Réf. : Cass. soc., 27 novembre 2024, n° 22-20.886, FS-B N° Lexbase : A25696KD
Lecture: 4 min
N1232B3Z
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Mathieu Hallot, Docteur en droit, Aix-Marseille Université, CDS (UR 901)
le 13 Décembre 2024
► L’accord conclu à la suite d’une fusion de société et qui prévoit le prolongement de la durée de vie des dispositions conventionnelles mises en cause ne doit pas nécessairement être analysé comme un accord de substitution au sens de l’article L. 2261-14-2 ;
Tel n’est pas le cas, par exemple, pour un accord qui prévoit le maintien des dispositions des conventions qui étaient applicables au sein de leur société absorbée avant l’opération de fusion, mais qui s’applique à l’ensemble des salariés de chacun des établissements constituant la société (y compris ceux engagés au sein de ces établissements depuis la fusion).
L’arrêt précité permet d’apporter certaines précisions sur ce qui peut être qualifié d’accord de substitution en cas de mise en cause d’une convention collective.
Faits et procédure. Dans la présente affaire, un groupe opère une fusion de treize entités pour les regrouper en trois sociétés. Une fois la fusion effective, se pose la question du statut conventionnel applicable aux nouvelles entités.
Dans pareille hypothèse, l’article L. 2261-14 du Code du travail N° Lexbase : L1464LKG dispose que lorsque l’application d’une convention collective est mise en cause dans une entreprise en raison d’une fusion, celle-ci continue de produire effet jusqu’à l’entrée en vigueur d’une convention de substitution ou, à défaut pendant une durée d’un an à compter de l’expiration d’un délai de préavis de trois mois. Pour le dire autrement, en l’absence de clause prévoyant une durée supérieure, une convention collective d’entreprise mise en cause par la fusion de cette structure survie pendant une durée de quinze mois.
Il existe également une autre possibilité qui permet de réaliser une transition progressive d’un statut collectif vers un autre (V. J.-F. Cesaro, Propositions pour le droit du renouvellement et de l’extinction des conventions et accords collectifs de travail : Rapp. Sur la dynamisation de la négociation collective, 2016, p. 39 et s.). L’accord tripartite de transition (C. trav., art. L. 2261-14-2 N° Lexbase : L6704K98) permet, lorsqu’une convention est mise en cause d’appliquer, pendant une durée qui ne peut excéder trois ans, un accord de substitution aux seuls salariés dont le contrat est transféré (L. Aluome, L’accord tripartite de transition, JCP S, 2019, 1305).
Cette précision s’avère importante pour comprendre cette affaire. En l’espèce, un accord relatif à la poursuite des négociations lié au projet de simplification du groupe au sein de l’une des trois nouvelles entités a été signé le 28 janvier 2021. Ce dernier prévoit le prolongement de la durée de vie des dispositions conventionnelles mises en cause depuis le 1er janvier 2018 jusqu’au 31 décembre 2022. La CFDT a demandé la nullité de cet accord. Le syndicat considère en effet que cet accord doit être regardé comme un accord de substitution, au sens de l’article L. 2261-14-2 et qu’à ce titre, il ne peut pas prolonger l’application des dispositions mises en cause pendant une durée supérieure à trois ans. La cour d’appel (CA Bordeaux, 13 avril 2022, n° 21/05449 N° Lexbase : A49007TN) rejette sa demande au motif que cet accord doit être considéré comme un accord de droit commun et non comme un accord de substitution.
Réponse de la cour. La Cour de cassation confirme le raisonnement des juges d’appel. Après avoir rappelé le contenu des articles L. 2261-14 et L. 2261-14-2, les Hauts magistrats adoptent un raisonnement pragmatique. Ils vont analyser le contenu de l’accord qui stipule le maintien des dispositions des conventions qui étaient applicables au sein de leur société absorbée avant l’opération de fusion et qui n’ont pas encore fait l’objet d’une harmonisation. Les juges soulignent néanmoins que les dispositions des accords collectifs sont applicables à l’ensemble des salariés de ces nouveaux établissements, y compris ceux engagés au sein de ces établissements depuis la fusion du 1er janvier 2018.
Cette précision est déterminante dans la qualification juridique de l’accord litigieux. L’objet de l’accord tripartite de transition reste en effet de maintenir les dispositions mises en cause aux seuls salariés transférés. Ce n’est pas le cas de l’accord étudié dans la présente affaire, applicable à l’ensemble des salariés de chacun des établissements constituant la société. Partant de ce constat, la Cour de cassation analyse l’accord comme une convention de droit commun (la décision mentionne à ce titre l’article L. 2232-16 du Code du travail N° Lexbase : L1417LKP). Par conséquent, le délai trois ans prévu par l’article L. 2261-14-2 du Code du travail n’est pas applicable.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:491232