La lettre juridique n°973 du 8 février 2024 : Discrimination

[Doctrine] L’apparence physique du salarié, un motif discriminatoire autonome ?

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par Rodolphe Martinière, Docteur en droit, Aix-Marseille Université, Centre de droit social (CDS - UR 901)

le 13 Février 2024

Mots-clés : discrimination • apparence physique • motif de discrimination en rapport avec le sexe • motif de discrimination autonome

Plus de vingt ans après son introduction dans la liste des critères de discrimination de l’article L. 1132-1 du Code du travail, l’apparence physique demeure un motif de discrimination à la portée incertaine. La Cour de cassation ne l’a retenu qu’à deux reprises, dans l’affaire de la « boucle d’oreille » en 2012 et dans celle des « tresses africaines » en 2022, mais l’a, à chaque fois, associé à un autre motif discriminatoire. La question se pose donc de savoir si l’apparence physique est vraiment un motif discriminatoire autonome. L’article soutient que lorsqu’elle est prise dans son acception large d’apparence choisie, englobant l’ensemble de l’aspect extérieur de la personne (tenue vestimentaire, bijoux, coupe de cheveux,…), l’apparence physique ne peut être retenue comme motif discriminatoire que combinée à un autre motif dont elle serait en quelque sorte le révélateur. En revanche, lorsqu’elle est prise dans son acception étroite limitée aux caractéristiques corporelles subies par la personne (taille, poids,…), elle constitue un motif discriminatoire autonome.


Inscrite par la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 N° Lexbase : L9122AUE dans la liste des motifs discriminatoires prohibés de l’article L. 122-45 devenu l’article L. 1132-1 du Code du travail N° Lexbase : L0918MCY, l’apparence physique recèle une part de mystère que la jurisprudence récente de la Cour de cassation n’a pas permis de dissiper.

C’est que la notion est complexe [1] et susceptible d’interprétation [2]. Non définie par le législateur, elle peut, en effet, s’entendre de deux façons différentes. Selon une première conception restrictive, l’apparence physique se limite aux caractéristiques corporelles visibles et inaltérables qui échappent à la volonté de la personne, couleur de la peau, taille, morphologie, traits du visage, stigmates, … elle est alors une apparence subie. Selon une seconde conception, plus large, l’apparence physique vise l’ensemble de l’aspect extérieur de la personne et englobe les éléments par lesquels celle-ci exprime sa personnalité, tenue vestimentaire, bijoux et accessoires, maquillage, coupe et couleur de cheveux, barbe, piercings, tatouages,… elle est alors, pour une large part, une apparence choisie.

Le choix de l’une ou de l’autre de ces conceptions n’est pas dépourvu d’intérêt pratique. En effet, si l’on retient la conception étroite, tout ce qui n’en relève pas n’entre pas dans le champ de la discrimination prohibée, mais dans celui des libertés de l’article L. 1121-1 du Code du travail N° Lexbase : L0670H9P. En revanche, si l’on opte pour la conception large, le régime des discriminations s’applique intégralement à tous les éléments de l’apparence extérieure de la personne.

L’enjeu est de taille, car, selon que l’on se place sur le terrain de la discrimination ou sur celui des libertés, les conséquences ne sont pas les mêmes, le régime des discriminations assurant une meilleure protection des salariés. En effet, alors que la restriction aux libertés doit seulement être justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché [3], la différence de traitement fondée sur un motif discriminatoire doit répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante [4], pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée [5]. En outre, le droit des discriminations offre au salarié un régime probatoire allégé [6], des délais d’action plus longs et comporte des sanctions plus sévères [7], y compris pénales [8], que celles des atteintes injustifiées aux libertés non fondamentales [9].

Quelle que soit la conception retenue, l’apparence physique occupe une place importante dans les relations de travail. De nombreuses études ont souligné les différences de traitement opérées en fonction de l’apparence physique des candidats à l’embauche ou des salariés [10]. Ceux dont le physique est jugé plus « attractif » bénéficient de salaires plus élevés que ceux dont le physique est considéré comme « disgracieux » [11]. Que l’emploi occupé implique un contact avec la clientèle ou non, le look, la beauté et le poids sont considérés comme importants dans le milieu professionnel, devant la couleur de peau [12]. L’apparence physique figure ainsi chaque année parmi les premiers motifs de discrimination cités par les personnes interrogées par le Défenseur des droits dans le cadre de ses baromètres sur la perception des discriminations [13].

