La lettre juridique n°704 du 29 juin 2017 : Avocats/Procédure

[Le point sur...] Signification ou Notification ?

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N9033BWH

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par Sylvian Dorol, Huissier de justice associé (Venezia & Associés), chargé d'enseignement (Paris I Sorbonne/Caen), Correcteur à l'Ecole nationale de procédure

le 29 Juin 2017

Il existe une réelle confusion quant à la distinction entre la signification et la notification. La conséquence de cette méconnaissance des deux notions est qu'il est tentant de réduire leurs différences à un aspect économique, et de conclure que la signification est une notification, mais plus chère... Admettre ce point de vue serait réducteur, et nierait le fossé qui sépare ces deux notions, à savoir la sécurité juridique du justiciable. Il apparaît donc opportun de rappeler chacune de ces notions, et la valeur de la signification. La question revient régulièrement : pourquoi ne pas supprimer la signification au profit de la notification par lettre recommandée ? En effet, s'il se trouve des personnes pour affirmer qu'une lettre recommandée rend les mêmes services qu'une signification, celles-ci ignorent en réalité ce qui sépare la signification de la notification postale.

Mais, il est difficile de leur en tenir grief car il est courant de croire qu'aucune différence n'existe entre la signification et la notification. Bon nombre de juristes l'ignorent d'ailleurs. Pourtant la simple lecture de l'article 651 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6814H7I ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E1199EUX) permet de pallier cette méprise : "Les actes sont portés à la connaissance des intéressés par la notification qui leur en est faite [alinéa 1]. La notification faite par acte d'huissier de justice est une signification [alinéa 2]. La notification peut toujours être faite par voie de signification alors même que la loi l'aurait prévue sous une autre forme [alinéa 3]".

La notification et la signification poursuivent la même fin : informer. Mais elles n'ont pas le même agent : la signification est une notification faite par huissier de justice. A ce stade du raisonnement, la différence entre les deux notions est mince. Mais c'est justement l'huissier de justice qui crée le fossé entre la signification et la notification postale.

Au-delà de déterminer plus précisément ce qui distingue les notions de notification et de signification, la question qui se pose réellement est de savoir si un système judiciaire sans signification garantirait la sécurité juridique des justiciables.

Cette question ne manque pas d'acuité et une réponse négative revient à admettre qu'il est difficile de faire l'économie de la signification. Il suffit pour s'en convaincre de rappeler ce qui distingue la signification de la notification postale en déterminant leurs ressemblances et différences (I), et d'accepter en conséquence l'existence d'une défiance vis-à-vis de la notification (II).

I - Signification ou notification : pour une distinction maîtrisée

Si quelques éléments rapprochent apparemment les notions de signification et de notification (A), il faut surtout retenir que les différences prédominent (B).

A - De fausses ressemblances

Il est vrai que la signification et la notification partagent apparemment des points communs : elles poursuivent le même but (1), et sont réalisées par des agents assermentés (2).

1 - Un objectif : l'information

Cet objectif commun ressort de la lecture de l'alinéa 1er de l'article 651 du Code de procédure civile précédemment évoqué. L'information est la motivation de la notification et de la signification.

De l'accusé de réception signé et du procès-verbal de signification découlera la présomption selon laquelle le destinataire est informé de son contenu. Pour autant, il faut dépasser cette présomption pour s'appesantir sur quelques considérations matérielles. En effet, comment admettre qu'un malvoyant prenne connaissance du contenu d'une notification postale si elle n'est pas rédigée en braille ? Comment accepter qu'une personne lisant et comprenant mal la langue française puisse prendre connaissance de l'acte, rédigé en des termes juridiques qui n'ont leur place que dans les dictionnaires spécifiques, qui lui est notifié ? La seule signature de l'avis de réception ne suffit pas à garantir la sécurité juridique du destinataire, et prouve uniquement une distribution, non une prise de connaissance intellectuelle de l'acte. Or, il peut paraître dangereux de déduire la connaissance intellectuelle d'un document de sa seule détention matérielle, et la Cour de cassation ne l'ignore pas (1).

