Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 5 juin 2013, n° 363258, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1098KGR)
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N7426BT9
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Le 13 Juin 2013
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Réf. : TA Paris, 7 juin 2013, n° 1215237 (N° Lexbase : A1531KGS)
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N7490BTL
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Le 20 Juin 2013
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Réf. : CJUE, 4 juin 2013, aff. C-300/11 (N° Lexbase : A0399KGU)
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N7465BTN
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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique
Le 13 Juin 2013
La personne en cause, marié depuis 1990 à une ressortissante britannique et qui possède la double nationalité française et algérienne, était suspectée de liens avec des organisations terroristes, ce qui implique que sa situation relève de l'article 28, paragraphe 3, sous a), de la Directive (CE) 2004/38, c'est-à-dire de la protection la plus forte contre l'éloignement : "une décision d'éloignement ne peut être prise à l'encontre des citoyens de l'Union, quelle que soit leur nationalité, à moins que la décision ne se fonde sur des raisons impérieuses de sécurité publique définies par les Etats membres, si ceux-ci [...] ont séjourné dans l'Etat membre d'accueil pendant les dix années précédentes". C'était le cas en l'espèce, puisque l'intéressé a résidé légalement au Royaume-Uni de 1990 à 2005. Or, en soumettant toute mesure d'éloignement dans les hypothèses envisagées à cette disposition à la présence de "raisons impérieuses" de sécurité publique, notion qui est considérablement plus stricte que celle de "motifs graves" au sens du paragraphe 2 de cet article, le législateur de l'Union a entendu limiter les mesures fondées sur ledit paragraphe 3 à des "circonstances exceptionnelles" (CJUE, 22 mai 2012, aff. C-348/09 N° Lexbase : A7891ILT, CJUE, 23 novembre 2010, aff. C-145/09 N° Lexbase : A7891ILT) (1). En effet, la notion de "raisons impérieuses de sécurité publique" suppose non seulement l'existence d'une atteinte à la sécurité publique, mais aussi qu'une telle atteinte présente un degré de gravité particulièrement élevé. Il doit s'agir d'une atteinte particulièrement grave à un intérêt fondamental de la société, susceptible de représenter une menace directe pour la tranquillité et la sécurité physique de la population (CJCE, 17 décembre 1970, aff. C-30/70 N° Lexbase : A6653AUX).
Si la Cour de justice a énoncé l'interdiction des prohibitions générales et absolues pour les Etats membres, mais avec une possibilité de restreindre l'exercice du droit de séjour pour motif d'ordre public, dans des cas individuels (CJCE, 5 février 1991, aff. C-363/89 N° Lexbase : A0006AW7), cette réserve est, toutefois, d'interprétation stricte (CJCE, 19 janvier 1999, aff. C-348/96 N° Lexbase : A0431AWU). Une mesure d'éloignement doit être fondée sur un examen individuel du cas d'espèce et ne peut être justifiée pour des raisons impérieuses de sécurité publique, que si, compte tenu de l'exceptionnelle gravité de la menace, une telle mesure est nécessaire à la protection des intérêts qu'elle vise à garantir. Dans tous les cas, il doit être tenu compte des droits fondamentaux dont la Cour assure le respect, parmi lesquels figure le droit au respect de la vie privée et familiale. La mesure prise par l'Etat membre restreignant la libre circulation de l'individu doit donc être proportionnée à la menace que ce dernier représente pour l'ordre public, et les membres de la famille du ressortissant bénéficient des mêmes garanties que ce dernier (CJCE, 11 juillet 2002, aff. C-60/00 N° Lexbase : A0764AZC, CJCE, 25 juillet 2002, aff. C-459/99 N° Lexbase : A1835AZY). Dans le cadre de la mise en oeuvre de ce principe de proportionnalité, l'accent doit être mis sur le respect des droits fondamentaux (CJCE, 29 avril 2004, aff. C-482/01 N° Lexbase : A0425DCQ). L'affiliation, comme en l'espèce, du citoyen à une organisation peut être prise en compte quand ce dernier participe aux activités de celle-ci, et partage ses objectifs et buts (CJCE, 4 décembre 1974, aff. C-41/74 N° Lexbase : A6964AUH).
L'article 30, paragraphe 2, de la Directive (CE) 2004/38 indique que la communication au citoyen de l'Union, faisant l'objet d'une mesure restreignant sa liberté de circulation et de séjour pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique, des motifs précis et complets d'une telle mesure, constitue la règle. Par exception, seuls des motifs relevant de la sûreté de l'Etat peuvent s'opposer à cette communication. Bien qu'il appartienne aux Etats membres d'arrêter les mesures propres à assurer leur sécurité intérieure et extérieure, il n'en résulte pas pour autant que de telles mesures échappent totalement à l'application du droit de l'Union (CJCE, 15 décembre 2009, aff. C-284/05 N° Lexbase : A4651EPX). Dès 1975, la Cour avait imposé à l'Etat concerné une communication à l'intéressé des "motifs précis et complets" de la décision, en vue de mettre ce dernier en mesure d'assurer utilement sa défense (CJCE, 28 octobre 1975, aff. C-36/75 N° Lexbase : A7040AUB). L'année suivante, elle tempérait cette position en précisant que l'omission d'une formalité administrative ne justifie pas une restriction prise sur le fondement de l'ordre public (CJCE, 8 avril 1976, aff. C-48/75 N° Lexbase : A2293AWT). Récemment, il a été jugé que les éléments retenus à la charge de la personne intéressée pour fonder l'acte lui faisant grief doivent lui être communiqués et cette personne doit être mise en mesure de faire valoir utilement son point de vue au sujet de ces éléments (TPIUE, 21 mars 2012, aff. T-439/10 N° Lexbase : A5356IGH). Cependant, la communication au citoyen de l'Union des motifs de sécurité publique qui justifient son éloignement est susceptible d'être modulée en fonction des impératifs liés à la sûreté de l'Etat (CJUE, 28 juillet 2011, aff. C-309/10 N° Lexbase : A8889HW7).
II - Les juges luxembourgeois ont estimé que, pour apprécier la gravité de la menace à l'ordre public, il faut tenir compte du principe de non-discrimination (CJCE, 18 mai 1982, aff. C-116/81 N° Lexbase : A6273AUU), même si l'Etat peut prendre, à l'égard du ressortissant d'un autre Etat membre, des mesures non prévues à l'égard des nationaux (CJCE, 23 mars 2001, aff. C-7/01 N° Lexbase : A8828AUI). Par ailleurs, pour qu'un Etat puisse restreindre la liberté de circuler d'un individu, il faut être en présence d'une menace réelle, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société (CJUE, 4 octobre 2012, aff. C-249/11 N° Lexbase : A8182IT9). En outre, l'atteinte que porte aux droits de la défense et à une protection juridictionnelle effective la mise en oeuvre de la dérogation découlant de l'article 30, paragraphe 2, doit être compensée par des mécanismes procéduraux adéquats susceptibles de garantir un niveau satisfaisant d'équité dans la procédure. Cette dernière doit donc comporter des "techniques permettant de concilier, d'une part, les soucis légitimes de sécurité quant à la nature et aux sources de renseignements et, de l'autre, la nécessité d'accorder en suffisance au justiciable le bénéfice des règles de procédure" (CEDH, 15 novembre 1996, Req. 70/1995/576/662 N° Lexbase : A8422AWT). Dans le cas où une mesure d'expulsion est susceptible de porter atteinte au droit d'un étranger au respect de sa vie familiale, l'article 13 de la CESDH (N° Lexbase : L4746AQT), en liaison avec l'article 8 (N° Lexbase : L4798AQR), impose aux Etats de donner à la personne concernée la possibilité d'attaquer effectivement une telle mesure (CEDH, 20 juin 2002, Req. 50963/99). La Cour de Strasbourg exige également que les mesures d'expulsion fassent l'objet d'un contrôle juridictionnel indépendant et rigoureux. Ce contrôle doit, en outre, être effectué dans le cadre d'une procédure qui garantit, d'une manière ou d'une autre, le respect du contradictoire.