Pour autant, le contraste entre l’impact de l’apparence physique dans les relations de travail et son appréhension juridique est saisissant. Ce motif ne concerne qu’une extrême minorité des réclamations formulées auprès du Défenseur des droits (2 %) [14] et il n’est que très peu appréhendé par la jurisprudence. Plus de 22 ans après sa consécration légale, il n’a fait l’objet que de quelques décisions des juges du fond [15] et la Chambre sociale de la Cour de cassation ne l’a retenu qu’à deux reprises, en 2012 [16] et 2022 [17], dans les célèbres affaires de la « boucle d’oreille » et des « tresses africaines ».

Plusieurs raisons expliquent que la discrimination sur l’apparence physique demeure « impensée » [18]. Sociologiquement, la discrimination fondée sur l’apparence physique a davantage tendance à être acceptée que celles fondées sur les autres critères comme l’âge, la situation de famille ou encore l’orientation sexuelle, en raison des préjugés et biais cognitifs encore fortement partagés [19]. Cela explique que les parties mobilisent d’autres fondements et préfèrent invoquer des critères « voisins » [20], comme la race, le sexe, l’âge ou encore la religion [21].

Ainsi, dans les deux affaires dans lesquelles elle a retenu le critère de l’apparence physique, la Cour de cassation l’a associé à un autre motif discriminatoire. La question se pose donc de savoir si l’apparence physique est véritablement un motif discriminatoire autonome.

On peut avancer l’idée que lorsqu’elle est choisie, l’apparence physique doit plutôt relever du régime des libertés et ne peut être retenue comme motif discriminatoire que combinée avec un autre motif, dont elle serait en quelque sorte le révélateur (I.). En revanche, lorsqu’elle est subie, l’apparence physique doit constituer un motif discriminatoire autonome (II.).

I. L’apparence physique choisie, un motif discriminatoire combiné

Pendant longtemps, les litiges relatifs à l’apparence physique choisie – tenue vestimentaire, coiffure … – des salariés ont été résolus par application du régime des libertés individuelles [22]. L’affaire dite du « bermuda » est particulièrement significative à cet égard [23]. Un salarié licencié pour avoir persisté dans sa volonté de porter un bermuda sous sa blouse alors que le port de cette tenue était autorisé pour les salariées de l’entreprise avait vainement prétendu être victime d’une discrimination sexiste.

Aujourd’hui, le débat s’est déplacé sur le terrain des discriminations. En témoigne l’affaire soumise à la Cour de cassation le 11 janvier 2012 dans laquelle les faits étaient similaires à ceux ayant donné lieu à l’arrêt de 2003. Un chef de rang d’un restaurant gastronomique avait été licencié pour avoir refusé, malgré les demandes de l’employeur, de retirer les boucles d’oreille qu’il portait pendant son service. La Cour de cassation décide que le licenciement avait pour cause « l’apparence physique du salarié rapportée à son sexe ». C’est que, entre-temps, l’apparence physique avait été ajoutée à la liste des discriminations prohibées, mais pour autant la Cour de cassation n’a pas fondé sa décision seulement sur l’apparence physique, mais sur une combinaison de ce motif avec le sexe, autre critère prohibé visé par l’article L. 1132-1 du Code du travail. L’arrêt était, cependant, difficile à interpréter, car la référence à une discrimination fondée sur le sexe paraissait justifiée par la teneur de la lettre de licenciement que l’employeur avait adressée au salarié. Celle-ci était en effet formulée ainsi : « Votre statut au service de la clientèle ne nous permet pas de tolérer le port de boucles d’oreille sur l’homme que vous êtes ». Autrement dit, l’employeur reprochait explicitement au salarié de porter une tenue inadaptée pour un homme. La référence au sexe du salarié dans la lettre de licenciement avait en quelque sorte contaminé la décision de l’employeur.

Cette circonstance ne se retrouvait pas dans l’arrêt rendu le 23 novembre 2022. Pour autant, la Cour de cassation retient, là encore, « une discrimination directe fondée sur l’apparence physique en lien avec le sexe », s’agissant d’un steward d’une compagnie aérienne auquel il avait été demandé de ne plus se présenter à l’embarquement avec des cheveux coiffés en tresses africaines nouées en chignon. En l’espèce, la référence au sexe était moins évidente, mais, c’est sans doute l’existence du code vestimentaire en vigueur dans l’entreprise qui a fondé la décision de la Haute juridiction, la coiffure interdite au steward étant, en revanche, autorisée aux hôtesses.

