Le Quotidien du 18 janvier 2024 : Actualité judiciaire

[A la une] Plus de dix ans après, l’affaire des faux espions de Renault arrive à la barre du tribunal de Paris

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par Vincent Vantighem

le 17 Janvier 2024

C’est une affaire qui aurait dû durablement perturber les relations entre la France et la Chine, faire vaciller un fleuron de l’industrie hexagonale et inquiéter n’importe quel dirigeant d’entreprise durant la dernière décennie. Sauf que rien ne s’est passé comme ça. Parce que l’affaire en question n’était qu’une grossière manipulation... Le procès dit « des faux espions de Renault » s’est ouvert, mercredi 17 janvier, au tribunal judiciaire de Paris.

Tout avait commencé, en 2011, par la mise à pied de trois cadres du technocentre de Guyancourt (Yvelines). Rapidement, la direction de Renault révèle qu’ils sont soupçonnés d’avoir divulgué des informations sensibles à l’extérieur de l’entreprise. Un scandale, alors que le constructeur automobile s’apprête à dévoiler son programme de véhicules électriques, dont la sortie est prévue en 2012.

La machine s’emballe rapidement. Bien alimentée par l’entreprise Renault, elle-même, qui divulgue des informations au compte-goutte. Pour se faire, elle se fonde sur une enquête interne qui a, selon elle, révélé des « flux financiers importants et anormaux » sur des comptes bancaires au Liechtenstein et en Suisse, via des sociétés-écrans, notamment depuis des entreprises chinoises. L’empire du soleil levant se défend immédiatement et dénonce des accusations « inacceptables ». Mais la politique se mêle à la bagarre. Éric Besson, alors ministre de l’Industrie, ajoute sa pierre à l’édifice en parlant de « guerre économique » tandis que le numéro deux de Renault, Patrick Pelata, évoque, lui, « une filière organisée internationale ». Qu’importe que les trois salariés en question contestent les faits, ils sont licenciés rapidement. La direction de Renault enfonce le clou en déposant plainte pour « corruption » et « livraison d’informations à une puissance étrangère ».

« J’ai été trompé », avoue Carlos Ghosn

Et pourtant, très vite, les policiers saisis émettent des doutes… La direction de Renault refuse de leur transmettre l’identité de la source de Dominique Gebrey, un ex-militaire chargé de l’enquête interne au sein du groupe, et à l’origine des révélations. Et puis, le profil des trois salariés mis en cause ne colle pas vraiment avec un profil d’espion. Parcours irréprochables, ils étaient tous de purs produits de Renault, fiers d’y travailler.

Mais, dans un premier temps, rien n’y fait. Carlos Ghosn, alors puissant patron de la firme, se déplace sur le plateau du journal télévisé de TF1 pour défendre l’enquête interne et dénoncer la tentative d’espionnage dont son groupe est, selon lui, victime. Il dispose même de preuves « multiples », insiste-t-il alors. Mais quelques semaines plus tard, le même Carlos Ghosn est contraint de faire marche arrière sur le même plateau. « Je me suis trompé, nous nous sommes trompés et il semble que nous ayons été trompés... », lâche-t-il.

Il faut dire que l’enquête judiciaire a, entre temps, avancé. Et a révélé que les accusations d’espionnage avaient, en fait, été montées de toutes pièces. Il n’y a pas de comptes à l’étranger ni de transfert occulte. Et surtout aucune société chinoise derrière tout ça. Rapidement, les soupçons se portent alors sur Dominique Gevrey. Aurait-il monté l’opération de toute pièce afin de soutirer à Renault quelque 300 000 euros pour rémunérer une « source » qui, en réalité, n’a jamais existé ? La question se pose.

Deux des trois salariés mis en cause ont quitté Renault

Ce sera désormais au tribunal judiciaire de trancher. Car Dominique Gevrey fait bien partie des prévenus renvoyés à l’audience. Jugé pour « escroqueries », il prétend qu’il s’est lui aussi fait avoir et qu’il n’a joué qu’un rôle de « facteur », selon son avocat. Arrêté en mars 2011 alors qu’il s’apprêtait à prendre un vol pour la Guinée, il a passé huit mois en détention provisoire.

Sur le banc des prévenus, il sera accompagné par deux autres hommes. D’abord, Michel Luc, un consultant en sécurité, soupçonné d’avoir envoyé des fausses factures à Renault et d’avoir remis espèces et virements à Dominique Gevrey. Et enfin Marx Tixador qui est, lui, jugé pour « recel de violation du secret professionnel », alors qu’il était également chargé de l’enquête interne au sein de Renault.

Restent les trois salariés injustement accusés. Plus de dix ans après les faits, deux d’entre eux ont quitté l’entreprise. Leur présence à l’audience n’est pas confirmée tant le choc a été rude pour eux. « Ni le classement sans suite, ni l’indemnisation, ni les excuses adressées par Carlos Ghosn n’ont pu atténuer le traumatisme subi à l’époque », expliquent ainsi les avocats de l’un des trois. Le procès doit durer jusqu’au 26 janvier.

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