Dans l'affaire rapportée, les juges luxembourgeois estiment que les règles de procédure mises en place par le Royaume-Uni offrent au juge national les outils nécessaires pour assurer un niveau adéquat d'équité dans la procédure. En effet, un organe juridictionnel pleinement indépendant est informé de manière complète des faits qui sont reprochés à la personne visée par une mesure d'expulsion et pleinement habilité à annuler une telle mesure si la menace que représente cette personne pour la sécurité nationale n'est pas dûment prouvée. Il examine, à cette fin, tous les éléments de preuve pertinents, tant secrets que non confidentiels, en veillant à ce qu'aucune information ne soit inutilement dissimulée au requérant (CEDH, 17 janvier 2012, Req. 8139/09 N° Lexbase : A4027KGA), même s'il peut parfois se révéler nécessaire, au nom de l'intérêt public, de dissimuler certaines preuves à la défense. Le droit à une divulgation des preuves pertinentes n'est pas absolu et le droit à un procès pleinement contradictoire peut être restreint dans la mesure strictement nécessaire à la sauvegarde d'un intérêt public important tel que la sécurité nationale, la nécessité de garder secrètes certaines méthodes policières de recherche des infractions ou la protection des droits fondamentaux d'un tiers (CEDH, 17 janvier 2012, Req. 8139/09, précitée). Or, en l'espèce, l'on se doit de constater que M. X n'a reçu que peu d'informations sur les griefs qui lui sont reprochés et que les raisons essentielles justifiant la mesure d'expulsion sont demeurées confidentielles durant toute la procédure menée auprès de la SIAC. De l'aveu même de cette juridiction, c'est pour des raisons qui sont expliquées seulement dans le jugement confidentiel que celle-ci a considéré que la conduite personnelle de l'intéressé représentait une menace réelle, actuelle et suffisamment sérieuse affectant un intérêt fondamental de la société, à savoir la sécurité publique, et que cette menace l'emportait sur son droit à jouir d'une vie familiale au Royaume-Uni.
La CJUE estime, néanmoins, que les exigences en vertu desquelles une procédure pourra ou non être considérée comme étant équitable peuvent varier selon la nature de la décision contestée et les circonstances de l'espèce. Ils valident donc le fait que la Cour de Strasbourg adopte un standard de droits procéduraux plus élevé lorsqu'elle a été confrontée à des situations de détention que celui qu'elle a appliqué lorsqu'elle a eu à apprécier la compatibilité de décisions d'expulsion avec les articles 8 et 13 de la CESDH. La reconnaissance du caractère variable des standards applicables selon le contexte et les juridictions saisies semble donc être l'un des points les plus intéressants de la décision de la CJUE du 6 juin 2013, à charge pour les juges européens de ne pas oublier le principe d'équité entre les justiciables soumis à leurs décisions.
(1) Conclusions de l'avocat général M. Yves Bot.
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Réf. : CEDH, 6 juin 2013, Req. 50094/10 (N° Lexbase : A1524KGK)
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N7430BTD
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Le 13 Juin 2013
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Réf. : Décret n° 2013-446 du 30 mai 2013 (N° Lexbase : L9370IWX)
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N7491BTM
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Le 13 Juin 2013
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Réf. : CJUE, 6 juin 2013, aff. C-648/11 (N° Lexbase : A3855KGU)
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N7492BTN
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Le 14 Juin 2013
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Réf. : Cons. const., décision n° 2013-671 DC, du 6 juin 2013 (N° Lexbase : A1527KGN)
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N7440BTQ
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Le 13 Juin 2013
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N7432BTG
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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique
Le 13 Juin 2013
Karine Foucher : Le Conseil constitutionnel contrôle la conformité à la Constitution de la loi en tant que telle (contrôle abstrait) et non telle qu'elle est appliquée concrètement, ce qui est peu propice au développement d'une interprétation constructive des droits fondamentaux, dans le domaine de l'environnement comme dans d'autres matières.
En France, contrairement à d'autres Etats européens qui pratiquent déjà le contrôle de constitutionnalité des lois sur renvoi préjudiciel, le litige initial est simplement conçu comme une occasion de soulever la question de constitutionnalité et non comme un moyen de révéler la situation concrète dans laquelle se trouve un individu confronté à l'application problématique d'une loi au regard de ses droits et libertés. Or, il est des cas où la source du problème ne réside pas seulement dans la manière dont la loi est appliquée par les autorités compétentes (administratives et juridictionnelles), ce qui ne relève pas de l'office du juge constitutionnel, mais dans la façon dont la disposition législative est conçue, parce qu'elle n'a pas prévu des garanties suffisantes ou des dérogations suffisantes pour tenir compte de tel ou tel cas concret. Dans ces hypothèses, seule la prise en compte des données du litige peut permettre au juge constitutionnel de se saisir du problème de constitutionnalité. Au contraire, considérée "en tant que telle", dans l'abstrait, la loi peut très bien être conforme à la Constitution.
Le choix en faveur d'un contrôle abstrait de constitutionnalité (il en va pour la QPC de même que pour le contrôle a priori) a été opéré dès l'examen en première lecture du projet de loi organique relatif à l'article 61-1 de la Constitution. Le texte initial présenté par le Gouvernement prévoyait en effet de manière tout à fait classique, au regard de ce qui se pratique dans d'autres Etats européens (Allemagne et Italie pour ne citer qu'eux), que la disposition législative contestée devait commander l'issue du litige. Ainsi, la question de savoir si elle est, ou non, conforme à la Constitution doit être indispensable pour résoudre le litige. Il doit exister un lien étroit entre la question posée et l'instance. Le juge initialement saisi du litige n'étant pas compétent, comme toute juridiction ordinaire, pour trancher cette question (il en va ainsi dans le cadre du modèle européen de justice constitutionnelle contrairement aux Etats-Unis), il n'a alors d'autre choix que de surseoir à statuer et de la renvoyer à la juridiction constitutionnelle sous la forme d'une question préjudicielle. Etant une exception au principe selon lequel le juge de l'action est toujours compétent pour statuer, une question ne peut être considérée comme préjudicielle une fois qu'il a examiné tous les autres moyens et constaté qu'ils ne permettaient pas de résoudre le litige.
