La lettre juridique n°985 du 30 mai 2024 : Négociation collective

[Le point sur...] La négociation de l’accord anticipé d’harmonisation

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par Louis Aluome, Docteur en droit, Avocat, Bredin Prat, Chargé d’enseignement à l’Université Panthéon-Assas (Paris II)

le 29 Mai 2024

Mots-clés : négociation collective • transfert de l’entreprise • accord anticipé d’harmonisation • négociation de substitution

La négociation d’un accord anticipé d’harmonisation est tout à la fois encadrée par le Code du travail et la jurisprudence rendue en matière de négociation collective. Compte tenu du nombre de parties prenantes et des enjeux associés à la négociation, et s’il convient naturellement de suivre le carcan règlementaire, il importe également de prendre de la hauteur et de faire montre de pragmatisme pour constituer une « structure » de négociation souple et agile, respectueuse des droits de chacun et maximisant les chances de conclure un accord collectif de travail. Ce pragmatisme s’exprime à tous les stades de la négociation.  


I. La fixation de la date d’entrée en négociation

Temporalité. Pour produire ses effets, l’accord anticipé d’harmonisation doit être conclu avant le transfert effectif de l’entreprise. Mais à quelle date en amont du transfert est-il permis de négocier ? Le Code du travail permet l’ouverture de la négociation de substitution lorsqu’est envisagée une fusion, une cession, une scission ou toute autre modification juridique qui aurait pour effet la mise en cause d'une convention ou d'un accord. Faute de précisions supplémentaires, il est selon nous opportun - afin d’éviter toute caractérisation d’une entrave au fonctionnement de la représentation élue du personnel - d’aligner la date d’ouverture de la négociation sur la date d’ouverture de la présentation du projet de transfert au comité social et économique lorsqu’il existe ou, lorsque le calendrier le permet, à compter de la date de remise de l’avis de l’instance.

II. La détermination du niveau de négociation

Interprétation ancienne. L’accord anticipé d’harmonisation doit-il être conclu au même niveau que celui qu’il remplace ? Les articles L. 2261-14 N° Lexbase : L1464LKG et suivants du Code du travail ne répondent pas expressément à cette question. De prime abord, le principe de parallélisme des formes emprunté au droit commun des contrats pourrait justifier une telle restriction. C’est d’ailleurs en ce sens que s’est prononcée, dans les années 90, une partie de la doctrine travailliste [1]. Plus récemment, il a pu être affirmé « que l'accord de substitution ne peut être négocié et conclu qu'au niveau de l'entreprise ou de la partie d'entreprise transférée, lorsque celle-ci devient un établissement distinct au sein de l'entreprise du nouvel employeur ou lorsqu'elle conserve ce caractère après la réalisation de l'opération de restructuration » [2]. Cette position se fonde sur une interprétation littérale de l’article L. 2261-14 du Code du travail, lequel vise une négociation d’harmonisation engagée « dans l’entreprise concernée » par le transfert. Elle s’appliquerait d’autant plus aux accords d’harmonisation conclus par anticipation au transfert, les articles L. 2261-14-2 N° Lexbase : L6704K98 et L. 2261-14-3 N° Lexbase : L6705K99 visant expressément les employeurs et les organisations syndicales des entreprises concernées par le transfert.

Interprétation nouvelle. Pour autant, cette interprétation ancienne n’emporte plus aujourd’hui la conviction. En effet, le droit de la négociation collective a connu, ces dernières années, de profondes mutations et il est désormais acquis que l'ensemble des négociations prévues par le Code du travail au niveau de l'entreprise peuvent être engagées au niveau du groupe de sociétés [3]. Rien ne semble devoir s’opposer à ce qu’elles soient également conduites au niveau de l’unité économique et sociale, laquelle est juridiquement assimilée à l’entreprise, ou encore au niveau de l’établissement. Le législateur ouvre donc la voie à une déconnexion entre le niveau de conclusion de l’accord mis en cause et celui de l’accord d’harmonisation. La solution est heureuse : elle permet de mener la négociation au niveau du véritable centre décisionnel de l’entité concernée, qu’il s’agisse de l’établissement, de l’entreprise, de l’unité économique et sociale ou du groupe. Elle participe également à la perfection de la capacité de négociation des organisations syndicales représentatives présentes au niveau du groupe de sociétés ou de l’unité économique et sociale, si aucune représentation syndicale n’a émergé au sein de l’entreprise cessionnaire. Au demeurant, les articles L. 2261-14 et suivants du Code du travail visent uniquement à garantir aux salariés transférés une couverture conventionnelle [4], peu important qu’elle soit déployée au niveau de l’entreprise ou au-delà. Dans ce contexte, il nous semble que l’accord d’harmonisation doit pouvoir être conclu à tout niveau jugé pertinent par les négociateurs, sans restriction tenant au niveau de l’accord qui a vocation à être remplacé et moyennant, le plus souvent, un jeu de mandats.

