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le 07 Octobre 2010
Avant d'aborder l'aspect purement juridique, il convient d'apprécier la portée du sujet, ici, traité en termes de chiffres. La seule source intéressante provient d'une enquête réalisée par la Direction générale de la comptabilité publique (DGCP) (étude DGCP 2005 sur les budgets 2002-2004, disponible sur le site colloc.minefi.gouv.fr). Cette étude fait ressortir, qu'en 2004, 6 milliards d'euros ont été affectés à des dépenses pour l'action économique, soit 4 % des dépenses totales des collectivités, en moyenne, mais 12,2 % des dépenses des régions, ceci traduisant le rôle majeur des régions en la matière.
La principale forme d'intervention correspond à des subventions aux personnes de droit privé, essentiellement des entreprises (1,9 milliards d'euros). Il s'agit d'aides utilisées principalement par les régions et départements, les communes et groupements intervenant d'abord sous forme de dépenses d'équipement.
I. Aides au développement économique de droit commun de l'article L. 1511-2 du CGCT
Avant d'aborder le régime de droit commun tel qu'il résulte de la loi "libertés et responsabilités locales", il convient de rappeler le dispositif antérieur. La loi n° 2002-276 du 27 février 2002, relative à la démocratie de proximité (N° Lexbase : L0641A37) était déjà venue marquer une rupture importante.
Ainsi, avant la loi du 27 février 2002 (CGCT, art. L. 1511-2, version du 24 février 1996 N° Lexbase : L4285C9L), les seuls types d'aides autorisés résidaient dans la prime régionale à l'emploi (PRE) (régime notifié à finalité "emploi"), la prime régionale à la création d'entreprise (PRCE) (dispositif fondé sur la règle de minimis), et les bonifications d'intérêts ou les prêts et avances à des conditions plus favorables que celles du taux moyen des obligations (les taux devant, toutefois, être supérieurs à un plancher fixé par arrêté du ministre des finances). Pour chacune de ces catégories d'aides, des dispositions réglementaires venaient encadrer les conditions d'attribution, dans le respect du droit communautaire.
Concernant la répartition des compétences, la région, par délibération du Conseil régional, décidait et mettait en oeuvre l'un des régimes institués par la loi, alors que les autres collectivités ne pouvaient que compléter financièrement le régime d'aide décidé par la région. Autrement dit, un rôle de chef de file était consacré depuis 1982 à cette dernière, les autres collectivités n'ayant que des possibilités d'intervention, à titre accessoire.
En 2002, la loi "démocratie de proximité" institue un nouveau régime de droit commun (CGCT, art. L. 1511-2, version du 28 février 2002 N° Lexbase : L8412AAS).
Les modifications apportées sont de plusieurs natures. Tout d'abord, concernant les types d'aides autorisés, l'article L. 1511-2 ne fixe plus de façon limitative les catégories d'aides susceptibles d'être accordées par la région, mais définit les aides directes d'après leur forme : subventions, bonifications d'intérêt, prêts ou avances remboursables... Ensuite, concernant la répartition des compétences, la région reste "chef de file", cela étant le principe de droit commun. Cependant, désormais, la région détermine et met en oeuvre les régimes d'aides directes (1), elle peut aussi décider de l'octroi d'une aide individuelle, et les autres collectivités ne peuvent intervenir que dans le cadre des régimes mis en place par la région en passant des conventions avec elle. Dans la situation antérieure, il fallait qu'il y ait un cofinancement pour chaque entreprise. Désormais, rien n'interdit de prévoir une répartition, entre les collectivités territoriales, des domaines d'intervention (par secteurs d'activité...), des bénéficiaires potentiels (par taille d'entreprise...), des financements. A ce dernier titre, la seule contrainte reste celle d'un cofinancement régional, c'est-à-dire que la région ne peut s'exonérer d'une participation, les autres collectivités étant appelées à "participer" au financement des aides régionales.
Après cette mise en perspective des dernières évolutions, il est plus aisé d'en apprécier la dernière modification.
Le nouvel article L. 1511-2 (N° Lexbase : L7908HBI) est, depuis la loi du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales, rédigé en ces termes : "sans préjudice des dispositions de l'article L. 1511-3, de l'article L. 1511-5, du titre V du livre II de la deuxième partie et du titre III du livre II de la troisième partie, le conseil régional définit le régime et décide de l'octroi des aides aux entreprises dans la région qui revêtent la forme de prestations de services, de subventions, de bonifications d'intérêt, de prêts et avances remboursables, à taux nul ou à des conditions plus favorables que celles du taux moyen des obligations. Il peut déléguer la gestion de ces avances à des établissements publics locaux.