Ces solutions paraissent, néanmoins, justifiées dans la mesure où l’apparence physique apparaît plus comme le révélateur d’une discrimination fondée sur le sexe que comme le motif de discrimination. On comprend, à la lecture de ces décisions, que l’apparence physique choisie du salarié ne peut pas constituer, en soi, un motif de discrimination, car cela reviendrait à soumettre toute restriction à la liberté du salarié de choisir son apparence, tout code vestimentaire, aux règles de justification des discriminations. Celle-ci devrait ainsi répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante, ce qui n’a pas de sens. Il en résulte que l’apparence physique choisie ne peut être qu’un révélateur d’une discrimination fondée sur un autre motif, notamment le sexe lorsque, par exemple, une tenue est réservée aux salariés d’un seul sexe ou l’identité de genre lorsque la tenue du salarié est liée à une transition de genre [24]. Nul doute que, dans l’affaire dite du « bermuda », la Haute juridiction retiendrait, aujourd’hui, l’existence d’une discrimination fondée sur l’apparence physique combinée au sexe.

Les conséquences de cette jurisprudence doivent néanmoins être soulignées. Sans doute, ces décisions témoignent-elles de la volonté de la Cour de cassation de lutter contre les stéréotypes de genre. Comme l’a souligné le Professeur Jean-Philippe Lhernould, il ressort effectivement de cette jurisprudence qu’il « paraît aujourd’hui difficile d’adopter sur la coiffure, et plus largement sur l’apparence, une politique d’entreprise différente entre les hommes et les femmes. Sous l’angle du droit des discriminations, l’objectif légitime existe, mais la proportionnalité fait défaut » [25].

Toute autre est la situation dans laquelle les éléments pris en compte relèvent de l’apparence physique subie.

II. L’apparence physique subie, un motif discriminatoire autonome

Lorsqu’un candidat n’est pas recruté ou un salarié est licencié en raison de son poids ou de sa taille …, il n’est nullement besoin de vérifier si sont seulement concernés les salariés masculins ou féminins, tout au plus cela pourrait révéler une discrimination intersectionnelle [26]. La seule prise en compte d’un tel élément suffit à caractériser la discrimination. Autrement dit, l’apparence physique subie constitue, dans un tel cas, un motif discriminatoire autonome qu’il n’est pas nécessaire de relier à un autre critère.

La Cour de cassation n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer sur ce point, et l’on ne peut guère tirer d’enseignement des trois décisions, d’ailleurs contradictoires, rendues par les juges du fond [27], mais nous pensons que c’est cette conception de l’apparence physique que le législateur avait à l’esprit lorsqu’il l’a inscrite dans la liste des motifs discriminatoires de l’article L. 1132-1 du Code du travail [28]. Il aurait sans doute été plus explicite – et c’est ce que soutiennent les opposants à cette conception stricte – d’évoquer l’apparence corporelle ou même de manière plus restrictive la physionomie [29], comme le fait la législation belge, qui prohibe les discriminations fondées sur les « caractéristiques physiques » entendues comme « les caractéristiques innées ou apparues indépendamment de la volonté de la personne (exemples : tache de naissance, brûlures, cicatrices chirurgicales, mutilations…) » [30].

Il n’empêche que si le législateur français n’a pas été aussi explicite, nous pouvons néanmoins inférer des travaux préparatoires et des débats ayant abouti à l’adoption de la loi du 16 novembre 2001 qu’il visait exclusivement l’acception stricte de l’apparence physique. Les situations présentées comme l’archétype de ce que l’adjonction de ce nouveau motif discriminatoire entendait combattre concernaient toutes exclusivement la prise en compte illicite de l’apparence subie. Ont en effet été pris en exemple le licenciement d’une vendeuse chargée d’animer un stand de fromagerie au motif qu’elle « ne correspondait pas, en raison de la couleur de sa peau, à l’image du rayon » [31], de l’obligation faite à certaines hôtesses de l’air d’être « plus minces, plus attractives (…) » [32], ainsi que d’offres d’emploi comportant les mentions « profil : race blanche », exigeant une « bonne tête » ou un candidat « pas typé(e) ».

