Réf. : Cass. com., 20 novembre 2024, n° 23-19.924, F-B N° Lexbase : A78756H7
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par Vincent Téchené
le 03 Décembre 2024
► Le créancier titulaire d'une sûreté réelle, à qui la déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble appartenant à un débiteur en liquidation judiciaire est inopposable, peut faire procéder à sa vente sur saisie, qui n'est pas une action tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.
Faits et procédure. Une société, créancière à titre non professionnel d’un couple en vertu d'un jugement du 14 décembre 2017 devenu irrévocable, leur a fait délivrer le 11 mai 2021 un commandement aux fins de saisie-vente de leur résidence principale, sur laquelle elle détient une hypothèque.
Le 28 janvier 2022, le mari a été mis en liquidation judiciaire.
La cour d’appel de Bordeaux (CA Bordeaux, 1er juin 2023, n° 23/01072 N° Lexbase : A59619YG) a retenu que la vente forcée de l'immeuble en cause ne peut être poursuivie jusqu'à la clôture de la procédure de liquidation judiciaire. En effet, pour les juges du fond, si un créancier non professionnel peut réaliser son droit sur l'immeuble bénéficiant d'une insaisissabilité légale, l'ouverture d'une procédure collective, qui a pour corollaire l'arrêt des poursuites, fait obstacle à l'exercice d'une action qui tend au paiement d'une créance, et donc à la vente forcée de l'immeuble.
La société créancière a donc formé un pourvoi en cassation.
Décision. La Cour de cassation énonce au visa des articles L. 526-1 N° Lexbase : L9698L7C et L. 622-21 N° Lexbase : L9125L74 du Code de commerce que le créancier titulaire d'une sûreté réelle, à qui la déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble appartenant à un débiteur en liquidation judiciaire est inopposable, en application du premier de ces textes, peut faire procéder à sa vente sur saisie, qui n'est pas une action tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, prohibée par le second de ces textes.
En conséquence, elle censure l’arrêt d’appel.
Observations. La Cour de cassation a déjà retenu, concernant la déclaration notariée d’insaisissabilité, qu’un créancier, titulaire d'une sûreté réelle, à qui la déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble appartenant à un débiteur en liquidation judiciaire est inopposable, peut faire procéder à sa vente sur saisie. Elle en avait alors déduit que ce créancier n'a pas à être autorisé par le juge-commissaire pour faire procéder à la saisie de l'immeuble qui n'est pas, en ce cas, une opération de liquidation judiciaire (Cass. com., 5 avril 2016, n° 14-24.640, FS-P+B N° Lexbase : A1460RC3, E. Le Corre-Broly, in Chron., Lexbase Affaires, septembre 2016, n° 463 N° Lexbase : N2367BWL). La solution retenue dans l’arrêt rapporté n’a donc pas de quoi surprendre, dès lors qu’il est désormais acquis que les créanciers, auxquels la déclaration notariée est inopposable et qui ont donc conservé le droit de saisir l'immeuble, sont émancipés, lorsqu'ils voudront agir sur l'immeuble, de la discipline de la procédure collective. Les grands corps de règles de cette discipline collective leur sont inapplicables : interdiction des paiements, arrêt des poursuites individuelles et des voies d'exécution, déclaration de créance au passif, arrêt du cours des inscriptions de sûretés, arrêt du cours des intérêts.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La réalisation des actifs, L'insaisissabilité légale de la résidence principale du débiteur personne physique, in Entreprises en difficulté (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E5684E7N. |
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