III. La sélection des négociateurs patronaux et salariés

Négociateur patronal. Lorsqu’est envisagée la conclusion d’un accord tripartite de transition ou quadripartite d’anticipation, la délégation patronale à la négociation comprend obligatoirement le cédant et le cessionnaire, lesquels ne sont pas toujours animés par un intérêt commun. Deux délégations patronales sont ainsi constituées, ce qui accentue les risques de désaccord, chacune pouvant en sus être composée de plusieurs collaborateurs salariés librement choisis, voire des tiers à l’entreprise (avocats, experts, etc.). Afin de conjurer les difficultés qui peuvent naître de la multiplication des interlocuteurs, l’organisation de pourparlers préalables à la négociation peut utilement permettre aux représentants patronaux d’établir une position commune [5], voire de procéder à la réunion de leurs délégations. Le cédant consentirait alors à déléguer au cessionnaire la capacité de négocier en son nom et lui transmettrait, pour le bon déroulement de cette négociation, l’ensemble des informations et documents utiles (accords collectifs et engagements unilatéraux en vigueur au sein de l’entité cédée, coordonnées des organisations syndicales représentatives, des membres élus du CSE et du service des ressources humaines, etc.). Pareil mandatement pourrait également s’accompagner de devoirs pour le cessionnaire, comme celui de tenir informer le cédant de l’avancée des négociations et de leur contenu, voire de prévoir son accord préalable à certaines propositions. En pratique cependant, il convient de faire montre de prudence tant le mandatement ne semble pas toujours la solution la plus adéquate : en effet, le cessionnaire ne connaît pas les organisations syndicales du cédant avec lesquelles il est amené à négocier, ni ne maitrise le statut collectif applicable au sein de l’entité cédée. Ses capacités de négociation peuvent s’en trouver altéré. Une analyse au cas par cas s’impose donc.

Négociateur syndical. Les accords visés aux articles L. 2261-14-2 N° Lexbase : L6704K98 et L. 2261-14-3 N° Lexbase : L6705K99 du Code du travail ne sont pas uniquement le produit d’une négociation menée entre le cédant et le cessionnaire : pour le premier, il sollicite également la participation et la signature des organisations syndicales représentatives de l’entreprise, objet du transfert [6] ; pour le second, il sollicite en sus des acteurs susvisés la participation et la signature des organisations syndicales représentatives de l’entreprise cessionnaire. Cela n’est pas toujours sans poser de difficultés pratiques : les représentants issus de la société d’accueil, qui ne sont pas familiarisés avec le ou les accords mis en cause et la collectivité de travailleurs concernée, peuvent apparaître comme peu sensibles aux intérêts des salariés repris et peu légitimes à les représenter. Un important travail de pédagogie et de légitimation est donc nécessaire. Reste que cette difficulté est en partie contrebalancée par la présence de représentants de la société absorbée. Là encore, il peut être opportun de réduire au strict nécessaire la délégation syndicale amenée à négocier l’accord espéré en désignant des « coordinateurs syndicaux », expressément mandaté par les organisations syndicales représentatives.

Négociateur élu ou salarié. Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, la question de la partie salariale à la négociation d’harmonisation a longtemps été source de débats. Il a ainsi pu être avancé que la référence expresse faite dans le Code du travail à une négociation menée avec « les organisations syndicales représentatives » écarte toute possibilité de négocier selon un mode dérogatoire les accords de transition [7]. Représentants élus et salariés seraient donc bannis de cette négociation. La Cour de cassation a semblé abonder en ce sens en décidant, en 2006, que les organisations syndicales représentatives « ont seule qualité pour négocier avec l'employeur un accord d'entreprise ou d'établissement permettant l'adaptation aux nouvelles dispositions conventionnelles lorsque l'application d'une convention est mise en cause dans une entreprise déterminée » [8]. Mais l’analyse des faits ayant justifié la décision de la Chambre sociale, au demeurant non publiée, ne permet pas d’exclure catégoriquement la voie de la négociation dérogatoire. En effet, l’accord en cause, conclu en 1997 avec la délégation du personnel en raison de l’absence de représentation syndicale dans l’entreprise, ne pouvait valoir qu’accord atypique, et non accord de substitution, car conclu en un temps où la négociation dérogatoire n’existait pas légalement, ou uniquement à titre expérimental dans les branches l’autorisant expressément [9]. Dans ce contexte, ce n'est pas tant l'exclusivité de l'acteur syndical que la nécessité d'un véritable accord collectif qui a fondé la solution retenue par la Chambre sociale : seul un accord collectif au sens du Code du travail, et non un accord « atypique », pouvait valoir accord d’harmonisation.

