La lettre juridique n°435 du 7 avril 2011 : Associations

[Questions à...] Association : pour quels projets ? Selon quels risques ? - Questions à Maître Grégoire Marchac, Avocat associé aux barreaux de Paris et de New York, Cabinet Forensis, Administrateur de la Compagnie des Conseils et Expert Financiers (CCEF)

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[Questions à...] Association : pour quels projets ? Selon quels risques ? - Questions à Maître Grégoire Marchac, Avocat associé aux barreaux de Paris et de New York, Cabinet Forensis, Administrateur de la Compagnie des Conseils et Expert Financiers (CCEF). Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/4317859-questions-a-association-pour-quels-projets-selon-quels-risques-questions-a-b-maitre-gregoire-marchac
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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires

le 08 Avril 2011

L'article 1er de la loi du 1er juillet 1901 (N° Lexbase : L3076AIR) définit l'association comme "la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d'une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices". La spécificité des associations se manifeste donc dans le but du groupement tel qu'il est déterminé par la loi c'est-à-dire le but non lucratif. Pour autant, et alors qu'on assiste depuis une dizaine d'années à une recrudescence de la création d'associations, leur spécificité semble subir une sorte d'érosion pour tendre à s'aligner sur les groupements du monde des affaires. D'ailleurs, Yves Chartier, conseiller honoraire à la Cour de cassation, écrivait dans le Rapport annuel de la Cour pour 2001 que "aujourd'hui, l'association a pris aussi une place en tant que simple technique contractuelle dans les rapports de droit privé, notamment en droit des affaires" (étude La liberté d'association dans la jurisprudence de la Cour de cassation). Pour faire le point sur ce type de structure, Lexbase Hebdo a rencontré Maître Grégoire Marchac, Avocat associé aux barreaux de Paris et de New York, Cabinet Forensis (1), Administrateur de la Compagnie des Conseils et Expert Financiers (CCEF) (2), qui au sein de ce cabinet, s'occupe, notamment, d'associations, de fondations, d'ONG, etc., tant s'agissant du conseil sur le montage et l'accompagnement des fondateurs que sur des problématiques contentieuses en assurant leur défense devant toutes les juridictions civile, pénale ou administrative.

Lexbase : La structure associative connaît un véritable essor. Quelles en sont les raisons ? Pour quels projets l'association est-elle particulièrement adaptée ?

Grégoire Marchac : En effet, on assiste aujourd'hui à un véritable développement du tissu associatif. Cela est dû à la conjonction de plusieurs phénomènes : le retrait de l'Etat providence dont l'intervention est moins prégnante, voire qui se désengage de certains secteurs, à quoi s'ajoute un accroissement du temps libre, d'une part, des actifs avec le passage à 35 heures de la durée légale hebdomadaire du travail et, d'autre part, de nos retraités qui vivent plus longtemps et en meilleure santé. Si bien qu'aujourd'hui, la France compte plus d'un million d'associations !

Mais, le tissu associatif est très hétérogène, en terme de taille des structures, d'abord, puisqu'on trouve des associations locales composées uniquement de quelques membres dont le but est l'organisation d'une manifestation et qui ne disposent que de peu de ressources, essentiellement les cotisations versées par les adhérents, mais aussi des associations reconnues d'utilité publique, qui regroupent plus de 1 000 adhérents, qui brassent des fonds importants et qui peuvent même recevoir des legs et des donations. Le tissu associatif est très hétérogène, ensuite, en raison des vocations diverses qu'elles revêtent : associations cultuelles, sportives, de bienfaisance, etc..

Il est donc parfois difficile de s'y retrouver et un professionnel du droit auquel est présenté un projet associatif, doit, au préalable, s'assurer que l'association est bien la structure adéquate, qu'elle répond réellement au cahier des charges des fondateurs. En effet, il convient, parfois d'orienter plutôt les fondateurs vers une société commerciale, tout particulièrement dans des domaines dans lesquels des flux financiers importants seront présents. Par exemple, créer un évènement sportif et le financer suppose bien souvent de mettre en place des cotisations, une billetterie, des droits d'entrées, un sponsoring, etc.. Or une association type loi de 1901 est une personne morale à but non lucratif ; elle ne doit pas générer de bénéfices, de sorte que, dans certains cas, elle ne sera pas la structure adaptée au projet des fondateurs au risque d'engendrer des conséquences fiscales particulièrement néfastes. De même, il arrive que les fondateurs émettent le voeu d'être rétribués par la redistribution de bénéfices que l'association serait susceptible de faire, ce qu'interdit la forme associative. Il y a donc beaucoup de questions qui se posent et il peut parfois être préférable de créer une petite SARL avec un personnel ad hoc et de permettre aux fondateurs de revêtir la qualité d'associés ou d'intervenir à un autre niveau comme sponsor, par exemple. L'outil associatif est intéressant mais il ne répond pas à toutes les demandes. D'autres outils, existent, notamment, dans le monde de la philanthropie, tels que les fondations ou les fonds de dotation dont on a beaucoup entendu parlé depuis 2008 bien que ces derniers n'aient pas eu le succès escompté.