Mais "l'acte d'huissier ne peut être réduit à la seule notification" (2), et c'est donc paradoxalement dans leur objectif commun d'information que notification et signification se distinguent. En effet, si la notification ne consiste qu'en une remise matérielle, la signification implique que l'huissier de justice informe réellement le destinataire de l'acte de son contenu, et, surtout, de ses conséquences. Cela est parfois prescrit expressément dans les textes. Par exemple, dans la procédure d'injonction de payer, l'huissier de justice doit mentionner à peine de nullité en cas de signification à personne qu'il a rappelé verbalement les dispositions de l'article 1413 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6351H7D) (3). De la même manière, avant de procéder à une saisie-vente, l'officier public et ministériel réitère verbalement le commandement de payer (4) ainsi que ses obligations (5). Il en est également de même en matière de saisie conservatoire de biens meubles corporels (6). Le Professeur Natalie Fricero écrit en ce sens que "l'huissier de justice doit apporter une information éclairée au justiciable, et traduire en termes compréhensibles le contenu de l'acte, en indiquant le comportement que ce dernier doit adopter pour défendre ses intérêts" (7). C'est pour cette raison qu'il a été jugé par la Cour de cassation que la simple remise d'un pli cacheté ne vaut pas mise en demeure par acte extrajudiciaire (8).

Pour résumer : la notification informe seulement, alors que la signification renseigne également. L'agent postal remet, l'huissier de justice traduit.

2 - Un moyen : l'assermentation

La notification par voie postale est réalisée par un agent de La Poste. La signification est réalisée par l'huissier de justice ou son clerc assermenté. En toute hypothèse, c'est donc un agent assermenté qui assure la mission qui lui est confiée. Ce point commun porte cependant en son sein des différences capitales.

En effet, l'agent de La Poste (excepté l'agent habilité à effectuer des enquêtes) prête serment en ces termes : "Je fais le serment de remplir avec conscience les fonctions qui me seront confiées. Je m'engage à respecter scrupuleusement l'intégrité des objets déposés par les usagers et le secret dû aux correspondances, aux informations concernant la vie privée dont j'aurai connaissance dans l'exécution de mon service. Je m'engage à exécuter avec probité les opérations financières confiées à La Poste. Je m'engage également à signaler à mes responsables hiérarchiques toute infraction aux lois et règlements régissant La Poste" (9).

L'huissier de justice, quant à lui prête serment en usant de la formule suivante : "Je jure de loyalement remplir mes fonctions avec exactitude et probité et d'observer en tout les devoirs qu'elles m'imposent" (10). Son serment est donc beaucoup plus général, et contraignant.

Ces deux serments ne souffrent d'aucune comparaison. En effet, l'agent postal prêtera serment auprès de son chef de service ou chef immédiat (11). Par contre, c'est le tribunal de grande instance qui recevra le serment de l'huissier de justice, lequel déposera ses signatures et paraphes au secrétariat-greffe de cette juridiction avant d'entrer en fonction (12). Dans l'hypothèse du clerc assermenté, c'est le tribunal d'instance qui recevra son serment (13), au bout d'une procédure d'instruction longue de plusieurs mois.

Loin d'être une question de forme, cet aspect sacramentel emporte des effets concrets.

D'abord, quant à la sanction du serment. Faut-il rappeler que l'huissier de justice est responsable personnellement pénalement, civilement, financièrement et disciplinairement ? La force de la signification prend source dans la rigueur de sa sanction. Quant au régime de responsabilité de l'agent postal, comment imaginer qu'il soit un jour aussi contraignant en pensant seulement au nombre d'intervenants entre la levée du courrier et sa distribution ? D'ailleurs, son serment ne porte en substance que sur le fait de jurer de ne pas commettre d'infractions pénales : dégradations du bien d'autrui, vol de correspondances, violation de la vie privée, détournement de fonds ou vol de valeurs...

