Réf. : CE, sect., 13 mai 2024, trois arrêts publiés au recueil Lebon, n° 474652 N° Lexbase : A35795B8, n° 472155 N° Lexbase : A35775B4 et n° 474507 N° Lexbase : A35785B7
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par Yann Le Foll
le 02 Août 2024
► En subventionnant une association humanitaire menant une activité de sauvetage en mer de migrants, les collectivités territoriales ne doivent pas prendre parti dans un conflit de nature politique et toujours s’assurer que leurs subventions financent uniquement des activités réellement humanitaires.
Rappel. Aux termes de l’article L. 1115-1 du Code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige N° Lexbase : L4750L73 : « Dans le respect des engagements internationaux de la France, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre en œuvre ou soutenir toute action internationale annuelle ou pluriannuelle de coopération, d’aide au développement ou à caractère humanitaire. / À cette fin, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, le cas échéant, conclure des conventions avec des autorités locales étrangères. Ces conventions précisent l’objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers […] ».
Faits. La requête initiale tendait à l’annulation de la délibération du 30 juillet 2020, par laquelle le conseil municipal de Montpellier a décidé d’attribuer une subvention de 15 000 euros à l’association SOS Méditerranée France.
Position CE (arrêt n° 474652). Si l’activité de cette association est bien susceptible de relever d’une action internationale à caractère humanitaire au sens de l’article L. 1115-1 du Code général des collectivités, ses responsables ont toutefois pris publiquement des positions, critiquant tant le refus opposé par certains États membres au débarquement des personnes qu’elle a secourues, que les orientations de l’Union européenne incitant à privilégier le débarquement des personnes secourues en Libye, pays de départ des embarcations. Ils ont, plus généralement, plaidé pour une politique de sauvetage en mer plus volontariste et mieux coordonnée de la part de l’Union européenne et de ses États membres.
En outre, il ressort des pièces du dossier que la délibération en litige ne précise pas la destination de la subvention de 15 000 euros qu’elle accorde à l’association. En outre, si la convention signée par la commune de Montpellier et l’association pour encadrer l’utilisation de cette subvention stipule à son article 5 que l’association s’engage à utiliser la subvention conformément à l’objet défini à l’article 1er, ce dernier se borne à stipuler que la subvention a été sollicitée pour le fonctionnement de l’association, et à rappeler, sans autre précision, l’ensemble des buts énumérés par l’article 1er de ces statuts.
Ni cette convention, en l’absence de stipulations réservant exclusivement l’utilisation de la subvention allouée à l’action de sauvetage en mer de l’association, à l’exclusion du financement des autres activités à caractère politique conduites par cette association, ni aucun autre élément du dossier ne suffisent à établir que la commune se serait assurée, par les conditions qu’elle aurait posées et des engagements appropriés qu’elle aurait demandé à l’association de prendre, que son aide serait exclusivement destinée au financement de l’action internationale à caractère humanitaire qu’elle entendait soutenir.
Décision. La délibération attaquée est donc annulée.
Position CE inverse (arrêts n° 472155 et 474507). La subvention accordée par le conseil de Paris est exclusivement destinée à financer l'affrètement d'un nouveau navire, en vue de permettre à l'association de reprendre ses activités de secours en mer. En outre, la convention conclue entre la Ville de Paris et l'association, en application de cette délibération, stipule que l'utilisation de la subvention à d'autres fins entraîne la restitution de tout ou partie des sommes déjà versées, et que la Ville de Paris peut effectuer des contrôles, y compris sur pièces et sur place, pour s'assurer du respect de ces obligations. La destination de ce soutien est donc suffisamment encadrée et répond à l’ensemble des conditions de fond et de forme exigées par la loi (n° 472155).
Dans la dernière affaire, la Haute juridiction a estimé qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que la commission permanente du conseil départemental de l’Hérault aurait, en prenant la délibération litigieuse, entendu s’associer aux prises de position publiques de l’association bénéficiaire. Elle a ainsi rejeté la demande d'annulation d'attribution de la subvention à la même association (n° 474507).
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