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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 27 Mars 2014
De manière un tant soit peu naïve, le maire d'une commune pensait justifier ce refus en rappelant que le mode de financement des activités périscolaires faisait appel, dans des proportions significatives, aux participations versées par les usagers de ce service public à caractère administratif, et évoquait le fait qu'une prise en charge, par la collectivité, de la participation normalement dévolue aux familles des enfants du foyer social mettrait en difficulté les finances communales.
Mal lui en a pris, puisque le juge administratif rappelait tout de go que les principes fondamentaux d'un service public, même facultatif dès lors qu'il a été créé, imposent l'égal accès des usagers ; qu'il ne peut être dérogé à cette égalité que pour des raisons d'intérêt général pourvu que la différence de traitement soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier... Et, ce n'est pas le cas en l'espèce ; que la commune ne peut, à cette même fin, se prévaloir de ce que les familles de ces enfants bénéficient d'une aide de l'Etat alors qu'il est constant que cette aide ne les rend pas solvables pour autant ; et que le critère d'activité professionnelle retenu par la commune conduisant à exclure de l'inscription régulière aux services périscolaires les enfants dont les parents sont dépourvus d'une telle activité, est sans rapport avec l'objet du service public en cause.
Résumons-nous : l'égalité d'accès s'applique même à un service public administratif "accessoire" à celui, régalien, de l'éducation ; l'équilibre des finances publiques locales n'est pas un principe d'intérêt général suffisamment important pour rompre cette égalité d'accès ; il n'est point besoin d'évoquer les revenus de transferts et autres aides sociales perçus par ces familles en difficulté pour sous-tendre qu'elles seraient finalement en capacité, dès lors, d'assurer leur participation aux services périscolaires ; enfin, il importe peu que ce service public administratif mis en place principalement pour les familles ne pouvant s'occuper de leurs enfants, aux heures extrascolaires, durant la durée de leur travail, bénéficie également aux familles sans emploi -l'utilité sociale des services périscolaires dépassent le cadre de la seule "occupation" des enfants en l'absence de leurs parents-.
D'abord, s'il n'est point besoin de discuter du principe d'égalité et, notamment, de l'égal accès à un service public administratif, cette décision du 2 mai 2013 explique, finalement fort bien, pourquoi il eut été impossible d'inscrire, dans la Constitution, une quelconque "règle d'or budgétaire", sauf à accepter sa violation, chaque jour, par les collectivités territoriales, en charge des nombreuses dépenses sociales transférées, années après années, et à dessein, par l'Etat. Ce dernier peut s'enorgueillir d'avoir fait ratifier, le 22 novembre 2012, le Pacte budgétaire européen, sous l'égide du Conseil constitutionnel, rendant applicable, dès le 1er mars 2013, la fameuse "règle d'or budgétaire", c'est-à-dire la règle selon laquelle les lois de finances devront permettre, à terme, d'obtenir un déficit structurel inférieur à 0,5 % du PIB. Mais, sont ainsi visés les seuls budgets de l'Etat et de la Sécurité sociale. Certes, les lois de finances déterminent les compensations budgétaires et les dotations allouées aux collectivités, mais l'on sait fort bien qu'il est impossible de limiter, de par le principe d'indépendance, l'envolée budgétaire de ces dernières ; ce d'autant moins qu'il leur serait reproché, comme c'est le cas en l'espèce, devant les tribunaux, soit de ne pas assurer une mission de service public obligatoire, soit d'en refuser l'accès égalitaire. Et, en l'absence de loi contraignant à la circonscription des déficits budgétaires territoriaux, on peine à entrevoir ce qui pourrait permettre l'assainissement des finances publiques locales, sauf à ce que les collectivités se désengagent progressivement de tout service public non obligatoire, voire non régalien. C'est évidement l'un des travers du principe de l'égalité en tout pour tous : l'égal accès aux services publics inexistants ! De manière sous-jacente, on comprend dès lors que cette décision de première instance pose, ni plus ni moins, la question des contours de l'Etat "Providence" -ou plus précisément de l'Etat régalien et des collectivités "Providence"-.
Ensuite, l'affaire présentée devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise est un exemple topique de ce qu'il risque de se passer, dès la rentrée scolaire 2013, dans le communes acceptant, d'ores et déjà, le passage aux nouveaux rythmes scolaires. Les collectivités locales s'étaient déjà faits l'écho de leurs probables difficultés budgétaires à organiser de nouveaux services périscolaires en sus de ceux existants, afin de combler le "vide méridien". L'inégalité entre les communes sera donc d'autant plus patente que, pour celles situées en zone sensible, on imagine, dès lors, leurs déficits se creuser encore un peu plus à l'énoncé du principe de l'égal accès à ces nouveaux services périscolaires, faute de pouvoir mettre à contribution les familles en difficulté... Seule une péréquation pourrait ainsi rééquilibrer les situations, mais cette dernière suppose un pacte social réaffirmé et une justice sociale acceptée...
Non, décidément, avec cette simple décision, ce sont tous les remous actuels affectant la politique française et européenne que le juge cergy-pontain aborde...
"L'idée de justice est au fond une idée de théâtre, de dénouement, de retour à l'équilibre ; après quoi, il n'y a plus rien. On s'en va. Fini le drame" (Paul Valéry).
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N7246BTK
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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction
Le 06 Juin 2013
Le président du Conseil national des barreaux a déclaré qu'il ne serait pas "raisonnable d'ouvrir ce débat" dans de telles conditions : "Je ne veux pas d'une guerre civile fratricide, je n'ai aucune intention d'entretenir une guerre. Soyons plus grands, nous sommes plus forts". Et le sujet a été reporté à un examen ultérieur...
Sur le fond qu'en est-il exactement ?
Initiée lors de la mandature 2009-2011, la réforme de la gouvernance avait pour but de réfléchir à l'organisation institutionnelle de la profession prise dans toutes ses instances nationales, locales et techniques. Dans le droit fil de ses travaux un forum sur l'organisation professionnelle s'est tenu lors de l'AG du CNB des 14 et 15 mai 2012 et les 16 et 17 novembre 2012 le bureau du CNB a remis son rapport d'étape destiné à l'information des élus qui ont eu jusqu'au 19 janvier 2013 pour exprimer leurs avis. Et sur la base de ces avis a été rédigé le rapport qui devait être présenté les 24 et 25 mai.
Les axes de la réflexion ont trait aux sujets suivants :
- le système électoral ;
- la durée du mandat des membres du CNB, les modalités de désignation de son président et de son bureau ;
- les vice-présidents du CNB ;
- les missions du CNB ;
- la dénomination de l'institution nationale ;
- les aspects financiers de la réforme ;
- la coordination entre le CNB et les organes techniques de la profession ;
- la mutualisation des moyens des services des ordres ;
- et la création d'une chambre disciplinaire nationale.
Des différentes réunions, travaux et contributions, et bien que le débat soit loin d'être clos -encore une fois-, voici les principales modifications envisagées et les divergences exprimées.
Sur le système électoral
Il est proposé de maintenir les deux collèges existant actuellement -ordinal et général- ; mais Paris propose un ordre national composé des 34 Bâtonniers de cour d'appel. Et le système électoral serait le suffrage universel ; là encore Paris diverge quant au recours au suffrage universel.
Actuellement le seuil de représentativité est fixé à 4 % des suffrages exprimés dans le collège général dans lequel l'élection se déroule au scrutin de liste et à la représentation proportionnelle avec une répartition des restes à la plus forte moyenne. La question porte sur le fait d'augmenter ou non ce seuil dans une fourchette comprise entre 5 et 10 % des suffrages (la question est sans objet sur le collège ordinal élu au scrutin majoritaire).
Sur la durée du mandat des membres du CNB
La durée actuelle est de trois ans renouvelable une fois. La Conférence des Bâtonniers, par la voie de son président, s'est prononcée en faveur d'un mandat de quatre ans renouvelable par moitié tous les deux ans. D'autres membres du bureau souhaitent une harmonisation générale de toutes les durées des mandats (Bâtonnier, membre du conseil de l'Ordre, membre du CNB).