Ensuite, il est possible d'émettre l'hypothèse selon laquelle le destinataire de l'acte est aveugle, ou illettré. Si la notification est réalisée par l'agent postal, il ne pourra lire et comprendre l'acte car l'agent a juré de "respecter scrupuleusement [...] le secret dû aux correspondances [...]". Or la notification doit être faite sous pli fermé (14). Si l'acte au contraire est signifié, c'est-à-dire que la notification est faite par voie d'huissier de justice, celui-ci lira à haute et intelligible voix l'acte, l'expliquera au besoin, et mentionnera cette diligence dans son procès-verbal dont les mentions valent jusqu'à inscription de faux (15).

L'assermentation n'est donc pas en soi une garantie de l'efficacité de la notification : tout tient à la personne assermentée, comme l'indique l'article 651 du Code de procédure civile.

Ces faux points communs comportent donc en réalité des réelles différences, qui sont bien plus nombreuses.

B - De réelles différences

Au-delà de la sémantique, la distinction entre la notification et la signification s'illustre en termes d'efficacité et d'effectivité de l'information délivrée.

1 - L'efficacité

Il est illusoire de croire que la notification et la signification revêtent la même efficacité, savoir informer le destinataire, et ce pour des raisons concrètes.

En matière de notification, l'agent postal ne se présente qu'une fois au domicile (16), et seulement à l'adresse indiquée par l'expéditeur. Dans l'hypothèse, fréquente, où le destinataire est absent, il incombera à ce dernier de se présenter dans un délai de 15 jours à l'agence postale où il devra justifier de son identité pour récupérer le pli.

Dans l'hypothèse malheureuse où le destinataire du pli recommandé ne demeure plus à l'adresse indiquée sur l'enveloppe, il ne sera jamais touché par la notification (hors le cas du suivi du courrier). Dans cette situation, où la notification est enchaînée par l'adresse, l'efficacité de la signification se déchaîne. En effet, l'huissier de justice peut remettre à un tiers présent au domicile l'acte s'il l'accepte, et, si le destinataire n'y demeure plus, il devra se présenter à la nouvelle adresse s'il l'obtient (17), et en tout lieu où il peut rencontrer le destinataire (18) (même sur le lieu de travail (19), en maison d'arrêt (20), ou à l'hôpital (21)) ; les textes le prescrivent (22), et la jurisprudence est constante pour exiger de lui l'accomplissement de toutes diligences pour ce faire. Cependant, si le domicile est certain, délicatesse et discrétion obligent, l'huissier de justice n'a pas obligation de se présenter à nouveau ou sur le lieu de travail pour signifier (23). Dans l'hypothèse où la nouvelle adresse du destinataire est inconnue, l'huissier de justice non porteur d'un titre exécutoire ne peut obtenir de renseignements de la part de l'administration (24) et il est alors dressé un procès-verbal conformément à l'article 659 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6831H77), qui sera opposable au requis.

La différence d'efficacité entre la signification et la notification s'exprime pleinement en matière d'urgence, ce qui explique que l'huissier de justice est désigné comme un "urgentiste du droit" (25). En effet, pour l'accomplissement d'un acte le dernier jour d'un délai de prescription, il est inutile de déposer son courrier dans une boîte aux lettres le 28 janvier à 19h car le pli portera le cachet du 29... La notification en l'espèce est donc impossible, alors que la signification peut encore être réalisée.

Le Code de procédure civile a pleinement appréhendé cette hypothèse en prévoyant expressément que la notification peut toujours être faite par voie de signification (26).

2 - L'effectivité

De cette différence d'efficacité, naît naturellement une différence d'effectivité.