En octroyant à la QPC un caractère prioritaire pour lui donner toutes les chances de prospérer face au contrôle de conventionnalité (contrôle de la conformité des lois aux conventions internationales), les auteurs de la réforme lui ont, au contraire, fait perdre son caractère préjudiciel. De même, en prévoyant que la disposition législative critiquée doit simplement "être applicable au litige", et non plus en commander l'issue, ils ont souhaité faire primer l'intérêt du droit sur celui des parties et ont permis que la QPC se détache complètement du litige. Ainsi conçue, la nouvelle procédure a pour principale fonction de purger l'ordre juridique des dispositions inconstitutionnelles, ce qui risque de conduire à son tarissement progressif.
Lexbase : Quelles solutions préconisez-vous en la matière ?
Karine Foucher : Il s'agit avant tout que le Conseil constitutionnel se décide, à l'occasion de l'examen d'une QPC qui se prête particulièrement à un contrôle concret (une question par exemple de conformité au principe d'égalité dans le domaine social), à franchir le pas. Les adaptations procédurales, qui nécessiteront la modification de la loi organique et de ses décrets d'application, suivront ensuite. Parmi celles-ci, il conviendrait de prévoir un délai plus long pour l'examen de la QPC par le Conseil constitutionnel. La rapidité avec laquelle les décisions sont rendues est certes un avantage indéniable de la QPC et il importait que celle-ci s'installe dans le paysage juridictionnel français, mais dès lors que "la greffe a pris", il est temps de desserrer le carcan...
Il apparaît également important que l'on différencie la portée des décisions rendues par le Conseil constitutionnel selon qu'il déclare la disposition législative contraire à la Constitution ou qu'il rend une décision de conformité. Dans le premier cas, il est important que les décisions aient un effet absolu de chose jugée en s'imposant à tous et pas seulement dans le litige à l'origine de la QPC. La loi est abrogée pour tous, ce qui constitue certainement la plus-value la plus importante du contrôle de constitutionnalité a posteriori par rapport au contrôle de conventionnalité (qui ne conduit qu'à écarter l'application de la loi au litige). En revanche, il est problématique que le Conseil constitutionnel continue de délivrer des "brevets de constitutionnalité", justifiés par le pouvoir dont il dispose de soulever des moyens d'inconstitutionnalité d'office, et donc de confronter la disposition législative à d'autres droits et libertés que ceux invoqués par le requérant. En effet, le problème est que la disposition déclarée conforme ne pourra plus être contestée, même sur le fondement d'une autre norme constitutionnelle, et ce, alors qu'une inconstitutionnalité pourrait toujours être révélée à l'occasion d'un cas concret non envisagé au moment du contrôle...
Enfin, une telle évolution conduira à poser frontalement la question de la composition du Conseil constitutionnel. En l'état, et même si les magistrats de formation sont majoritaires depuis les dernières nominations opérées en février 2013, l'absence de conditions de diplôme et de formation professionnelle pour être nommé membre du Conseil demeure. En outre, le nombre de membres est réduit comparé aux autres cours constitutionnelles.
Lexbase : Vous avez également mis en cause les motifs juridiques retenus par le juge constitutionnel dans son contrôle de la loi environnementale. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Karine Foucher : La quasi-totalité des décisions QPC rendues par le Conseil constitutionnel sur le fondement de la Charte de l'environnement (huit décisions sur neuf) (1) ne portent pas sur le fond, mais sur le respect par le législateur de l'étendue de sa compétence. Le Conseil constitutionnel se contente, en effet, de sanctionner le législateur pour incompétence négative, qui est un moyen d'inconstitutionnalité externe.
Cette "stratégie" (si tant est qu'elle en soit une) n'est pas inefficace en soi, dans la mesure où elle a suffi à six reprises à déclarer les dispositions législatives contraires à la Constitution, obligeant le Parlement à intervenir pour améliorer la législation en vigueur en matière de participation du public (c'est en effet le non-respect de ce principe consacré par l'article 7 de la Charte qui a, à chaque fois, justifié la censure). Mais, la difficulté est que ce registre de l'incompétence négative, qui consiste, en l'occurrence, à sanctionner le législateur au motif qu'il n'a pas déterminé les conditions de la participation du public à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement contrairement à la lettre de l'article 7 de la Charte, permet au Conseil constitutionnel d'éviter d'avoir à se prononcer au fond, c'est-à-dire sur le niveau de garantie des droits consacrés par la Charte. Or, il revient au juge constitutionnel, en tant que gardien des droits fondamentaux, de déterminer le contenu minimal de ces droits, sans entraver, bien entendu, le pouvoir d'appréciation et de décision du Parlement.
Ainsi, s'agissant de la participation, puisque c'est le droit le plus souvent mobilisé par le Conseil dans sa jurisprudence sur la Charte, il revient au Conseil de dire si l'article 7 impose ou non une participation directe du public, ou si, la publication du projet de décision suivie de la transmission à un organisme consultatif peut suffire, dès lors que certaines conditions sont réunies, de délais en particulier (ce qui est d'ailleurs la position exprimée par le Conseil d'Etat dans son rapport pour 2010). Egalement, le moment à partir duquel la participation doit intervenir dans le processus décisionnel, ainsi que la portée de la participation sur la décision sont des éléments qui devraient faire partie de la substance du droit consacré à l'article 7.
Lexbase : Au final, pensez-vous que la pratique actuelle de la QPC est susceptible de nuire au droit de l'environnement ?
Karine Foucher : Non pas de lui nuire dans la mesure où les censures prononcées par le Conseil constitutionnel ont déjà conduit le Parlement à améliorer les procédures de participation du public, notamment, via la loi n° 2012-1460 du 27 décembre 2012, relative à la mise en oeuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement (N° Lexbase : L8859IUN), mais de limiter la protection constitutionnelle des droits environnementaux et peut-être de finir par décourager les plaideurs.
Ces derniers, au premier rang desquels l'association France nature environnement dont il faut saluer la ténacité, n'ont, en effet, pas bénéficié directement des déclarations de non-conformité dans la mesure où le Conseil a, à chaque fois, décidé de reporter dans le temps leurs effets, afin de laisser au Parlement le temps d'intervenir. Le bénéfice n'est, par conséquent, qu'indirect pour les requérants, alors qu'ils ont supporté la charge matérielle et financière de la QPC. A cet égard, on voit bien que l'intérêt général l'emporte largement sur l'intérêt des parties.
Quant au Parlement, il est important qu'il continue à jouer un rôle de premier plan dans ce "dialogue" avec le Conseil constitutionnel, en transformant l'obligation de légiférer en une opportunité pour rendre la protection des droits environnementaux plus effective, et en se gardant, malgré les délais qui lui sont imposés, de rendre la législation environnementale plus illisible qu'elle ne l'est actuellement...
(1) Voir, notamment, Cons. const., décisions n° 2008-564 DC du 19 juin 2008 (N° Lexbase : A2111D93), n° 2011-183/184 QPC du 14 octobre 2011 (N° Lexbase : A7387HYA), n° 2012-262 QPC du 13 juillet 2012 (N° Lexbase : A7321IQ9), n° 2012-269 QPC (N° Lexbase : A0585IR4) et n° 2012-270 QPC (N° Lexbase : A0586IR7) du 27 juillet 2012, n° 2012-282 QPC (N° Lexbase : A4204IXY) et n° 2012-283 QPC (N° Lexbase : A4205IXZ) du 23 novembre 2012 et n° 2013-317 QPC du 24 mai 2013 (N° Lexbase : A8147KD4).