On le voit, le rôle d'un professionnel et donc, en amont, de bien comprendre le projet des fondateurs et de les orienter vers l'outil le plus adapté. Il conviendra, ensuite, de bien structurer les statuts.

Lexbase : Sans révéler vos "recettes", quels conseils peuvent être donnés pour la rédaction des statuts ?

Grégoire Marchac : Le premier conseil que l'on peut donner est d'éviter impérativement de prendre des statuts types, notamment sur internet. Les statuts doivent être adaptés au projet associatif des fondateurs. En outre les statuts types sont souvent incomplets et insuffisants.

D'abord, le pacte associatif que forment les statuts doit obligatoirement contenir l'objet, le siège de l'association, son organisation et ses règles de fonctionnement. Le contenu impératif est très limité, de sorte que sur le plan purement juridique rien n'interdit d'avoir des statuts extrêmement succincts. La loi de 1901 et son décret d'application laissent, en effet, une grande liberté contractuelle par rapport à d'autres types de personnes morales. Cela est très intéressant, puisque cette marge de manoeuvre importante permet assurément d'être innovant, mais cette liberté présente également un risque élevé. Ainsi, par exemple, les statuts doivent-ils contenir les règles de gouvernance, de quorum et de majorité pour la prise des décisions en assemblée générale. Si rien n'est prévu, la règle supplétive est l'unanimité, avec tous les risques de blocage que cela suppose. En cas de silence ou de lacune des statuts, il convient de se référer non seulement à la loi de 1901 mais également au Code civil, notamment aux règles du partage, du mandat, ou d'une façon plus générale au droit des obligations.

A ce niveau, vous comprendrez donc que l'intervention d'un professionnel est plus que recommandée.

Lexbase : Le droit des associations connaît-il, à l'instar du droit des sociétés, des règles particulières, en matière de conflits d'intérêts, de procédures des conventions réglementées ou de cumul entre un mandat de dirigeant et un contrat de travail ?

Grégoire Marchac : Le droit des associations ne connaît aucune règle spécifique contraignante s'agissant des conventions qui peuvent être passées entre un dirigeant, lui même ou par personne interposées, et l'association. Il peut arriver, toutefois, que l'on mette en place des protections assez similaires à celles qui existent en droit des sociétés. Ces solutions sont donc ici purement contractuelles, puisqu'elles seront intégrées dans les statuts ou le règlement intérieur de l'association pour faire en sorte qu'un dirigeant ne fasse pas du commerce avec l'association et n'en tire pas un bénéfice personnel. Au demeurant, les dirigeants ont une responsabilité civile personnelle. Ainsi, notamment lorsqu'ils engagent des dépenses ou mènent des actions contraires aux intérêts de l'association, ils peuvent être poursuivis et condamnés à réparer le préjudice qui en est résulté. La protection est donc bien présente, par le jeu de cette responsabilité !

De même, concernant le cumul avec un contrat de travail, la loi de 1901 impose que le dirigeant soit indépendant, si bien qu'un tel cumul apparaît en principe incompatible avec le droit des associations. Il y aurait un conflit d'intérêts ! Par ailleurs, les contrats de travail du personnel salarié d'une association sont bien entendu soumis au droit du travail qui interdit également un tel schéma en raison de l'absence de lien de subordination qui en résulterait.

Lexbase : Quels sont les principes qui gouvernent la responsabilité des dirigeants d'association ?

Grégoire Marchac : Les dirigeants d'association peuvent engager leur responsabilité civile et leur responsabilité pénale.