Comme évoqué dans les précédentes lignes, la notification peut se révéler impossible. Ainsi en est de l'hypothèse selon lequel le destinataire infirme ne peut signer l'accusé de réception qui lui est présenté, ou ne peut en prendre connaissance. Dans l'hypothèse inverse, l'accusé de réception ne prouvera que la délivrance d'une enveloppe, non de son contenu. En d'autres termes, aucun élément n'indique que l'information est réellement parvenue à son destinataire. D'autant que si un pli recommandé parvient à son destinataire vide, il appartiendra à ce dernier de le prouver ; l'expéditeur n'a pas à prouver que le pli recommandé contenait un document (27).

Dans d'autres cas, il se peut que le destinataire de l'acte soit motivé par des intentions malignes, sanctionnées pénalement, en utilisant sciemment une fausse signature sur l'avis de réception pour pouvoir contester par la suite la régularité de la notification (28). Il se peut également que l'expéditeur de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception envoie sciemment le pli à une mauvaise adresse, et le récupère en imitant la signature du destinataire (29). Mais, tant que la manoeuvre frauduleuse n'est pas établie, lorsque l'avis de réception porte une signature qui n'est pas celle de son destinataire, la notification est privée de tout effet (30).

L'effectivité de la signification se concrétise également lorsque que le destinataire souhaite refuser l'acte. Il est facile de refuser une notification postale (il suffit de ne pas récupérer le pli), mais impossible concernant la signification. La signification ne requiert nullement le consentement du destinataire (31) : il ne peut refuser l'acte s'il est rencontré en personne (32), et, si son comportement rend impossible la signification (33), cela sera sans effet sur le procès-verbal dressé par l'officier public et ministériel (34).

L'absence de l'intéressé lors de la notification par pli recommandé pose également problème car la présentation d'un pli ne vaut pas remise (35). En matière de signification, la loi autorise la remise, sous enveloppe fermée, de l'acte à un tiers présent au domicile (36) ou, si cela n'est pas possible, en l'étude de l'huissier de justice où il sera conservé trois mois (37). Dans ces deux cas, l'huissier de justice ou son clerc laissera au domicile un avis de passage et enverra au plus tard le premier jour ouvrable suivant une lettre simple comportant copie de l'acte (38), étant ici précisé que cet envoi ne se substitue pas à l'acte original.

Il est ici capital de souligner le fait que la signification d'un acte emporte une information effective. En pratique, lorsque le destinataire de la signification est absent, il appelle quasiment systématiquement, et gratuitement (hors le coût de la communication téléphonique que lui facture son opérateur) l'huissier de justice dont les coordonnées figurent sur l'avis de passage qui lui a été laissé pour obtenir des renseignements sur la nature de l'acte et des conséquences de celui-ci. La mission de signification, contrairement à la notification postale, ne se résume donc pas à un simple transport sur place et la remise : elle inclut une nécessité de conservation de l'acte (la copie est conservée 3 mois, l'original est conservé plus d'une quinzaine d'années), et un devoir d'information réel et objectif. Cette distinction entre ces deux notions est fondamentale, car c'est de cette méprise que naît le mépris de la signification.

II - Signification ou Notification : contre une signification méprisée

La différence entre la signification et notification maîtrisée, il est alors opportun de s'interroger sur les fondements de la prévalence de la première sur la seconde (39), notamment dans l'hypothèse où la notification postale s'est déroulée sans encombre. Le constat est sans appel : la signification offre des garanties supérieures à la première, d'autant que la date de la notification postale peut être contestable (A). Dès lors, il convient de s'interroger sur le fait de savoir si les questions soulevées récemment ne sont pas que des résurgences du passé, qui parasitent les débats actuels (B).

A - La question de la date

Qu'est-ce qui différencie la signification de la notification postale si cette dernière s'est déroulée normalement ? La réponse est simple : la date. Si aucun débat n'existe quant à la date d'une signification (1), tel n'est pas le cas concernant celle de la notification postale (2).