On ajoutera, en faveur de la conception restrictive de l’apparence physique, qu’un auteur très au fait du droit des discriminations a relevé [33] que les premières délibérations rendues par la HALDE relatives à l’apparence physique étaient centrées sur des éléments corporels, comme la taille des hôtesses d’accueil [34], des sapeurs-pompiers [35], des policiers en service actif [36] et des surveillants de l’administration pénitentiaire [37], ou le poids de salariés ou d’agents publics [38].

Soyons clairs. Notre propos n’est pas, ici, de refuser toute protection à l’apparence physique choisie, mais seulement d’affirmer que seule l’apparence physique subie constitue un motif de discrimination autonome et que telle était l’intention initiale du législateur. C’est, en effet, une chose de protéger les choix du salarié concernant son apparence physique, c’en est une autre de leur accorder le même niveau de protection qu’aux caractéristiques physiques sur lesquelles il n’a aucune prise et dont la prise en compte arbitraire par l’employeur est susceptible de porter atteinte à son intégrité morale, voire à sa santé mentale [39].

Conforte cette analyse la récente proposition de loi qui vise à compléter, dans l’article L. 1132-1 du Code du travail [40], le motif discriminatoire tenant à l’apparence physique et à préciser qu’il englobe « notamment la coupe, la couleur, la longueur ou la texture [des] cheveux » [41]. Il ressort clairement de l’exposé des motifs que l’objectif poursuivi par cette disposition est de protéger les personnes d’origine africaine contre les discriminations liées à la texture de leurs cheveux et au style [42] capillaire [43] qui leur est associé, rétifs aux normes esthétiques en vigueur dans les entreprises. L’idée est que, dans l’affaire des « tresses africaines », l’existence d’une discrimination n’a pu être établie que parce que l’interdiction de porter cette coiffure ne concernait que les hommes, alors que, selon l’auteur de la proposition de loi, le problème était en réalité lié à la nature de la chevelure du steward, qui ne pouvait se conformer aux prescriptions du référentiel de la compagnie imposant une coiffure « d’aspect naturel et homogène », et donc d’apparence « eurocentrée » [44].

Quoi que l’on puisse penser de l’utilité de cette proposition de loi [45], on notera qu’elle conforte l’idée que, dans l’esprit des Hauts magistrats saisis de cette affaire, l’apparence physique ne permettait pas de retenir une discrimination fondée sur la coiffure sans le secours d’un autre motif discriminatoire.

De plus, en visant – ainsi que c’est affirmé dans l’exposé des motifs – à intégrer dans le champ des discriminations liées à l’apparence physique, la discrimination capillaire entendue comme une différence de traitement fondée sur le port du cheveu naturel et sur le style capillaire qui va avec, et non sur les coiffures résultant d’un choix personnel, cette proposition de loi tend à confirmer que l’apparence physique n’est un motif discriminatoire autonome que lorsqu’est en cause l’apparence subie. On ne choisit pas la texture ou la couleur originelle de ses cheveux.

Il reste que la distinction entre l’apparence physique « subie » et « choisie » n’est pas pleinement satisfaisante, et cela pour plusieurs raisons. D’une part, parce qu’il n’est pas toujours aisé de déterminer si l’aspect extérieur résulte d’un choix ou non de la personne, à l’instar du poids [46] ou de la beauté, voire des cheveux. D’autre part, parce que les progrès de la médecine pourraient encore renforcer le flou entourant cette délimitation dès lors que des aspects qui semblaient inaltérables comme la taille, la couleur des yeux ou encore le sexe le deviennent. Cela permettra-t-il de faire basculer l’élément concerné de l’apparence subie à l’apparence choisie ? C’est une autre question.  


[1] M. Mercat-Bruns, À la racine du mal : les tresses africaines, question de genre ou d’origine ?, RDT, 2023, p. 267.

[2] R.-E. Jabbour, La discrimination à raison de l’apparence physique (lookisme) en droit du travail français et américain. Approche comparatiste, F. Kessler (dir.), Univ. Panthéon-Sorbonne Paris I, 2013, § 12, p. 15.

[3] C. trav., art. L. 1121-1N° Lexbase : L0670H9P.

[4] Véritable, s’agissant du sexe. PE et Cons. UE, Directive n° 2006/54, 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre femmes et hommes en matière d’emploi et de travail, art. 14, § 2 N° Lexbase : L4210HK7.

[5] C. trav., art. L. 1133-1 N° Lexbase : L0682H97.

[6] C. trav., art. L. 1134-1 N° Lexbase : L2681LBW.

[7] C. trav., art. L. 1132-4 N° Lexbase : L0920MC3.