Les départements, les communes et leurs groupements peuvent participer au financement de ces aides dans le cadre d'une convention passée avec la région. Toutefois, en cas d'accord de la région, la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales auteur du projet d'aide ou de régime d'aides peut le mettre en oeuvre.
Les aides accordées par les collectivités territoriales ou leurs groupements au titre du présent article et de l'article L. 1511-3 ont pour objet la création ou l'extension d'activités économiques".
Erik Bergs propose d'aborder ce texte en se plaçant du point de vue du contrôle de ces aides par les préfectures.
Le contrôle du préfet va, tout d'abord, se situer au niveau de l'objectif de création ou d'extension d'activités économiques.
L'article L. 1511-2 (et cette condition préalable à toute intervention) est visé par les articles L. 2251-2 (N° Lexbase : L1823GU3), L. 3231-2 (N° Lexbase : L1860GUG) et L. 4211-1 (N° Lexbase : L8239AAE) du CGCT (respectivement relatifs aux communes, départements et régions) régissant spécifiquement les interventions des communes, départements et régions en matière de développement économique. Il en résulte que les collectivités, lorsqu'elles interviennent en matière économique, sont soumises à l'obligation de respect de la liberté du commerce et de l'industrie, du principe d'égalité des citoyens devant la loi. Or, en octroyant une aide à une entreprise, la collectivité accorde un avantage à celle-ci. Ainsi, seul un intérêt général local significatif, en l'occurrence en termes de création ou de développement d'activités économiques, peut justifier les atteintes à ces principes.
Ensuite, le contrôle se situe au niveau de la compétence de la collectivité territoriale.
L'article 1er de la loi du 13 août 2004 a réaffirmé le rôle de chef de file de la région, tout en assouplissant les conditions d'intervention des départements, des communes et de leurs groupements. Comme auparavant (depuis la loi de 2002), la région décide des aides individuelles et définit librement le régime des aides, et les départements, les communes et leurs groupements peuvent participer au financement de ces aides dans le cadre d'une convention passée avec elle.
La nouveauté, issue de la loi de 2004, réside dans le fait qu'en cas d'accord de la région (pas nécessairement une convention conclue avec la région), le département, la commune ou le groupement de collectivités territoriales peuvent instituer une aide ou un régime d'aide non prévu par la région. Cela signifie que ces collectivités peuvent, dans cette hypothèse, intervenir en dehors de tout régime régional et sans cofinancement régional. L'accord prend la forme d'une décision de l'assemblée délibérante ou de la commission permanente de la région.
Enfin, le préfet contrôle le respect des formes d'aide prévues par l'article L. 1511-2.
La loi du 13 août 2004 a introduit, dans le champ de l'article L. 1511-2, les "prestations de services", qui relevaient, auparavant, de la catégorie des aides indirectes. Sont ainsi concernées les aides au conseil, au marketing ou à la promotion commerciale pour une entreprise particulière.
2. Le contrôle de légalité au regard de la norme communautaire
A ce titre, une circulaire du Premier ministre, en date du 26 janvier 2006, relative à l'application au plan local des règles communautaires de concurrence relatives aux aides publiques aux entreprises (N° Lexbase : L5433HGC), rappelle les grands principes du droit communautaire (sur ce texte, lire l'article de O. Dubos, La circulaire du 26 janvier 2006 : nouveau vade-mecum pour les aides des collectivités locales aux entreprises, paru dans la Revue Lexbase de Droit Public, n° 4 du 15 février 2006 N° Lexbase : N4493AKM).
Se pose, ici, la question de la compatibilité avec l'article 88-3 du Traité CE , impliquant qu'une délibération instituant une aide individuelle ou un régime d'aides doit, soit respecter un régime déjà notifié et autorisé, soit respecter les conditions d'un règlement d'exemption, soit faire l'objet d'une notification et d'une approbation spécifiques.