1 - La date de la signification

La date de la signification vaut jusqu'à inscription de faux (40). En conséquence, l'erreur ou le faux en la matière est passible de lourdes sanctions.

Cette date, concernant les significations effectuées en France, est la même pour le requérant que pour le requis. Il s'agit de celle où l'huissier de justice a établi son procès-verbal (41). Cela s'explique par une volonté de stabilité temporelle de l'acte juridique illustré par l'exemple suivant. Si un jugement contradictoire en premier ressort est signifié le 2 mai en "dépôt étude" (42), et que le requis retire l'acte le 1er août, le délai d'appel de 1 mois sera expiré car celui-ci court à compter de la signification. Admettre le contraire permettrait à une partie au procès de maîtriser unilatéralement la durée de l'appel au préjudice de son contradicteur. La date unique de la signification est donc un facteur de la sécurité juridique des parties, et assure la stabilité temporelle des décisions de justice.

Une des principales forces de la signification est donc sa date certaine, rendue possible par l'autorité et l'intégrité de l'huissier de justice.

Tel n'est pas le cas concernant la date de notification postale, dont l'étude approfondie justifie une méfiance par rapport à celle-ci.

2 - La date de la notification

A la lecture du Code civil, la date de la notification est double (43). Pour l'expéditeur, la date du pli sera celle qui figure sur le cachet du bureau d'expédition (date d'envoi), et pour le destinataire, la date qui lui sera opposable sera celle de la réception.

Cette dualité de dates est dangereuse, et n'assure aucune sécurité juridique. Il se peut en effet que le délai d'acheminement de la notification soit excessivement long, comme il avait été signalé dans un rapport du Sénat (44).

Dans l'hypothèse où le destinataire a bien reçu la notification postale, d'autres problèmes peuvent survenir.

Si l'expéditeur a usé d'une machine à affranchir, et donc que ce n'est pas les services postaux eux-mêmes qui ont oblitéré le courrier, la jurisprudence est divisée sur la réalité de la date de notification : certaines décisions l'admettent (45), d'autres non (46).

Il se peut également que la date du pli recommandée soit erronée (date du cachet d'expédition postérieure à la date de réception, un constat établi par huissier le prouvant (47)), n'existe pas (37 décembre) (48), soit absente (49) ou illisible. En d'autres hypothèses, la notification peut également être perturbée par une grève.

Toutes ces raisons ne sont pas nouvelles, et l'opinion de l'auteur selon laquelle "il n'y a vraiment dans notre droit d'autres moyens de donner aux deux parties la sécurité que l'exploit d'huissier" (50) également.

B - Les questions à se poser

Comme indiqué en introduction, l'idée d'une restriction de la signification n'est pas nouvelle (1). Cependant, bien que la force de la signification soit reconnue, des évolutions sont nécessaires pour encore améliorer ce mode de communication (2).

1 - Les anciennes questions

Déjà évoqué en 1960 par le rapport "Rueff-Armand", et en 2008 par la Commission Attali, le débat sur l'opportunité de la notification n'est donc pas récent, et noircissait déjà les colonnes de revues juridiques il y a plus d'un demi-siècle. En effet, parce que "le soucis d'alléger le formalisme dans la signification des actes est presque aussi ancien que notre procédure elle-même" (51), un auteur (52) a pu imaginer "la signification par lettre recommandée AR", qui était en réalité un hybride juridique, à savoir une lettre recommandée envoyée par huissier de justice (53)... Mais ce même auteur admettait que cela causait des problèmes de garanties des délais et de responsabilité.

