier, cet article ne prescrit pas de choisir entre exercer sous forme de société ou de succursale, et d'en tirer de conclusions sur un plan fiscal (14).
La décision du Conseil d'Etat ne faisait dès lors plus de doute : "le principe de territorialité découlant des dispositions du I de l'article 209 du CGI combinées aux stipulations de l'article 7 de la Convention fiscale franco-portugaise, ne pouvait avoir pour objet ou pour effet de permettre à l'administration fiscale d'apprécier le caractère normal du choix opéré par le siège d'une société étrangère et consistant à financer l'activité de sa succursale française en laissant cette dernière recourir pour partie à l'emprunt, plutôt que d'assurer la totalité de ce financement par un apport de fonds propres, ni de tirer de cette appréciation de quelconques conséquences fiscales".
Si les trois décisions de la Haute cour satisferont donc les contribuables concernés ainsi que tous les pourfendeurs d'une administration fiscale qui tente de s'immiscer subrepticement dans la gestion de l'entreprise (15), il n'en demeure pas moins que l'avenir de ces décisions pourrait s'assombrir au cours des prochaines années.
Il convient en effet de rappeler l'inflexion notable de l'OCDE sur ce sujet dont le nouvel article 7 issu de la révision du 22 juillet 2010 prévoit désormais que "les bénéfices qui sont attribuables dans chaque Etat contractant à l'établissement stable mentionné au paragraphe 1 sont ceux qu'il aurait pu réaliser, en particulier dans ses opérations internes avec d'autres parties de l'entreprise, s'il avait constitué une entreprise distincte et indépendante exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues, compte tenu des fonctions exercées, des actifs utilisés et des risques assumés par l'entreprise par l'intermédiaire de l'établissement stable et des autres parties de l'entreprise". Plus encore, les commentaires de cet article sont à ce sujet particulièrement éclairants, puisqu'ils énoncent qu'il serait "souhaitable" que l'établissement stable dispose du même montant de capital libre qu'une entreprise indépendante, lequel se définit comme le financement ne donnant pas lieu à un rendement déductible de l'impôt.
Si cette évolution doctrinale de l'OCDE ne pouvait s'appliquer directement au cas d'espèce car postérieure aux faits litigieux, il sera intéressant d'observer au cours des années futures la position du Conseil d'Etat sur la question. On notera d'ailleurs au passage que, si les commentaires OCDE n'ont pas force de loi (16), les juges de la Haute assemblée en ont pourtant fait expressément mention, dans les trois arrêts, comme source d'interprétation des stipulations des conventions internationales susmentionnées.
(1) V. notamment sur ce sujet, nos obs., La succursale, une société (presque) comme les autres, Lexbase Hebdo n° 546 du 7 novembre 2013 - édition fiscale (N° Lexbase : N9172BTU). Outre l'actualité jurisprudentielle, on relèvera une actualité administrative "doctrinale" importante, dont notamment l'exonération de taxe de 3 % sur les revenus distribués (dès lors que le siège se situe dans l'Union européenne - BOFIP-BOI-IS-AUT-30-20140306, n° 120 N° Lexbase : X2468AMD), mais également une adaptation à l'obligation de présenter un fichier des écritures comptables ("FEC" - BOFIP-BOI-CF-IOR-60-40-10-20140218, n° 60 N° Lexbase : X4348ALM).
(2) Le secteur bancaire bénéficie en effet d'une exonération expresse prévu par l'article 212 du CGI : "sont placés hors du champ d'application du dispositif de sous-capitalisation, les établissements de crédit mentionnés à l'article L. 511-9 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2546IXL), c'est-à-dire les établissements de crédit agréés en qualité de banque, de banque mutualiste ou coopérative, de caisse municipale, de société financière ou d'institution financière spécialisée".
(3) BOFIP-BOI-BIC-CHG-50-10-20120912 n°40, citant la réponse "Mesmin", JOAN du 19 janvier 1981, p. 245 (N° Lexbase : X9134ALU).
(4) On notera néanmoins que l'article 57 du CGI pourrait être applicable aux succursales, le texte visant indistinctement les "entreprises qui sont sous la dépendance d'entreprises situées hors de France".
(5) V. notamment CAA Douai, 2ème ch., 4 juin 2013, n° 12DA00907 (N° Lexbase : A8194KKP), Lexbase Hebdo - édition fiscale n° 546 du 7 novembre 2013 préc. Contra, V. par ex. TA Lille, 4ème ch., 20 décembre 2007, n° 0600276 et n° 0600277.
(6) Règlements du Comité de la réglementation bancaire n° 90-02 du 23 février 1990 et n° 91-05 du 15 février 1991, article 13 bis. C. mon. fin., art. L. 511-24 (N° Lexbase : L4945IZ8).
(7) La surveillance des exigences de fonds propre relèvent en effet de la compétence du régulateur ayant donné l'agrément à l'établissement bancaire. En effet, l'agrément donné dans une banque de l'Union européenne la dispense d'agrément pour exercer l'activité dans d'autres Etats membres (on parle de "passeport bancaire").
(8) Jurisprudence constante depuis CE 8° s-s., 20 décembre 1963, n° 52308 (N° Lexbase : A6946ALT).
(9) Article 7 du modèle de convention OCDE, avant la révision du 22 juillet 2010.
(10) Convention franco-italienne signée du 5 octobre 1989, art. 7 (N° Lexbase : L6706BHT) ; Convention franco-allemande du 21 juillet 1959, art. 4 (N° Lexbase : L6660BH7) ; Convention franco-portugaise du 14 janvier 1971, art. 7 (N° Lexbase : L6739BH3).
(11) CE Sect., 30 décembre 2003, n° 249047 (Coréal gestion) (N° Lexbase : A6490DAM) et n° 233894 (SA Andritz) (N° Lexbase : A6487DAI), publié au recueil Lebon.
(12) BOI 13 O-2-05 du 12 janvier 2005. En ce sens, BOFIP-BOI-IS-BASE-35-20-10-20140415, n° 10 (N° Lexbase : X2965AMR).
(13) Le principe de subsidiarité des conventions fiscales internationales a été consacré par le Conseil d'Etat dans un arrêt du 28 juin 2002 (CE Ass., 28 juin 2002, n° 232276, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0219AZ7).
(14) V. par exemple, CE, 20 décembre 1963, n° 52308, précité.
(15) V. par exemple, Le risque manifestement excessif : immixtion rampante dans la gestion de l'entreprise ou simple garde-fou ?, Droit fiscal, n° 45, 8 novembre 2012, 500.
(16) V. notamment CE, 30 décembre 2003, n° 233894, précité.
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