Dans le cadre du régime antérieur à la loi de 2002, les règles de droit communautaire et, notamment, l'obligation de notification préalable étaient appliquées au niveau central à l'occasion de l'élaboration des décrets définissant les régimes susceptibles d'être mis en oeuvre par les régions après approbation de la Commission européenne (décrets PRE, PRCE...). En revanche, après la loi de 2002, les régimes d'aides de droit commun sont librement déterminés et mis en oeuvre par la région dans le respect du droit communautaire, et, depuis la loi du 13 août 2004, les collectivités et groupements infrarégionaux peuvent également être amenés à mettre en oeuvre de nouvelles aides ou de nouveaux régimes d'aides, avec l'accord de la région. Dès lors, la disparition du "filtre juridique" qui était constitué par la réglementation nationale, préalablement autorisée par la Commission, implique que les collectivités doivent s'assurer elles-mêmes de la légalité de leur intervention au regard du droit communautaire.
C'est ainsi que la loi du 13 août 2004 tire les conséquences de cette liberté et de cette responsabilité nouvelle, comme son nom l'indique, en introduisant expressément dans l'ordre juridique national des obligations de respect du droit communautaire par les collectivités, à travers le nouvel article L. 1511-1-1 du CGCT (N° Lexbase : L9257HD9). Le contrôle au regard de la norme communautaire redevient, alors, un contrôle au regard de la norme interne. Ces obligations sont assorties de sanctions.
II. Les conventions passées entre l'Etat et les collectivités territoriales
Il s'agit, ici, d'aborder le cas où les collectivités locales veulent mettre en place une aide, mais ne parviennent pas à s'entendre avec la région.
L'article L. 1511-5 du CGCT (N° Lexbase : L1847GUX), tel qu'issu de la loi du 13 août 2004, dispose qu'"une convention peut être conclue entre l'Etat et une collectivité territoriale autre que la région ou un groupement pour compléter les aides ou régimes d'aides mentionnés aux articles L. 1511-2 et L. 1511-3. Une copie de la convention est en ce cas portée à la connaissance du président du conseil régional par le représentant de l'Etat dans la région".
Dans sa version antérieure à la loi du 13 août 2004, cet article permettait à toutes les collectivités territoriales d'intervenir au moyen de dispositifs non prévus par le droit existant, par le truchement d'une convention conclue avec l'Etat. Il est, aujourd'hui, réservé uniquement aux collectivités et groupements autres que la région (départements, communes, groupements de communes). En effet, les régions depuis la loi précitée de 2002, peuvent mettre en oeuvre le régime d'aide qu'elles souhaitent, dans le respect du droit communautaire.
Bien évidemment, le recours à ces conventions ne doit pas avoir pour objet de déroger aux règles régissant les dispositifs existants, et le contenu du régime, qui doit être compatible avec le droit communautaire, doit être défini dans toutes ses composantes (bénéficiaires ; secteurs concernés ; nature de l'aide ; montant, intensité maximale ; assiette des dépenses éligibles ; modalités de versement, régime approuvé ou règlement communautaire utilisé ; modalités de contrôle des règles de cumuls d'aide, notamment de minimis ; conditions d'évaluation du dispositif ; informations à donner à l'Etat en vue de l'élaboration des rapports prévus par le droit communautaire).
A titre d'exemple, l'article L. 1511-5 peut être utilisé dans le cadre d'une association de l'Etat et de nombreuses collectivités pour aider à l'installation d'entreprises comme Toyota à Onnaing.
Aujourd'hui, l'intérêt essentiel de ce texte réside dans la possibilité, pour les collectivités et groupements autres que la région, de compléter les aides ou régimes d'aides mentionnés à l'article L. 1511-2.
Une contradiction apparaît, toutefois, entre l'article L. 1511-2 prévoyant que la région décide si les autres collectivités peuvent intervenir, et l'article L. 1511-5 laissant au préfet le pouvoir de prendre une telle décision.
Pour articuler ces deux dispositifs, comme l'avait précédemment indiqué une circulaire de janvier 2003, Erik Bergs insiste sur le fait que l'article L. 1511-2 doit constituer le principe. Ainsi, il faut vérifier dans un premier temps qu'il n'y a pas moyen d'appliquer l'article L. 1511-2. Autrement dit, le principe est que la région est désignée comme chef de file pour les aides de droit commun de l'article L. 1511-2, les aides infrarégionales devant s'inscrire dans le cadre d'une convention pour obtenir l'accord de la région. Toutefois, si la région ne souhaite pas intervenir dans le cadre d'une convention, ni donner son accord pour une aide ou un régime d'aides qu'elles souhaiteraient instituer, les collectivités infrarégionales conservent la possibilité d'intervenir par convention avec l'Etat, dans le cadre de l'article L. 1511-5. Celui-ci leur permet donc d'échapper à une éventuelle tutelle de la région, avec l'accord de l'Etat.