Sur l'élection du président
Aujourd'hui le président du CNB est élu par l'ensemble des membres composant l'assemblée générale. Si la majorité du bureau est favorable au maintien actuel de ce système, certains se sont exprimés en faveur de l'élection du président au suffrage universel direct -donc par l'ensemble des avocats inscrits à un barreau français-.
De plus il est proposé que le mandat du président du CNB soit aligné sur celui des membres de son bureau : trois ans. En effet, aujourd'hui, aussi étonnant que cela puisse être, le mandat du Président du CNB est d'un an renouvelable deux fois (D. du 27 novembre 1991, art. 34, al. 2).
Enfin, il est demandé que le président du CNB se présente aux suffrages avec un bureau déjà constitué et proposé par lui -mais là encore certaines divergences sont présentes au sein du bureau du CNB-.
Sur les vice-présidents du CNB
Le décret du 11 décembre 2009 (décret n° 2009-1544 N° Lexbase : L0440IGE) a intégré au bureau, en tant que vice-présidents de droit, le président de la Conférence des Bâtonniers et le Bâtonnier de Paris en exercice. Le bureau propose de permettre une délégation de cette vice-présidence au vice-Bâtonnier (pour le Bâtonnier de Paris) et à un ancien président ou au premier vice-président (pour la Conférence des Bâtonniers). Néanmoins, certains optent pour que le Bâtonnier de Paris et le président de la Conférence des Bâtonniers soient juste membres de plein droit du bureau, sans en être vice-présidents, et d'autres supprimeraient purement et simplement cette notion de vice-présidence de droit.
Sur les missions du CNB
Aux termes de l'article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, le CNB est chargé des missions suivantes :
- représenter la profession, notamment auprès des pouvoirs publics ;
- unifier les règles et usages de la profession ;
- définir, contrôler et coordonner les actions de formation et répartir son financement ;
- déterminer les conditions d'obtention des mentions de spécialisation ;
- percevoir et répartir le produit de la contribution pour l'aide juridique ;
- assister les ordres dans leur mission de vérification du respect des obligations de lutte contre le blanchiment ;
- s'assurer avec le concours de l'UNCA que les barreaux et leur CARPA utilisent à juste titre les fonds qui leur sont alloués ;
- exercer devant toutes les juridictions les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession d'avocat ;
- arrêter la liste des avocats étrangers autorisés se présenter aux examens prévus par les articles 99 et 100 du décret du 27 novembre 1991 ;
- désigner un tiers arbitre dans le cadre des litiges inter-barreaux ;
- enfin, conformément à un accord mais sans que cela résulte d'un texte, le président du CNB désigne, sur proposition du président de la Conférence des Bâtonniers et du Bâtonnier de Paris pour quatre d'entre eux sur les six la composant, les membres de la délégation française auprès du Conseil des barreaux européens.
Tous sont d'accord pour renforcer les pouvoirs du CNB et notamment pour le doter de compétences normatives ou réglementaires sur l'ensemble des questions concernant l'intérêt général de la profession. Il aurait également pour mission de rendre des avis sur les demandes formulées par les Bâtonniers en exercice (opinion, sur ce point, divergente du président de la Conférence des Bâtonniers). Il tiendrait la liste nationale des avocats, dans la perspective des exigences européennes. Il opèrerait la collation des décisions prises en matière disciplinaire ou en matière d'admission et d'omission.
A ces compétences issues du rapport "Faugère", le bureau envisage d'ajouter d'autres missions :
- incitation et assistance ou regroupement des CARPA ;
- coordination des missions de services publics et de la gestion des fonds en matière d'aide juridictionnelle ;
- définition des outils numériques et gestion de leur développement ;
- traitement des demandes d'inscription au tableau fondées sur des dispositions dérogatoires ;
- actions en justice relatives aux intérêts collectifs de la profession ;
- perception et répartition du produit de la contribution pour l'aide juridique avec faculté de délégation.
Enfin certains proposent d'étendre les compétences du CNB à la mission de négociation/souscription des garanties collectives au nom des avocats.
Sur la mutualisation des moyens des services des Ordres
Par ailleurs il est important de préciser que de nombreuses compétences doivent demeurer de la responsabilité des Ordres locaux. La question se pose alors aux Ordres d'apprécier si certaines obligations peuvent être mutualisées. Aussi, dans cette optique, l'institution nationale qu'est le CNB doit proposer une circonscription territoriale de mutualisation et un processus de fonctionnement. La circonscription territoriale de mutualisation s'entend de la circonscription professionnelle obligatoire dans le cadre de laquelle les mutualisations seraient mises en oeuvre. Et cette circonscription serait celle de la cour d'appel, voire de plusieurs cours d'appel. L'initiative de la mutualisation serait ouverte aux Bâtonniers et la décision serait constituée par la décision unanime des Bâtonniers en exercice des barreaux du ressort de la cour.
Sur la dénomination de l'institution nationale
Le constat fait par le bureau du CNB est que la profession ne dispose d'aucune institution nationale dont la dénomination comprend le mot "avocat". Or, le nom de l'institution nationale doit la rendre plus lisible et affirmer davantage son unité et son identité. Il est donc proposé de la nommer "Conseil national des avocats de France".
Sur les aspects financiers de la réforme
Il est demandé à ce que l'institution soit dotée d'un budget significativement supérieur à celui dont elle dispose actuellement, au niveau de ceux dont disposent les instances représentatives des autres professions réglementées. Il est donc proposé que le CNB fixe le montant de la cotisation par avocat et procède à un appel de la somme due par chaque barreau auprès des Ordres, qui prélèveront la ressource nécessaire sur les avocats inscrits de leurs ressorts (à noter que l'opinion du barreau de Paris diverge sur ce point). Enfin la réflexion est ouverte sur les critères de fixation des cotisations dues aux instances locales et qui sont actuellement variables.
Sur la coordination entre le CNB et les organes techniques de la profession
Les organes techniques de la profession interviennent à de nombreuses reprises :
- en matière de retraite et de prévoyance (CNBF, LPA, CREPA) ;
- en matière de gestion de fonds CARPA (UNCA) ;
- en matière d'assurance responsabilité professionnelle (SCB) ;
- en matière de comptabilité et de gestion des cabinets (ANAAFA) ;
- ou encore en matière de formation des personnels des cabinets d'avocats (ENADEP).
Il est donc très important que le CNB s'intéresse et s'implique au sein de ces organes techniques.
Sur la chambre de discipline nationale
Hormis le président de la Conférence des Bâtonniers dont l'opinion diverge, l'idée est de créer une composante ordinale du CNB qui pourrait, de manière autonome, remplir une double fonction. Lorsque deux Bâtonniers ont à trancher un différend opposant les avocats de leur ressort respectif, s'ils n'arrivent pas à se mettre d'accord, ils doivent désigner un Bâtonnier ou ancien Bâtonnier tiers-arbitre ; et s'ils ne se mettent pas d'accord sur un nom, c'est au président du CNB qu'il revient de désigner à partir d'une liste revue tous les ans en fonction des disponibilités des Bâtonniers prêts à remplir cette fonction.
De même lorsqu'un Bâtonnier, un membre du conseil de discipline ou un membre du conseil de l'Ordre fera l'objet de poursuites, il comparaîtra devant cette formation disciplinaire nationale.
Enfin, les décisions du conseil de discipline étant, actuellement, déférées à la cour d'appel locale, il en résulte parfois des divergences jurisprudentielles. Aussi, pour remédier à ces contradictions, cette chambre disciplinaire nationale pourrait devenir également la juridiction d'appel nationale de tous les conseils de discipline.
Vaste et important sujet que la réforme de cette organisation professionnelle qui nécessitera une unité de ses composantes pour que le CNB la mène à bon port. Moins de trente minutes avant l'ouverture de l'assemblée générale du 24 mai dernier, les membres du bureau du CNB ont reçu un courrier du barreau de Paris prêt à revenir dans les discussions si était créée une commission mixte qui sera chargée de recenser et de préparer les propositions que le CNB soumettra au vote des 55 000 avocats... Les cartes sont donc entre les mains de l'institution nationale...
