La lettre juridique n°959 du 5 octobre 2023 : Filiation

[Brèves] Une reconnaissance de paternité ne peut être constitutive d’un délit de faux commis dans un document administratif

Réf. : Cass. crim., 27 septembre 2023, n° 21-83.673, FS-B N° Lexbase : A11491IE

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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 05 Octobre 2023

► Dès lors qu'une reconnaissance de paternité n'atteste en elle-même aucune réalité biologique, l'acte par lequel une personne souscrit une telle reconnaissance alors qu'elle sait ne pas être le père biologique de l'enfant est insusceptible de caractériser l'altération frauduleuse de la vérité constitutive d'un faux au sens des articles 441-1 et 441-2 du Code pénal.

Dans cet arrêt en date du 27 septembre 2023, la Chambre criminelle de la Cour de cassation statue enfin dans cette affaire où le prévenu était poursuivi du chef de faux document administratif, pour avoir été l'auteur d'une reconnaissance de paternité, tout en sachant ne pas être le père biologique de l'enfant.

Par un précédent arrêt rendu le 23 novembre 2022, la Chambre criminelle avait décidé de surseoir à statuer, soumettant à la première chambre civile une demande d’avis qu’elle avait formulé ainsi : « L'objet de la reconnaissance de paternité est-il d'affirmer l'existence d'un lien de filiation biologique susceptible d'une démonstration de son exactitude ou de son inexactitude ou bien seulement l'affirmation de la volonté de créer une situation juridique par laquelle le déclarant s'engage à prendre en charge l'éducation et l'entretien de l'enfant, indépendamment de l'existence d'un lien biologique? » (Cass. crim., 23 novembre 2022, n° 21-83.673, FS-D N° Lexbase : A97518UP).

C’est alors que la première chambre civile de la Cour de cassation a rendu l’avis suivant, le 5 avril 2023 (Cass. Avis, 5 avril 2023, n° 22-70.018, FS-D N° Lexbase : A44059NH) : « la reconnaissance est l'acte libre et volontaire par lequel un homme ou une femme déclare être le père ou la mère d'un enfant et s'engage à assumer toutes les conséquences qui en découlent selon la loi, notamment celle de prendre en charge l'entretien et l'éducation de l'enfant ; inscrite au titre VII du livre I du code civil, elle repose sur une présomption de conformité de la filiation ainsi établie à la réalité biologique et peut être contestée, dans les conditions et dans les délais strictement définis par la loi, si la preuve contraire en est apportée ».

Suivant l’avis ainsi rendu, la Chambre criminelle de la Cour de cassation, a donc estimé que c'est à bon droit que la cour d'appel avait relaxé du chef de faux document administratif, au sens des articles 441-1 N° Lexbase : L2006AMA et 441-2 N° Lexbase : L7211ALN du Code pénal, l'auteur d'une reconnaissance de paternité qui savait ne pas être le père biologique de l'enfant, dès lors qu'une telle reconnaissance, qui n'atteste en elle-même d'aucune réalité biologique, est insusceptible de caractériser une altération frauduleuse de la vérité.

Les juges avaient relevé que le prévenu, qui savait donc ne pas avoir de lien biologique avec l'enfant, s'était engagé par une telle reconnaissance à assumer les conséquences du lien de filiation, notamment, l'obligation de pourvoir à l'entretien et à l'éducation conformément à l'intérêt de l'enfant.

Les juges avaient ajouté que l'enfant n’était pas privé de la réalité de sa filiation ni de son droit à connaître ses origines alors que sa filiation maternelle était établie et que la reconnaissance ainsi faite pouvait faire l'objet d'une contestation.

Enfin, selon la Cour, la circonstance que les prévenus avaient cherché à contourner les règles de l'adoption, qui est susceptible de constituer une fraude à la loi au sens de l'article 336 du Code civil N° Lexbase : L8872G9H, est indifférente à caractériser le délit de faux document administratif et par voie de conséquence celui d'obtention indue d'un document administratif prévus par les articles 441-1, 441-2 et 441-6 N° Lexbase : L0848IZG du Code pénal (pour un exemple de caractérisation de reconnaissance paternelle frauduleuse d’un enfant : Cass. civ. 1, 13 juillet 2022, n° 21-13.190, F-D N° Lexbase : A56718BN ; cf. ÉTUDE : La filiation fondée sur la biologie, in La filiation (dir. A. Gouttenoire), Lexbase N° Lexbase : E24017LI).

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