Réf. : CE 3° et 8° s-s, 9 avril 2004, n° 255953, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Caisse interfédérale de crédit mutuel de Bretagne (N° Lexbase : A9071DBL)
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N1588ABG
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par Nicolas Bourgeois, Avocat au Barreau de Paris
le 07 Octobre 2010
En l'espèce, une société avait constitué à tort des provisions pour dépréciation soumises au régime des moins-values à long terme, qui avaient absorbé ses plus-values. A la suite d'un redressement fiscal, l'administration avait remis en cause la déductibilité de ces provisions, et, mathématiquement, une plus-value nette à long terme taxée au taux réduit était apparue, sans qu'elle fut, bien entendu, affectée à la réserve spéciale. De ce fait, cette plus-value avait été soumise à une imposition au taux de 15 % au titre de l'exercice où elle fut révélée. En outre, se fondant sur l'absence de dotation de cette plus-value à la réserve spéciale au cours de l'exercice suivant celui au cours duquel elle fut révélée, l'administration en avait réintégré le montant dans les résultats imposables au taux de droit commun de cet exercice.
Cependant, le Conseil d'Etat n'a pas suivi cette solution, dans la mesure où la plus-value en cause était restée investie dans l'entreprise et que la société n'avait pu prendre, avant son assujettissement au taux réduit, la décision de porter cette plus-value au compte de réserve spéciale. En effet, les sociétés ne peuvent prendre la décision de porter dans leur bilan, à la réserve spéciale, le montant des plus-values nettes à long terme déclarées dans leurs résultats fiscaux qu'après la clôture de l'exercice au cours duquel ces résultats ont été acquis (CGI, art. 209 quater). Aussi, c'est seulement au cours de l'exercice suivant ce dernier exercice que l'obligation de doter la réserve spéciale peut être regardée comme ayant été, le cas échéant, méconnue. Si, au cours de ce second exercice, la société s'abstient de porter à ce compte de réserve le montant de sa plus-value nette, diminuée de l'impôt correspondant, elle doit être regardée comme ayant pris, au sujet de l'imposition de cette somme, une décision de gestion qui lui permet de rester libre de toute sujétion touchant à la distribution éventuelle de cette somme aux actionnaires et qui est assimilable à un prélèvement sur la réserve spéciale. Cette décision entraîne, par conséquent, l'assujettissement de ce prélèvement à l'impôt sur les sociétés à un taux égal à la différence entre le taux de droit commun et le taux réduit des plus-values à long terme (15 % en l'espèce).
Lorsque, à la suite d'un contrôle, un redressement révèle le caractère imposable d'une plus-value nette à long terme réalisée par une société au cours d'un exercice et que, n'ayant été ni volontairement dissimulée ni distribuée, celle-ci donne lieu à l'imposition au taux réduit au titre de cet exercice, la seule circonstance que la société n'ait pas doté la réserve spéciale au cours de l'exercice suivant la réalisation de la plus-value, ne peut être regardée comme une décision de gestion assimilable à un prélèvement à rapporter aux résultats imposables de cet exercice. Dans cette hypothèse, la société n'est en mesure de porter à ce compte de réserve le montant de la plus-value nette diminué de cette imposition qu'au cours de l'exercice suivant celui au cours duquel l'imposition au taux réduit a été établie Elle ne peut, dès lors, être réputée avoir pris avant la clôture de cet exercice une décision assimilable à un prélèvement sur cette réserve.
Dans cette affaire, le Conseil d'Etat n'a donc fait qu'appliquer les textes, rien que les textes...
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