(1) Lire nos obs., Gouvernance de la profession : le barreau de Paris pour un Ordre national, Lexbase Hebdo n° 143 du 7 février 2013 - édition Professions (N° Lexbase : N5664BTX).
(2) "L'assemblée générale du Conseil national des barreaux a pris connaissance avec stupéfaction de la décision brutale de Madame le Bâtonnier de Paris de suspendre la participation du collège ordinal parisien aux travaux du CNB.
L'assemblée générale rappelle que le CNB est la seule institution nationale démocratiquement élue et représentative de la profession.
Cette décision regrettable et contestable n'entrave en rien le bon fonctionnement du CNB qui poursuit naturellement l'ensemble de ses travaux.
Concernant la réforme de la gouvernance, ce comportement démontre qu'en aucun cas l'institution nationale ne peut reposer sur la seule représentation ordinale.
Le CNB par sa composition et sa représentativité est la seule institution légitime à mener la réforme de la gouvernance de la profession, mission qui ne saurait être confiées à une commission externe.
Le CNB est résolu à aboutir à une réforme répondant l'intérêt générale et préservant l'unité de la profession".
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Réf. : Cass. com., 14 mai 2013, n° 12-19.351, FS-P+B (N° Lexbase : A5011KDX)
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N7319BTA
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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV
Le 06 Juin 2013
Résumé
La cour d'appel, qui était saisie d'un litige opposant deux sociétés commerciales, l'une recherchant la responsabilité de l'autre pour complicité de violations de clauses de non-concurrence, et la juridiction prud'homale n'étant pas saisie par les parties au contrat de travail, a énoncé à bon droit que l'absence de décision de cette juridiction sur la validité ou la nullité de ces clauses et sur la violation par les salariés concernés de leur obligation de non-concurrence n'empêche pas la juridiction commerciale de trancher cette question lors de l'instance opposant les employeurs successifs. La société poursuivie pour concurrence déloyale ayant indiqué dans ses écritures qu'elle avait confié à M. X un poste hors du territoire protégé, la cour d'appel a pu en déduire que cette société reconnaissait que la clause de non-concurrence avait vocation à s'appliquer. Le nouvel employeur ne discutait pas la validité de la clause de non-concurrence concernant M. X et, s'agissant de Mme Y, se bornait à faire valoir que cette dernière, en qualité de "simple secrétaire" chargée de tâches administratives, ne pouvait se voir imposer une telle restriction à sa liberté de travailler, sans prétendre que la clause n'aurait pas été indispensable aux intérêts légitimes de l'entreprise, ni qu'elle n'aurait pas été limitée dans le temps et dans l'espace. Elle ne peut donc reprocher à la cour d'appel de ne pas avoir effectué des recherches qui ne lui étaient pas demandées. |
Observations
I - La sanction du nouvel employeur en cas de violation d'une clause de non-concurrence
Les règles de principe. Il peut arriver que la violation d'une obligation de non-concurrence à laquelle est tenu un salarié en application de son contrat de travail intervienne avec la complicité d'un nouvel employeur, qui aide en quelque sorte le salarié à transgresser l'interdiction en cause (1). Dans une telle hypothèse, la responsabilité du nouvel employeur, tiers complice de la violation de l'obligation de non-concurrence, pourra être engagée par l'ancien employeur, au moyen d'une action en concurrence déloyale, fondée sur les articles 1382 (N° Lexbase : L1488ABQ) et 1383 (N° Lexbase : L1489ABR) du Code civil. Il y a là une conséquence du principe dégagé par la jurisprudence selon lequel toute personne qui, avec connaissance, aide autrui à enfreindre les obligations contractuelles pesant sur lui commet une faute délictuelle à l'égard de la victime de l'infraction (2).
Il faut, en outre, souligner que l'action en concurrence déloyale engagée contre le nouvel employeur du salarié devant la juridiction commerciale, qui n'a ni le même objet, ni la même cause et qui n'oppose pas les mêmes parties, ne fait pas obstacle à ce que l'ancien employeur agisse contre son ancien salarié en réparation du préjudice qu'il lui a causé par sa faute (3). Cette dernière action devra, bien évidemment, être introduite devant la juridiction prud'homale.
Dès lors que l'action en concurrence déloyale est liée à la violation par le salarié de son obligation de non-concurrence, diverses difficultés peuvent surgir au moment de l'action en justice de l'ancien employeur. L'arrêt sous examen est révélateur d'une telle problématique.
L'affaire. En l'espèce, la société S., société de travail intérimaire, employait M. X, commercial, et Mme Y, secrétaire. Consécutivement à leur démission, intervenue en août 2010, ces deux salariés avaient ensuite été embauchés par une société concurrente, la société G.. Faisant valoir que ces derniers étaient tenus par une clause de non-concurrence et invoquant un détournement de clientèle, la société S. a fait assigner la société G. en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale.
La société G. faisait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fait droit à cette demande. A l'appui de son pourvoi, elle invoquait divers arguments.
Tout d'abord, elle soutenait qu'une action fondée sur la complicité dans la violation d'une clause de non-concurrence, qui relève de la compétence de la juridiction commerciale, suppose que soit tranchée la question préalable de la violation de cette clause par le salarié, laquelle relève de la compétence exclusive de la juridiction prud'homale. Par suite, il appartient à l'ancien employeur, qui prétend agir en concurrence déloyale contre le nouvel employeur de son ancien salarié, de faire préalablement constater la violation de la clause de non-concurrence par son salarié.
Ensuite, la société demanderesse arguait que l'aveu judiciaire ne peut porter que sur un point de fait et que l'employeur d'un salarié tenu, à l'égard de son précédent employeur, par une clause de non-concurrence, ne peut reconnaître que la clause a vocation à s'appliquer, ce qui suppose une appréciation juridique de la validité de la clause.
Enfin, la société G. soutenait que responsabilité de l'employeur d'un salarié tenu par une clause de non-concurrence liant ce dernier à un précédent employeur ne peut être engagée qu'à charge pour le juge de vérifier la licéité de la clause de non-concurrence. Il appartient ainsi au juge de vérifier que la clause de non-concurrence est indispensable aux intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace et qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié.
La solution. Aucun des arguments invoqués par le nouvel employeur n'aura convaincu la Chambre commerciale de la Cour de cassation qui rejette le pourvoi.
Elle affirme, en premier lieu, que la cour d'appel, qui était saisie d'un litige opposant deux sociétés commerciales, l'une recherchant la responsabilité de l'autre pour complicité de violations de clauses de non-concurrence, et la juridiction prud'homale n'étant pas saisie par les parties au contrat de travail, a énoncé à bon droit que l'absence de décision de cette juridiction sur la validité ou la nullité de ces clauses et sur la violation par les salariés concernés de leur obligation de non-concurrence n'empêche pas la juridiction commerciale de trancher cette question lors de l'instance opposant les employeurs successifs.
En deuxième lieu, elle souligne que la société G. ayant indiqué dans ses écritures qu'elle avait confié à M. X un poste hors du territoire protégé, la cour d'appel a pu en déduire que cette société reconnaissait que la clause de non-concurrence avait vocation à s'appliquer.
En troisième et dernier lieu, elle relève que, devant la cour d'appel, la société G. ne discutait pas la validité de la clause de non-concurrence concernant M. X et, s'agissant de Mme Y, se bornait à faire valoir que cette dernière, en qualité de "simple secrétaire" chargée de tâches administratives, ne pouvait se voir imposer une telle restriction à sa liberté de travailler, sans prétendre que la clause n'aurait pas été indispensable aux intérêts légitimes de l'entreprise, ni qu'elle n'aurait pas été limitée dans le temps et dans l'espace. Elle ne peut donc reprocher à la cour d'appel de ne pas avoir effectué des recherches qui ne lui étaient pas demandées.