La question de la signification et de son coût a déjà été traitée par le passé (54). Et la doctrine concluait alors "il convient donc de se tenir en garde contre les illusions d'une simplicité qui tendrait au simplisme, et contre l'abandon trop radical du formalisme, abandon dont tout processualiste sait bien qu'il ne peut aller sans risque ni dommage [...]. Si nous avons insisté sur les avantages du système ancien, sur les risques du nouveau, c'est surtout pour rappeler qu'économie et simplicité ne sont pas tout dans la procédure, et que celle-ci est faite d'abord pour assurer les garanties d'une justice équitable".

2 - Les futures questions

De l'avis de la Chambre nationale des huissiers de justice, le maintien de la signification et l'amélioration des textes actuels sont des composantes essentielles de la justice du XXIème siècle. Ainsi, dans la contribution de la Chambre nationale des huissiers de justice au "débat sur la Justice du XXIème siècle", plusieurs propositions portent principalement sur la signification.

En l'état actuel, un huissier de justice qui ignore la nouvelle adresse d'un requis pour délivrer une assignation ne peut pas obtenir ce renseignement de l'Administration (55). C'est là parfois un obstacle à la signification à personne que la Chambre nationale propose (56) de lever en étendant les dispositions prévues à l'article L. 152-1 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L9503I74), relatives à l'accès aux informations concernant l'adresse du débiteur.

Comme il a été vu, la signification offre des garanties bien supérieures à la notification : la date certaine, la fiabilité, la connaissance de l'acte, le rôle d'information et d'explication, et la sécurité fournie par l'huissier de Justice, juriste de haut niveau à la sélection draconienne. Voilà pourquoi la signification, tout en restant modeste et accessible aux plus démunis via l'aide juridictionnelle, garantit la sécurité juridique du justiciable.