À notre sens, et de manière plus pragmatique, il convient d’admettre que l’accord d’harmonisation peut être négocié de manière dérogatoire [10]. Plusieurs arguments permettent de s’en convaincre. Tout d'abord, le Conseil constitutionnel a consacré à plusieurs reprises la légitimité de l'accord conclu avec les représentants élus du personnel : « des salariés désignés par la voie de l'élection ou titulaires d'un mandat assurant leur représentativité, peuvent également participer à la détermination collective des conditions de travail dès lors que leur intervention n'a ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à celle des organisations syndicales représentatives » [11]. Or, en l'absence de représentation syndicale, aucune concurrence n'existe. Au demeurant, la coexistence des négociateurs alternatifs et des délégués syndicaux ne constitue pas forcément un « obstacle » à l'intervention des organisations syndicales. En effet, à titre d’exemple, en matière d'accord quadripartite d'anticipation, l'admission d'une négociation avec un acteur extra-syndical dans l'entreprise sans présence syndicale conduit à parfaire la capacité de négociation des délégués syndicaux présents dans l'autre entreprise et qui ne pourraient, seuls, conclure l'accord au nom des salariés du cédant ou du cessionnaire.

Ensuite, les dispositions qui gouvernent la négociation dérogatoire ont profondément évolué avec le temps, jusqu’à autoriser sa mobilisation pour négocier, conclure et réviser tout accord collectif, sans distinction quant à la finalité de celui-ci [12]. Ce faisant, la négociation « dérogatoire » s’inscrit désormais dans le droit commun de la négociation collective ; elle est devenue subsidiaire [13] et n’a de dérogatoire que le nom. Faute d’une interdiction expresse, y recourir pour toutes les négociations légalement envisagées est possible. Le contraire reviendrait à pénaliser les entreprises au sein desquelles une présence syndicale n’a pas émergé.

IV. La fixation du cadre de la négociation

Loyauté. Toute négociation - spécialement d’harmonisation, laquelle s’inscrit dans un contexte spécifique - ne peut espérer aboutir que si elle se déploie dans un cadre assurant l’égalité des armes entre les négociateurs. Il est ainsi communément admis que tout contrat doit être négocié et exécuté de bonne foi ; ce principe d’ordre public absolu [14] oblige chacune des parties à la négociation à « prendre en considération, fût-ce à des degrés variables, les intérêts de l’autre, et à agir au besoin en conséquence » [15]. Il trouve nécessairement application en matière de négociation collective d’harmonisation et le juge ne manque jamais d’en sanctionner la violation. Ainsi, cédant et cessionnaire sont, par exemple, tenus d’informer de l’ouverture de la négociation l’ensemble des organisations syndicales représentatives. Aucune sélection ne peut être faite parmi les interlocuteurs habilités à négocier. De même, une fois les discussions engagées, chaque partie qui a connaissance d’une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre est en principe tenue de l'en informer [16].

Échanges multilatéraux. Compte tenu de ce qui précède, les négociations séparées se traduisant par des rencontres bilatérales entre la délégation patronale et une partie seulement de la délégation syndicale sont en principe prohibées. Cette interdiction n’est toutefois pas absolue : une telle pratique est tolérée dès lors qu’elle a été proposée à tous les négociateurs et a fait l’objet d’une discussion en réunion plénière [17]. Le recours à ces rencontres bilatérales peut, au demeurant, s’avérer indispensable dans le cadre de la négociation d’un accord collectif d’harmonisation en raison du nombre important d’acteurs intéressés, des intérêts en cause et du contexte parfois anxiogène d’une telle négociation.