II - Les modalités de la poursuite du nouvel employeur
Les pouvoirs du juge commercial.
Il ne saurait être discuté, et ce n'était d'ailleurs pas le cas en l'espèce, que l'action en concurrence déloyale, serait-elle fondée sur la complicité dans la violation d'une obligation de non-concurrence pesant sur un salarié, doit être portée devant le tribunal de commerce, dès lors qu'elle oppose deux sociétés commerciales. Cela étant, cette juridiction doit-elle s'abstenir de statuer dès lors que la juridiction prud'homale n'a pas rendu de décision sur la validité de la clause de non-concurrence et sur sa violation par les salariés concernés ? La Cour de cassation répond en l'espèce par la négative. Cette solution doit être approuvée, ne serait-ce que parce qu'admettre l'inverse reviendrait à paralyser l'action en concurrence déloyale ou, plus exactement, à soumettre sa recevabilité au fait que l'ancien employeur agisse d'abord contre le ou les salariés en violation de la clause de non-concurrence.
Pour autant, la solution retenue par la Chambre commerciale laisse clairement entendre qu'il doit en aller différemment si le conseil de prud'hommes a été saisi d'un litige relatif à la clause de non-concurrence par les parties au contrat de travail. Dans ce cas, il semble que la juridiction commerciale doive surseoir à statuer dans l'attente de la décision du juge du travail (4). Si tel n'est pas le cas, la juridiction commerciale conserve une pleine compétence pour trancher l'action en concurrence déloyale. Mais, dans la mesure où celle-ci est fondée sur la complicité dans la violation de la clause de non-concurrence, cette juridiction peut être amenée à se prononcer sur l'application de la clause de non-concurrence et sur sa validité.
Application de la clause de non-concurrence. Lorsque le nouvel employeur est poursuivi pour tierce complicité dans la violation de l'obligation de non-concurrence qui lie un salarié, est fréquemment en cause la question de la preuve de la connaissance de la clause de non-concurrence par le nouvel employeur (5). Tel n'était toutefois pas le cas en l'espèce, le nouvel employeur contestant l'applicabilité de la clause de non-concurrence ou, plus exactement, contestant avoir reconnu que celle-ci s'appliquait à lui (6). Il est vrai qu'il y a une différence entre prétendre ne pas connaître l'existence d'une clause de non-concurrence et considérer qu'elle n'est pas applicable au nouvel employeur.
En l'espèce, et ainsi qu'il a été vu, l'argumentation de ce dernier avait trait à la portée de l'aveu judiciaire et, plus particulièrement, à la règle selon laquelle celui-ci ne peut porter que sur un fait. Le nouvel employeur soutenait, en substance, qu'il ne peut y avoir reconnaissance de l'applicabilité d'une clause de non-concurrence, question de fait, sans appréciation de sa validité, question de droit. Il s'agit pourtant là de deux choses bien distinctes ; ce que confirme la solution de la Chambre commerciale. Ainsi qu'elle le relève, en indiquant dans ses écritures qu'elle avait confié à M. X un poste "hors du territoire protégé" (sous-entendu par la clause de non-concurrence), la cour d'appel a pu en déduire que cette société reconnaissait que la clause de non-concurrence avait vocation à s'appliquer.
Il ne faudrait toutefois pas déduire de cette solution que le nouvel employeur ne peut pas contester l'applicabilité d'une clause de non-concurrence. Au contraire, la Cour de cassation a estimé, dans un litige entre un ancien et un nouvel employeur, que le tribunal de commerce peut connaître de la contestation formée en défense par le nouvel employeur et relative à l'applicabilité de la clause de non-concurrence figurant au contrat de travail qui lui était opposé (7). Mais, encore faut-il, pour cela, que le nouvel employeur n'ait pas admis que la clause lui était applicable...
Validité de la clause de non-concurrence. Dès lors que l'action en concurrence déloyale intentée contre le nouvel employeur est fondée sur la complicité de violation d'une obligation de non-concurrence, ce dernier est en mesure d'invoquer, pour sa défense, l'inopposabilité de la clause en raison de sa nullité (8). A cette fin, le nouvel employeur peut soutenir que la clause n'est pas indispensable à la protection de l'intérêt légitime de l'entreprise, qu'elle n'est pas limitée dans le temps et dans l'espace, ou encore qu'elle ne comporte pas de contrepartie pécuniaire à la charge de l'ancien employeur.
Mais, et c'est un autre des enseignements de l'arrêt rapporté, il importe dans ce cas que le nouvel employeur saisisse véritablement le juge d'une telle contestation. Or, en l'espèce, et ainsi que le relève la Chambre commerciale, la société G. n'avait pas discuté la validité de la clause de non-concurrence concernant M. X, devant la cour d'appel. S'agissant de Mme Y, cette même société s'était bornée à faire valoir que cette dernière, en qualité de "simple secrétaire" chargée de tâches administratives, ne pouvait se voir imposer une telle restriction à sa liberté de travailler. Si l'on comprend bien la solution retenue, cette contestation ne pouvait être assimilée à une discussion relative à la licéité de la clause, puisqu'il n'était pas prétendu que la clause n'aurait pas été indispensable aux intérêts légitimes de l'entreprise, ni qu'elle n'aurait pas été limitée dans le temps et dans l'espace. En conséquence, il ne pouvait être reproché à la cour d'appel de n'avoir pas examiné la validité de la clause litigieuse.
La solution peut ici apparaître bien rigoureuse. En effet, en faisant référence aux fonctions de la salariée et, partant, à l'impossibilité de lui imposer une obligation de non-concurrence, il est permis de considérer que le nouvel employeur contestait, en réalité, l'existence d'un intérêt légitime de l'entreprise à imposer une telle obligation de la salariée. Mais il est vrai que cette contestation n'était pas explicite. Il faut ainsi comprendre que le nouvel employeur a tout intérêt à formuler très clairement sa contestation.
(1) V. en ce sens, Y. Picod et S. Robinne, Rép. trav. Dalloz, v° Concurrence (obligation de non-concurrence), 2009, n° 105.
(2) Y. Picod et S. Robinne, op. cit., n° 105 et la jurisprudence citée.
(3) Cass. com., 24 mars 1998, n° 96-15.694, publié (N° Lexbase : A5468ACI), Bull. civ. IV, n° 111 ; Cass. soc., 28 janvier 2005, n° 02-47.527, F-P+B (N° Lexbase : A2966DGX), Bull. civ. V, n° 36.
(4) Ainsi qu'il est souligné, "le sursis à statuer est souvent justifié par l'existence d'une autre instance dont l'issue est susceptible d'exercer une influence, déterminante, sur celle dont le juge est saisi", L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, Lexis Nexis, 7ème édition, 2011, n °685.
(5) V. sur la question ; Y. Picod et S. Robinne, op. cit., n° 107 et 108.
(6) On admettra que, ce faisant, il reconnaissait avoir eu connaissance de l'existence de la clause.
(7) Cass. com., 27 mars 2001, n° 99-11.320, FS-P (N° Lexbase : A0937ATU), Bull. civ. IV, n° 68.
(8) Cass. com., 29 janvier 2008, n° 06-18.654, F-P+B (N° Lexbase : A6003D44), Bull. civ. IV, n° 22.
Décision
Cass. com., 14 mai 2013, n° 12-19.351, FS-P+B (N° Lexbase : A5011KDX) Rejet, CA Lyon, 24 février 2012, n° 10/08063 (N° Lexbase : A2996IDC) Textes concernés : C. civ., art. 1382 (N° Lexbase : L1488ABQ) et 1383 (N° Lexbase : L1489ABR) Mots-clés : clause de non-concurrence, violation, action contre le nouvel employeur, concurrence déloyale Liens base : (N° Lexbase : E8744ESN) |
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par Franck Terrier, Président de la troisième chambre civile de la Cour de cassation
Le 06 Juin 2013
"M. Jacomet m'a demandé d'évoquer quelques décisions récentes de la troisième chambre civile. Je vais me conformer scrupuleusement à cette directive du Président Jacomet, ce qui veut dire que vous ne devez pas attendre de moi un exposé de l'état du droit applicable en matière de travaux réalisés dans la copropriété avec les principes et doctrines articulés dans un ordre logique d'où découlent des sous-principes, d'où découlent des règles de conduite.
