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par Vincent Vantighem
le 02 Décembre 2024
Nul besoin d’être un fin psychologue pour savoir que l’arrivée de la saison automnale joue sur l’humeur. Avec des effets différents sur les uns ou les autres. Prenez Isabelle Balkany. Les premiers frimas l’incitent à prendre soin d’elle et à rester au chaud dans son moulin de Cossy à Giverny (Eure). À peine se décide-t-elle à mettre le nez dehors pour s’occuper des « mauvaises herbes » qui « pullulent » dans le vaste jardin de sa propriété. Son époux vit, lui, la période différemment. À force de rester dans son fauteuil à regarder la télé, Patrick Balkany s’ennuie… « La retraite, c’est l’antichambre de la mort, tranche-t-il ainsi. Et plus je reste dans ce fauteuil, plus je m’en rapproche… »
C’est sans doute pour cela que tous les deux jours environ, l’ancien baron de la droite dans les Hauts-de-Seine ouvre le portail et sort sa voiture pour se rendre dans son ancien fief de Levallois-Perret. Et il s’y verrait bien revenir plus souvent. Voire y rester à demeure. Le 25 octobre, il a demandé à son avocat de déposer au tribunal judiciaire de Paris une requête visant à faire lever la peine d’inéligibilité à laquelle il a été condamné en 2019. Le but ? Pouvoir se présenter aux élections municipales de 2026 et retrouver son fauteuil de premier édile. Comme au bon vieux temps. « Juridiquement, il s’agit d’une demande de relèvement de mesure d’interdiction, déchéance ou incapacité, décrypte une source judiciaire. Ce que constitue l’inéligibilité au titre des articles 702-1 et 703 du code de procédure pénale. »
« Monsieur le maire, vous nous manquez… »
Patrick Balkany n’a sans doute pas eu le loisir de se plonger dans les délices du code. Mais il sait très bien pourquoi il fait ça. « Quand je retourne à Levallois, je ne peux pas faire dix mètres sans me faire arrêter dans la rue. Les gens me disent : ‘Monsieur le maire, vous nous manquez ! Quand est-ce que vous revenez ?’ Les habitants mais aussi les agents municipaux ! », assure-t-il.
Comme si le temps était passé depuis que la justice avait mis fin à brutalement à son mandat de maire, en 2019. Et que, depuis, tout le monde avait oublié. Mais non. Après plus de trente ans passés dans le bureau du maire de Levallois-Perret (de 1983 à 1995 puis de 2001 à 2020), il est toujours coupable de « fraude fiscale » et de « blanchiment » et continue de purger sa peine (quatre ans et demi de prison ferme, 100.000 euros d’amende et surtout dix ans d’inéligibilité).
Avec son épouse Isabelle, ils avaient dissimulé au fisc pendant des années un patrimoine estimé à plus de treize millions d’euros, notamment dans deux somptueuses demeures : la villa Pamplemousse sur l’île de Saint-Martin dans les Caraïbes et le riad Dar Gyucy à Marrakech au Maroc. « De tels faits d’enrichissement personnel sont d’autant plus intolérables au corps social qu’ils ont été commis par des personnes élues au suffrage universel… », avait asséné Benjamin Blanchet, le président de l’audience lors du prononcé du délibéré en première instance avant de décerner un mandat de dépôt à l’encontre de Patrick Balkany.
Rien à voir avec les réquisitions au procès de Marine Le Pen mais…
Ce très proche de Nicolas Sarkozy s’en souvient très bien. Et il en fait même un avantage maintenant. « C’était déjà il y a cinq ans, réagit-il. Je suis allé en prison quasiment un an (à la prison de la Santé et à Fleury-Merogis) et j’ai porté un bracelet électronique. Avec Isabelle, on rembourse chaque mois 1.300 euros au fisc. Donc oui, j’ai demandé que la peine d’inéligibilité s’arrête pour pouvoir me représenter à la mairie. »
Transmise le 25 octobre au parquet national financier, sa requête précède donc les réquisitions intervenues lors du procès de Marine Le Pen et des ex-cadres du Front national prévenus de « détournements de fonds publics » au préjudice du Parlement européen. Des réquisitions d’inéligibilité avec exécution provisoire qui ont enflammé le débat public.
« Ma demande à la justice date de bien avant tout ça, poursuit Patrick Balkany. Je ne suis pas aligné sur Marine Le Pen mais je suis d’accord avec elle sur cette affaire-là. Les juges décident ‘au nom du peuple français’ ! C’est même inscrit sur leur papier à en-tête. Et bien, je pense qu’ils devraient arrêter et laisser les électeurs choisir qui doit les représenter ou pas ! »
Sauf que pour pouvoir avoir une chance de séduire les électeurs, Patrick Balkany devra d’abord convaincre les magistrats. Après une étude par le parquet national financier, sa requête sera présentée lors d’une audience en chambre du conseil où il sera invité à présenter ses arguments. Ce n’est qu’ensuite qu’il faudra décider s’il y a lieu de choisir un slogan de campagne pour 2026. « Patrick, le retour », par exemple ?
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