A noter que la rédaction de l'article L. 1511-2, qui débute par les termes "sans préjudice des dispositions de l'article [...] L. 1511-5", semble dispenser le préfet de constater la carence de la région avant tout conventionnement L. 1511-5. Toutefois, il est important d'insister sur le fait que le principe du chef de filât de la région ne saurait être vidé de sa substance par un recours systématique au conventionnement de l'article L. 1511-5, et ce, notamment, dans les cas où l'Etat n'entend pas participer financièrement aux dispositifs d'aides envisagés, ou lorsque le recours à l'article L. 1511-5 a pour seul but de contourner la règle de l'article L. 1511-2.
En tout état de cause, le préfet n'a aucunement l'obligation de signer, et il lui appartient d'apprécier l'opportunité d'un conventionnement avec l'Etat.
III. Les aides à l'immobilier d'entreprise
Le régime de ces aides est prévu par l'article L. 1511-3 du CGCT (N° Lexbase : L1820GUX).
Avant la loi du 13 août 2004, cet article instituait un régime d'aides indirectes. Il prévoyait que la revente ou la location de bâtiments par les collectivités territoriales ou leurs groupements devait se faire aux conditions du marché. Toutefois, il pouvait être consenti des rabais sur ces conditions ainsi que des abattements sur les charges de rénovation de bâtiments industriels anciens suivant les règles de plafond et de zone prévues par un décret en Conseil d'Etat. Il prévoyait également que les autres aides indirectes étaient libres (la jurisprudence a identifié comme entrant dans cette catégorie les aides aux terrains, ainsi que les aides "collectives" aux opérations de promotion commerciale).
Cet article supposait que les collectivités soient propriétaires des biens immobiliers loués ou vendus.
L'absence d'encadrement national pour les aides indirectes "libres" était source de contentieux, pour les terrains en particulier, dès lors qu'un rabais sur le prix de vente ou de location d'un terrain peut constituer une aide d'Etat. Par ailleurs, la notion d'aide indirecte n'avait pas de sens en droit communautaire.
Désormais, le nouvel article L. 1511-3 (N° Lexbase : L1820GUX) dispose, notamment, que "le montant des aides que les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent attribuer, seuls ou conjointement, sous forme de subventions, de rabais sur le prix de vente, de location ou de location-vente de terrains nus ou aménagés ou de bâtiments neufs ou rénovés est calculé par référence aux conditions du marché, selon des règles de plafond et de zone déterminées par décret en Conseil d'Etat. Ces aides donnent lieu à l'établissement d'une convention et sont versées soit directement à l'entreprise bénéficiaire, soit au maître d'ouvrage, public ou privé, qui en fait alors bénéficier intégralement l'entreprise".
Pour chacun des types d'aides à l'immobilier (rabais consentis sur le prix de rénovation des bâtiments industriels existants ; rabais sur la vente ou la location de bâtiments dans les départements d'outre-mer et les zones "PAT industrie" ; rabais sur la vente ou la location de bâtiments attribuées dans les zones "PAT tertiaire"), le décret n° 2005-584 du 27 mai 2005, codifié aux articles R. 1511-4 et s. (N° Lexbase : L1987G9H), est venu prendre en compte les possibilités d'intervention offertes par la nouvelle rédaction de l'article L. 1511-3, a procédé à la transposition des contraintes communautaires, et a étendu, notamment en termes de taux, les possibilités d'intervention. Sur ce texte, lire Aides aux entreprises : les nouvelles règles du décret du 27 mai 2005, N. Wismer, paru dans la Revue Lexbase de Droit Public, n° 1 du 14 septembre 2005 (N° Lexbase : N8013AIM).
Compte-rendu réalisé par Anne-Lise Lonné
Rédactrice en chef de la Revue Lexbase de Droit Public
(1) Le régime d'aide correspond à un dispositif de portée générale définissant les types d'entreprises bénéficiaires, la forme des aides, les taux plafonds... Lorsque la collectivité a délibéré un régime, l'exécutif peut ensuite prendre des décisions individuelles qui s'inscrivent dans ce régime.
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