Je vais mettre l'accent sur certaines problématiques qui ont été soumises à la Cour de cassation au cours des derniers mois. J'espère ces problématiques illustratives, je crains d'être horriblement technique et je vous prie de m'en excuser, mais la matière me semble-t-il le veut inéluctablement.
D'abord un mot sur le contentieux, parce qu'on a la chance d'avoir une étude récente, relativement récente du Ministère de la Justice sur le contentieux de la copropriété. Elle est d'octobre 2010, vous la connaissez sans doute.
Elle porte sur la période 1990/2009 et elle traduit, elle révèle le fait que les deux tiers de ce contentieux se rapportent à des charges impayées, c'est-à-dire qu'un tiers seulement au mieux de ce contentieux évoque des problématiques liées au fonctionnement des institutions de la copropriété, les deux tiers sont des actions en recouvrement de charge.
On apprend aussi que la moitié de ce contentieux est en Ile de France-Paris, un quart en Région PACA, le reste dispersé et que, d'une année sur l'autre, les variables, tendanciellement, sont relativement stables.
J'ai noté par exemple que dans l'annuaire statistique de la justice civile pour 2012, ce sont les données 2010, nous avons en premier ressort 31 358 affaires nouvelles et en appel 26 050 affaires nouvelles, mais j'insiste sur le chiffre de 23 802, qui sont les affaires soumises aux tribunaux d'instance ou aux Juges de proximité, c'est-à-dire les affaires de recouvrement de charges pour l'essentiel. C'est donc l'aspect massif de ce contentieux.
Pour ce qui concerne la troisième chambre civile de la Cour de cassation, nous rendons entre 100 et 130 arrêts par an, entre 5 et 7 % du contentieux de la troisième chambre civile ; une vingtaine d'arrêts sont publiés chaque année.
Je vais commencer par évoquer un arrêt qui peut paraître surprenant à première vue, mais qui traduit bien le rôle et la conception que le législateur a de certaines institutions de la copropriété.
C'est un arrêt du 11 janvier 2012 (Cass. civ. 3, 11 janvier 2012, n° 10-24.413, FS-P+B N° Lexbase : A5279IAR) qui, je le dis très vite, mais je vais revenir dessus, fait valoir le principe selon lequel, dans toute copropriété, il existe nécessairement de droit un syndicat, même si formellement ce syndicat n'a pas été créé et les copropriétaires, les propriétaires ne peuvent se substituer à ce syndicat même s'il est virtuel.
Dans cette affaire, il s'agissait d'une toute petite copropriété, deux maisons, un terrain partie commune et pour éviter un effondrement ou je ne sais quel dommage, l'un des propriétaires avait réalisé des travaux ; et se conformant au simple bon sens il a cru pouvoir demander à l'autre propriétaire sa participation à ces travaux.
L'autre propriétaire, mieux avisé, a élevé devant le juge une fin de non-recevoir, prise de ce que la demande en paiement de travaux portant sur les parties communes ne pouvait pas être dirigée contre lui, mais contre le syndicat qui n'existait pas.
Cette défense n'a pas eu de succès devant les juges du fond, qui ont répondu que le syndicat n'existant pas, la demande pouvait être effectivement valablement dirigée contre l'autre propriétaire, donc la fin de non-recevoir devait être écartée.
Nous avons cassé cet arrêt de la cour d'appel en faisant valoir que se déduit de l'article 14 de la loi de 1965, qui définit le rôle du syndicat, qu'un syndicat existe nécessairement, même s'il n'a pas été créé dès lors qu'il existe un état descriptif de division par lots et des parties communes.
Dès lors que cette situation-là est constatée, un syndicat existe nécessairement et seul ce syndicat pouvait faire l'objet d'une action en paiement de la part d'un propriétaire qui avait réalisé les travaux sur les parties communes.
Nous avons donc édicté la règle, c'est un arrêt publié, que le syndicat devait être l'objet de l'action de ce propriétaire et les fins de non-recevoir en fait étaient bien établies.
Evidemment, le fait qu'il s'agisse d'une toute petite copropriété, deux copropriétaires qui n'ont pas trouvé nécessaire de constituer formellement le syndicat pouvait avoir une influence sur la solution du litige ; je comprends parfaitement les Juges du fond d'avoir statué de cette manière-là, mais nous avons pensé que la solution de principe ne pouvait pas dépendre de considérations de cette nature.
Donc le syndicat au commencement de la copropriété est le syndicat et toujours le syndicat, même virtuellement, même s'il n'existe pas en réalité.
J'évoquerai un deuxième arrêt qui portait sur le syndic, l'organe comme vous le savez exécutif de la copropriété qui est chargé par la loi d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde, à son entretien et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative aux travaux nécessaires à la sauvegarde de cet immeuble.
Un arrêt du 7 février 2012 (Cass. civ. 3, 7 février 2012, n° 11-11.051, F-D N° Lexbase : A3656ICE) est revenu sur la question de la responsabilité du syndic à l'égard des propriétaires de l'immeuble. Ce n'est pas une décision publiée, mais seulement diffusée, mais qui traduit bien, me semble-t-il, certains équilibres de pouvoir qui doivent s'établir au sein d'une copropriété.
En l'espèce, l'assemblée générale de la copropriété avait voté des travaux de réfection d'ascenseur, peu importe, pour un certain montant. Je vous indique le montant pour que vous puissiez bien voir les données du problème, les travaux votés étaient d'un montant de 23 100 euros.
Le syndic réalise ces travaux pour un montant de 33 570 euros. L'un des copropriétaires, tout à fait fâché de devoir débourser plus qu'il n'avait envisagé, attaque en responsabilité civile -l'article 1382- le syndic pour faute, pour n'avoir pas conduit les travaux dans les limites qui étaient assignées par le syndicat.
C'est une action qui a été portée devant le juge de proximité et le juge de proximité a débouté ce copropriétaire en retenant que le montant total des travaux engagés par le syndic devait être acquitté par l'ensemble des copropriétaires et qu'un seul copropriétaire agissant seul ne pouvait exiger, à titre personnel, la différence entre le montant voté et le montant des travaux effectivement réalisés.
Le pourvoi contre cette décision du juge de proximité se fondait sur l'article 18 de la loi de 1965 (N° Lexbase : L4813AHQ), donc le rôle du syndic et l'article 1382.
Nous avons cassé cette décision, en retenant que le juge du fond devait examiner tous les éléments de la faute et non pas rejeter, par une considération de principe, le fait lui-même dommageable, le lien de dommage et le lien de causalité entre la faute et ce dommage.
C'est une application d'une doctrine qui est relativement maintenant ancienne et en tout cas bien établie selon laquelle un copropriétaire peut toujours rechercher la responsabilité du syndic pour faute dès lors que les éléments de cette faute sont caractérisés.
Un autre problème que l'on rencontre très souvent c'est un problème surgi dans une copropriété à la suite de travaux en particulier, lorsque ces travaux ont provoqué des désordres, qu'une action judiciaire s'impose ; c'est la question de l'habilitation du syndic pour agir en justice.
Je me réfère à un arrêt du 9 mai 2012 (Cass. civ. 3, 9 mai 2012, n° 11-10.293, FS-P+B N° Lexbase : A1278ILW) dont la doctrine a pensé, à juste titre à mon avis, qu'il visait à assouplir les prescriptions un peu formalistes qui existaient en doctrine. Je précise seulement que ce mouvement d'assouplissement est déjà relativement ancien, remonte à plusieurs années, nous ne l'avons pas initié, mais seulement confirmé.
Dans cette affaire, c'est tout à fait simple, la copropriété avait réalisé des travaux de réfection de la façade de l'immeuble, des désordres ont été constatés et l'assemblée générale avait habilité le syndic à agir en justice.