Sanction. Les manquements au principe de loyauté peuvent frapper de nullité l’accord conclu. Pour autant, l’invocation de celle-ci doit intervenir à bref délai : dans les deux mois à compter de la notification ou de la publication de l’accord [18]. Au-delà, son invocation par une personne justifiant d’un intérêt en ce sens dans le cadre d’un contentieux individuel ne peut conduire qu’à une décision de portée limitée aux parties au litige.

Confidentialité. La loyauté qui préside à la négociation a naturellement un corollaire : la préservation de la confidentialité des échanges. Divulguer sans autorisation une information confidentielle obtenue à l'occasion des négociations précédant la conclusion de l’accord d’harmonisation exposerait celui ou celle qui en aurait pris l’initiative à un engagement de sa responsabilité [19].

Encadrement conventionnel. Un encadrement des négociations menées peut être opéré par le jeu d’un accord portant sur « la méthode permettant à la négociation de s'accomplir dans des conditions de loyauté et de confiance mutuelle entre les parties » [20]. Soumis au droit commun des conventions et accords collectifs de travail, cet accord a vocation à préciser la nature des informations partagées entre les négociateurs et à définir les principales étapes du déroulement des négociations [21]. Des moyens supplémentaires peuvent également être attribués aux négociateurs par ce canal. En revanche, sauf stipulation conventionnelle contraire, et sous réserve du respect du principe général de loyauté, la violation de l’accord de méthode par l’une ou l’autre des parties n’emporte pas la nullité́ du ou des accords collectifs conclus subséquemment [22], ce qui permet d’éviter que « la négociation de la méthode ne devienne en elle-même un enjeu [...] fragilisant » l’accord collectif [23]. Mais rien n’exclut que l’accord de méthode lui-même soit annulé dans les conditions de droit commun applicables à l’annulation des accords collectifs [24].

V. L’objet de la négociation

Transition. L’accord tripartite de transition poursuit l’ambition de maintenir un statu quo temporaire au profit des salariés transférés : leur ancien statut collectif ne disparaîtra pas brutalement ; ils constitueront un groupe fermé de salariés dans l’entité reconstituée auquel sera appliqué un statut semblable à celui qu’ils ont connu jusqu’alors. Se pose néanmoins la question de la concordance entre le ou les accords mis en cause et l’accord de transition négocié par les partenaires sociaux : une identité parfaite d’objet est-elle requise pour que l’accord conclu vaille accord de transition ? Ce serait aller plus loin que ce qui est légalement prévu. L’article L. 2261-14-2 du Code du travail N° Lexbase : L6704K98 n’envisage pas expressément une telle condition de validité de l’acte, laquelle serait d’ailleurs contraire à l’esprit du dispositif et pourrait réduire drastiquement les chances de conclure des accords tripartites de transition. En effet, la négociation visée à l’article L. 2261-14-2 du Code du travail poursuit le dessein de permettre une transition « en douceur » vers le statut conventionnel de l’entreprise d’accueil en favorisant une convergence progressive des normes. Des adaptations doivent être apportées à l’accord d’origine ; elles peuvent comprendre la disparition d’avantages anciens alors que d’autres apparaissent. Ainsi, la négociation de transition, si elle doit porter sur le même objet que l’accord mis en cause, n’a pas nécessairement à en reprendre tous les points. Finalement, il est même « probable que ces accords d’anticipation se rapprochent des stipulations conventionnelles applicables dans l’entreprise d’accueil, aucune des parties ne pouvant souhaiter maintenir une trop grande différence » [25]. Soutenir la solution inverse reviendrait à considérer que le dispositif imaginé par le Professeur Cesaro et consacré par le législateur reprendrait purement et simplement celui de la mise en cause des conventions et accords collectifs de travail, en allongeant la durée de survie de l’acte, mais en amputant l’article L. 2261-14 de de son principal alinéa, celui assurant le maintien d’une rémunération garantie en l’absence d’accord de substitution.

Cela ne signifie pas pour autant que certaines contraintes ne pèsent pas sur les négociateurs. En pratique, la liberté contractuelle des parties à l’accord de transition peut être limitée par le carcan conventionnel de niveau supérieur applicable dans l’entité cessionnaire. Les partenaires sociaux doivent tenir compte des dispositions des conventions et accords collectifs d’entreprise, interentreprises, de groupe ou de branche existants, lesquels peuvent parfois rendre inefficace toute négociation portant sur un thème déjà traité par eux. Par ailleurs, lorsque l’accord de transition est négocié de façon dérogatoire, la liberté des négociateurs peut être limitée par l’ampleur du mandat octroyé aux représentants des salariés.