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Réf. : CEDH, 30 mai 2013, Req. 7973/10 (N° Lexbase : A1081KG7)
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N7493BTP
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Le 15 Juin 2013
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Réf. : CAA Nantes, 4ème ch., 22 avril 2011, n° 09NT02732, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7992HPP)
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N7495BTR
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Le 13 Juin 2013
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Réf. : Loi n° 2013-453 du 3 juin 2013, visant à garantir la qualité de l'offre alimentaire en outre-mer (N° Lexbase : L9457IW8)
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N7496BTS
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Le 18 Juin 2013
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Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 15 mai 2013, n° 361823, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5407KDM)
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N7438BTN
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par Frédéric Dieu, Maître des requêtes au Conseil d'Etat
Le 13 Juin 2013
A - Les faits de l'espèce : l'envoi d'une mise en demeure de produire un mémoire ampliatif alors que le délai de recours de deux mois imparti pour motiver la requête était expiré
Le requérant, architecte, avait été solidairement condamné par le tribunal administratif de Paris à indemniser le département de Paris à la suite de désordres ayant affecté un collège. Le jugement lui avait été notifié le lundi 15 février 2010, de sorte que le délai d'appel expirait le vendredi 16 avril 2010. Le 12 avril 2010, avant l'expiration du délai, le requérant avait introduit une requête par laquelle il indiquait qu'il entendait contester les termes du jugement et que la motivation serait ultérieurement développée dans le cadre d'un autre mémoire. Le 3 mai 2010, la cour administrative d'appel (1) avait mis en demeure le requérant de produire son mémoire complémentaire sous quinze jours ; un mémoire ampliatif avait bien été produit dans ce délai, le 18 mai 2010. L'instruction s'était poursuivie et la cour a finalement statué deux ans plus tard.
Dans son arrêt, la cour a indiqué à tort que le délai d'appel expirait le 17 mai 2010 alors que, nous l'avons vu, ce délai expirait le 16 avril 2010. Quoi qu'il en soit, elle a relevé que la requête initiale n'était assortie d'aucun moyen et que le mémoire complémentaire n'avait été enregistrée que postérieurement au délai d'appel. Elle l'a donc rejetée pour irrecevabilité, en application des dispositions de l'article R. 411-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3005ALU) aux termes duquel "l'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours".
La cour n'a, en revanche, pas tenu compte de la mise en demeure de produire le mémoire complémentaire (ou mémoire ampliatif) annoncé qui avait été adressé au requérant par le greffe le 3 mai 2010 et qui avait donné lieu à l'envoi d'un mémoire dans le délai imparti par cette mise en demeure, mais après l'expiration du délai d'appel. Une telle mise en demeure est imposée par l'article R. 612-5 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3130ALI) aux termes duquel : "devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, si le demandeur, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, n'a pas produit le mémoire complémentaire dont il avait expressément annoncé l'envoi [...] il est réputé s'être désisté".
Toute l'argumentation du pourvoi reposait sur une omission dans l'arrêt : celui-ci a passé sous silence, nous l'avons vu, la mise en demeure de produire un mémoire complémentaire adressée au requérant, en application de l'article R. 612-5, le 3 mai 2010. Le juge du fond a, en effet, l'obligation de procéder à cette mise en demeure lorsqu'il est confronté à une requête sommaire annonçant un mémoire complémentaire : s'il ne le fait pas, la production tardive du mémoire complémentaire après le mémoire introductif d'instance ne conduit pas à un désistement d'office (2). Or, dans le courrier en cause, le requérant avait été mis en demeure de produire, dans un délai de 15 jours, le mémoire complémentaire annoncé dans son mémoire introductif d'instance et il s'était conformé à cette mise en demeure et à ce délai en produisant un mémoire comportant plusieurs moyens.
Le requérant soutenait donc, dans son pourvoi, que la cour avait entaché son arrêt d'insuffisance de motivation, d'erreur de qualification juridique et d'erreur de droit en ne mentionnant pas l'existence de la mise en demeure de produire le mémoire complémentaire et en ne tirant pas les conséquences qui se déduisaient, selon lui, de celle-ci. En effet, selon le pourvoi, à partir du moment où la cour avait donné un délai pour produire le mémoire ampliatif, la requête pouvait être régularisée jusqu'à son expiration, ce qu'elle avait été en l'espèce.
B - Le caractère strict du délai imparti à l'auteur de la requête dépourvue de moyens pour la régulariser
Selon la jurisprudence, lorsque la requête est insuffisamment motivée, le juge n'a pas à inviter le requérant à la régulariser, et, d'autre part, une telle requête doit être jugée irrecevable lorsque le mémoire complémentaire est produit après l'expiration du délai de recours contentieux (3). Ne s'appliquent donc pas en ce cas les dispositions de l'article R. 612-1 (N° Lexbase : L3126ALD), selon lesquelles la juridiction ne peut rejeter une demande qu'après avoir invité son auteur à la régulariser lorsque l'irrecevabilité est susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours. Et "il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire ni d'aucun principe général du droit que le juge administratif soit tenu d'inviter le requérant qui présente une requête insuffisamment motivée au regard des prescriptions de l'article R. 411-1 du Code de justice administrative à la régulariser" (4). Cette jurisprudence est justifiée par le caractère impératif du délai de recours de deux mois, au-delà duquel aucune régularisation n'est possible.
L'on peut en tirer les quatre enseignements suivants :
1 - une requête insuffisamment motivée n'a pas obligatoirement à faire l'objet de la mise en demeure prévue à l'article R. 612-5 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3130ALI) relative au désistement d'office et, plus largement, n'a pas à faire l'objet d'une invitation à régulariser ;
2 - face à une telle requête, nous nous situons sur le terrain de la recevabilité et non sur celui du désistement ;
3 - même si une mise en demeure de régulariser la requête insuffisamment motivée est adressée au requérant, cette régularisation n'est possible qu'avant l'expiration du délai de recours contentieux de deux mois ;
4 - en conséquence, lorsqu'une invitation à régulariser est adressée au requérant ayant produit une requête introductive d'instance insuffisamment motivée, cela ne prive pas le juge de rejeter la requête comme étant irrecevable au motif qu'elle n'a pas été motivée dans le délai de recours de deux mois, sans qu'il faille tenir compte du délai supplémentaire qui lui a été accordé par l'invitation à régulariser (5).
La décision rapportée s'inscrit dans cette jurisprudence stricte pour le requérant en rappelant "qu'il résulte des dispositions de l'article R. 411-1 du Code de justice administrative que l'irrecevabilité tenant au défaut de motivation de la requête n'est pas au nombre des irrecevabilités susceptibles d'être couvertes après l'expiration du délai de recours et qui ne peuvent être relevées d'office qu'après que le requérant a été invité à régulariser sa requête". Sont ainsi affirmés par le Conseil d'Etat, d'une part, l'absence d'obligation, pour la juridiction, de mettre en demeure le requérant de régulariser sa requête par la production d'un mémoire comportant des moyens et, d'autre part, le caractère strict du délai de deux mois imparti au requérant pour ce faire.
