Réf. : Cass. civ. 3, 23 mai 2024, n° 22-22.938, FS-B N° Lexbase : A86155C3
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N9428BZ9
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J AVOCATS, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 29 Mai 2024
► La présomption de réception tacite suppose prise de possession et paiement du prix ;
La présomption de réception ne résulte donc pas uniquement de l’occupation des lieux ; d’autant que les travaux ne sont ni terminés ni payés.
Il serait, sans doute, temps d’intervenir pour mettre un terme à cette création prétorienne qui est la réception tacite. La multiplicité des contentieux, jusqu’en cassation, est bien la preuve de l’inefficacité du régime mis en place, sans même évoquer l’absence de sécurité juridique consécutif. Devoir aller jusqu’en cassation pour savoir si un ouvrage est réceptionné n’est pas satisfaisant. C’est d’ailleurs pour cette raison que le législateur a souhaité y mettre un terme. L’article 1792-6 du Code civil N° Lexbase : L1926ABX ne prévoit pas la réception tacite. Seules les réceptions expresses et judiciaires sont possibles. La jurisprudence, tant administrative que judiciaire, a toutefois résisté.
Le régime de la réception tacite est trop compliqué. Doit être caractérisée la volonté non-équivoque du maître d’ouvrage de recevoir l’ouvrage. Si cette volonté est caractérisée, il y a réception tacite mais si, au contraire, est caractérisée la volonté non-équivoque de ne pas recevoir l’ouvrage, il n’y a pas de réception tacite possible. L’approche paraît simple mais cela est loin d’être le cas.
Sont ainsi insuffisants, pris isolément, à caractériser une réception tacite, la prise de possession des lieux (Cass. civ. 1, 4 octobre 2000, n° 97-20.990, publié au bulletin N° Lexbase : A7732AHT, Constr. urb., 2000, n° 298), le paiement du prix (Cass. civ. 3, 30 septembre 1998, n° 96-17.014, publié au bulletin N° Lexbase : A5487AC9, Constr. urb., 1998, com. 409), la signature d’une déclaration d’achèvement des travaux et d’un certificat de conformité (Cass. civ. 3, 11 mai 2000, n° 98-21.431, inédit au bulletin N° Lexbase : A4667CRB, AJDI, 2000, 741), des difficultés financières, l’achèvement de l’ouvrage (Cass. civ. 3, 25 janvier 2011, n° 10-30.617, F-D N° Lexbase : A8600GQL), la succession d’une entreprise à une autre (Cass. civ. 3, 19 mai 2016, n° 15-17.129, FS-P+B N° Lexbase : A0851RQL), le paiement du solde dû à l’entreprise (Cass. civ. 3, 22 juin 1994, n° 90-11.774 N° Lexbase : A6284ABD), surtout lorsque des réserves importantes sont émises par le maître d’ouvrage (Cass. civ. 3, 10 juillet 1991, n° 89-21.825, publié au bulletin N° Lexbase : A2841ABT).
Mais, a contrario, si le maître d’ouvrage manifeste, au contraire, sa volonté non-équivoque de ne pas recevoir les travaux, cela fait obstacle à toute caractérisation de la réception tacite. La solution, posée par un arrêt de ce 13 juillet 2016 (Cass. civ. 3, 13 juillet 2016, n° 15-17.208, FS-P+B+R N° Lexbase : A2071RXY), la solution a été depuis maintes fois confirmée comme l’illustre l’arrêt rapporté.
En l’espèce, une commune fait édifier un complexe socio-culturel et sportif. Après la réception de l’ouvrage, la commune dénonce l’apparition de fissures importantes en façades. Les travaux de réparation sont réalisés. À la suite de ces travaux, la commune déclare de nouvelles fissures, en indiquant que la stabilité de la structure était compromise et que les travaux de reprise avaient été inefficaces. La cour d’appel de Toulouse, dans un arrêt rendu le 12 septembre 2022, juge inapplicable la responsabilité décennale faute de réception.
Un pourvoi est formé mais il est rejeté. La Haute juridiction considère que, par leur pouvoir souverain d’appréciation, les juges du fond ont relevé que les travaux de finition n’avaient été ni exécutés ni payés, ce qui fait obstacle à la caractérisation d’une réception tacite. La seule occupation de l’occupant dans les lieux est insuffisant à caractériser la volonté du maître d’ouvrage de recevoir l’ouvrage.
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