Adaptation. L’accord quadripartie d’adaptation poursuit un objectif autre : harmoniser immédiatement les statuts collectifs en conflit en se substituant aux conventions et accords mis en cause et en révisant les conventions et accords applicables dans l'entreprise ou l'établissement dans lequel les contrats de travail sont transférés. En cela, il se rapproche davantage de la figure dorénavant classique de l’accord de substitution visé à l’article L. 2261-14 du Code du travail. Eu égard à son objet, la doctrine a pu s’interroger sur la nécessité que l’accord d’adaptation ait le même objet que l’accord mis en cause. La jurisprudence a tranché ce débat dans des décisions relatives à la dénonciation des conventions et accords collectifs de travail, lesquelles sont transposables au cas particulier de la mise en cause [26]. Ainsi, est-il généralement admis que l’accord d’adaptation doit seulement constituer l’aboutissement des négociations qui doivent précéder la mise en cause et qui supposent l’examen du contenu de la convention ou de l’accord collectif qui sera mis en cause. Il peut expressément exclure certains thèmes qui relevaient naguère du ou des accords ayant vocation à disparaître [27] ; il peut également choisir de ne traiter que d’une partie de ces thèmes et prévoir que ceux non abordés feront l’objet de négociations futures [28]. Dans ce contexte, l’accord d’adaptation peut être « partiel », voire traiter de points initialement absents de l’accord remplacé, sous réserve naturellement que « l’employeur n’ait pas refusé de négocier sur tous [les] points » traités par la convention ou l’accord collectif mis en cause alors que telle était « la demande des syndicats » ou, le cas échéant, des négociateurs extra-syndicaux [29] et que les parties aient expressément exclu ces thèmes de l’accord [30]. Il peut également être moins favorable que les stipulations conventionnelles mises en cause [31], étant observé que si les organisations syndicales jugent les propositions de l’employeur au cours de la négociation de l’accord de substitution trop défavorables aux salariés, elles sont libres de ne pas signer l’accord. La période de survie et, au-delà, le maintien d’une indemnité différentielle de rémunération, les y incitent. Sauf situation économique particulière, un socle minimal doit donc être garanti aux salariés pour que la négociation débouche sur un accord.


[1] J.-E. Ray, Restructurations et statut collectif : Dr. soc. 1989, p. 65 ; J. Pélissier, Conventions collectives applicables après une restructuration : RJS 01/91, p. 5.

[2] Y. Aubrée, Transferts d’entreprise : aspects collectifs : Rép. Trav. D. 2019, n° 107 et 108 ; G. Vachet, Cessation des conventions et accords collectifs : JCl LexisNexis, 2019, n° 65.

[3] C. trav., art. L. 2232-33 N° Lexbase : L7218K99.

[4] E. Dockès, note sous Cass. soc., 1er décembre 1993, n° 90-42.962 N° Lexbase : A1109AAC, D., 1994, p. 334. C’est cette logique qui est également à l’oeuvre dans la Directive européenne du 12 mars 2001 et irrigue ainsi les droits nationaux européens. Elle explique que l’on applique aux salariés transférés, « exclusivement et sans nouvelle négociation, la seule convention applicable chez le repreneur lorsqu’elle existe » (P. Rémy, Introduction in Le transfert d’entreprise (1ère partie), RDT, 2011, p. 132).

[5] Cette « position commune » ou « feuille de route » reprendrait l’ensemble des concessions envisageables ou non par les employeurs successifs et serait matérialisée dans un document écrit et signé ; sa violation emporterait mise en cause de la responsabilité contractuelle de la partie défaillante. Sur ce point, v. L. Aluome, La norme collective à l’épreuve du transfert d’entreprise, Essai en droit du travail (préf. B. Teyssié), LexisNexis, 2019, p. 131, n° 290.

[6] Le choix de ne pas inviter à la négociation de l’accord tripartite de transition les organisations représentatives dans l’entreprise cessionnaire est peu discutable en droit, faute pour elles d’avoir un véritable intérêt à intervenir. En effet, les accords en vigueur chez le repreneur ne sont pas révisés par l’acte envisagé ; ses salariés ne sont donc pas concernés par la négociation de transition.

[7] S. Béal et C. Terrenoire, Dénonciation et mise en cause des accords collectifs d’entreprise après la loi Travail, préc.. L. Marquet de Vasselot et A. Martinon, L’articulation croisée des accords collectifs, JCP S, 2016, 1150.