[8] C. pén., art. 225-2 N° Lexbase : L7899LCK.

[9] Dont ne relève pas la tenue vestimentaire du salarié.

[10] V. Défenseur des droits, décision-cadre n° MLD-2016-058, 12 février 2016, relative à la prise en compte de l’apparence physique dans l’emploi [en ligne]. – V. également Défenseur des droits, décision-cadre n° 2019-205, 2 octobre 2019, relative aux discriminations dans l’emploi fondées sur l’apparence physique [en ligne]. Il ressort des études que les femmes sont davantage touchées que les hommes : « Les discriminations à l’embauche liées à l’apparence physique sont rapportées presque 2 fois plus (1,7) par les femmes que les hommes, et ce, indépendamment de toute caractéristique d’âge, de poids, de style vestimentaire et de niveau d’étude », Défenseur des droits et OIT, Le physique de l’emploi, 9e éd. du Baromètre du Défenseur des droits et de l’OIT sur la perception des discriminations dans l’emploi, 2016, p. 5 [en ligne] ; J.-F., Amadieu, La Société du paraître – Les beaux, les jeunes… et les autres, Odile Jacob, 2016.

[11] En moyenne, 12 %. V. Association Française des Managers de la Diversité (AFMD) et EM Strasbourg, Aller au-delà des apparences, YouTube, vidéo publiée sur la chaîne Association Afmd, 21 mai 2015 [en ligne]. V. également D. Hamermesh, Beauty Pays : Why Attractive People Are More Successful » (La beauté paie. Pourquoi les gens beaux ont plus de succès), Ed. Princeton University Press, 2011. Une corrélation a également pu être identifiée entre la taille et la rémunération, de sorte que les vendeurs de grande taille ont tendance à percevoir des salaires plus élevés que la moyenne, J.-F. Amadieu, Le Poids des apparences, Odile Jacob, 2002.

[12] E. Chauvet et V. Fernandes, kantar tns, medef, Baromètre National de perception de l’égalité des chances, résultats nationaux 2018, 7ème vague, p. 25 [en ligne].

[13] 91 % des personnes interrogées considèrent que des personnes sont rarement, parfois, souvent ou très souvent traitées défavorablement ou discriminées en France du fait de leur apparence physique, Défenseurs des droits, 13ème baromètre, La perception des discriminations dans l’emploi, décembre 2020. Ce chiffre est de 92 % s’agissant de la jeunesse, v. Défenseur des droits, 14ème baromètre, La perception des discriminations dans l’emploi, éd. consacrée à la jeunesse, décembre 2021 [en ligne]. Il est de 58 % dans le secteur des services à la personne, v. Défenseurs des droits, 15ème baromètre, La perception des discriminations dans l’emploi, éd. consacrée au secteur des services à la personne, décembre 2022 [en ligne]. Selon le baromètre 2023, 43 % des actifs pensent que les personnes sont souvent discriminées en France en raison de leur apparence physique. Si ce chiffre peut sembler diminuer par rapport aux années précédentes, il convient de relever que le critère est dépassé par ceux de la nationalité, de l’origine ou de la couleur de peau (58 %), de l’état de santé et du handicap (56 %) et de l’identité de genre (46 %), auxquels l’apparence physique peut être liée, v. Défenseurs des droits, 16ème baromètre, La perception des discriminations dans l’emploi, Concilier maladies chroniques et travail : un enjeu d’égalité, décembre 2023 [en ligne].

[14] En 2022, seules 2 % des réclamations reçues pour discrimination concernaient des discriminations en raison de l’apparence physique. A titre de comparaison, le handicap réuni 20 % des réclamations, et l’origine 13 %. V. Défenseurs des droits, Rapport annuel d’activité 2022, p. 44 [en ligne]. 

[15] Selon des recherches opérées sur la base de données Lexis Nexis, cela ne concerne que 2 cas sur 5 743 décisions analysées dans le domaine administratif et 28 cas sur 30 054 dans le domaine judiciaire, J. Duflos et O. Hidri Neys, Entre perceptions accrues et recours marginaux : le paradoxe des discriminations selon l’apparence physique à l’embauche, Les cahiers de la LCD, L’Harmattan, 2018/1, n° 6, pp. 99-117, cité par Défenseur des droits, décision-cadre n° 2019-205 [en ligne], préc.

