La lettre juridique n°435 du 7 avril 2011 : Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] Le régime de faveur des fusions, un régime exclusif des associations

Réf. : CAA Douai 3ème ch., 21 octobre 2010, n° 08DA01310, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9569GGI)

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par Guy Quillévéré, Rapporteur public près le tribunal administratif de Nantes

le 07 Avril 2011

Par un arrêt en date du 21 octobre 2010, la cour administrative d'appel de Douai vient de juger que les associations dotées de la personnalité morale, même si elles sont assujetties à l'impôt sur les sociétés, ne peuvent bénéficier du régime de faveur prévu au II de l'article 209 du CGI (N° Lexbase : L3322IG7). Les faits dans cette affaire étaient les suivants : l'association requérante a souhaité s'engager dans une opération de fusion par voie d'absorption d'une autre association. Elle a donc sollicité, auprès du service des impôts, l'agrément prévu par le II de l'article 209 du CGI prévu pour le report des déficits en cas de fusion des sociétés. Aux termes de l'article 210-0-A du CGI (N° Lexbase : L3301IGD), qui reprend les dispositions de la Directive du 23 juillet 1990 (Directive 90/434/CE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'Etats membres différents N° Lexbase : L7670AUM), une fusion est l'opération par laquelle une ou plusieurs sociétés absorbées transfère(nt), par suite et au moment de leur dissolution sans liquidation, l'ensemble de son(leur) patrimoine à une société absorbante préexistante, ou constituée par elle(s), moyennant l'attribution à ses(leurs) associés de titres de la société absorbante. Par décision du 27 mars 2007, le Directeur des services fiscaux a refusé de délivrer l'agrément, au motif que l'opération en cause n'était pas éligible au régime prévu au II de l'article 209 du CGI. L'association a relevé appel du jugement du tribunal administratif de Lille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

La délivrance de l'agrément, qui a d'abord relevé du pouvoir discrétionnaire de l'autorité administrative, est de droit, depuis 2002, si les conditions posées par le II de l'article 209 du CGI sont réunies, le juge n'exerçant sur cette décision qu'un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation (CE 8° et 7° s-s-r., 1er juin 1988, n° 79550, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8208APP). En l'espèce, la cour se fonde exclusivement sur le terrain de la loi. L'arrêt précité de la cour administrative d'appel de Douai précise que l'obtention de l'agrément spécial, délivré par le ministre de l'Economie et des Finances, est réservé aux seules opérations réalisées par les personnes qui sont désignées par l'article 210-0-A du CGI, au nombre desquelles ne sont pas citées les associations, alors même que les dispositions de l'article 210 C du CGI (N° Lexbase : L3945HLP) prévoient que le régime spécial des fusions est réservé aux opérations auxquelles participent des personnes morales ou des organismes passibles de l'IS, quelle que soit leur forme juridique. En conséquence, les associations dotées de la personnalité morale, quand bien même elles sont assujetties à l'IS, ne peuvent bénéficier du régime de faveur prévu à l'article 209-II du CGI ; cette solution jurisprudentielle est inédite.

I - Le II de l'article 209 du CGI prévoit une exception à l'impossibilité de transfert des déficits lors d'une fusion, si cette dernière est placée sous le régime de l'article 210 A du CGI, et que plusieurs conditions sont remplies

Les dispositions combinées des articles 209-II et 210-0-A, qui définissent le champ d'application du régime spécial des fusions, ne visent que les sociétés, à l'exclusion de toute autre personne morale.

A - Les dispositions combinées des articles 210-0-A et 209-II du CGI délimitent le périmètre d'éligibilité aux dispositions du régime de faveur

En vertu des dispositions de l'article 209 du CGI, le déficit enregistré par une société constitue une charge déductible de l'exercice suivant. Toutefois, lors d'une fusion, les déficits de la société apporteuse ne sont normalement pas transférables à la société absorbante (CE 9° s-s., 20 novembre 1964, n° 55007 N° Lexbase : A7823C8A). Le transfert de déficit ne peut, en effet, s'effectuer que dans le cadre d'une même société (CE Assemblée plénière, 8 juin 1990, n° 92501, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4646AQ7). Toutefois, le II de l'article 209 du CGI prévoit une exception à l'impossibilité de transfert des déficits lors d'une fusion, si cette dernière est placée sous le régime de l'article 210 A du CGI (N° Lexbase : L3936HLD). L'administration fiscale peut alors autoriser, en délivrant un agrément, le transfert des déficits antérieurs non encore déduits par la société absorbée ou apporteuse à la société bénéficiaire de l'apport, qui pourra les imputer sur ses bénéfices ultérieurs. Le II de l'article 209 du CGI prévoit que l'agrément est délivré lorsque trois conditions sont réunies : l'opération doit être placée sous le régime de l'article 210 A ; pour ouvrir droit au régime spécial prévu aux articles 210 A et suivants, une fusion doit répondre à l'une des définitions de l'article 210-0-A ; enfin, par application des dispositions de l'article 210 C, le régime spécial des fusions est réservé aux opérations auxquelles participent exclusivement des personnes morales ou organismes passibles de l'IS.