[8] Cass. soc., 25 janvier 2006, n° 02-46.112, F-D N° Lexbase : A5471DML.

[9] Loi n° 96-985 du 12 novembre 1996, relative à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire, ainsi qu'au développement de la négociation collective N° Lexbase : L2581ATR.

[10] L. Aluome et V. Armillei, La négociation collective des accords de substitution en l’absence de délégué syndical, JCP S, 2020, 3114 ; J. Icard, La négociation collective d’entreprise après la loi « Travail », RJS, 5/17, chron., p. 362 et s. ; M.-H. Chezelmas, Les transferts d’entreprise : entre opportunité et contraintes, SSL, novembre 2016, n° 1743, p. 11 et s..

[11] Cons. const., décision n° 96-383 DC du 6 novembre 1996 N° Lexbase : A8346AC4. V. égal. Cons. const., 21 mars 2018, décision n° 2018-761 DC N° Lexbase : A4835XHK.

[12] En ce sens, v. not. M.-H. Chezelmas, Les transferts d’entreprise : entre opportunité et contraintes, SSL, 2016, n° 1743. V. aussi L. Aluome, La norme collective à l’épreuve du transfert d’entreprise, Essai en droit du travail (préf. B. Teyssié), LexisNexis, 2019, p. 146, n° 329 et s. .

[13] Dans le sens où elle pallie l’absence de représentants syndicaux.

[14] C. civ., art. 1104 N° Lexbase : L0821KZG.

[15] J. Ghestin, G. Loiseau, Y.-M. Serinet, La formation du contrat, t. 1, LGDJ, 4ème éd., 2013, p. 359.

[16] C. civ., art. 1112-1, al. 1 N° Lexbase : L0598KZ8.

[17] Cass. soc., 8 mars 2017, n° 15-18.080, FS-P+B N° Lexbase : A4350T3I, RDT, 2017, p. 434, note I. Odoul-Asorey ; G. Auzero, L'exigence de loyauté appliquée à la négociation collective, Lexbase Social, mars 2017, n° 693, note G. Auzero ; JCP S, 2017, 1183, note S. Béal.

[18] C. trav., art. L. 2262-14 N° Lexbase : L7773LGY.

[19] C. civ., art. 1112-2 N° Lexbase : L0599KZ9.

[20] C. trav., art. L. 2222-3-1, al. 1 N° Lexbase : L6696K9U.

[21] C. trav., art. L. 2222-3-1, al. 2 N° Lexbase : L6696K9U.

[22] C. trav., art. L. 2222-3-1, al. 3 N° Lexbase : L6696K9U.

[23] G. Belier, H.-J. Legrand et A. Cormier Le Goff, Le nouveau droit de la négociation collective, Wolters Kluwer, 2018, p. 326, n° 266.

[24] T. Pasquier, Les nouveaux visages de la loyauté dans la négociation collective, préc..

[25] J.-F. Cesaro, Propositions pour le droit du renouvellement et de l’extinction des conventions et accords collectifs de travail, préc., p. 41. - V. égal. en ce sens : G. Belier, H.-J. Legrand et A. Cormier Le Goff, Le nouveau droit de la négociation collective, Wolters Kluwer, 2018, p. 602, n° 491.

[26] Y. Aubrée, L’accord « substitué » au statut collectif mis en cause après le transfert total ou partiel d’entreprise, RJS, 1999, p. 275.

[27] B. Teyssié, Mise en cause des conventions et accords collectifs de travail in Révision, dénonciation et mise en cause des conventions et accords collectifs de travail, préc., p. 113, n° 66.

[28] Cass. soc., 30 novembre 1994, n° 91-43.509 N° Lexbase : A1877AAR, Bull. civ. V, n° 319.

[29] Y. Chalaron, Négociations et accords collectifs d’entreprise, Litec, 1990, p. 333, n° 325. V. égal. A. Bugada, L’avantage acquis en droit du travail (préf. D. Berra), PUAM, 1999, p. 296, n° 354.

[30] B. Teyssié, Mise en cause des conventions et accords collectifs de travail in Révision, dénonciation et mise en cause des conventions et accords collectifs de travail, préc., p. 113, n° 66.

[31] Cass. soc., 3 mars 1998, n° 96-11.115 N° Lexbase : A2616ACU, Bull. civ. V, n° 115 ; RJS, 1998, n° 498 ; Cass. soc., 27 juin 2000, n° 99-41.135 N° Lexbase : A6700AHM, Bull. civ. V, n° 247.

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