Réf. : Cass. Ass. plén., 7 mai 2004, n° 02-13.225, M. Pozzoli, ès qualités d'administrateur judiciaire du redressement c/ Société Dumas (N° Lexbase : A0602DCB)
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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur des Universités, Directeur du Master Droit de la Banque de la Faculté de Toulon et du Var
le 07 Octobre 2010
En l'espèce, le bailleur avait délivré congé le 30 juin 1993 pour le 31 décembre 1993, en proposant le renouvellement avec un loyer d'un montant supérieur. Le locataire est déclaré en redressement judiciaire le 22 décembre 1993. Le 31 décembre 1993, le bailleur met en demeure l'administrateur judiciaire d'avoir à opter sur la continuation du contrat de bail. Le 11 février 1994, l'administrateur judiciaire répond qu'il entend poursuivre le bail, mais aux conditions initiales. C'est dans ces conditions que le bailleur assigne le locataire et son administrateur judiciaire en résiliation du bail et en expulsion. Les juges du fond vont faire droit à sa demande en relevant d'une part que le congé n'avait pas mis fin au contrat de bail initial et, d'autre part, que le défaut de réponse dans le délai du mois de l'administrateur judiciaire, avait entraîné une présomption irréfragable de renonciation à la poursuite du contrat. La Cour de cassation avait cassé, par décision de sa Chambre commerciale du 17 février 1998 (Cass. com., 17 février 1998, n° 95-13.296, M. Pozzoli, ès qualités d'administrateur judiciaire du redressement c/ Société Dumas N° Lexbase : A2355AC9, Bull. civ. IV, n° 72 ; Gaz. Pal. 1er-3 nov. 1998, somm. p. 13, obs. J.-P. Brault ; JCP éd. E 1998, jur. 1361, note J.-P. Brault.) cet arrêt.
La cour d'appel de renvoi (CA Chambéry, 1er février 2002) avait entendu résister et s'était rangé à l'opinion de la première cour d'appel. C'est dans ce contexte que l'Assemblée plénière devait être saisie. Elle va, confirmant la solution proposée par la Chambre commerciale, énoncer par un principe que "le bail commercial renouvelé après délivrance d'un congé est un nouveau bail, le précédent cessant par l'effet du congé. Il en résulte qu'il ne constitue pas un contrat en cours dont l'administrateur du redressement judiciaire du preneur peut exiger l'exécution".
L'Assemblée plénière rend sa décision au triple visa des articles L. 145-9 du Code de commerce, L. 145-12 du même code et de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 dans sa rédaction (N° Lexbase : L6667AHE) applicable aux faits de l'espèce.
Il ne fait d'abord pas de difficulté, au regard du libellé de l'article L. 145-12 du Code de commerce, que le bail renouvelé est un nouveau bail. Ce sont très exactement les termes employés par l'alinéa 3 de cette disposition. Puisque le bail renouvelé est un nouveau bail, il apparaît avec évidence qu'il ne s'agit plus d'un contrat de bail "en cours" au sens de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985, aujourd'hui de l'article L. 621-28 du Code de commerce. La difficulté qui pouvait se présenter, en l'espèce, tenait au fait que le contrat de bail apparaissait en cours au jour du jugement d'ouverture car, à cette date, certes, le congé avait été donné, mais le bail n'était pas encore résilié. En effet, le congé avait pour date le 31 décembre 1993, date postérieure à la date du jugement d'ouverture du 22 décembre 1993 (sur ce principe de maintien du contrat pendant le congé, Droit et pratique des baux commerciaux, Dalloz 2004, n° 36.500). Le contrat de bail était donc en cours au jour du jugement d'ouverture. Cependant, il n'échappera pas à l'interprète qu'il n'est pas énoncé par l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 (devenu C. com., art. L. 621-28) que le contrat doive être en cours au jour du jugement d'ouverture. Il est seulement énoncé qu'il doit "être en cours". Ainsi que nous l'avions déjà noté (Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action n° 43.21), il ne suffit donc pas que le contrat soit en cours au jour du jugement d'ouverture. Encore faut-il qu'il soit en cours au jour de l'option. Cette solution avait été explicitement posée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans la présente affaire (Cass. com., 17 févr. 1998, précité). Cette solution nous semble s'imposer. L'arrivée du terme du contrat au jour de l'option empêche naturellement sa continuation.
On notera en l'espèce la maladresse du bailleur qui n'avait nullement à se soumettre au dispositif de l'article L. 621-28 du Code de commerce. Il ne devait pas prendre l'initiative de la mise en demeure sur la continuation d'un contrat qui, par hypothèse, arrivait à terme neuf jours après l'ouverture de la procédure collective. Or, sous cet angle, il est clairement acquis que la relation contractuelle ne peut renaître, fut-ce pour les besoins du redressement de l'entreprise. Il s'agirait là d'une mise à mal du droit des obligations, certes concevable, mais nécessitant en tout cas un texte d'exception qui n'existe pas en l'état du doit positif.
Remarquons aussi - n'hésitons pas à franchir "lapalissade" - que le fait que l'administrateur judiciaire n'ait pas répondu dans le délai légal à une question qui ne devait pas lui être posée reste évidemment indifférent. Chanceux administrateur, tout de même, qui évite ainsi un gravissime reproche, celui de ne pas avoir répondu dans le délai légal à la mise en demeure sur la continuation du contrat. Ce fait était sanctionné, sous l'empire de la législation du 25 janvier 1985, dans sa rédaction d'origine, par une présomption irréfragable de renonciation à la continuation du contrat. Plus radicalement, la loi du 10 juin 1994 l'a transformé en un cas de résiliation de plein droit du contrat. Les rédacteurs du projet de loi de sauvegarde des entreprises ont considéré beaucoup trop dangereuse la solution et envisagent (art. 33), en modifiant l'article L. 621-29 du Code de commerce, de ne plus soumettre le contrat de bail des locaux professionnels au mécanisme de l'option sur la continuation du contrat.
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