[16] Cass. soc., 11 janvier 2012, n° 10-28.213, FS-P+B N° Lexbase : A5287IA3, D., 2012, p. 290 ; obs. J. Hauser, L’habit ne fait pas le moine. ni le travailleur !, RTD civ., 2012, p. 288 ; note J.-P. Lhernould, L’homme aux boucles d’oreille : liberté ou égalité ?, Droit social, 2012, p. 346 ; obs. L.T., Restauration – Apparence physique – Licenciement discriminatoire d’un serveur portant des boucles d’oreilles, JT, 2012, n° 141, p. 13 ; note M. Mercat-Bruns, “L’apparence physique du salarié rapportée à son sexe” : l’émergence de la discrimination fondée sur le genre ?, JCP G, 2012, act. 281 ; note N. Moizard, Justification d’une discrimination directe et exercice du pouvoir de direction, RDT, 2012, p. 159 ; obs. L. Perrin ; Discrimination en raison de l’apparence physique : port de boucles d’oreilles, D. actu., 8 février 2012 ; obs. J. PORTA, in « Droit du travail : relations individuelles de travail », D. 2012, p. 901 ; note C. Willmann, Boucles d’oreilles et appartenance du salarié au genre masculin : caractère discriminatoire du licenciement, Lexbase Social, février 2012, n° 471 N° Lexbase : N0007BTG.

[17] Cass. soc., 23 novembre 2022, n° 21-14.060, FP-B+R N° Lexbase : A97068TN ; obs. P. Adam, Détresse d’un steward, SSL, 2022, n° 2034 ; obs. D. Castel, Social – Discrimination – Peut-on interdire le port de tresses à un homme ?, JA, 2022, n° 670, p. 41 ; note P. Dupont et G. Poissonnier, Personnel navigant commercial : il est interdit d’interdire… aux hommes une coiffure autorisée aux femmes, D., 2023, p. 533 ; note J.-P. Lhernould, Réguler le port des coiffures dans l’entreprise peut constituer une discrimination fondée sur l’apparence physique en lien avec le sexe, JCP S, 2022, 1317 ; note M. Mercat-Bruns, À la racine du mal : les tresses africaines, question de genre ou d’origine ?, RDT, 2023, p. 267 ; note N. Moizard, Coiffure correcte exigée, Droit social, 2023, p. 338 ; obs. M. Peyronnet, La chambre sociale va-t-elle détruire les stéréotypes de genre à la racine ?, D. actu., 5 déc. 2022 ; S. Sereno, Port d’une coiffure, apparence physique et sexe : une solution d’une obscure clarté, Gaz. pal., n° 08, p. 52.

[18] I. Barth, L’apparence physique, cette discrimination impensée en entreprise, Harvard Business Review France, maj. 23 novembre 2023 [en ligne].

[19] Ibid. ­– v. aussi S. Sereno, “Le physique de l’emploi” : chronique d’une discrimination banalisée, Gaz. Pal., n° 11, mars 2020, p. 52.

[20] J. Mattiussi, L’apparence de la personne physique. Pour la reconnaissance d’une liberté, G. Loiseau (dir.), Université Paris I Pantheon-Sorbonne, 2016, p. 163 : l’apparence physique présente ainsi des liens avec l’origine, l’appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une race, le handicap, l’âge, le sexe ou encore l’orientation sexuelle.

[21] M.-L. Cavrois, Le traitement des discriminations fondées sur l’apparence physique, in Pélisson é. (dir.), L’apparence physique motif de discrimination – Entre norme, codes sociaux, esthétisation et rejet de la différence visible, Colloque 16 nov. 2009, Science Po Lille, p. 163, spéc. p. 164.

[22] C. trav., art. L. 1121-1N° Lexbase : L0670H9P. – V. not. M. Hautefort, Imposer un « dress code » dans l’entreprise, Cah. DRH, n° 312, 1er octobre 2023, maj. 10 octobre 2023.