La cour d'appel avait déclaré irrecevable cette action compte tenu de l'imprécision qui entachait, selon les juges, l'habilitation par l'assemblée générale.
Le texte applicable c'est l'article 55 du décret du 17 mars 1967 (N° Lexbase : L5562IG4) "le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale" et toute la question est de savoir quel degré de précision doit revêtir cette habilitation par l'assemblée générale, étant entendu que l'article 55 du décret de 1967 est d'ordre public, que son objet est de protéger le syndicat et la jurisprudence veille, d'une part, à protéger effectivement les intérêts du syndicat des copropriétaires, mais, d'autre part, n'élève pas à une action judiciaire des obstacles trop formalistes.
Et, dans un certain nombre de décisions de ces dernières années, la jurisprudence a été assouplie, par exemple, il n'est plus exigé que l'identité des personnes qui font l'objet de la procédure soit spécifiée dans la décision de l'assemblée générale de la copropriété. Il suffit que les entrepreneurs dont la responsabilité est recherchée soient suffisamment identifiables, de même pour les assureurs.
L'objet de la demande doit être clairement spécifié, mais pas nécessairement très détaillé et dans une décision, dès 1994, la Cour de cassation a jugé qu'une autorisation donnée pour engager une procédure va aussi pour poursuivre l'action en délivrant de nouvelles assignations, par exemple à l'encontre d'autres participants, à l'acte de construire.
Dans l'affaire qui nous était soumise, ce qui posait problème, alors que les entreprises visées étaient désignées, selon le juge du fond, c'est qu'habilitation était donnée au syndic pour poursuivre les malfaçons sévissant sur la façade.
A une certaine époque, nous aurions effectivement considéré que cette mention était insuffisamment précise. Aujourd'hui nous pensons, et en tous cas cet arrêt du 9 mai 2012 l'établit, que c'est d'une précision suffisante, d'autant que, et j'insiste peut être là-dessus, était précisée l'identité des entreprises visées par l'action.
Néanmoins si on reprend cette jurisprudence sur les années, telle qu'elle a été énoncée et qu'elle aboutit à cet arrêt de mai 2012, il y a effectivement un assouplissement des conditions formalistes mises à l'habilitation du syndic pour agir en justice.
Maintenant, j'en viens à une question qui tient à la gouvernance de la copropriété, à la décision que doit prendre l'assemblée générale de réaliser des travaux. C'est un arrêt qui a été, je crois, beaucoup commenté.
C'est un autre arrêt du 9 mai 2012 (Cass. civ. 3, 9 mai 2012, n° 11-16.226, FS-P+B N° Lexbase : A1425ILD) qui se rapporte à une décision d'une copropriété de transformer un système collectif d'alimentation en eau chaude en système individuel.
Vous savez que la loi nous conduit à distinguer certains types de travaux compte tenu de leurs caractéristiques et définit les conditions de majorité pour prendre ces décisions.
Les travaux conservatoires relèvent de la majorité simple des voix exprimées ; les travaux qui sont rendus obligatoires par une prescription d'hygiène ou de sécurité relèvent de la majorité des voix de tous les copropriétaires, majorité renforcée de premier degré, si je puis dire ; des décisions qui sont relatives à des travaux portant transformation, addition, amélioration, relèvent de la majorité renforcée, c'est-à-dire des deux tiers des voix des membres du syndicat.
En aucune sorte de majorité, seulement l'unanimité permet de prendre une décision affectant les parties privatives ou les modalités de jouissance de ces parties privatives.
C'était bien le problème qui se posait dans cette affaire-là, puisque la suppression du système collectif d'alimentation d'eau chaude conduisait inévitablement à installer, dans chaque appartement et donc affectait chaque lot privatif, un système de cumulus, d'alimentation individuelle en eau chaude.
Dans cette affaire, la question était de savoir si on était donc en présence de travaux d'amélioration, relevant de la majorité qualifiée ou super qualifiée de l'article 26. C'était effectivement le vote qui avait eu lieu de copropriété, un vote à la majorité qualifiée de l'article 26 ou si on était en présence de travaux affectant les parties privatives donc relevant de l'unanimité.
Certains copropriétaires mécontents avaient assigné le syndicat faisant valoir que seule l'unanimité du syndicat des copropriétaires permettait de réaliser des travaux de cette nature, compte tenu de ce qu'ils impactaient les parties privatives.
Là encore, une jurisprudence sur la notion d'amélioration, une jurisprudence relativement ancienne, elle a peut-être une vingtaine d'années, a conduit à des assouplissements progressifs, compte tenu de l'intérêt des travaux.
On est là en prise avec les impératifs majeurs, qui s'imposent aux copropriétés d'édicter des normes de consommation plus avantageuses, de protection contre le froid, etc.
Dans cette affaire, la cour d'appel a considéré dans un arrêt extrêmement motivé, en relevant techniquement et de manière très détaillée tous les avantages qui s'attachaient à la décision prise, que ces travaux étaient une amélioration relevant de la majorité de l'article 26 et que l'impact sur les parties privatives était suffisamment réduit pour que cela n'empêche pas cette majorité de l'article 26 de se prononcer en faveur de ces travaux.
On est vraiment à la limite puisqu'il y a bien un impact sur les parties privatives, mais la cour d'appel avait considéré que la suppression d'un service collectif pouvait être qualifiée d'amélioration, compte tenu de la vétusté de l'installation, compte tenu de la rationalité économique qui conduisait à abandonner ce système en faveur d'un système individuel et on était bien, à mon sens, dans la ligne de la jurisprudence qui émerge depuis une vingtaine d'années.
On est aussi dans le sens de l'évolution législative en matière de suppression de service commun. Le législateur a dû intervenir pour la question de la suppression de la loge de concierge, qui vise à écarter l'unanimité pour permettre à la copropriété de vivre et de fonctionner, de renforcer donc le système majoritaire et les économies, la nécessité de procéder à des économies d'énergie conduit à cette évolution.
En dehors de ces travaux que j'ai évoqués, il y a les travaux urgents. Les travaux urgents relèvent du syndic aux termes de l'article 18, alinéa 2, de la loi de 1965.
La loi définit les travaux urgents comme les travaux nécessaires à la sauvegarde de l'immeuble et ce texte doit être complété par un décret de 1967, article 37 (N° Lexbase : L5532IGY), qui prescrit que lorsque le syndic réalise des travaux urgents, il doit convoquer immédiatement une assemblée générale.
Par un arrêt du 20 septembre 2011 (Cass. civ. 3, 20 septembre 2011, n° 10-30.794, F-D N° Lexbase : A9545HXS), nous avons abordé cette question dans une affaire où les copropriétaires contestaient le caractère urgent de certains travaux qu'ils étaient contraints de financer.
Il y avait deux problèmes : est-ce que les travaux réalisés par le syndic de sa propre initiative sans décision de l'assemblée générale du syndicat étaient effectivement des travaux urgents ; et est-ce que la prescription réglementaire de convoquer immédiatement l'assemblée générale avait été en l'espèce respectée ?
Le tribunal de grande instance, puis la cour d'appel avaient considéré qu'effectivement c'était le cas. La cour d'appel avait retenu que les travaux qui étaient nécessités par des infiltrations massives et répétées dans les parties communes étaient effectivement justifiés par la nécessité de la conservation de l'immeuble.
L'arrêt parlait de la conservation de l'immeuble alors que la loi parle de la sauvegarde de l'immeuble. Nous avons considéré que c'était à peu près équivalent et, en tout cas, que dans l'esprit de la cour d'appel c'était bien des travaux de sauvegarde de l'immeuble et que cette condition-là se trouvait remplie.
En revanche, la question de la communication de l'information de l'assemblée générale était problématique, puisque les travaux avaient été réalisés entre le 17 et le 21 janvier 2005 et que l'assemblée générale avait ratifié les travaux le 25 novembre 2006, pratiquement deux ans plus tard.
