Le Quotidien du 10 juillet 2024 : Droit rural

[Brèves] Échange amiable d’immeubles ruraux : le consentement du preneur est obligatoire

Réf. : Cass. civ. 3, 27 juin 2024, n° 22-23.803, FS-B N° Lexbase : A29745LQ

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N9862BZB

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par Christine Lebel, Maître de conférences HDR, Université de Franche-Comté

le 09 Juillet 2024

► En application des articles L. 121-1, L. 123-4, L. 123 15 et L. 124-1 du Code rural et de la pêche maritime, les échanges amiables d'immeubles ruraux, même en l'absence d'un périmètre d'aménagement, constituent un mode d'aménagement foncier rural, reposant sur le principe d'équivalence des attributions, et les coéchangistes ne peuvent déroger, sans l'accord du preneur, au report du bail rural sur les parcelles acquises par le bailleur.

En l’espèce, un propriétaire bailleur a consenti un bail rural à un preneur à compter du 31 décembre 2016, pour une durée de neuf ans plusieurs parcelles agricoles. Puis par acte notarié du 9 août 1917, ce propriétaire a cédé, à titre d’échange, à un couple ces trois biens contre une parcelle. L’acte précisait qu’il n’y aura aucun transfert de bail pour les locataires du fait de cet échange, chacun d’eux continuant à exploiter les terres dont il est locataire. Le 7 décembre 2017, le notaire a informé le preneur que le propriétaire avait cédé à titre d’échange, en application de l’article L. 124-1 du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L0633LTM, les parcelles louées ; le preneur a fait opposition à l’acte d’échange, mais les échangistes n’ont pas saisi le tribunal paritaire des baux ruraux.

Par acte notarié du 14 février 2018, le propriétaire a donné à bail à un couple de preneurs la parcelle qu’il avait obtenu à la suite de l’échange amiable, lesquels ont mis ce bien à disposition d’une société d’exploitation agricole, pour une durée de neuf ans. Par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception, le preneur a mis en demeure le bailleur de mettre en œuvre les dispositions utiles afin qu’il puisse prendre possession de la parcelle reçue lors de l’échange et en assurer l’exploitation normale. Le bailleur a répondu que l’exécution du bail initialement conclu incombait au couple et que ce dernier avait la qualité de propriétaire des parcelles louées en 2016. Dans ce contexte, le preneur a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux, qui l’a débouté de ses demandes.

Le preneur a interjeté appel. Par deux arrêts des 25 mai 2022 (CA Reims, 25 mai 2022, n° 21/02109 N° Lexbase : A38267YD) et 5 octobre 2022 (CA Reims, 5 octobre 2022, n° 21/02109 N° Lexbase : A20618NN), la cour d’appel de Reims a infirmé le premier jugement en considérant que le tribunal avait écarté à tort l’application de l’article L. 123-15 du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L6739I7Q. Elle ajoute que le preneur est bien fondé à demander que le bail qui lui a été consenti en 2016 se poursuive sur la parcelle reçue en échange. Un pourvoi est formé contre cette décision.

Question. Dans le cadre d’un échange amiable de parcelles agricoles, le preneur ayant conclu un bail avec un propriétaire peut-il être contraint de poursuivre ce contrat avec un autre bailleur ? Autrement dit, la substitution de bailleur peut-elle être imposée au preneur en place au moment de l’échange amiable de parcelles agricoles ?

Enjeu. Le preneur peut demander à poursuivre le bail initialement conclu sur la parcelle reçue en échange.

Réponse de la Cour de cassation. Par un arrêt du 27 juin 2024, la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir jugé que l’échange amiable est assimilé à un échange opéré par voie d’aménagement foncier, agricole ou forestier pour lesquels le preneur a le choix d’obtenir le report des effets du bail sur les parcelles acquises en échange, sans que ce celui-ci ne soit subordonné à une diminution de jouissance par l’effet de l’échange, ou à la résiliation du bail sans indemnité en application des articles L. 121-1 N° Lexbase : L3722G9Q, L. 123-4 N° Lexbase : L6738I7P, L. 123-15, L. 124-1 du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L0633LTM. Par conséquent, le preneur était fondé à demander que le bail se poursuive sur la parcelle reçue en échange, car cette opération avait pour effet de lui imposer une substitution de bailleur à laquelle il n’avait pas consenti.

L’échange amiable de parcelles agricoles est une question rarement abordée dans la jurisprudence de la Cour de cassation. L’échange rural est à distinguer du contrat d’échange de l’article 1702 du Code civil N° Lexbase : L1825AB9 et constitue un instrument d’aménagement foncier rural. Il résulte d’un usage ancien qui a été maintenu avant d’être juridiquement encadré. En l’espèce, il s’agissait d’un échange bilatéral dans la mesure où deux propriétaires se donnent réciproquement des biens ruraux, le cas échéant moyennant une soulte en cas de différence de valeurs.

Par application de l’article L. 123-15 du Code rural et de la pêche maritime, tout preneur exploitant des parcelles concernées par une opération d’aménagement foncier agricole dispose d’une option entre l’acceptation du report du bail sur les parcelles attribuées sans indemnité et la résiliation du bail, sans indemnité également (Cass. civ. 3, 8 novembre 1983, n° 82-13.106 et 82-15.070, P+B, N° Lexbase : A6759CGG). Toutefois, ce choix ne peut lui être imposé (Cass. civ. 3, 23 janvier 1985, n° 83-14.858, P+B N° Lexbase : A0407AHK). Tel était bien le cas en l’espèce, le bail initialement conclu en 2016 ne pouvait se poursuivre, car cela équivaut à imposer une substitution de bailleur, comme l’avaient souligné les juges du fond. Pour cette raison, il est conseillé de mettre en demeure le preneur concerné de prendre position, notamment en lui adressant une lettre recommandée avec demande d’accusé de réception par acte extrajudiciaire (Cass. civ. 3, 8 novembre 1983, n° 82-13.106 et 82-15.070 précité). En cas de refus du preneur du report du bail sur les nouvelles parcelles acquises par son bailleur, le bail est résilié sans indemnisation. Enfin, le report n’interdit pas une éventuelle révision du fermage dans l’hypothèse où les biens nouvellement exploités seraient d’une superficie plus grande, ou de meilleure qualité agronomique (Cass. civ. 3, 8 décembre 1976, n° 75-13.064, publié au bulletin N° Lexbase : A6896CGI).

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