Le Quotidien du 6 février 2024 : Actualité judiciaire

[A la une] Pour la CEDH aussi, Tariq Ramadan n’avait pas le droit de divulguer le nom d’une des femmes qui l’accuse de viol

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[A la une] Pour la CEDH aussi, Tariq Ramadan n’avait pas le droit de divulguer le nom d’une des femmes qui l’accuse de viol. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/104626390-a-la-une-pour-la-cedh-aussi-tariq-ramadan-navait-pas-le-droit-de-divulguer-le-nom-dune-des-femmes-qu
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par La Rédaction

le 05 Février 2024

Le respect dû au statut de victime plutôt que la liberté d’expression. La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a tranché le débat, jeudi 1er février, en donnant tort à l’islamologue Tariq Ramadan qui l’avait saisi après une condamnation en France. La CEDH a, en effet, jugé « irrecevable », à l’unanimité des sept juges qui ont examiné le dossier, sa requête visant à contester sa condamnation pour avoir divulgué la réelle identité d’une des femmes qui l’accuse de viol.

Pour bien comprendre cette affaire, il faut remonter aux origines de l’affaire qui a conduit à la chute de cet universitaire controversé. En février 2018, Tariq Ramadan avait été mis en examen du chef de viols sur personne vulnérable. Les juges d’instruction français ont estimé qu’il existait des indices graves ou concordants laissant penser qu’il a violé Christelle* en 2009 dans un hôtel de Lyon. Christelle n’est pas le vrai prénom de cette plaignante. C’est celui qu’elle a choisi pour dénoncer les faits qu’elle dit avoir subis dans les médias français.

Également accusé par d’autres femmes, Tariq Ramadan a toujours contesté les faits, indiquant d’abord qu’il n’avait jamais eu de relations avec ces femmes avant d’admettre avoir entretenu avec elles des « relations consenties ». Dans le cadre de sa stratégie de défense, il a jugé bon de publier un livre (Devoir de vérité, 2019) dans lequel il donne sa version des faits. Mais, plutôt que de respecter l’anonymat réclamé par Christelle, il n’avait pas hésité à publier sa réelle identité, répétant son nom à quatre-vingt-quatre reprises au fil des pages de l’ouvrage.

Une initiative qui lui a donc valu une condamnation en France. Condamnation confirmée par la cour d’appel en février 2022 à 1 000 euros d’amende et 2 000 euros de dommages et intérêts. Mais l’islamologue n’a pas souhaité baisser les armes. Continuant le combat sur ce point, il a saisi la Cour de cassation qui lui a donné tort et, finalement, la Cour européenne des droits de l’Homme auprès de laquelle il entendait l’emporter.

Une condamnation « modérée » en France pour la CEDH

Tariq Ramadan avait de bons arguments. D’abord, sur ce dossier, il arguait que le nom réel de Christelle avait été publié dans les médias (dans deux articles du Muslim Post en l’occurrence) avant la sortie de son livre. Surtout, toujours selon lui, Christelle avait, elle-même, donné des indices sur sa réelle identité en publiant elle-même une photographie de son visage sur son compte Twitter et sur sa page Facebook, l’accompagnant de son pseudonyme.

Mais la Cour européenne des droits de l’Homme n’a pas été convaincue. Dans une décision motivée, elle indique « n’avoir constaté aucune raison de se départir de l’appréciation des juridictions internes [françaises], qui repose sur la mise en balance des droits du requérant et de ceux de la victime ». Elle souligne aussi le caractère « modéré » des montants de l’amende et de celui des dommages et intérêts auxquels il a été condamné, notant qu’ils ont été diminués en appel « afin notamment de prendre en compte le fait que la victime avait contribué à sa propre identification ».

Ce n’est ici qu’une bataille procédurale dans un dossier titanesque qui en a connu tant depuis l’éclatement de l’affaire en 2018. Tariq Ramadan sait bien que le principal combat qu’il va devoir mener se déroulera devant la cour criminelle départementale de Paris où il a été renvoyé pour le viol de quatre femmes qui, de l’avis des deux juges d’instruction ayant rédigé l’ordonnance, étaient sous sa « contrainte morale ». L’un des rares dossiers de l’ère #MeToo à aboutir devant les prétoires français et qui pourrait, à terme, renforcer la définition légale du viol. Aucune date d’audience n’a pour l’instant été fixée.

 

 

 

 

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