Le décret parle d'une information immédiate et donc le syndic n'avait pas, en l'espèce, rempli son obligation réglementaire, à l'inverser de ce que pensait la cour d'appel et donc nous avons dû casser dans cette affaire.
Mais l'enseignement qu'on peut en tirer, me semble-t-il, c'est une certaine souplesse dans la qualification de l'urgence des travaux. On ne s'attachera pas au sens des mots "sauvegarde", "conservation de l'immeuble". Il faut que ce soit des travaux urgents, mais en revanche, l'information immédiate des copropriétaires ce n'est pas compliqué à réaliser et donc le syndic n'est pas légitime à attendre deux ans pour cette information.
J'en viens maintenant à la question de la responsabilité du syndicat pour les vices de construction, c'est aussi un grand classique qui se rapporte à l'article 14 de la loi de 1965 (N° Lexbase : L4807AHI) (Cass. civ. 3, 12 septembre 2012, n° 11-10.421, FS-P+B N° Lexbase : A7443ISH).
En l'espèce, une humidité importante s'était révélée dans les sous-sols parties communes de l'immeuble et affectait une partie privative d'un copropriétaire qui donc avait assigné le syndicat sur le fondement de l'article 14, en réparation de son préjudice.
Selon ce texte, le syndicat est responsable des dommages causés au propriétaire pour tout vice de construction ou tout défaut d'entretien. Nous avons appliqué cette règle.
Je l'évoque parce que c'est une responsabilité une peu originale par rapport à celle d'un constructeur. Elle peut être engagée à l'égard des tiers, à l'inverse de la responsabilité d'un constructeur et cette responsabilité est encourue pendant les 10 ans à compter de la survenance du vice et non pas à compter de la réception des travaux.
C'est donc une responsabilité, celle du syndicat, qui est plus sévère que celle pour vice de construction, plus sévère que celle du constructeur et la jurisprudence l'applique strictement.
Nous veillons à ce que cette responsabilité du syndicat pour vice de construction soit appliquée strictement.
En l'espèce, la cour d'appel avait retenu que les désordres avaient bien pour origine les parties communes, mais que dans la mesure où les responsables de ces désordres avaient été identifiés et condamnés, il appartenait au propriétaire de présenter, pendant la procédure diligentée par le syndic, sa demande en réparation contre ces constructeurs.
Nous avons cassé puisque dès lors que le juge du fond établit que les désordres proviennent d'un vice des parties communes et qu'il n'y a pas de faute de la victime ou d'un tiers, le syndicat est responsable et c'est une responsabilité sans faute qui doit être engagée sur la base de cette double constatation.
Autre question que nous avons abordée dans un arrêt du 19 septembre 2012 (Cass. civ. 3, 19 septembre 2012, n° 11-21.631, FS-P+B N° Lexbase : A2591IT7) qui se rapporte à la responsabilité, cette fois inverse, c'est-à-dire celle d'un copropriétaire pour des travaux qui affectent les parties communes, situation un peu inverse de la précédente.
En l'espèce, c'est encore aussi une situation que l'on rencontre assez fréquemment ; un propriétaire effectue des travaux qui affectent les parties communes mais sans l'autorisation de l'assemblée générale du syndicat et lorsqu'il demande la ratification de ces travaux, cette ratification lui est refusée en assemblée générale.
Le propriétaire qui a réalisé les travaux agit en annulation pour abus de majorité de cette résolution d'assemblée générale qui lui refuse la ratification des travaux.
En l'espèce, le juge avait annulé la décision de refuser la ratification des travaux et il a rejeté de ce fait, presque logiquement pourrait-on dire, mais pas juridiquement, la demande conventionnelle du syndicat visant à la remise des lieux en l'état.
C'était une demande du syndicat que la cour d'appel a considéré mal fondée dès lors qu'il y avait eu abus de majorité dans le refus de ratification.
Il y a toute une jurisprudence sur ces questions-là, mais nous avons rappelé -je n'ai pas le temps de l'évoquer ici- deux principes. L'annulation de la décision de refus d'autoriser les travaux ne vaut pas autorisation de ces travaux. Ce n'est pas parce que cette décision est annulée par le juge que les travaux sont autorisés. Et, d'autre part, aucune autorisation judiciaire de travaux ne peut être accordée si ces travaux ont été exécutés sans autorisation de l'assemblée générale avant que le juge ne statue. En fait, c'est une solution assez constante, les deux principes n'avaient pas, à ma connaissance, sauf erreur de ma part, été énoncés de manière aussi formelle.
J'évoquais la question de la logique. On se demande ensuite ce qui se passe, puisque le juge a constaté qu'il y avait abus de majorité dans le refus de ratifier les travaux, mais la demande de remise en état des lieux présentée par le syndicat est de droit.
Je pense qu'on est là dans certains des problèmes qu'on évoque quelquefois dans la loi sur la copropriété qui pose les principes de fonctionnement presque démocratiques extrêmement précis du syndicat de l'assemblée générale, des institutions de la copropriété, dont découlent des comportements et des doctrines qui, quelquefois, appliqués à des situations de fait, sont sans solution.
En l'espèce, si on peut définir une perspective dans cette copropriété c'est soit un accord transactionnel, soit l'écoulement du délai de dix ans pour que les travaux deviennent incontestables.
J'ai encore deux décisions à mentionner. D'abord, une décision du 19 décembre 2012 (Cass. civ. 3, 19 décembre 2012, n° 11-17.178, FP-P+B N° Lexbase : A1533IZS). La question posée était de savoir si lorsque des travaux doivent être réalisés dans la copropriété, qu'un appel de fonds est organisé, que les copropriétaires versent leur quote-part à ces travaux et qu'ensuite l'assurance indemnise la copropriété à charge de la répartition de cette indemnité, qui bénéficie de cette indemnisation lorsque le bien a été cédé entre-temps, entre l'appel de fonds et le versement par la compagnie d'assurance de l'indemnité ?
Le texte applicable est l'article 6.2 du décret de 1967 qui édicte, notamment dans son troisième paragraphe, le trop ou moins perçu sur provision révélé par l'approbation des comptes et porté au crédit ou au débit du compte de celui qui est copropriétaire lors de l'approbation des comptes.
Logiquement ce serait le copropriétaire présent dans la copropriété au moment de l'approbation des comptes qui devrait percevoir la quote-part de l'indemnité d'assurance alors que ce n'est pas lui qui a lancé les fonds pour les travaux.
On a refusé en fait de suivre ou de prendre toutes les conséquences à notre compte de ce texte, nous avons considéré que le dispositif de l'article 6.2 du décret de 1967 (N° Lexbase : L5568IGC) ne se rapportait pas en réalité à des situations de ce genre.
Nous avons considéré qu'on devait tenir compte du fait que la garantie du sinistre en fait était due au moment du sinistre et que le copropriétaire qui avait avancé les fonds n'avait pas à pâtir du fait que la compagnie d'assurance avait mis un long moment avant de donner sa garantie.
En l'espèce, il y avait eu un procès et que par conséquent c'est bien le propriétaire qui a avancé les fonds qui doit, même s'il a quitté les lieux, même s'il n'est plus propriétaire au moment de l'approbation des comptes de la copropriété, percevoir la quote-part du versement de la compagnie d'assurance. Je rappelle quand même qu'il peut s'agir de sommes relativement importantes, si le dommage est considérable.
Le dernier arrêt que je voudrais évoquer se rapporte à la question très actuelle d'une copropriété en difficulté. C'est un arrêt du 23 janvier 2013 (Cass. civ. 3, 23 janvier 2013, n° 09-13.398, FS-P+B N° Lexbase : A8868I3T) ; on sait que c'est un problème massif, selon un rapport de janvier 2012, 15 % des copropriétés seraient concernées par cette question-là.
C'est une affaire qui se passe en outre-mer et qui était un peu particulière, qui a surgi lorsque certains copropriétaires ont demandé aux juges la désignation d'un administrateur provisoire sur le fondement de l'article 29-1 de la loi de 1965 (N° Lexbase : L4832AHG). En l'espèce, il s'agissait d'une copropriété qui était affectée de désordres tellement graves qu'il n'y avait plus d'autre solution que la destruction.
