La lettre juridique n°120 du 13 mai 2004 : Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] Quid des plus-values à long terme révélées à la suite d'un redressement fiscal ?

Réf. : CE 3° et 8° s-s, 9 avril 2004, n° 255953, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Caisse interfédérale de crédit mutuel de Bretagne (N° Lexbase : A9071DBL)

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par Nicolas Bourgeois, Avocat au Barreau de Paris

le 07 Octobre 2010

Par un arrêt en date du 9 avril 2004, le Conseil d'Etat apporte des précisions concernant la délicate question de la dotation de la réserve spéciale, lorsqu'une plus-value nette à long terme est révélée à la suite d'un redressement. Il résulte de cette nouvelle jurisprudence que la plus-value nette à long terme révélée à la suite d'une vérification de comptabilité doit être taxée au taux réduit applicable à ces plus-values (16 % dans les entreprises soumises à l'impôt sue le revenu, 19 % dans les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés). En revanche, en aucun cas l'administration ne peut rapporter aux résultats de l'entreprise le montant de cette plus-value diminuée de l'imposition au taux réduit, sous prétexte qu'elle n'a pas été affectée à la réserve spéciale des plus-values à long terme. Autrement dit, les sévères dispositions de l'article 209 quater-2 du CGI n'ont pas vocation à s'appliquer en pareille hypothèse, étant rappelé qu'elles prévoient que seules les sommes prélevées sur la réserve spéciale "sont rapportés aux résultats de l'exercice en cours lors de ce prélèvement, sous déduction de l'impôt perçu lors de la réalisation des plus-values correspondantes".
Dans la mesure où aucun prélèvement ne peut être opéré sur une réserve non garnie, il est effectivement de bonne logique de considérer que la plus-value à long terme révélée à la suite d'un redressement ne peut être réintégrée dans les résultats taxés au taux normal.

En l'espèce, une société avait constitué à tort des provisions pour dépréciation soumises au régime des moins-values à long terme, qui avaient absorbé ses plus-values. A la suite d'un redressement fiscal, l'administration avait remis en cause la déductibilité de ces provisions, et, mathématiquement, une plus-value nette à long terme taxée au taux réduit était apparue, sans qu'elle fut, bien entendu, affectée à la réserve spéciale. De ce fait, cette plus-value avait été soumise à une imposition au taux de 15 % au titre de l'exercice où elle fut révélée. En outre, se fondant sur l'absence de dotation de cette plus-value à la réserve spéciale au cours de l'exercice suivant celui au cours duquel elle fut révélée, l'administration en avait réintégré le montant dans les résultats imposables au taux de droit commun de cet exercice.

Cependant, le Conseil d'Etat n'a pas suivi cette solution, dans la mesure où la plus-value en cause était restée investie dans l'entreprise et que la société n'avait pu prendre, avant son assujettissement au taux réduit, la décision de porter cette plus-value au compte de réserve spéciale. En effet, les sociétés ne peuvent prendre la décision de porter dans leur bilan, à la réserve spéciale, le montant des plus-values nettes à long terme déclarées dans leurs résultats fiscaux qu'après la clôture de l'exercice au cours duquel ces résultats ont été acquis (CGI, art. 209 quater). Aussi, c'est seulement au cours de l'exercice suivant ce dernier exercice que l'obligation de doter la réserve spéciale peut être regardée comme ayant été, le cas échéant, méconnue. Si, au cours de ce second exercice, la société s'abstient de porter à ce compte de réserve le montant de sa plus-value nette, diminuée de l'impôt correspondant, elle doit être regardée comme ayant pris, au sujet de l'imposition de cette somme, une décision de gestion qui lui permet de rester libre de toute sujétion touchant à la distribution éventuelle de cette somme aux actionnaires et qui est assimilable à un prélèvement sur la réserve spéciale. Cette décision entraîne, par conséquent, l'assujettissement de ce prélèvement à l'impôt sur les sociétés à un taux égal à la différence entre le taux de droit commun et le taux réduit des plus-values à long terme (15 % en l'espèce).

Lorsque, à la suite d'un contrôle, un redressement révèle le caractère imposable d'une plus-value nette à long terme réalisée par une société au cours d'un exercice et que, n'ayant été ni volontairement dissimulée ni distribuée, celle-ci donne lieu à l'imposition au taux réduit au titre de cet exercice, la seule circonstance que la société n'ait pas doté la réserve spéciale au cours de l'exercice suivant la réalisation de la plus-value, ne peut être regardée comme une décision de gestion assimilable à un prélèvement à rapporter aux résultats imposables de cet exercice. Dans cette hypothèse, la société n'est en mesure de porter à ce compte de réserve le montant de la plus-value nette diminué de cette imposition qu'au cours de l'exercice suivant celui au cours duquel l'imposition au taux réduit a été établie Elle ne peut, dès lors, être réputée avoir pris avant la clôture de cet exercice une décision assimilable à un prélèvement sur cette réserve.

Dans cette affaire, le Conseil d'Etat n'a donc fait qu'appliquer les textes, rien que les textes...

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