II - L'impossibilité de prolonger le délai de motivation de la requête par la mise en oeuvre de l'article R. 612-5 du Code de justice administrative
A - L'envoi d'une mise en demeure de produire le mémoire complémentaire annoncé ne peut avoir pour objet ou pour effet de prolonger le délai de deux mois accordé au requérant pour régulariser une requête initiale dépourvue de moyens
La question était cependant posée en l'espèce du sort qu'il fallait réserver à l'erreur de fondement juridique de la juridiction, consistant à adresser au requérant une mise en demeure "R. 612-5 CJA" de produire le mémoire complémentaire annoncé dans la requête sommaire alors que la requête sommaire n'est pas une requête sommaire mais est une requête non motivée. Nous n'étions pas ici dans l'hypothèse dans laquelle la juridiction invite à régulariser une requête qu'elle sait non motivée, sans se tromper sur ce point : nous étions, en effet, dans une hypothèse où la juridiction, par la voix de son greffe, s'était trompé sur la qualification de la requête introductive d'instance, erreur révélée par la mise en demeure "R. 612-5 CJA", qu'elle avait regardée comme une requête sommaire alors qu'il s'agissait d'une requête non motivée.
Plus particulièrement, nous étions dans une hypothèse où, dans un premier temps, au stade de l'instruction, la juridiction (son greffe) avait regardé la requête introductive d'instance comme une requête sommaire appelant un mémoire complémentaire et avait adressé, en conséquence, au requérant une mise en demeure "R. 612-5 CJA" de produire ce mémoire et où, dans un second temps, au stade du jugement, la juridiction avait modifié sa qualification de la requête introductive d'instance pour y voir une requête non motivée qui devait être régularisée (motivée) avant l'expiration du délai de recours de deux mois et ne pouvait l'être dans le délai supplémentaire accordé par la mise en demeure. En bref, la cour avait fait peser sur le requérant son erreur initiale de qualification de la requête introductive d'instance.
Néanmoins, la formation de jugement devait-elle être liée par la qualification de la requête retenue par le greffe (requête sommaire) sans pouvoir retenir que cette requête était en réalité une requête dépourvue de moyens qui ne pouvait être régularisée que dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement frappé d'appel ? Le Conseil d'Etat a répondu par la négative, afin de ne pas faire dépendre ce délai des errements du greffe de la juridiction. Le Conseil juge ainsi que "l'irrecevabilité dont cette requête se trouvait dès lors entachée et qui, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 411-1 du Code de justice administrative, n'était plus régularisable, n'a pu être couverte par la production tardive d'un mémoire motivé, à la suite de la mise en demeure adressée par le greffe de la juridiction, après l'expiration de ce délai, à l'avocat du requérant qui avait annoncé un mémoire complémentaire dans sa requête". Cette solution se justifie pour les raisons suivantes.
En premier lieu, il n'y avait pas eu en l'espèce d'invitation à régulariser une requête non motivée : le greffe de la cour avait simplement fait jouer l'article R. 612-5 du Code de justice administrative qui permet à la juridiction de mettre en demeure le requérant de produire le mémoire complémentaire annoncé et de constater son désistement s'il ne le produit pas. Or, une telle mise en demeure ne préjuge en rien du caractère suffisamment motivé -ou non- de la requête initiale et n'a pas pour fonction de remédier à une méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-1. La requête initiale peut parfaitement mettre le juge à même de statuer, ou être, au contraire, d'une parfaite vacuité. Simplement, si un mémoire complémentaire a été annoncé, le temps suspend son vol, et la mise en demeure va permettre de déboucher soit sur le constat d'un désistement, soit sur une poursuite de l'instruction.
Certes, la juridiction, face à une requête non motivée, peut prononcer un rejet pour irrecevabilité, une fois le délai expiré, alors même qu'un mémoire complémentaire aurait été annoncé. Mais, à l'inverse, le fait qu'elle ait adressé une mise en demeure de produire le mémoire complémentaire n'implique pas qu'elle ait ainsi décerné à la requête initiale un brevet de motivation suffisante pour passer la barre de la recevabilité. Il s'agit de deux questions distinctes. Il est parfaitement admissible que la juridiction mette en demeure de produire le mémoire complémentaire annoncé, à titre conservatoire, alors même qu'elle aurait des doutes quant à la recevabilité de la requête au regard de l'article R. 411-1. Et même si la requête est a priori irrecevable, le fait d'avoir invité à produire le mémoire complémentaire annoncé ne saurait être regardé comme une "erreur", tant que cette irrecevabilité n'a pas été constatée par une décision juridictionnelle. Par ailleurs, la mise en demeure ne peut davantage être regardée comme une invitation à régulariser une requête initiale non motivée, puisqu'elle n'a pas cet objet.
En d'autres termes, si, avant l'expiration du délai de deux mois, le requérant est invité à produire le mémoire complémentaire annoncé, avec une mise en demeure expirant au-delà du délai de deux mois, il ne s'ensuit pas qu'il puisse régulariser, après les deux mois, l'irrecevabilité tenant à l'absence de moyens dans sa requête initiale : aucune indication erronée ne lui aura été délivrée.
En second lieu, et tout état de cause, en l'espèce, la mise en demeure avait été adressée après l'expiration du délai d'appel ; la requête était définitivement irrecevable. En admettant même qu'une mise en demeure de produire un mémoire complémentaire puisse proroger le délai de régularisation d'une requête qui n'est assortie d'aucun moyen, il ne peut en aller ainsi lorsque cette mise en demeure intervient après les deux mois. Certes, le requérant aura été incité à produire un mémoire complémentaire qui se révélera inutile, mais le sort contentieux de la requête n'en aura été affecté en rien : elle était irrecevable et le demeure, sans "résurrection" possible.
B - Une solution sévère pour le requérant qui ne tient pas compte de l'erreur de qualification de la requête commise par la juridiction
La solution retenue par le Conseil d'Etat est tout à fait orthodoxe mais néanmoins sévère pour le requérant. En effet, l'erreur et la contradiction de la cour quant à la qualification de la requête initiale (requête sommaire/requête dépourvue de moyens) a eu des conséquences radicales puisqu'elle a conduit celle-ci à rejeter la requête comme étant irrecevable, en le privant finalement du bénéfice du délai supplémentaire qu'elle lui avait initialement accordé pour régulariser sa requête. Autrement dit, la cour n'a pas tenu compte du délai de régularisation qu'elle avait pourtant (certes à tort) accordé au requérant.
Une telle solution d'irrecevabilité est choquante et injuste pour le requérant qui se voit totalement trompé et abusé par le comportement de la juridiction, laquelle lui accorde d'abord un délai supplémentaire pour l'en priver ensuite. Bien que l'on ne puisse probablement pas y voir une manoeuvre délibérée de la juridiction, cela revient tout de même à tromper la "confiance légitime" du requérant. Le comportement de la juridiction revient à priver le requérant d'une prolongation du délai de recours alors que ce dernier pouvait légitimement croire que ce délai expirait à la plus tardive de ces deux dates.
Or, il est constamment jugé que l'indication erronée par la juridiction d'un délai de recours plus long et plus tardif que celui qui devait être légalement appliqué doit profiter au requérant qui peut ainsi légitimement se prévaloir de ce délai (à tort) rallongé. Dans la décision de Section "Mlle Bourgeois" (6), le Conseil d'Etat a ainsi jugé que l'indication erronée d'un délai de recours de deux mois, alors qu'est normalement applicable un délai de huit jours seulement (référé fiscal), profitait au requérant qui dispose ainsi d'un délai de deux mois pour faire appel.
