Réf. : Cass. civ. 3, 14 septembre 2023, n° 21-22.429, F-D N° Lexbase : A00821HI
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par Juliette Mel, Docteur en droit Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 27 Septembre 2023
► Départir ce qui relève du régime « CAT NAT » de la responsabilité des constructeurs n’est pas simple ; l’entreprise est responsable de l’insuffisance des travaux de reprise.
Le lien d’imputabilité entre l’intervention de l’entreprise et le dommage est toujours au cœur d’une jurisprudence nourrie surtout lorsque les dommages initiaux proviennent d’un épisode de sécheresse et que les désordres réapparaissent, malgré les reprises. Le cas est fréquent et l’arrêt rapporté en est une nouvelle illustration.
En l’espèce, l’assureur MRH de particuliers les indemnise de désordres de fissuration affectant leur maison, dus à des mouvements de terrain consécutifs à plusieurs épisodes de sécheresse, ayant fait l’objet d’arrêtés de catastrophe naturelle. Une entreprise intervient pour réaliser les travaux de reprise mais les désordres réapparaissent. Les propriétaires constatent, en effet, l’apparition de nouvelles fissures. L’assureur MRH refuse de les prendre en charge, ce qui entraîne une procédure contentieuse.
La cour d’appel de Toulouse, dans un arrêt du 12 juillet 2021 (CA Toulouse, 12 juillet 2021, n° 17/03276 N° Lexbase : A81944Y7), considère que le constructeur et, par devers lui, son assureur RCD, doivent prendre en charge les travaux de reprise. Les conseillers considèrent que l’entreprise a réalisé des travaux qui n’ont pas permis de remédier à l’insuffisance structurelle des semelles de fondation de la maison et à la faiblesse d’origine de la dalle portante.
Ils forment un pourvoi aux termes duquel ils articulent, notamment, que les fissures ne seraient pas imputables à l’intervention de l’entreprise mais à la sécheresse. Autrement dit, les travaux ne sont pas la cause des désordres ni leur aggravation. Le moyen est rejeté.
Cette décision est l’occasion de revenir sur l’exigence d’un lien d’imputabilité, tout en rappelant que l’appréciation de ce lien relève de la libre appréciation des juges du fond.
La solution n’est pas nouvelle.
Ce n’est pas parce que le constructeur est présumé responsable des dommages de nature décennale que le maître d’ouvrage peut se borner à prouver l’existence de son préjudice et rien d’autre. Autrement dit, toute objective qu’elle soit, la responsabilité civile décennale des articles 1792 N° Lexbase : L1920ABQ et 1792-2 N° Lexbase : L6349G9Z du Code civil n’implique pas, per se, automatiquement la responsabilité du constructeur. À l’exigence de la preuve de la gravité du dommage s’ajoute celle de l’imputabilité. Autrement dit, le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, pour reprendre les termes de l’article 1792 précité, doit établir le lien entre le dommage, d’une part, et les travaux réalisés par le constructeur qu’il met en cause, d’autre part.
Ce lien d’imputabilité n’est pas présumé (Cass. civ. 3, 12 mai 2010, n° 09-12.722, FS-D N° Lexbase : A1652EXH). Mais la jurisprudence, par une approche in favorem à l’égard du maître d’ouvrage et/ou de l’acquéreur, se montre particulièrement large dans la compréhension de ce lien d’imputabilité. Si, le plus souvent, l’imputabilité résulte d’une faute du constructeur (Cass. civ. 3, 5 janvier 2017, n° 15-18.084, F-D N° Lexbase : A4843S3R), la jurisprudence admet aussi un rattachement des dommages en considération de l’activité elle-même du constructeur (Cass. civ. 3, 27 janvier 2015, n° 13-21.945, F-D N° Lexbase : A7100NA9). Inversement, l’absence de lien doit conduire à l’absence de responsabilité civile décennale du constructeur (pour exemple Cass. civ. 3, 6 décembre 2006, n° 05-16.826, FS-D N° Lexbase : A8342DSR).
Ce qui est intéressant, en l’espèce, est qu’elle est rendue dans le domaine de la « CAT NAT », pour lequel la jurisprudence tend - pour schématiser - à étendre le périmètre de responsabilité des constructeurs, qui interviennent dans le cadre des travaux de reprise.
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