Réf. : Cass. civ. 3, 21 septembre 2023, n° 21-23.283, F-D N° Lexbase : A83261HT
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par Anne-Lise Lonné-Clément
le 05 Octobre 2023
► L'article L. 411-74 du Code rural et de la pêche maritime interdit au bailleur de réclamer aucune somme, au titre des améliorations culturales incorporées au fonds, quand bien même les parcelles données à bail n'étaient pas louées auparavant mais exploitées par les propriétaires.
Voilà une précision intéressante, inédite à notre connaissance, apportée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation concernant l’application du principe de l’onérosité illicite.
Pour mémoire, le principe est posé à l’article L. 411-74 du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L4472I4E qui dispose que « Sera puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 30 000 euros ou de l'une de ces deux peines seulement, tout bailleur, tout preneur sortant ou tout intermédiaire qui aura, directement ou indirectement, à l'occasion d'un changement d'exploitant, soit obtenu ou tenté d'obtenir une remise d'argent ou de valeurs non justifiée, soit imposé ou tenté d'imposer la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci ».
Pour comprendre la règle, il faut se rappeler que le bail rural n'a pas de valeur vénale en raison du principe de non-patrimonialité du bail rural. Par conséquent, le bailleur ne peut exiger du futur locataire une certaine somme pour conclure un contrat de bail (Ch. Dupeyron, J.-P. Théron et J.-J. Barbièri, Droit agraire, 1er vol., 2ème éd., 1994, n° 207 ; J. Foyer, Une disposition ambiguë : l'article L. 411-74 du Code rural, Mél. Bouloc, Dalloz, 2007, p. 345). Pour cette raison, l'article L. 411-74 du Code rural et de la pêche maritime pose le principe de l'interdiction stricte de percevoir ou de tenter de percevoir une somme d'argent ou une valeur injustifiée à l'occasion d'un changement d'exploitant. Le non-respect de cette prohibition constitue ainsi un délit pénal ; de plus, les sommes indûment perçues sont sujettes à répétition et majorées d'un taux d'intérêt.
De longue date, la jurisprudence a précisé que l'application de l'article L. 411-74 du Code rural suppose la caractérisation de l'existence d'un bail rural et d'un changement d'exploitant (Cass. civ. 3, 5 avril 2006, n° 05-11.552, FS-P+B N° Lexbase : A9752DNI).
En l’espèce, les bailleurs faisaient grief à l'arrêt rendu par la cour d’appel de Rouen (CA Rouen, 18 mars 2021, n° 19/00333 N° Lexbase : A58014LG) de les condamner à restituer au preneur en place une certaine somme au titre de l'indu, soutenant que l'action en répétition de sommes indûment perçues à l'occasion d'un transfert d'exploitation nécessite la caractérisation de l'existence d'un bail rural et d'un changement de preneur (or on relèvera que la règle jurisprudentielle précitée vise un changement d’« exploitant » et non un changement de « preneur »). Ce faisant, ils faisaient valoir que les conditions n’étaient pas réunies, puisque, en l’espèce, les parcelles en cause n’étaient pas louées auparavant à un précédent preneur, mais simplement exploitées par les propriétaires ; autrement dit, il n’y avait pas eu changement de preneur.
Sauf qu’il y avait bien eu changement d’exploitant. Et les conseillers d’appel ne s’y étaient pas trompés : la Haute juridiction les approuve ainsi d’avoir retenu, à bon droit, que l'article L. 411-74 du Code rural et de la pêche maritime interdit au bailleur de réclamer aucune somme, au titre des améliorations culturales incorporées au fonds, quand bien même les parcelles données à bail n'étaient pas louées auparavant mais exploitées par les propriétaires.
Pour aller plus loin : cf. ÉTUDE : Indemnisation du preneur sortant, spéc. Principe de la prohibition de la cession onéreuse du bail, in Droit rural (Ch. Lebel), Lexbase N° Lexbase : E9239E93. |
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