[23] Cass. soc., 28 mai 2003, n° 02-40.273, publié N° Lexbase : A6668CK8, obs. RJS 08-09/03, n° 975 ; note C. d’Artigue, La liberté de se vêtir : une liberté certes, mais pas fondamentale, Lexbase Social, juin 2003, n° 74 N° Lexbase : N9952AAT ; note Corrignan-Carsin, La liberté de se vêtir au temps et au lieu de travail n’est pas une liberté fondamentale, JCP E, 2003, 1328 ; note F. Guiomard, L’entreprise et le Bermuda (à propos d’un arrêt un peu “short”), D., 2003, p. 2718 ; obs. J. Hauser, Vie privée et vie en société : le bermuda, la manche, la toge et l’accordéon, RTD civ., 2003, p. 680 ; avis P. Lyon-Caen, L'atteinte portée à la liberté de se vêtir constitue-t-elle un trouble manifestement illicite ?, Droit ouvrier, 2003, p. 221 ; note P. Moussy, L’atteinte portée à la liberté de se vêtir constitue-t-elle un trouble manifestement illicite ?, Droit ouvrier, 2003, p. 224 ; note A. Pousson, La liberté de se vêtir n’est pas une liberté fondamentale, D., 2004 p. 176 ; note P. Waquet, Le bermuda ou l'emploi, Droit social, 2003, p. 808.

[24] CA Grenoble, 6 juin 2011, n° 10/3547. En l’espèce, un salarié transgenre en phase de transition s’était rendu sur son lieu de travail maquillé et vêtu d’une jupe et de talons hauts et avait été licencié au motif qu’une telle tenue, habituellement portée par des femmes, constituait un « déguisement curieux ». Le licenciement a été annulé en raison d’une discrimination fondée sur l’apparence physique et le sexe du salarié. Aujourd’hui, c’est sans doute le motif de l’identité de genre qui serait invoqué à la place du sexe.

[25] J.-P. Lhernould, Réguler le port des coiffures dans l’entreprise peut constituer une discrimination fondée sur l’apparence physique en lien avec le sexe, JCP S, 2022, 1317.

[26] Récemment consacrée au niveau européen, il s’agit d’une discrimination fondée simultanément sur le sexe et sur un ou plusieurs autres motifs de discrimination prohibés au titre de la Directive n° 2000/43/CE N° Lexbase : L8030AUX ou n° 2000/78/CE N° Lexbase : L3822AU4, PE et Cons. UE, Directive n° 2023/970, 10 mai 2023, visant à renforcer l’application du principe d’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes pour un même travail ou un travail de même valeur par la transparence des rémunérations et les mécanismes d’application du droit, art. 3.1.e. N° Lexbase : L6790MHX. V. N. Moizard, Les logiques de la directive (UE) n° 2023/970 visant à renforcer l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les sexes, Droit social, 2023, p. 877 ; M. Mercat-Bruns, La discrimination intersectionnelle et sa critique : quel intérêt ?, RDT, 2022, p. 289 ; Défenseur des droits, décision n° 2020-163, 25 novembre 2020 [en ligne], à propos d’une annonce rédigée ainsi « Femmes, entre 22 et 30 ans – Taille de vêtement, entre 36 et 38 – Cheveux blonds longs ou mi-longs », le Défenseur des droits a retenu une discrimination fondée sur le sexe, l’âge, l’apparence physique et l’origine des candidats.

[27] CA Rennes, 12 octobre 2011, n° 10/00985 N° Lexbase : A6716H7U ; CA Orléans, 21 juin 2007, n° 06/01917 N° Lexbase : A0066ETM ; CA Douai, 20 avril 2012, n° 11/02790 N° Lexbase : A5537IPR.

[28] D’ailleurs, parmi les personnes qui déclarent des discriminations fondées sur l’apparence physique, c’est cette acception qui prévaut : 63 % relient exclusivement celles-ci aux caractéristiques corporelles (poids, taille, traits du visage…). V. Défenseur des droits et OIT, 9e édition du Baromètre du Défenseur des droits et de l’OIT sur la perception des discriminations dans l’emploi, Le physique de l’emploi, 2016, p. 5, préc.

[29] V. not., CPH Paris, 17 décembre 2002, n° 02-3547, Tahri c/Téléperformance France, RJS, 2003, obs. 309.

[30] V. Ghesquière, La prise en compte de la discrimination à raison de l’apparence physique par les institutions publiques de lutte contre les discriminations : la Belgique, in E. Pélisson (dir.), L’apparence physique motif de discrimination – Entre norme, codes sociaux, esthétisation et rejet de la différence visible, Colloque 16 novembre 2009, Science Po Lille, p. 155, spéc. p. 158.

[31] P. Vuilque, Rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur la proposition de loi n° 2566 de M. Jean Le Garrec relative à la lutte contre les discriminations, Assemblée nationale, Rapport n° 2609, 4 octobre 2000 [en ligne].

