Réf. : TA Paris, 21 novembre 2024, n° 2430705 N° Lexbase : A56516I7
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par Yann Le Foll
le 03 Décembre 2024
► En interdisant une conférence prévue sur l’embargo militaire contre Israël, le directeur de l’IEP de Paris a porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression et de réunion garantie aux usagers du service public de l’enseignement supérieur.
Faits. Par un courriel du 18 novembre 2024, le directeur de l’IEP de Paris a informé la responsable de l’initiative étudiante Students for justice in Palestine Sciences Po qu’il refusait la tenue au sein des locaux de l’Institut de la conférence intitulée « Conference on IHL [International Humanitarian Law] and geostrategic perspectives of the arms embargo on Israël » avec l’intervention de Mme X, prévue le 22 novembre suivant de 17 heures à 19 heures.
Rappel. Il résulte des articles L. 141-6 N° Lexbase : L9263ARI et L. 811-1 N° Lexbase : L4752IXB du Code de l’éducation que l’IEP de Paris, comme tout établissement d’enseignement supérieur, doit veiller à la fois à l’exercice des libertés d’expression et de réunion des usagers du service public de l’enseignement supérieur et au maintien de l’ordre dans les locaux comme à l’indépendance intellectuelle et scientifique de l’établissement, dans une perspective d’expression du pluralisme des opinions.
Position TA. Le juge du référé-liberté relève que la circonstance que l’intéressée ait, dans plusieurs messages publiés sur X en avril 2024, manifesté son soutien aux étudiants de l’IEP de Paris « se soulev[a]nt » pour la cause palestinienne ne permet pas d’inférer que sa conférence pourrait être l’occasion d’encourager à des actes d’occupation. Par ailleurs, l’initiative étudiante Students for justice in Palestine Sciences Po manifeste par l’organisation de cette conférence, ouverte aux seuls étudiants de Sciences Po et encadrée par des mesures, déjà éprouvées lors de précédents événements et tendant à assurer le maintien de l’ordre, une volonté de donner à cet engagement politique une forme légale, argumentée et pacifique.
En outre, il ne résulte d’aucun élément versé à l’instance que la conférence projetée aurait suscité des projets d’actions destinés à manifester une opposition violente à l’intervenante ou à ses auditeurs. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l’instruction que l’éventualité de troubles liés à des contre-manifestations présente une gravité telle qu’elle n’aurait pu être prévenue par des mesures de police portant une atteinte moindre à la liberté de réunion et d’expression que l’interdiction litigieuse.
Décision. Il est enjoint à l’IEP de Paris, si les organisateurs confirment leur demande d’organisation de la conférence et en précisent l’ensemble des éléments, de déterminer dans les meilleurs délais compatibles avec le bon fonctionnement de l’établissement, au vu de la situation prévisible de celui-ci à la nouvelle date envisagée et des garanties apportées par les organisateurs sur le dispositif de sécurisation et de modération de la conférence, les conditions d’organisation de celle-ci, de façon à garantir son bon déroulement et à prévenir les risques de troubles à l’ordre public (voir pour une décision précédente inverse selon laquelle le refus de mettre une salle d'un établissement d'enseignement à disposition d'une association appelant au boycott d'un État ne nuit pas à la liberté de réunion : CE référé, 7 mars 2011, n° 347171, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3278G48).
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