Il a également été jugé qu'en matière électorale était applicable un délai de recours de deux mois lorsqu'un tel délai avait été indiqué au requérant alors même que le délai normal est d'un mois (7). De même, le Conseil d'Etat a fait bénéficier le requérant du délai de distance majoré de quatre mois dès lors que ce délai lui avait été indiqué par la juridiction, sans examiner si ne s'appliquait pas le délai de distance normal de trois mois (8).
Le Conseil d'Etat a aussi jugé que la notification erronée du délai d'appel de droit commun de deux mois faisait obstacle à ce que puisse être opposé le délai spécial abrégé pourtant applicable, afin que ne soit pas pénalisé le requérant qui se fonde sur des renseignements fournis par la juridiction elle-même. Le principe paraît être d'application générale (9). L'on aurait donc pu estimer, en l'espèce, que le délai accordé par le greffe en application de l'article R. 612-5 avait eu pour effet de prolonger le délai imparti au requérant pour régulariser sa requête initiale dépourvue de moyens.
Le Conseil d'Etat s'y est refusé mais il faut souligner qu'en l'espèce, la mise en demeure avait été adressée après l'expiration du délai de recours de deux mois imparti pour régulariser une requête dépourvue de moyens. L'on comprend que, dans cette hypothèse, la mise en demeure ne peut faire renaître un délai qui est expiré. A l'inverse, la décision ici rapportée ne juge pas que la mise en demeure adressée avant l'expiration du délai de recours de deux mois imparti pour régulariser une requête dépourvue de moyens ne pourrait avoir pour effet de prolonger ce délai jusqu'à l'expiration du délai fixé par la mise en demeure. Si, saisi d'une requête non motivée, la juridiction invitait expressément le requérant à la régulariser en indiquant, de façon erronée, un délai courant au-delà du délai de deux mois, la question se poserait des conséquences qui s'attacheraient à une telle erreur.
Il ne serait donc pas incohérent de retenir une solution analogue dans le cas d'une invitation à régulariser une requête non motivée, adressée au requérant à une date où une telle régularisation est encore possible, mais lui laissant explicitement pour ce faire un délai excédant le délai réglementaire. La jurisprudence actuelle est en sens contraire (10) mais une évolution n'est pas à exclure sur ce point : la juridiction décidant de mettre en demeure le requérant à régulariser sa requête avant l'expiration du délai de recours accorderait en conséquence au requérant une prolongation du délai de recours jusqu'à l'expiration du terme fixé par la mise en demeure.
(1) CAA Paris, 6ème ch., 4 juin 2012, n° 10PA01806, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A0815IRM).
(2) CE 3° s-s., 4 novembre 2009, n° 312892, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7969EM4).
(3) CE 3° s-s., 28 mars 2003, n° 237259 (N° Lexbase : A6515BLU), inédit au recueil Lebon ; CE 3° et 5° s-s-r., 4 octobre 1999, n° 193270, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4043AXZ) ; CE, Sect., 26 octobre 1973, n° 81414, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8092B89) : tardiveté du mémoire produit après l'expiration du délai de recours.
(4) CE 3° s-s., 28 mars 2003, n° 237259, préc..
(5) CE, 29 mai 1991, n° 104424, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1586AR8) : "à la date d'expiration du délai de recours contentieux, le 18 février 1986, M. [X] n'avait produit aucune requête motivée [...] la circonstance qu'à cette même date le tribunal administratif lui ait demandé de motiver sa requête ne pouvait avoir pour effet de prolonger le délai du recours contentieux" ; CE 7° s-s., 17 décembre 1997, n° 183331, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5873ASC) : "la requête de M. [X] ne contient l'énoncé d'aucun moyen de droit [...] malgré l'invitation qui lui a été faite de régulariser celle-ci par la production de moyens de droit au soutien de ses conclusions, l'intéressé n'a pas répondu à cette invitation dans le délai utile du recours contre la décision qu'il attaque" ; voir, pour une solution identique, CE, 7 décembre 1994, n° 150076, Estrada.
(6) CE, Sect., 26 mars 1993, n° 117557, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9076AM4), aux conclusions de J. Arrighi refusant de se "résigner à accepter une forclusion qui revient à tromper la confiance légitime que le justiciable est en droit d'éprouver à l'égard du document officiel qu'est la notification d'un jugement faite par le greffe de la juridiction".
(7) CE 8° et 9° s-s-r., 27 avril 1994, n° 152356, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1185AIQ).
(8) CE 9° et 10° s-s-r., 10 janvier 2001, n° 187948, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2254AIC).
(9) CE 2° et 7° s-s-r., 16 janvier 2006, Mme Touba, n° 282472 (N° Lexbase : A4276DMC) : "la notification d'une décision portant l'indication d'un délai plus long que celui prévu par les textes en vigueur emporte application de ce délai alors même qu'il serait erroné".
(10) Cf. I. B.
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Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 10 juin 2013, n° 337320, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A4647KG9)
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Le 19 Juin 2013
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Le 27 Juin 2013
- CE 2° et 7° s-s-r., 5 juin 2013, n° 352917 (N° Lexbase : A3368KGT) : les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique, mais pas du seul fait de fautes commises par d'autres intervenants. Dès lors, en jugeant que la responsabilité de la région était susceptible d'être engagée du seul fait de fautes commises par les autres intervenants à l'opération de restructuration du lycée, la cour administrative d'appel (CAA Douai, 1ère ch., 19 juillet 2011, n° 08DA01278 N° Lexbase : A4915HWX) a commis une erreur de droit.
- CE 2° et 7° s-s-r., 5 juin 2013, n° 366219 (N° Lexbase : A3386KGI) : il appartient en principe à l'autorité administrative de délivrer, lorsqu'elle est saisie d'une demande en ce sens, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui remplit les conditions prévues par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers (N° Lexbase : L5042IQS). Elle ne peut opposer un refus à une telle demande que pour un motif d'ordre public suffisamment grave pour que ce refus ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du demandeur. Sur un tel fondement, elle peut prendre en compte le fait qu'un demandeur a été impliqué dans des crimes graves contre les personnes et que sa présence régulière sur le territoire national, eu égard aux principes qu'elle mettrait en cause et à son retentissement, serait de nature à porter atteinte à l'ordre public. Dès lors, en estimant que le refus opposé à la demande de titre de séjour de Mme X portait au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts de préservation de l'ordre public que ce refus poursuit, la cour administrative d'appel (CAA Versailles, 2ème ch., 6 décembre 2012, n° 11VE03720, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7831I78) a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
- CE 2° et 7° s-s-r., 5 juin 2013, n° 363936 (N° Lexbase : A3382KGD) : lorsqu'il résulte de l'instruction qu'un candidat a déclaré, dans son compte de campagne, des dépenses qui ne peuvent être regardées comme des dépenses effectuées en vue de l'élection au sens de l'article L. 52-12 du Code électoral (N° Lexbase : L9949IP8), le juge de l'élection qui, saisi sur le fondement de l'article L. 118-3 du même code (N° Lexbase : L9959IPK), a rejeté la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) au motif que le rejet par cette dernière du compte n'était pas fondé, les retire du compte de campagne pour arrêter le montant du remboursement dû au candidat en application de l'article L. 118-2 (N° Lexbase : L9958IPI) (cf. l’Ouvrage "Droit électoral" N° Lexbase : E8351D3P).