[32] Sur le contentieux ayant opposé United Airlines à certaines de ses hôtesses, v. R.-E. Jabbour, La discrimination à raison de l’apparence physique (lookisme) en droit du travail français et américain. Approche comparatiste, F. Kessler (dir.), Univ. Panthéon-Sorbonne Paris I, 2013, § 136, p. 193, spéc. notes de bas de page n° 937, et p. 223, spéc. note de bas de page n° 1063.

[33] J.-Ph. Lhernould, L’homme aux boucles d’oreille : liberté ou égalité ?, Droit social, 2012, p. 346.

[34] Halde, délibération n° 2006-206, 2 octobre 2006.

[35] Halde, délibération n° 2011-44 à 46, 28 février 2011 [en ligne].

[36] Halde, délibération n° 2010-273, 13 décembre 2010 [en ligne].

[37] Halde, délibération n° 2010-272 et 273, 13 décembre 2010 [en ligne].

[38] Halde, délibération n° 2008-279, 8 décembre 2008 [en ligne] ; Halde, délibération n° 2007-136 et 137, 24 mai 2007 [en ligne]. V. aussi, Défenseur des droits, décision n° MLD-2013-225, 29 octobre 2013 [en ligne].

[39] V. B. Bossu, L’apparence physique au travail, in Mélanges offerts au Professeur Jean Mouly : voyage au bout de la logique juridique, PULIM, 2020, p. 93.

[40] Ainsi que dans les articles L. 1321-3 du Code du travail N° Lexbase : L7923LCG, L. 131-1 du Code général de la fonction publique N° Lexbase : L5800MBG et 225-1 du Code pénal N° Lexbase : L0903MCG.

[41] Proposition de loi n° 1640 visant à reconnaître et à sanctionner la discrimination capillaire, enregistrée le 12 septembre 2023 [en ligne].

[42] Cheveux portés en locks, cornrows, torsades, tresses, bantous knots, afro.

[43] Plusieurs études mettent en avant que de nombreuses femmes afro-descendantes se lissent les cheveux en raison des préjugés en vertu desquels les cheveux texturés renverraient une image « peu [professionnelle] », A. McGill Johnson, R. D. Godsil, J. Macfarlane, L. R. Tropp et P. Atiba Goff, Perception Institute, The « Good Hair » Study: Explicit and Implicit Attitudes Towards Black Women’s Hair, février 2017, [en ligne], p. 12. Selon une étude menée en 2023 aux États-Unis, deux tiers des femmes afro-descendantes changent de coiffure avant un entretien d’embauche, Dove, LinkedIn, CROWN 2023, Workplace Research Study, 2023. Témoignent de ces préjugés les visuels diffusés par Nivea en 2011 illustrant un homme noir aux cheveux courts sur le point de lancer une tête d’un homme noir portant une coupe « afro » et une barbe surmonté du slogan « Re-civilise Yourself » (« Recivilisez-vous »), v. M. Astor, Dove Drops an Ad Accused of Racism, The New York Times, 8 octobre 2017 [en ligne].

[44] M. Mercat-Bruns, Du test à la texture des cheveux : deux propositions de loi potentiellement révélatrices des discriminations fondées sur l’origine, RDT, 2023, p. 774. V. également, N. Moizard, Justification d’une discrimination directe et exercice du pouvoir de direction, RDT, 2012, p. 159.

[45] Notamment de sa formulation qui, en visant sans autre précision « notamment la coupe, la couleur, la longueur ou la texture [des] cheveux », pourrait conduire à englober dans la discrimination les choix les plus extravagants comme les coiffures « à l’iroquoise » (V. CA Paris, 7 janvier 1998, n° 86/34010) ou les teintures multicolores.

[46] Dès lors qu’il est difficile de tracer une frontière étroite liée à la volonté de la personne, comme en témoigne le poids, qui peut autant résulter d’une alimentation déséquilibrée que de prédispositions génétiques. Pour autant, « une blessure auto-infligée n’en reste pas moins une blessure. Un employeur peut-il licencier un salarié atteint d’un cancer du poumon au motif que ce dernier a fumé toute sa vie, sans encourir le grief de discrimination ? En raisonnant par analogie, on ne peut que conclure que le juge ne doit pas faire de distinction entre les personnes obèses en fonction de l’origine de la prise de poids », A. Fiorentino, Le surpoids du salarié en droit français et américain, JCP S, 2014, n° 43, 1403. V. également, P.-E. Bastard, Quand le tour de taille est objet de discrimination, Gaz. Pal., 20 février 2018, n° 311, p. 12.

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