Le Quotidien du 26 mars 2024 : Actualité judiciaire

[A la une] Menaces visant Magali Berdah : la justice envoie un signal fort aux cyberharceleurs

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par Vincent Vantighem

le 25 Mars 2024

De la pédagogie et de la fermeté. La dixième chambre du tribunal judiciaire de Paris a voulu envoyer un signal fort, mardi 19 mars, à tous ceux qui, bien cachés derrière l’écran de leur ordinateur, se livrent à du cyberharcèlement en masse. Dans le plus gros dossier traité depuis la récente création du parquet national de lutte contre la haine en ligne (PNLH), elle a prononcé un jugement exemplaire en condamnant les vingt-huit prévenus qui ont été jugés, en trois vagues, entre novembre 2023 et février dernier, pour avoir harcelé sur les réseaux l’ex-reine de influenceurs, Magali Berdah.

Vingt-huit prévenus et vingt-huit condamnations dont : quatorze peines de prison ferme, quatorze peines de prison avec sursis ou de sursis probatoire. Les peines vont de quatre mois de prison avec sursis à dix-huit mois de prison dont douze mois ferme aménagés sous la forme d’une détention à domicile sous bracelet électronique. Tous les prévenus ont été déclarés coupables de l’intégralité des faits qui leur étaient reprochés : cyberharcèlement, menaces de mort, menaces de crimes, menaces en raison de l’appartenance supposée à une religion. Au surplus, ils doivent verser, solidairement, 54 000 euros de dommages et intérêts à Magali Berdah pour son préjudice moral, ainsi qu’environ 30 000 euros de frais d’avocats.

Derrière la meute des pirates, le rappeur Booba

« Tu mérites d’être décapitée et lapidée. » « Arnaqueuse. » « Chienne. » « Dommage qu’Hitler ne se soit pas occupé de tes grands-parents. » « On va te finir... » Pendant des semaines et des semaines, ces prévenus aux profils variés s’en étaient pris, en meute, à Magali Berdah, coupable à leurs yeux de promouvoir des escroqueries sur les réseaux sociaux via les influenceurs dont elle gérait la carrière.

Ils ne s’en sont pas pris à elle sans raison. Ils l’ont fait dans le sillage du rappeur Booba (Elia Yaffa de son vrai nom) qui a fait de son combat contre ce qu’il appelle les « influvoleurs » sa raison d’être. Le tribunal n’est pas dupe. Si Booba n’a pas encore été jugé, c’est simplement parce qu’il est concerné par une procédure connexe dans laquelle il est d’ailleurs mis en examen. « Elie Yaffa a envoyé d’innombrables publications […] et a lancé des appels à "la communauté des pirates" à agir », note ainsi l’épais jugement dans lequel le nom du rappeur est cité deux cent quatre-vingts fois.

À trois voix, très pédagogique, le tribunal a passé du temps à expliquer la teneur de sa décision pour que chacun comprenne bien le mal que le cyberharcèlement peut engendrer. Magali Berdah avait expliqué lors du procès qu’elle avait failli intenter à ses jours en raison de la haine que les gens lui vouaient. Avec ses trois avocats, elle avait arrêté de compter les messages d’insultes reçus après en avoir reçu plus de cent mille… Or, pour le tribunal, à l’évidence, tous les messages étaient malveillants, teintés de sexisme et/ou d’antisémitisme flagrant. « Il est démontré que les prévenus se sont inscrits sciemment dans une vague de haine », indique ainsi le jugement pour qui les faits « doivent s’apprécier dans leur globalité ». Pas question ici de prétendre qu’un seul message n’a pas d’impact, vu qu’il faisait partie d’une vague de milliers de commentaires.

« C’est [Magali Berdah] qui devrait être en prison... »

Reste à savoir désormais l’impact qu’aura réellement ce jugement. Si les vingt-huit prévenus ont, durant l’enquête et le procès, reconnu les faits (à l’exception de l’un d’entre eux), ils n’ont pas souhaité faire le déplacement au tribunal, mardi 19 mars, pour entendre la sanction, à l’exception de l’un d’entre eux dont le témoignage, à l’issue de l’audience, témoigne du chemin qu’il reste à parcourir.

Âgé de 28 ans, Maxime* a été condamné à huit mois de prison avec un sursis probatoire de deux ans. Avec obligation de soins, obligation d’indemniser le victime, obligation d’effectuer un stage de citoyenneté et inscription de cette condamnation à son casier judiciaire, lui qui vient de trouver un travail dans l’événementiel.

Une condamnation lourde donc et totalement incomprise. « J’ai l’impression que le tribunal a fait un prix de gros ! Je ne comprends pas. C’est la première fois que j’ai affaire à la justice et voilà ! Je pense que je vais faire appel. Les messages que j’ai envoyés concernaient la société de Berdah. Je n’ai rien dit de particulier sur elle. Pour moi, le but était d’arrêter son business modèle d’escroc... » Pourtant, selon le jugement, le jeune homme est celui qui a envoyé le plus de messages sur une courte durée. Et ceux-ci, contrairement à ce qu’il assure, visaient bien spécifiquement la personne de Magali Berdah.

Même sentiment du côté d’Emilie* qui n’était pas au tribunal pour écouter sa peine, mais qui l’a rapidement commenté sur les réseaux sociaux pour mieux la dénoncer. « Je suis condamnée alors que c’est elle [Magali Berdah] qui devrait être en prison... » On le voit, il reste donc du travail pour que le cyberharcèlement qui pourrit la vie des internautes au quotidien, cesse. Mais en tout état de cause, la justice a voulu envoyer un signal fort pour que chacun comprenne que cela constituait un délit et, surtout, que l’anonymat sur les réseaux sociaux n’existait pas.

Magali Berdah, elle, s’est dite « soulagée » par l’issue de toute cette affaire. Elle attend désormais que le chef des pirates, Booba en l’occurrence, réponde à son tour de ses actes.

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