S'agissant de la première -la responsabilité civile-, comme je vous l'indiquais, plus avant, elle sera mise en jeu en leur qualité de mandataires. Il peut s'agir, à l'instar de ce que prévoit le droit des sociétés, de dirigeant de droit ou de dirigeant de fait lorsqu'une personne s'immisce dans la gestion de l'association. Concernant la faute, il peut s'agir d'une faute volontaire, de négligence ou d'imprudence, commise par le dirigeant dans l'exercice de ses fonctions. Le droit des associations connaît également la notion de faute détachable des fonctions. Ce serait notamment le cas pour des dépenses somptuaires engagées par le président sans rapport avec l'objet de l'association. Les fonctions étant bénévoles et les dirigeants n'y consacrant pas un plein temps, il s'agit, toutefois, le plus souvent de fautes d'omission ou de négligence. En général les tribunaux font d'ailleurs preuves d'une certaines indulgence, lorsque les fonctions sont bénévoles. Le caractère bénévole de leur fonction confère en quelque sorte une certaine protection pour les dirigeants.

Quant à sa responsabilité pénale, elle pourra être engagée lorsque le dirigeant aura commis des malversations, c'est-à-dire s'il a sciemment utilisé des facilités et des moyens que lui procuraient ses fonctions pour commettre des actes pénalement répréhensibles. En pratique, il s'agira le plus souvent d'escroquerie ou d'abus de confiance, comme c'est le cas dans l'affaire de la "SPA".

Mais les poursuites pénales sont également souvent la conséquence de la réalisation d'un accident. C'est tout particulièrement vrai pour les associations sportives, lorsqu'elles organisent des événements au cours desquels des personnes sont blessées. Dans ce cas, le président de l'association organisatrice qui n'aurait pas pris les bonnes mesures pour garantir la sécurité des participants ou des spectateurs pourrait être poursuivi pour blessures involontaires ou homicide involontaire. D'ailleurs, j'interviens beaucoup en matière de sport automobile, domaine dans lequel ces problématiques sont très présentes. Le rôle de l'avocat est donc double : certes, défendre les présidents d'associations qui seraient poursuivis dans ces conditions, mais aussi, en amont, avant qu'un tel drame ne se produise, en les conseillant afin de leur indiquer les risques encourus au plan civil et pénal et leur faire part du cadre juridique spécifique applicable qui impose notamment un certain nombre d'obligations pour les dirigeants d'associations. Mieux vaut prévenir que guérir !

Lexbase : La frontière entre "entreprises" et "associations" est parfois assez ténue. Quel est le risque pour une association ?

Grégoire Marchac : Si les associations sont à but non lucratif, certaines ont également des activités commerciales. Nombreuses sont celles, en effet, qui vendent des produits dérivés ou offrent des services. Mais, le principe est simple : l'activité commerciale ne peut être que l'accessoire de l'activité principale à but non lucratif. Le curseur est souvent fixé par l'administration fiscale et le risque est donc essentiellement fiscal, puisque, à partir d'un certain seuil, une association devra se déclarer à l'impôt sur les sociétés et sera redevable de la TVA. En outre, si l'activité économique prend des proportions trop importantes, on se retrouve finalement face à une violation du pacte associatif qui imposera à l'association de se dissoudre ou de se transformer en société commerciale. D'autres solutions moins radicales peuvent aussi être envisagées : il est dès lors concevable de procéder à une "délocalisation" de l'activité commerciale à l'extérieur de l'association (ex : vente de produits dérivés, de billetterie...) et la loger au sein d'une société commerciale d'exploitation.

Lexbase : Une des difficultés majeures que rencontre les association tient à leur financement, leur accès au crédit. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Grégoire Marchac : Le financement des associations est complexe car elles n'ont pas de capital ni de ressources aussi solides qu'une société commerciale. Imaginez que de généreux dons ne se renouvèlent pas d'une année à l'autre et que l'association ait à rembourser un prêt sur la base des cotisations des adhérents ! L'accès au crédit est donc difficile en pratique. La démarche pour demander des financements auprès des établissements de crédit est donc très particulière et nécessite un accompagnement pour préparer le dossier qui sera présenté au comité de crédit de la banque choisie. La banque trouve parfois des garanties dans les actifs immobiliers d'une association, si elle ne possède. Les professionnels travaillent actuellement sur ces questions, notamment au sein de la Compagnie des Conseils et Experts Financiers (CCEF).


(1) Cf. le site internet du cabinet Forensis.
(2) Cf. le site internet de la CCEF.

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