- CE 9° et 10° s-s-r., 3 juin 2013, n° 334251 (N° Lexbase : A3353KGB) : le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 de la Charte de l'environnement (principe de précaution) (loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1 mars 2005 N° Lexbase : L0268G8G) est opérant à l'encontre d'un acte par lequel l'autorité administrative réglemente la navigation et les activités sportives et touristiques sur un cours d'eau, un lac, une retenue ou un étang d'eau douce.
- CE 1° et 6° s-s-r., 3 juin 2013, n° 345174 (N° Lexbase : A3359KGI) : s'il appartient à l'autorité administrative de procéder à la publicité de l'ouverture de l'enquête publique dans les conditions fixées par les dispositions de l'article R. 11-4 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (N° Lexbase : L3018HLD), la méconnaissance de ces dispositions n'est de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle a pu avoir pour effet de nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative. En ne recherchant pas si le manquement était de nature à entacher d'irrégularité l'ensemble de la procédure d'enquête publique pour défaut d'information et de consultation du public, la cour administrative d'appel (CAA Versailles, 2ème ch., 14 octobre 2010, n° 08VE02574, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7872GDW) a donc commis une erreur de droit.
- CE 3° et 8° s-s-r., 3 juin 2013, n° 354487 (N° Lexbase : A4648KGA) : il résulte de l'ensemble des dispositions applicables au détachement des fonctionnaires, y compris ceux qui sont détachés auprès d'une collectivité territoriale en application du cinquième alinéa du III de l'article 109 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales (N° Lexbase : L0835GT4), que l'autorité compétente pour se prononcer sur une demande de maintien en activité présentée sur le fondement de l'article 1-3 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984, relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public (N° Lexbase : L1097G87), est celle de l'administration d'origine du fonctionnaire (cf. l’Ouvrage "Fonction publique" N° Lexbase : E9719EPN).
- CE 9° et 10° s-s-r., 3 juin 2013, n° 328634 (N° Lexbase : A3352KGA) : il résulte des dispositions de l'article 41 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 (N° Lexbase : L8794AGS), dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 (N° Lexbase : L0722GTW), et de l'article 88 du décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 (N° Lexbase : L0844HDM) pris pour son application que, quand le responsable d'un traitement intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique oppose un refus à une demande d'accès indirect ou de rectification, l'indication alors fournie au demandeur par le président de la CNIL selon laquelle il a été procédé aux vérifications nécessaires ne peut être regardée comme l'exercice par la CNIL de l'une de ses compétences, mais comme la simple notification d'une décision de refus d'accès prise par le responsable du traitement. Cette décision relève, en cas de litige, de la compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel l'autorité qui l'a prise à son siège (cf. l’Ouvrage "Procédure administrative" N° Lexbase : E0690EXT).
- CE 3° et 8° s-s-r., 3 juin 2013, n° 351612 (N° Lexbase : A3363KGN) : les dispositions de l'article L. 311-4 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L1514IPR) ne font pas obstacle à ce que la prise en charge par un constructeur du coût des équipements publics à réaliser s'effectue sous la forme d'une cession gratuite de terrain, dans la mesure où elle est destinée à répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans la zone et dès lors qu'elle ne fait pas double emploi avec une participation financière qui serait demandée par ailleurs au constructeur afin de répondre à ces mêmes besoins.
- CE 1° et 6° s-s-r., 3 juin 2013, n° 342673 (N° Lexbase : A3356KGE) : un permis de construire n'a d'autre objet que d'autoriser la construction d'immeubles conformes aux plans et indications fournis par le pétitionnaire. La circonstance que ces plans et indications pourraient ne pas être respectés ou que ces immeubles risqueraient d'être ultérieurement transformés ou affectés à un usage non conforme aux documents et aux règles générales d'urbanisme n'est pas, par elle-même, sauf le cas d'éléments établissant l'existence d'une fraude à la date de la délivrance du permis, de nature à affecter la légalité de celui-ci.
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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique
Le 13 Juin 2013
Karine Foucher : Le Conseil constitutionnel contrôle la conformité à la Constitution de la loi en tant que telle (contrôle abstrait) et non telle qu'elle est appliquée concrètement, ce qui est peu propice au développement d'une interprétation constructive des droits fondamentaux, dans le domaine de l'environnement comme dans d'autres matières.
En France, contrairement à d'autres Etats européens qui pratiquent déjà le contrôle de constitutionnalité des lois sur renvoi préjudiciel, le litige initial est simplement conçu comme une occasion de soulever la question de constitutionnalité et non comme un moyen de révéler la situation concrète dans laquelle se trouve un individu confronté à l'application problématique d'une loi au regard de ses droits et libertés. Or, il est des cas où la source du problème ne réside pas seulement dans la manière dont la loi est appliquée par les autorités compétentes (administratives et juridictionnelles), ce qui ne relève pas de l'office du juge constitutionnel, mais dans la façon dont la disposition législative est conçue, parce qu'elle n'a pas prévu des garanties suffisantes ou des dérogations suffisantes pour tenir compte de tel ou tel cas concret. Dans ces hypothèses, seule la prise en compte des données du litige peut permettre au juge constitutionnel de se saisir du problème de constitutionnalité. Au contraire, considérée "en tant que telle", dans l'abstrait, la loi peut très bien être conforme à la Constitution.
Le choix en faveur d'un contrôle abstrait de constitutionnalité (il en va pour la QPC de même que pour le contrôle a priori) a été opéré dès l'examen en première lecture du projet de loi organique relatif à l'article 61-1 de la Constitution. Le texte initial présenté par le Gouvernement prévoyait en effet de manière tout à fait classique, au regard de ce qui se pratique dans d'autres Etats européens (Allemagne et Italie pour ne citer qu'eux), que la disposition législative contestée devait commander l'issue du litige. Ainsi, la question de savoir si elle est, ou non, conforme à la Constitution doit être indispensable pour résoudre le litige. Il doit exister un lien étroit entre la question posée et l'instance. Le juge initialement saisi du litige n'étant pas compétent, comme toute juridiction ordinaire, pour trancher cette question (il en va ainsi dans le cadre du modèle européen de justice constitutionnelle contrairement aux Etats-Unis), il n'a alors d'autre choix que de surseoir à statuer et de la renvoyer à la juridiction constitutionnelle sous la forme d'une question préjudicielle. Etant une exception au principe selon lequel le juge de l'action est toujours compétent pour statuer, une question ne peut être considérée comme préjudicielle une fois qu'il a examiné tous les autres moyens et constaté qu'ils ne permettaient pas de résoudre le litige.