(1) Cass. civ. 3, 21 mai 2014, n° 13-14.851, FS-P+B (N° Lexbase : A4904MML), Dr et Proc., 2014, n° 6, p. 142, note S. Ravenne.
(2) Note 1.
(3) C. pr. civ., art. 1414 (N° Lexbase : L4837ISX).
(4) C. proc. civ. exécution, art. R. 221-5 (N° Lexbase : L2250ITI).
(5) C. proc. civ. exécution, art R. 221-17 (N° Lexbase : L2262ITX).
(6) C. proc. civ. exécution, art. R. 522-2 (N° Lexbase : L2549ITL).
(7) N. Fricero, Notification des actes de procédure, Jurisclasseur, Procédure civile.
(8) Cass. civ. 3, 21 mai 2014, n° 13-14.851, FS-P+B (N° Lexbase : A4904MML), Dr. et proc., 2014, n° 6, p. 142, note S. Ravenne.
(9) Décret n° 93-1229 du 10 novembre 1993, relatif au serment professionnel prêté par les personnels de la Poste (N° Lexbase : L6532BHE).
(10) Décret n° 75-770 du 14 août 1975, relatif aux conditions d'accès à la profession d'huissier de justice ainsi qu'aux modalités des créations, transferts et suppressions d'offices d'huissier de justice et concernant certains officiers ministériels et auxiliaires de justice, art. 35 (N° Lexbase : L1357G8R).
(11) Décret n° 93-1229 du 10 novembre 1993, relatif au serment professionnel prêté par les personnels de la Poste, art. 3.
(12) Décret n° 75-770 du 14 août 1975, précité, art. 36.
(13) Loi du 27 décembre 1923, relative à la suppléance des huissiers blessés et à la création des clercs assermentés, art. 11 (N° Lexbase : L4844KY3).
(14) C. pr. civ., art 667 (N° Lexbase : L8430IRN) ; Cass. civ. 2., 7 janvier 1970, D., 1970, p. 287.
(15) J. D. Lachkar, La force probante de l'acte d'huissier de justice, JCP éd. N, 2013, 1016, n° 10.
(16) Il est possible depuis peu de demander de demander une seconde présentation en téléphonant au 3631.
(17) Cass. civ. 2., 16 juin 1993, n° 90-18.256 (N° Lexbase : A5445ABB), Bull. civ. II, n° 213 ; Cass. civ. 2, 30 juin 1993, n° 91-21.216 (N° Lexbase : A5939ABL), Bull. civ., II, n° 238 ; Cass. civ. 2, 28 septembre 2000, n° 99-10.843 (N° Lexbase : A7183C4S) ; Cass. civ. 2, 30 mai 2002, n° 00-20.588 (N° Lexbase : A7755AYU) ; Cass. civ. 2, 20 octobre 2005, n° 03-19.489, FS-P+B (N° Lexbase : A0216DLL), Bull. civ., II, n° 266 ; Cass. civ. 2, 8 mars 2006, n° 03-19.418, F-D (N° Lexbase : A4950DNN) ; Cass. civ. 2, 8 mars 2006, n° 04-15.375, F-D (N° Lexbase : A4982DNT).
(18) C. pr. civ., art. 689 (N° Lexbase : L6890H7C).
(19) Cass. civ. 2, 11 février 1987, n° 85-15.309 (N° Lexbase : A6559AA8), Bull. civ., II, n° 43 ; Cass. civ. 2, 13 juillet 2005, n° 03-16.693, FS-D (N° Lexbase : A9166DIC) ; Cass. civ. 2, 21 octobre 2004, n° 02-21.468, F-D (N° Lexbase : A6424DDB) ; Cass. civ. 2, 10 novembre 2005, n° 03-20.369, FS-P+B (N° Lexbase : A5081DLR), Bull. civ., II, n° 287.
(20) CA Besançon, 13 octobre 1994.
(21) CA Montpellier, 28 février1995, Rev. huissiers 1995, p. 816, note J.-J. Bourdillat.
(22) C. pr. civ., art 655 (N° Lexbase : L6822H7S).
(23) CA Toulouse, 29 juin 1994 ; CA Aix-en-Provence, 20 septembre 2002.
(24) Rép. min. n° 52445, JOAN Q, 2 février 2010, p. 1169.
(25) S. Dorol, Le constat de vidéosurveillance sur le lieu de travail, Dr. et proc., 2014, n° 1, p. 2.
(26) C. pr. civ., art. 651 (N° Lexbase : L6814H7I).
(27) Cass. civ. 1, 15 juillet 1993, n° 92-04.092 (N° Lexbase : A7419CTX).
(28) Cass. crim., 29 mai 1997, n° 96-84.067 (N° Lexbase : A0635C7N).
(29) Cass. crim., 25 mai 1992, n° 91-82934 (N° Lexbase : A0613ABC).
(30) Cass. soc., 4 mai 1993, n° 88-45.634 (N° Lexbase : A3302ABW), Bull., n° 124 ; Cass. soc., 1er avril 1999, n° 97-14.262 (N° Lexbase : A9992CKB) ; Cass. civ. 1, 5 octobre 1999, n° 96-17.794 (N° Lexbase : A1472CNT).
