La lettre juridique n°959 du 5 octobre 2023 : Procédure pénale

[Brèves] Instruction : le simple témoin ne peut être assisté lors d’une confrontation et son avocat ne peut se voir communiquer la procédure

Réf. : Cass. crim., 4 octobre 2023, n° 23-81.287, F-B N° Lexbase : A03671KS

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par Adélaïde Léon

le 18 Octobre 2023

► C’est à tort qu’une chambre de l’instruction écarte l’annulation du procès-verbal d’une confrontation au cours de laquelle les deux témoins étaient assistés d’un avocat et avant laquelle la procédure avait été communiquée à l’un de ces deux conseils. D’une part, l’assistance d’un témoin par un avocat lors de son audition constitue une irrégularité touchant aux conditions d’administration de la preuve, laquelle fait nécessairement grief. D’autre part, l’accès au dossier de la procédure par l’avocat d’un témoin constitue une violation du secret de l’instruction.

Rappel de la procédure. Une femme a porté plainte pour des faits de viol et d’agression sexuelle commis à son encontre par son père lorsqu’elle était enfant et adolescente.

Lors de l’information ouverte des chefs de viol et agression sexuelle aggravés le père de la plaignante a été placé sous le statut de témoin assisté.

Au cours de cette procédure, le juge d’instruction a procédé à une confrontation entre la partie civile, son père et deux témoins (la mère et la sœur de la partie civile).

Ces deux témoins étaient assistées d’un avocat, dont l’un a eu communication de la procédure avant la confrontation.

À la fin de l’acte, l’avocat de la partie civile a contesté cette dernière communication du dossier d’instruction au conseil d’une des témoins.

Le juge d’instruction a lui-même saisi la chambre de l’instruction afin qu’il soit statué sur la nullité éventuelle de cette confrontation.

En cause d’appel. La chambre de l’instruction a écarté l’annulation du procès-verbal de la confrontation en estimant que l’irrégularité constituée par la présence des avocats des témoins et à communication du dossier à l’un d’entre eux n’a pas fait grief à la partie civile et n’a pas porté atteinte au secret de l’instruction.

La partie civile a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction.

Moyens du pourvoi. Il était fait grief à la chambre de l’instruction d’avoir :

  • Exigé la preuve d’un grief alors qu’en application du Code de procédure pénale, seuls les parties et le témoin assisté peuvent être assistés d’un avocat lors des confrontations et leurs avocats recevoir communication du dossier de procédure, à l’exclusion du témoin et de son avocat ;
  • Écarté la violation du secret de l’instruction alors que celui-ci interdit que le juge d’instruction puisse communiquer le dossier de la procédure au témoin, tiers à la procédure, ou à son avocat ;
  • Exigé la preuve d’un grief alors que chacune des irrégularités, et a fortiori leur cumul, faisait nécessairement grief à la partie civile ;
  • Considéré que les observations émises par l’avocat de la partie civile à la clôture de la confrontation laissaient présumer l’absence de tout grief et estimé qu’il y avait lieu de présumer qu’aucune entrave n’avait été apportée à l’exercice des droits de la partie civile et considéré ;
  • Écarté tout grief au motif que le procès-verbal de confrontation ne faisait aucune mention d’une intervention de l’avocat ayant eu accès à la procédure et irrégulièrement présent.

Décision. La Chambre criminelle affirme qu’il se déduit des articles 11 N° Lexbase : L1309MAQ, 101 N° Lexbase : L3434AZ9, 102 N° Lexbase : L1003DYS, 113-3 N° Lexbase : L3174I3X et 114 N° Lexbase : L2767KGL du Code de procédure pénale que :

  • seuls les mis en examen, les parties civiles et les témoins assistés peuvent être assistés, lorsqu’ils sont entendus par le juge d’instruction, par un avocat qui peut accéder au dossier de la procédure ;
  • un témoin ne peut en revanche bénéficier d’une telle assistance.

La Cour de cassation précise que l’assistance d’un témoin par un avocat lors de son audition constitue une irrégularité touchant aux conditions d’administration de la preuve, laquelle fait nécessairement grief.

L’accès au dossier de la procédure par l’avocat d’un témoin constitue quant à lui une violation du secret de l’instruction.

En l’espèce, les témoins étaient tous deux assistés d’un avocat pendant la confrontation et l’un de ces deux conseils a eu accès au dossier de la procédure.

Dès lors, c’est à tort que la chambre de l’instruction a écarté l’annulation du procès-verbal de confrontation.

Pour aller plus loin : ÉTUDE : Les actes de l’instruction, Les auditions de témoins (C. proc. pén., art. 101 et s.), in Procédure pénale (dir. J.-B. Perrier), Lexbase N° Lexbase : E87583AM.

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