En octroyant à la QPC un caractère prioritaire pour lui donner toutes les chances de prospérer face au contrôle de conventionnalité (contrôle de la conformité des lois aux conventions internationales), les auteurs de la réforme lui ont, au contraire, fait perdre son caractère préjudiciel. De même, en prévoyant que la disposition législative critiquée doit simplement "être applicable au litige", et non plus en commander l'issue, ils ont souhaité faire primer l'intérêt du droit sur celui des parties et ont permis que la QPC se détache complètement du litige. Ainsi conçue, la nouvelle procédure a pour principale fonction de purger l'ordre juridique des dispositions inconstitutionnelles, ce qui risque de conduire à son tarissement progressif.
Lexbase : Quelles solutions préconisez-vous en la matière ?
Karine Foucher : Il s'agit avant tout que le Conseil constitutionnel se décide, à l'occasion de l'examen d'une QPC qui se prête particulièrement à un contrôle concret (une question par exemple de conformité au principe d'égalité dans le domaine social), à franchir le pas. Les adaptations procédurales, qui nécessiteront la modification de la loi organique et de ses décrets d'application, suivront ensuite. Parmi celles-ci, il conviendrait de prévoir un délai plus long pour l'examen de la QPC par le Conseil constitutionnel. La rapidité avec laquelle les décisions sont rendues est certes un avantage indéniable de la QPC et il importait que celle-ci s'installe dans le paysage juridictionnel français, mais dès lors que "la greffe a pris", il est temps de desserrer le carcan...
Il apparaît également important que l'on différencie la portée des décisions rendues par le Conseil constitutionnel selon qu'il déclare la disposition législative contraire à la Constitution ou qu'il rend une décision de conformité. Dans le premier cas, il est important que les décisions aient un effet absolu de chose jugée en s'imposant à tous et pas seulement dans le litige à l'origine de la QPC. La loi est abrogée pour tous, ce qui constitue certainement la plus-value la plus importante du contrôle de constitutionnalité a posteriori par rapport au contrôle de conventionnalité (qui ne conduit qu'à écarter l'application de la loi au litige). En revanche, il est problématique que le Conseil constitutionnel continue de délivrer des "brevets de constitutionnalité", justifiés par le pouvoir dont il dispose de soulever des moyens d'inconstitutionnalité d'office, et donc de confronter la disposition législative à d'autres droits et libertés que ceux invoqués par le requérant. En effet, le problème est que la disposition déclarée conforme ne pourra plus être contestée, même sur le fondement d'une autre norme constitutionnelle, et ce, alors qu'une inconstitutionnalité pourrait toujours être révélée à l'occasion d'un cas concret non envisagé au moment du contrôle...
Enfin, une telle évolution conduira à poser frontalement la question de la composition du Conseil constitutionnel. En l'état, et même si les magistrats de formation sont majoritaires depuis les dernières nominations opérées en février 2013, l'absence de conditions de diplôme et de formation professionnelle pour être nommé membre du Conseil demeure. En outre, le nombre de membres est réduit comparé aux autres cours constitutionnelles.
Lexbase : Vous avez également mis en cause les motifs juridiques retenus par le juge constitutionnel dans son contrôle de la loi environnementale. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Karine Foucher : La quasi-totalité des décisions QPC rendues par le Conseil constitutionnel sur le fondement de la Charte de l'environnement (huit décisions sur neuf) (1) ne portent pas sur le fond, mais sur le respect par le législateur de l'étendue de sa compétence. Le Conseil constitutionnel se contente, en effet, de sanctionner le législateur pour incompétence négative, qui est un moyen d'inconstitutionnalité externe.
Cette "stratégie" (si tant est qu'elle en soit une) n'est pas inefficace en soi, dans la mesure où elle a suffi à six reprises à déclarer les dispositions législatives contraires à la Constitution, obligeant le Parlement à intervenir pour améliorer la législation en vigueur en matière de participation du public (c'est en effet le non-respect de ce principe consacré par l'article 7 de la Charte qui a, à chaque fois, justifié la censure). Mais, la difficulté est que ce registre de l'incompétence négative, qui consiste, en l'occurrence, à sanctionner le législateur au motif qu'il n'a pas déterminé les conditions de la participation du public à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement contrairement à la lettre de l'article 7 de la Charte, permet au Conseil constitutionnel d'éviter d'avoir à se prononcer au fond, c'est-à-dire sur le niveau de garantie des droits consacrés par la Charte. Or, il revient au juge constitutionnel, en tant que gardien des droits fondamentaux, de déterminer le contenu minimal de ces droits, sans entraver, bien entendu, le pouvoir d'appréciation et de décision du Parlement.
Ainsi, s'agissant de la participation, puisque c'est le droit le plus souvent mobilisé par le Conseil dans sa jurisprudence sur la Charte, il revient au Conseil de dire si l'article 7 impose ou non une participation directe du public, ou si, la publication du projet de décision suivie de la transmission à un organisme consultatif peut suffire, dès lors que certaines conditions sont réunies, de délais en particulier (ce qui est d'ailleurs la position exprimée par le Conseil d'Etat dans son rapport pour 2010). Egalement, le moment à partir duquel la participation doit intervenir dans le processus décisionnel, ainsi que la portée de la participation sur la décision sont des éléments qui devraient faire partie de la substance du droit consacré à l'article 7.
Lexbase : Au final, pensez-vous que la pratique actuelle de la QPC est susceptible de nuire au droit de l'environnement ?
Karine Foucher : Non pas de lui nuire dans la mesure où les censures prononcées par le Conseil constitutionnel ont déjà conduit le Parlement à améliorer les procédures de participation du public, notamment, via la loi n° 2012-1460 du 27 décembre 2012, relative à la mise en oeuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement (N° Lexbase : L8859IUN), mais de limiter la protection constitutionnelle des droits environnementaux et peut-être de finir par décourager les plaideurs.
Ces derniers, au premier rang desquels l'association France nature environnement dont il faut saluer la ténacité, n'ont, en effet, pas bénéficié directement des déclarations de non-conformité dans la mesure où le Conseil a, à chaque fois, décidé de reporter dans le temps leurs effets, afin de laisser au Parlement le temps d'intervenir. Le bénéfice n'est, par conséquent, qu'indirect pour les requérants, alors qu'ils ont supporté la charge matérielle et financière de la QPC. A cet égard, on voit bien que l'intérêt général l'emporte largement sur l'intérêt des parties.
Quant au Parlement, il est important qu'il continue à jouer un rôle de premier plan dans ce "dialogue" avec le Conseil constitutionnel, en transformant l'obligation de légiférer en une opportunité pour rendre la protection des droits environnementaux plus effective, et en se gardant, malgré les délais qui lui sont imposés, de rendre la législation environnementale plus illisible qu'elle ne l'est actuellement...
(1) Voir, notamment, Cons. const., décisions n° 2008-564 DC du 19 juin 2008 (N° Lexbase : A2111D93), n° 2011-183/184 QPC du 14 octobre 2011 (N° Lexbase : A7387HYA), n° 2012-262 QPC du 13 juillet 2012 (N° Lexbase : A7321IQ9), n° 2012-269 QPC (N° Lexbase : A0585IR4) et n° 2012-270 QPC (N° Lexbase : A0586IR7) du 27 juillet 2012, n° 2012-282 QPC (N° Lexbase : A4204IXY) et n° 2012-283 QPC (N° Lexbase : A4205IXZ) du 23 novembre 2012 et n° 2013-317 QPC du 24 mai 2013 (N° Lexbase : A8147KD4).
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