(31) Excepté l'hypothèse de la signification par voie électronique, qui n'exclut pas le recours à la signification papier.
(32) CA Paris, 12 décembre 1906, S., 1907, 2, p. 109, DP, 1907, 2, p. 15.
(33) Cass. civ. 2, 24 novembre 1982, n° 81-14.504 (N° Lexbase : A8852CIP), Bull. civ., II, n° 151 ; Cass. civ. 2, 7 octobre 1992, n° 91-12.499 (N° Lexbase : A5783AHN), Bull. civ. I, n° 231 ; Cass. civ. 2, 4 janvier 2006, n° 04-15.105, F-D (N° Lexbase : A1726DMU) ; Cass. civ. 2, 8 mars 2006, n° 04-19.140, FS-P+B (N° Lexbase : A5014DNZ), Bull. civ. II, n° 71.
(34) Cass. civ. 2, 15 avril 2010, n° 09-12.445, F-D (N° Lexbase : A0609EWH), Dr. et procéd., 2010, n° 7, A. 064, p. 217.
(35) Cass. civ. 3, 13 juillet 2011, n° 10-20.478, FS-P +B (N° Lexbase : A0492HW7).
(36) C. pr. civ., art. 655 (N° Lexbase : L6822H7S).
(37) C. pr. civ., art. 656 (N° Lexbase : L6825H7W) et s..
(38) C. pr. civ., art 658 ([LXB=L6829H73 ]).
(39) C. pr. civ., art 670-1 (N° Lexbase : L6829LEN).
(40) Cass. civ. 2, 2 avril 1990, n° 89-10.933 (N° Lexbase : A4318AHE), Bull. civ, II, n° 72 ; Cass. civ. 2, 20 novembre 1991, n° 90-15.591 (N° Lexbase : A5370AHD), Bull. civ., II, n° 314 ; Cass. civ. 2, 30 juin 1993, n° 91-19.189 (N° Lexbase : A5864ABS) ; Cass. civ. 2, 30 juin 1993, n° 91-19.189 (N° Lexbase : A5864ABS), Bull. civ., II, n° 237 ; Cass. mixte, 6 octobre 2006, n° 04-17.070, P+B+R+I (N° Lexbase : A5094DR4), Bull. Ch. mixte, n° 8.
(41) C. pr. civ., art. 653 (N° Lexbase : L4834IST).
(42 ) L'huissier de justice n'a trouvé personne au domicile du requis, mais son domicile est certain. L'acte sera déposé à l'étude de l'officier public et ministériel, et le requis en sera avisé par lettre. Il pourra se présenter à l'étude de l'huissier de justice dans un délai de 3 mois pour récupérer le pli.
(43) C. pr. civ., art. 669 (N° Lexbase : L6846H7P).
(44) Rapport d'information n° 344 (2002-2003) de M. Gérard Larcher, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 11 juin 2003, p. 27 et s..
(45) Cass. civ.1., 9 février 1982, n° 81-10.543, Bull. civ. I, n° 64 ; Defrénois, 1982, p. 1634, obs. G. Vermelle - Cass. soc., 27 juin 1991, n° 88-17.956 (N° Lexbase : A1842C4Y).
(46) Cass. civ 3., 8 juin 1994, n° 93-70.196 (N° Lexbase : A7996ABR), Bull. civ. III, n° 119 ; AJPI, 10 février 1995, p. 132 ; D., 1994, IR, p. 167 ; CAA Lyon, 8 octobre 1991, n° 91LY00555 (N° Lexbase : A2723A8D) ; CAA Paris, 19 mai 1998, n° 95PA03396 (N° Lexbase : A0585BII) ; CAA Paris, 24 novembre 1998, n° 97PA00016 (N° Lexbase : A1706BIZ).
(47) Boulmier.
(48) Boulmier.
(49) Cass. soc., 19-06-1985, n° 84-60.905 (N° Lexbase : A4910AA4).
(50) R. Savatier, note ss Cass. soc., 25 juin 1954, D., 1955, jurispr. p. 357.
(51) D. Cosnard, La lettre missive, acte de procédure, D., 1960, chron. p. 97.
(52) Debray, La lettre recommandée dans la procédure civile et commerciale, D., 1968, chron., p. 155.
(53) On pourrait penser que cela existe déjà en lisant les dispositions de l'article 659 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6831H77). Mais, dans ce cas, l'acte de signification n'est pas constitué par l'envoi d'une lettre recommandée, qui ne constitue qu'une diligence accomplie par l'huissier de justice au cours de sa mission. Seul le procès-verbal qu'il dresse tient lieu de signification.
(54) D. Cosnard, op. cit.
(55) Rép. min. n° 52445, JOAN Q, 2 février 2010, p. 1169.
(56) Proposition n°11 de la contribution de la Chambre nationale des huissiers de justice au "débat sur la Justice du XXIème siècle".

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