Le Quotidien du 11 octobre 2023 : Propriété intellectuelle

[Brèves] Appréciation du caractère distinctif d’une marque tridimensionnelle et indication d'origine du produit

Réf. : Cass. com., 27 septembre 2023, n° 22-13.827, F-D N° Lexbase : A58761IH

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par Vincent Téchené

le 10 Octobre 2023

► La marque tridimensionnelle, déposée en couleur, caractérisée par sa forme de serpentin jaune enroulé sur lui-même pour former une spirale et par ses dimensions pour désigner des formages ne peut remplir la fonction essentielle de la marque d'identification d'origine du produit ; elle est donc dépourvue de caractère distinctif.

Faits et procédure. La société Bel a déposé auprès de l'INPI une demande d'enregistrement de marque tridimensionnelle déposée en couleurs, représentant un serpentin de couleur jaune, destinée à distinguer, en classe 29, les fromages.

Le directeur général de l'INPI a rejeté cette demande d'enregistrement pour défaut de caractère distinctif. La société Bel a formé un recours contre cette décision. La cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 27 janvier 2022, n° 21/00136 N° Lexbase : A55327K4) a rejeté ce recours estimant que la marque en question était dépourvue de distinctivité. La déposante a donc formé un pourvoi en cassation

Décision.  La Cour de cassation rejette le pourvoi.

Elle rappelle que l'appréciation de la distinctivité au sens de l'article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle N° Lexbase : L3711ADS, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 N° Lexbase : L5296LTC, interprété à la lumière de l‘article 3 § 1, de la Directive n° 2008/95/CE du 22 octobre 2008 N° Lexbase : L7556IBH, désormais article 4 § 1 de la Directive n° 2015/2436 du 16 décembre 2015 N° Lexbase : L6109KW8, s'effectue par rapport, d'une part, aux produits ou aux services pour lesquels l'enregistrement de celle-ci est demandé, d'autre part, par rapport à la perception qu'en a le public pertinent.

En outre, il résulte de la jurisprudence de la CJUE que les critères d'appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par l'apparence du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques. Cependant, dans le cadre de l'application de ces critères, la perception du consommateur moyen n'est pas nécessairement la même dans le cas d'une marque tridimensionnelle, constituée par l'apparence du produit lui-même, que dans le cas d'une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l'aspect des produits qu'elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n'ont pas pour habitude de présumer l'origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l'absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s'avérer plus difficile d'établir le caractère distinctif d'une telle marque tridimensionnelle que celui d'une marque verbale ou figurative. Dans ces conditions, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d'indication d'origine, n'est pas dépourvue de caractère distinctif (v. CJUE, 7 octobre 2004, aff. C-136/02, point 30 N° Lexbase : A6238DDE ; CJUE, 13 septembre 2018, aff. C-26/17, points 32 et 33 N° Lexbase : A3600X44 ;  et, par analogie, CJUE, 29 avril 2004, aff. C-456/01 et C-457/01, point 39 N° Lexbase : A0420DCK).

Or, la cour d’appel, après avoir énoncé que l'appréciation de la distinctivité de la marque devait, au vu de la nature du produit, s'effectuer au regard de la norme et des habitudes du secteur, c'est à bon droit qu’elle retient que, la demande désignant des fromages, il convenait de prendre en considération le secteur des denrées alimentaires dont ils relèvent.

En l’espèce :

  • la demande d'enregistrement porte sur une marque tridimensionnelle, déposée en couleur, caractérisée par sa forme de serpentin jaune enroulé sur lui-même pour former une spirale et par ses dimensions ;
  • plusieurs produits alimentaires se présentent sous la forme d'un serpentin enroulé sur lui-même (en particulier des rouleaux de réglisse ou de chewing-gum, mais aussi des préparations culinaires et pâtissières).

Ainsi, pour les juges d’appel :

  • d'une part, le consommateur achète rapidement les fromages, sans y prêter attention ;
  • d'autre part, confronté à une grande variété de formes de fromage, avec des présentations s'éloignant des formes conventionnelles, il considérera un fromage présenté en spirale enroulé sur lui-même comme une nouvelle modalité de commercialisation du produit.

La Haute juridiction approuve alors les juges d’appel d’en avoir déduit qu'en présence d'une telle diversité, la forme de serpentin, même associée à la couleur jaune, ne peut remplir la fonction essentielle de la marque, d'identification d'origine du produit.

Observations. Cet arrêt illustre l’approche relativement stricte du critère de caractère distinctif concernant les marques tridimensionnelles. Tout comme les marques de position et des couleurs (ou leur combinaison), les marques tridimensionnelles se confondent avec l'aspect du produit désigné. Or, ainsi que le relève régulièrement la jurisprudence communautaire, dans la mesure où les consommateurs moyens n'ont pas l'habitude de présumer l'origine commerciale des produits en se fondant sur des signes qui se confondent avec l'aspect de ces mêmes produits, de tels signes ne peuvent être considérés comme distinctifs que s'ils divergent, de manière significative, de la norme ou des habitudes du secteur (CJUE, 15 mai 2014, aff. C-97/12 P, point 51 N° Lexbase : A1108MLM ; TPIUE, 26 février 2014, aff. T-331/12, point 20 N° Lexbase : A8804MES ; TPIUE, 16 janvier 2014, aff. T-433/12, point 20 N° Lexbase : A6696KT8).

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