Le Quotidien du 30 mai 2024 : Avocats/Accès à la profession

[Brèves] Accès à la profession d’un avocat russe : la condition de réciprocité n’est pas établie

Réf. : CA Paris, 16 mai 2024, n° 23/08110 N° Lexbase : A23545DK

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par Marie Le Guerroué

le 29 Mai 2024

► Faute de pouvoir satisfaire à la condition de réciprocité de l'article 11, 1°, de la loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971, la demande d'accès à la profession d'un avocat russe doit être rejetée.

Faits et procédure. L’appelant de nationalité russe, se prévalant de sa qualité d'avocat au barreau de la République tchétchène de la Fédération de Russie, avait présenté au Conseil national des barreaux français une requête aux fins de se voir admis au bénéfice des dispositions de l'article 11 de la loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ et de l'article 100 du décret n° 91-1197, du 27 novembre 1991 N° Lexbase : L8168AID. Le Conseil national des barreaux ayant rejeté la demande, l’intéressé forme un recours.

Réponse de la cour. Le débat porte particulièrement sur la condition de réciprocité posée au 1° de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971, l’appelant n'étant membre ni de l'Union européenne ni de l'Espace économique européen.

La cour d’appel rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation qui a décidé, dans son arrêt du 6 décembre 2023 (Cass. civ. 1, 6 décembre 2023, n° 22-15.558, FS-B N° Lexbase : A669017W), à propos de l'article VII des principes généraux de l'AGCS relatif à la reconnaissance des autorisations, licences ou certificats , que « le ressortissant d'un État n'appartenant pas à l'Union européenne ou n'étant pas partie à l'accord sur l'Espace économique européen doit, au soutien d'une demande d'inscription fondée sur l'article 11 alinéa 1° de la loi du 31 décembre 1971, prouver que la condition de réciprocité prévue à l'article 11 est remplie ». Il incombe donc à l’appelant, faute de bénéficier de la présomption alléguée, de se plier à cette exigence de preuve et de démontrer que la Russie, conformément à l'article 11, accorde immédiatement et sans condition aux avocats français, fournisseurs de services juridiques, le même traitement que celui qui serait le sien dans l'accès et l'exercice de la profession d'avocat qu'il souhaite exercer en France. La cour précise que cette réciprocité doit exister tant en droit qu'en fait, et permettre aux avocats français d'abord d'accéder en Russie au titre d'avocat, puis d'exercer leur profession sans discrimination par rapport aux modalités d'exercice des avocats nationaux.

La cour analyse l’attestation produite par l’appelant et établie par une avocate au barreau de l'Oblast de Leninigrad, intitulée « certificat de statut juridique d'un avocat étranger en Russie ». Elle en déduit que d'une part, l'examen permettant l'accès au plein exercice de la profession en Russie n'est pas seulement un contrôle de connaissances en droit russe tel que celui symétriquement proposé en France à un avocat étranger satisfaisant à la condition de détention d'un diplôme équivalent, dans les termes de l'article 100 du décret du 27 novembre 1991, mais le même que celui proposé aux citoyens russes impétrants, sur la teneur duquel il n'est au demeurant fourni aucune précision, mais avec un effet nécessairement discriminatoire au détriment des non ressortissants russes et, d'autre part, l'indication de ce que les informations sur la personne ayant réussi l'examen et prêté serment « sont incluses dans le registre régional des avocats du sujet concerné de la Fédération de Russie » laisse un doute sérieux sur la capacité qu'ouvrirait l'examen à exercer dans toutes les matières et sur tout le territoire, alors que symétriquement l’appelant, après avoir subi le contrôle de ses connaissances dans la matière de son choix, aurait, une fois admis, toute latitude d'exercer dans tous les domaines du droit sur tout le territoire, l'affirmation selon laquelle les personnes étrangères ayant acquis dans les conditions indiquées le statut d'avocat sont autorisées à exercer sur tout le territoire de la Fédération de Russie étant immédiatement tempérée par la réserve, non explicitée, du « cas contraire prévu par la loi ». Enfin, pour la cour, aucune réciprocité ne peut être utilement invoquée pour l'avocat français admis comme avocat en Russie en dispense d'examen, son inscription sur le registre des avocats étrangers ne lui ouvrant pas un accès plein et entier à la profession. L'attestation produite n'établit donc pas l'équivalence juridique alléguée entre les conditions d'accès et d'exercice offerte à un avocat français exerçant en Russie et celles qu'ouvrirait à l’appelant sa réussite à l'examen d'accès auquel il revendique le droit de s'inscrire.
En outre, la cour relève qu’ il résulte des circonstances politiques actuelles et de la profonde dégradation des relations entre la Russie et ses partenaires, en particulier l'Union européenne et ses membres, des restrictions qui, portant notamment sur l'obtention de titres de séjour, la libre circulation des personnes vers et depuis la Russie, ou le fonctionnement des flux financiers, sont antinomiques d'un accès et d'un exercice professionnel effectifs des avocats français en Russie, fussent-ils toujours inscrits auprès d'un barreau russe et membres de sociétés d'avocats implantées sur le territoire de la Fédération de Russie.

Confirmation. En l'absence de réciprocité démontrée, le rejet de la demande par le CNB est donc confirmé.

Pour aller plus loin : 

  • v. ÉTUDE : L'inscription au tableau des personnes ayant acquis la qualité d'avocat dans un État ou une unité territoriale n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen, ni à la Confédération suisse, in La profession d'avocat (dir. H. Bornstein), Lexbase N° Lexbase : E33583RS ;
  • v. ÉTUDE : Les conditions générales d'accès à la profession d'avocat, in La profession d'avocat (dir. H. Bornstein), Lexbase N° Lexbase : E32933RE.

 

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