B - Dans cette affaire, plusieurs arguments militaient en faveur du refus de délivrer l'agrément spécial à l'association

Tout d'abord, l'association, en l'absence de capital, ne pouvait pas remettre de titres en contrepartie des apports. Or, le II de l'article 209 du CGI prévoit la rémunération des apports par une attribution de titres. On pouvait alors se demander si l'opération litigieuse était bien une opération de fusion au sens des dispositions de l'article 210-0-A du CGI. En effet, pour qu'il y ait fusion, les associés de la société absorbée doivent devenir associés de la société absorbante. Or, ils le deviennent par voie d'attribution de droits sociaux de cette dernière, la rémunération des apports étant une condition substantielle de l'application du régime des fusions.

L'association requérante faisait valoir, de son côté, qu'il importait peu que la rémunération ne consiste pas en la remise de titres. Mais cette interprétation est contraire à la lettre de la loi qui ne fait état que d'une attribution de titres et éventuellement d'une soulte en espèces. En effet, l'article 210-0-A du CGI prévoit que, sont éligibles au régime spécial des fusions, les opérations par lesquelles une ou plusieurs sociétés absorbées transmettent, par suite et au moment de leur dissolution sans liquidation, l'ensemble de leur patrimoine à une autre société existante absorbante, moyennant l'attribution à leurs associés de titres de la société absorbante et, éventuellement, d'une soulte en espèces ne dépassant pas 10 % de la valeur nominale de ces titres. Or, ces conditions n'étaient pas remplies en l'espèce.

Restait pour l'association requérante la possibilité de se prévaloir des dispositions de l'article 210 C du CGI qui rend applicables les articles 210 A et 210 B (N° Lexbase : L3313IGS) aux opérations auxquelles participent, exclusivement, des personnes morales ou organismes passibles de l'IS, ce qui n'exclut pas les associations soumises à cet impôt.

II - Le transfert, sur agrément, à l'absorbante, des déficits antérieurs non déduits par l'absorbée, ne s'applique pas en cas de fusion de deux associations, même si elles sont assujetties à l'IS

Les dispositions de l'article 210 C du CGI restreignent l'application du régime de faveur aux seules opérations réalisées par les personnes qui sont désignées par l'article 210-0-A du CGI, au nombre desquelles ne sont pas citées les associations.

A - La seule circonstance que l'association requérante soit assujettie à l'IS ne lui permet pas de bénéficier du régime de faveur sur le fondement de l'article 210 C du CGI, car il s'agit d'une simple disposition d'exclusion

L'association requérante soutenait que le régime spécial des fusions n'était pas seulement applicable aux opérations de restructuration auxquelles sont parties les sociétés, mais pouvait également concerner les associations. Elle invoquait, à l'appui de ce moyen, les dispositions de l'article 210 C du CGI, qui prévoient que le régime spécial des fusions est réservé aux opérations auxquelles participent exclusivement des personnes morales ou organismes passibles de l'IS. La cour administrative d'appel de Douai n'a pas suivi l'association, en s'appuyant sur la lettre de la loi, dans la mesure où l'article 210 C se borne à écarter les personnes morales non soumises à l'IS du champ de l'article 210 A, s'agissant de l'exonération des plus-values de fusion, et de l'article 210 B, qui étend cette exonération au cas d'apport partiel d'actif. Tout au contraire, l'article 210-0-A du CGI précise que les dispositions relatives aux fusions et scissions, prévues par un certain nombre de textes, dont les articles 210 A à 210 C, sont applicables à des opérations précisément définies, qui mettent en cause exclusivement des sociétés.

Les dispositions de l'article 210 C du CGI n'ont pas pour objet d'étendre à l'ensemble des personnes morales assujetties à l'IS, et sans autre condition, le régime de faveur créé par les articles 210 A et 210 B du CGI. Aussi, la seule circonstance que l'association, dotée de la personnalité morale, soit assujettie à l'IS, ne lui permet pas de bénéficier du régime de faveur, dès lors qu'elle ne respecte pas les conditions visées à l'article 210-0-A du CGI.

B - L'association ne pouvait pas non plus se prévaloir de la doctrine administrative, et notamment d'une instruction du 25 octobre 2002 qui concerne les fusions de mutuelles

L'association requérante se prévalait aussi de la doctrine administrative. Une instruction du 25 octobre 2002 (instruction du 25 octobre 2002, BOI 4 I-2-02 N° Lexbase : X2621ABP) admet, en effet, que le transfert du patrimoine d'une association régie par la loi du 1er juillet 1901 (loi du 1er juillet 1901, relative au contrat d'association N° Lexbase : L3076AIR) à une autre association de même nature, peut être placé sous le régime fiscal des fusions, cette opération ne motivant alors aucune perception en matière d'IS.

La cour écarte ce moyen, au motif que l'association requérante ne peut utilement opposer à l'administration les dispositions de l'instruction précitée sur le fondement de l'article L. 80 A du LPF (N° Lexbase : L4634ICM), dès lors que le présent litige ne faisait suite à aucun rehaussement d'imposition, et avait seulement pour objet de demander l'annulation pour excès de pouvoir d'une décision du Directeur des services fiscaux.

Enfin, l'association requérante ne pouvait invoquer utilement une rupture d'égalité de traitement avec les sociétés commerciales, car les associations ne sont pas dans une situation juridique identique.

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