Le Quotidien du 14 mai 2024 : Bancaire

[Brèves] Confirmation sur le droit applicable aux opérations de paiement non autorisées

Réf. : Cass. com., 2 mai 2024, n° 22-18.074, F-B N° Lexbase : A885429S

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N9271BZE

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par Jérôme Lasserre Capdeville

le 13 Mai 2024

► Dès lors que la responsabilité du prestataire de services de paiement est recherchée sur le fondement d'une opération de paiement non autorisée, est seul applicable le régime de responsabilité défini aux articles L. 133-18 à L. 133-20 du Code monétaire et financier, à l’exclusion de tout régime alternatif de responsabilité résultant du droit national.

Voici une nouvelle décision témoignant de la volonté de la Cour de cassation de limiter les possibilités d’actions des payeurs en cas d’opérations de paiement non autorisées. Dans ce cas, en effet, seules les dispositions régissant spécifiquement cette hypothèse dans le Code monétaire et financier (C. mon. fin., art. L. 133-18 et s. N° Lexbase : L7451MDC) sont applicables.

Faits et procédure. M. L. avait assigné le 15 juin 2017 la banque Z. en sa qualité de commettant d’une salariée, Mme X., qui était alors son épouse séparée de biens, et s’était fait établir et remettre à son insu un doublon de la carte de paiement qu’il détenait sur un compte ouvert dans les livres de cette banque et avait, entre 2007 et 2011, utilisé cette carte pour effectuer des retraits et payer différents achats dont le montant était débité sur le compte de son époux.

Or, par une décision du 7 avril 2022, la cour d’appel de Nîmes (CA Nîmes, 7 avril 2022, n° 21/00202 N° Lexbase : A50657SE) avait déclaré son action dirigée contre la banque irrecevable et avait substitué la cause d'irrecevabilité tirée de la forclusion à celle de la prescription retenue par le premier juge. Plus précisément, cette juridiction avait considéré que la situation entre l'utilisateur de moyens de paiement et la banque était régie par le droit spécial de l'article L. 133-24 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L5124LGU enfermant le délai d'action du titulaire du compte dans le délai de forclusion de treize mois, de sorte que le demandeur, qui s’était abstenu de contester en temps utile des opérations litigieuses intervenues sur son compte, ne pouvait prétendre engager la responsabilité du prestataire des services de paiement passé ce délai.

M. L. avait alors formé un pourvoi en cassation. Selon lui, en subordonnant la recevabilité de l’action en responsabilité intentée contre la banque au respect du délai fixé à l'article L. 133-24 du Code monétaire et financier, quand l'action intentée visait à retenir la responsabilité du banquier commettant en raison de l'émission d’une carte doublon demandée frauduleusement à l’insu du titulaire du compte par la préposée, laquelle ne s’analysait pas en une opération de paiement non autorisée, la cour d'appel aurait violé, par fausse application, les dispositions de cet article L. 133-24.

Décision. La Cour de cassation rejette cependant le pourvoi par l’arrêt étudié. Son dispositif se veut très précis.

En premier lieu, il est rappelé que selon l’article L. 133-6 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L5107LGA une opération de paiement est autorisée si le payeur a donné son consentement à son exécution. Il en résulte que les retraits et paiements effectués par Mme X., à l'aide du doublon de la carte bancaire de son conjoint qu’elle avait obtenu à son insu, constituent des opérations de paiement non autorisées par le payeur titulaire du compte.

En deuxième lieu, il est indiqué qu’il résulte de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 16 mars 2023, (CJUE, 16 mars 2023, aff. C-351/21 N° Lexbase : A82479HW) que, dès lors que la responsabilité du prestataire de services de paiement est recherchée sur le fondement d’une opération de paiement non autorisée, est seul applicable le régime de responsabilité défini aux articles L. 133-18 à L. 133-20 du Code monétaire et financier, transposant les articles 58, 59 et 60, paragraphe 1, de la Directive n° 2007/64/CE, du 13 novembre 2007 N° Lexbase : L5478H3B, à l’exclusion de tout régime alternatif de responsabilité résultant du droit national.

En troisième lieu, la Cour de cassation rappelle que pour l’article L. 123-24 du Code monétaire et financier (et non du Code de commerce comme l’indique par erreur la décision) l’utilisateur de services de paiement doit signaler, sans tarder, à son prestataire de services de paiement une opération de paiement non autorisée ou mal exécutée et au plus tard dans les treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion.

En conséquence, c’était à bon droit que la décision des juges nîmois avait fait application de l’article L. 123-24 précité, quand bien même la banque se trouvait être l’employeur de Mme X. Or, ayant relevé que M. L. entendait engager la responsabilité de la banque pour des opérations de paiement intervenues sur son compte entre 2007 et 2011 et qu'il s’était abstenu de les contester dans le délai de treize mois, la cour d'appel en avait exactement déduit que cette action était irrecevable pour cause de forclusion.

Observations. Que penser de cette solution ? Objectivement, elle s’insère dans une jurisprudence récente considérant que le droit régissant les services de paiement dans le Code monétaire et financier s’impose dans un certain nombre de cas. Cette idée se retrouve aujourd’hui tant dans des décisions de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 2 septembre  2021, aff. C-337/20 N° Lexbase : A232343G ; CJUE, 16 mars 2023, aff. C-351/21, préc.) que de la Cour de cassation (Cass. com., 27 mars 2024, n° 22-21.200, FS-B N° Lexbase : A17902XL, J. Lasserre-Capdeville, Lexbase Affaires, avril 2024, n° 791 N° Lexbase : N8930BZR). En conséquence, un payeur qui se retrouve forclos sur le fondement de ce régime spécial ne peut pas fonder une action sur les obligations « générales » pesant sur le banquier teneur de compte en recourant aux règles de la responsabilité civile.

Quelques exceptions existent cependant. D’une part, les obligations générales, tel le devoir de vigilance, peuvent s’appliquer si l’auteur de l’action n’est pas visé par le régime spécial, telle une caution (CJUE, 2 septembre 2021, aff. C-337/20, préc. ; Cass. com., 9 février 2022, n° 17-19.441, FS-B N° Lexbase : A68187MH, J. Lasserre Capdeville, Lexbase Affaires, février 2022, n° 706 N° Lexbase : N0430BZX). D’autre part, une décision récente a eu l’occasion de préciser que si les paiements litigieux ont été réalisés en dollars américains, il n’est pas non plus possible d’appliquer le régime spécial envisagé par les articles L. 133-1 et suivants du Code monétaire et financier (Cass. com., 14 février 2024, n° 22-11.654, F-B N° Lexbase : A19212M4, J. Lasserre Capdeville, Lexbase Affaires, février 2024, n° 786 N° Lexbase : N8538BZA).

Pour aller plus loin : v. J. Lasserre Capdeville, ÉTUDE : Le droit des opérations de paiement (cartes, virements, prélèvements), La contestation de l'opération de paiement, in Droit bancaire (dir. J. Lasserre Capdeville), Lexbase N° Lexbase : E8910B4R.

 

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