Réf. : Cass. civ. 3, 6 juin 2024, n° 23-11.336, FS-B N° Lexbase : A23835GD
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J AVOCATS, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 14 Juin 2024
► Le critère de gravité décennale reste requis, même pour les défauts de conformité ; la mobilisation de l’assurance de responsabilité civile décennale nécessite donc également que cette preuve soit rapportée.
Le rappel fait du bien tant il est fréquent de voir sollicitée la mobilisation de la responsabilité civile décennale et, par devers elle, de l’assurance dommages-ouvrage et/ou de responsabilité civile décennale pour tous les désordres, qu’ils soient des vices ou des défauts de conformités, c’est-à-dire des non-façons ou des malfaçons.
En l’espèce, des maîtres d’ouvrage ont conclu avec un promoteur un contrat de construction de maison individuelle. Les maîtres d’ouvrage ont contesté les travaux réalisés par le constructeur, dénoncé des désordres et une non-conformité à l’assureur dommages-ouvrage. Parallèlement, ils ont transigé avec le garant de livraison qui, une fois l’indemnité payée, exerce un recours contre l’assureur dommages-ouvrage sur le fondement de l’article 1792 du Code civil N° Lexbase : L1920ABQ.
La cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 7 novembre 2022, rejette les demandes du garant qui forme un pourvoi en cassation. Il articule que la nécessité de démolir et de reconstruire l’ouvrage pour réparer les désordres qui l’affectent caractérise nécessairement un dommage rendant l’ouvrage impropre à sa destination.
La Haute juridiction rappelle que l’assurance dommages-ouvrage, en application des dispositions de l’article L. 242-1 du Code des assurances N° Lexbase : L1892IBP, est due uniquement pour les dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs, en application de l’article 1792 précité, c’est-à-dire des désordres de nature décennale.
Elle rappelle aussi que depuis une jurisprudence bien établie (Cass. civ. 3, 20 novembre 1991, n° 89-14.867, publié au bulletin N° Lexbase : A2664ABB), les défauts de conformité n’entrent pas, en l’absence de désordres, dans le champ d’application de l’article 17921 précité.
Il en est ainsi des défauts de conformité qui ne portent pas atteinte à la solidité de l’ouvrage ni qui ne le rendent impropre à sa destination. Il est ajouté que le défaut de conformité ne doit pas exposer le maître d’ouvrage à une action en démolition faite par un tiers, quand bien même la démolition-reconstruction serait retenue pour réparer les désordres.
La solution mérite d’être saluée même si elle doit être rapprochée des jurisprudences, plus sévères, aux termes desquelles le défaut d’implantation, qui fait courir un risque de démolition, caractérise un dommage de nature décennale (Cass. civ. 3, 18 mars 2021, n° 19-21.078, F-D N° Lexbase : A89454LU).
Il a même été jugé que la décision irrévocable de condamner à démolir et à reconstruire un ouvrage à la suite d’une erreur d’implantation caractérise une impropriété de destination (Cass. civ. 3, 6 décembre 2018, n° 17-28.513, F-D N° Lexbase : A7865YPY).
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