Réf. : CCJA, ass. plén., 26 octobre 2023, n° 174/2023 N° Lexbase : A45662ET
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par Falilou Diop
le 29 Février 2024
Dans cet arrêt, rendu le 26 octobre 2023, en assemblée plénière, par la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) de l’OHADA, celle-ci s’intéresse à l’importante question de l’interprétation de ses propres arrêts.
Précisons tout d’abord qu’en l’absence de juridiction supérieure, les arrêts de la CCJA ne peuvent faire l’objet d’aucune voie de recours. Par ailleurs, les décisions de cassation rendues par cette Cour n’impliquent pas un renvoi devant les juridictions nationales d’appel. En cas de cassation, elle évoque et statue sur le fond conformément à l’article 14, alinéa 5, du Traité OHADA révisé N° Lexbase : A9997YS3. Manifestement, cette configuration révèle toute l’importance du procédé des demandes en interprétation des arrêts de la CCJA organisé notamment par les nouveaux articles 45 bis et suivants du Règlement de procédure de cette Cour (Règlement n° 01/2014/CM/OHADA, du 30 janvier 2014, modifiant et complétant le règlement de procédure de la Cour commune de justice et d'arbitrage du 18 avril 1996).
Sur la procédure de demande en interprétation, la Cour précise tout d’abord qu’il résulte de la lecture des articles 45 bis, 23 et 27 du Règlement de procédure de la CCJA, que « la notification du recours en interprétation d’un arrêt de la CCJA à la partie adverse n’est pas une condition de recevabilité de celui-ci ». L’on en déduit que, lorsqu’il y a opposition sur le sens et la portée d’un arrêt de la CCJA, la partie la plus diligente peut porter un recours en interprétation de ladite décision devant la CCJA sans qu’une notification de ce recours à la partie adverse soit nécessaire. En effet, il est précisé à l’article 45 bis (nouveau) de ce Règlement qu’en cas de contestation sur le sens ou la portée du dispositif d’un arrêt de la CCJA, il appartient à la Cour de l’interpréter. Cette interprétation peut être demandée par toute partie dans les trois ans qui suivent le prononcé de la décision. Il appartient donc à l’une quelconque des parties de demander une telle interprétation dans le délai imparti. L’apport du présent arrêt réside dans la précision selon laquelle la notification à la partie adverse de cette demande en interprétation n’est pas une condition de recevabilité d’une telle demande. En revanche, la Cour statue par voie d’arrêt après avoir mis les parties en mesure de présenter leurs observations. Le principe du contradictoire est donc respecté.
L’article 45 bis (nouveau) du Règlement de procédures de la CCJA précise par ailleurs que la demande en interprétation, qui doit être présentée conformément aux articles 23 et 27 du même Règlement de procédures, doit en outre spécier : l'arrêt visé, bien évidemment, mais aussi la partie du dispositif de l'arrêt dont l'interprétation est demandée.
Sur l’interprétation de son propre arrêt, la Cour retient qu’il est reconnu que « seul le dispositif d’une décision de justice a une portée décisoire, à l’exclusion des motifs qui le soutiennent ». Elle apporte ainsi une importante précision à l’objet du recours en interprétation de ses propres arrêts. Celui-ci ne peut porter que sur le dispositif de l’arrêt. En revanche, cette précision suscite à son tour d’importantes interrogations au regard de la formulation des arrêts de la CCJA. En effet, il est bien souvent difficile de distinguer la portée décisoire des arrêts de la CCJA à l’observation de leur seul dispositif. Comme dans toutes les décisions judiciaires, le dispositif des arrêts de la CCJA est introduit par la formule « Par ces motifs ». Celle-ci est éventuellement complétée d’une indication destinée à purger la saisine de cette Cour. C’est l’exemple de la formule « et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens », notamment si la cassation rend sans portée certains moyens qui critiquent des chefs de dispositif dépendant de celui qui est cassé. Par ailleurs, si la cassation est totale, elle intervient sur l’arrêt attaqué « en toutes ses dispositions ». La CCJA aura dans ce cas à rejuger l’affaire dans son intégralité. Dans ce cas, le dispositif de l’arrêt de la CCJA sujette à interprétation peut être appréhendé relativement facilement. Tel ne serait pas le cas dans un arrêt de cassation partiel ou dans un arrêt de rejet. Dans ces hypothèses, l’imbrication des dispositifs de l’arrêt attaqué devant la CCJA de celui rendu par cette Cour contribue à rendre particulièrement difficile l’identification de l’objet d’un éventuel recours en interprétation.
Sur l’affaire au principal, rappelons que dans l’arrêt, dont l’interprétation du dispositif est demandée, la CCJA annula une sentence arbitrale partielle (CCJA, 23 juin 2022, n° 105/2022 N° Lexbase : A03758RC). Elle reprochait au tribunal arbitral d’avoir reporté, à une phase ultérieure, l’examen des exceptions d’incompétence fondées sur des motifs d’ordre public économique national béninois et communautaire de l’UEMOA. La Cour précise que les exceptions soulevées posaient des questions relatives à l’application de lois de police et à la disponibilité des droits en cause. En conséquence, que ces exceptions soient fondées ou non, le tribunal arbitral ne pouvait différer leur examen, dès lors que l’aptitude même du litige à accéder à l’arbitrage en dépend. Mais, plus généralement, la Cour affirmait dans l’arrêt objet du recours en interprétation qu’aucun moyen de défense ne saurait être valablement considéré comme précoce s’il tend au respect des règles à caractère d’ordre public dans le déroulement d’une instance consacrée au règlement d’un conflit.
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