Réf. : Cass. civ. 2, 6 juin 2024, n° 22-11.736, FS-B+R N° Lexbase : A23885GK
Lecture: 3 min
N9540BZD
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Laïla Bedja
le 12 Juin 2024
► Un enregistrement déloyal peut être considéré comme recevable pour permettre au salarié de faire reconnaître un accident du travail et demander la reconnaissance de la faute inexcusable de ce dernier (application Cass. ass. plén., 22 décembre 2023, n° 20-20.648).
Faits et procédure. Un salarié a déclaré avoir été victime de violences verbales et physiques commises par son employeur, gérant de la société X, accident que la caisse primaire d’assurance maladie a pris en charge au titre de la législation professionnelle. L’employeur a saisi d’un recours le tribunal des affaires de Sécurité sociale aux fins d’inopposabilité de la décision. La victime a saisi la même juridiction d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur. Les deux instances ont été jointes.
Afin de prouver les faits, le salarié a produit un enregistrement de l’altercation et sa retranscription par un huissier de justice (commissaire de justice dorénavant).
La cour d’appel, comme le tribunal, a approuvé la production de cet enregistrement et admis la prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle et reconnu la faute inexcusable de l’employeur.
Ce dernier a alors formé un pourvoi en cassation arguant de la déloyauté de la preuve fournie par le salarié et une atteinte à sa vie privée.
Décision. La Haute juridiction écarte l’argumentation de l’employeur et fait une application de la récente jurisprudence de la Cour de cassation concernant la recevabilité d’une preuve déloyale dans une instance civile. Depuis un arrêt d’assemblée plénière du 22 décembre 2023 (Cass. ass. plén., 22 décembre 2023, n° 20-20.648
Deux conditions sont à respecter et laissées à l’appréciation stricte du juge :
En l’espèce, sans l’enregistrement et sa retranscription, les éléments étaient insuffisants pour démontrer que les blessures du salarié trouvaient leur origine dans l’altercation avec l’employeur (certificats médicaux et dépôt de plainte). Les témoins présents au moment des faits ne pouvaient produire de témoignages au regard de leur lien de subordination et économique vis-à-vis de l’employeur. La première condition relative au caractère indispensable est donc validée selon la Cour de cassation.
Sur la proportionnalité, la cour d’appel a procédé à son contrôle entre, d’une part, le droit à la preuve du salarié d’établir la réalité de l’accident du travail et, d’autre part, l’atteinte à la vie privée de l’employeur, dont ce dernier faisait état. La cour d’appel constatant que l’altercation était intervenue dans un lieu ouvert au public, au vu et su de tous, a pu en conclure que l’atteinte à la vie privée n’était pas disproportionnée.
Pour aller plus loin : lire le commentaire de S. Vernac, Une preuve à tout prix, Lexbase Social, février 2024, n° 972 N° Lexbase : N8275BZI |
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:489540