L'indemnisation de l'assureur avait été versée aux copropriétaires, répartie entre les copropriétaires et les copropriétaires s'étaient opposés très gravement, irréductiblement, sur la question de savoir s'il fallait démolir-reconstruire ou simplement abandonner les lieux, mettre en vente et s'en aller.
L'assemblée générale a décidé de ne pas reconstruire, mais de mettre en vente l'immeuble et certains copropriétaires mécontents, très hostiles à cette décision ont saisi le Président du tribunal de grande instance pour la désignation d'un administrateur provisoire.
Le Président du tribunal a fait droit à cette demande, a désigné effectivement un administrateur provisoire, mais d'autres copropriétaires ont demandé au Président du tribunal la rétractation de cette ordonnance, le Président a confirmé la mission de l'administrateur provisoire.
Il y avait deux problèmes, un de procédure et l'autre de fond.
Le problème de fond c'était de savoir si les conditions étaient bien remplies pour la désignation d'un administrateur provisoire de la copropriété. Le texte prévoit que deux conditions alternatives doivent être l'une ou l'autre constatées, soit l'équilibre financier du syndicat gravement compromis, soit l'impossibilité de pourvoir à la conservation de l'immeuble. Ce sont deux critères opératoires.
En l'espèce, il y avait quelque chose de paradoxal, ce n'était pas la possibilité de pourvoir à la conservation de l'immeuble, c'était la possibilité de le détruire. On était évidemment complètement à fond inversé par rapport aux règles légales, mais la loi ne peut pas tout prévoir évidemment.
Ce que nous avons retenu et ce que le juge avait retenu d'ailleurs et ce que nous avons approuvé c'est qu'en réalité ce que la loi évoque c'est l'impossibilité structurelle des institutions de la copropriété de mener à bien ces missions. On était bien dans une situation de ce genre où le syndicat ne pouvait pas mener à bien sa mission, c'est-à-dire ce qui paraissait absolument indispensable, c'est-à-dire la démolition de l'immeuble.
Et donc, nous avons considéré qu'il ne convenait pas d'appliquer littéralement l'article 29-1 de la loi de 1965, mais d'appliquer dans son esprit, en l'interprétant logiquement, selon l'objet qui a été recherché par le législateur.
Le second grief est intéressant parce qu'il met en lumière le rôle du procureur de la République, en matière d'entreprise en difficulté. Le décret de 1967 prévoit que la demande de désignation d'un administrateur provisoire pour une copropriété en difficulté doit être communiquée au procureur de la République, à peine de nullité de la désignation.
Le procureur de la République a pour mission d'intervenir, le cas échéant, devant le juge, mais aussi de prévenir le Préfet, le maire, pour que des dispositions puissent être prises le cas échéant sur le rapport de l'administrateur provisoire.
En l'espèce, il y avait deux requêtes, l'une qui avait été tout de suite retirée parce qu'il y avait un vice de forme. Cette requête avait été notifiée au procureur de la République par son auteur, mais la requête qui saisissait effectivement le juge n'avait pas été notifiée.
Si on avait appliqué strictement les textes, en particulier l'article 428 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6532H73) qui dit que la communication au procureur de la République, sauf disposition contraire, est faite à la diligence du juge, nous aurions dû casser pour l'application des textes qui prévoit la nullité de cette désignation si le procureur de la République ne s'est pas vu notifier la demande.
Mais, nous avons fait prévaloir une interprétation plus libérale, en considérant et en approuvant la décision du juge et de la cour d'appel, selon laquelle le procureur de la République était bien destinataire des informations, pas par le juge, mais par l'auteur de la requête des informations qui figuraient sur les difficultés de la copropriété.
Finalement, il importait peu que ce soit une requête qui avait été retirée ou que la requête qui saisissait le juge soit notifiée au procureur de la République.
Il n'y a pas de formalisme réellement à observer sur cette question-là, l'essentiel étant que le Procureur de la République soit informé, puisse prendre les dispositions qui relèvent de ses attributions.
J'ai évoqué neuf arrêts, je pense qu'ils ne traduisent pas l'état du droit de la copropriété aujourd'hui, ils traduisent quelques problématiques qui nous ont été soumises.
Je pense que ce que nous nous efforçons de faire c'est premièrement les directives que nous nous assignons à nous-mêmes, quitte à quelquefois nous en écarter lorsque c'est nécessaire, c'est renforcer les institutions de la copropriété.
Les institutions de la copropriété doivent vivre et en particulier l'assemblée générale, dans ses modes de convocation, etc. Nous tentons d'écarter, quand cela est possible, quand le décret et la loi le permettent, le formalisme excessif qui, quelquefois, est édicté, donc consolider les assemblées générales et d'autre part, dans un domaine où beaucoup d'acteurs professionnels suivent la jurisprudence, d'assurer stabilité et visibilité à ces règles de manière à ce que là encore les copropriétés puissent vivre en toute sécurité".
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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale
Le 06 Juin 2013
I - Entreprise, établissement stable et professions indépendantes
Les revenus tirés d'une activité indépendante peuvent être appréhendés de trois façons : par une entreprise, autrement dit une société, de personnes ou de capitaux, par un établissement stable, ou par des professions indépendantes.
Si le terme d'"entreprise" ne soulève pas de difficulté, les sociétés de personnes, traitées de façon opaque ou transparentes selon les Etats, faisant souvent l'objet de précisions quant à leur sort, la clause concernant l'établissement stable est plus détaillée. Les professions indépendantes ont donné lieu à des difficultés qui ont entraîné la suppression, en 2000, de cette clause dans le Modèle de l'OCDE, mais la France continue à l'insérer dans ses conventions.
A - La définition de l'établissement stable
Dans ses conventions fiscales, la France respecte la clause du Modèle de l'OCDE concernant l'établissement stable. Cette dernière est souvent reprise intégralement, avec quelques ajouts et quelques modifications. Ces dernières portent, dans la majorité des cas, sur la durée permettant de qualifier un chantier d'établissement stable.
En effet, alors que cette durée est de douze mois dans la Convention modèle, elle est parfois de six mois (par exemple, Accord France - Hong Kong, signé le 21 octobre 2010 N° Lexbase : L7772ITZ ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E0058EUP, Accord France - Chine, signé le 30 mai 1984 N° Lexbase : L6677BHR ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8283ETX, Convention France - Maroc, signée le 29 mai 1970 N° Lexbase : L6722BHG ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8271ETI, Convention France - Inde, signée le 29 septembre 1992 N° Lexbase : L5152IEK ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8285ETZ, Convention France - Liban, signée le 24 juillet 1962 N° Lexbase : L6714BH7 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8250ETQ, Convention France - Singapour, signée le 9 septembre 1974 N° Lexbase : L6750BHH ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8294ETD, Convention France - Emirats Arabes Unis, signée le 19 juillet 1989 N° Lexbase : L6686BH4 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8245ETK), ou 183 jours comme dans la Convention franco-vietnamienne (Convention France - Vietnam, signée le 10 février 1993 N° Lexbase : L5165IEZ ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8297ETH), voire de trois mois (Convention France - Algérie, signée le 17 mai 1982 N° Lexbase : L6658BH3 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8255ETW). La Convention franco-malgache est particulière à cet égard, puisqu'elle prévoit qu'un chantier constitue toujours un établissement stable, peu importe sa durée (Convention France - Madagascar, signée le 22 juillet 1983 N° Lexbase : L6717BHA ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8300ETL).
De plus, les activités de montage et de surveillance des chantiers sont parfois prises en compte.
Enfin, quelques conventions présentent des spécificités, qui s'expliquent par leur histoire et leur économie. Ainsi, en Algérie, un magasin de vente constitue un établissement stable. Dans la Convention signée le 15 juin 2006 entre la France et l'Ethiopie (N° Lexbase : L7528ITY ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8263ET9), constituent un établissement stable une boutique, une plantation (ainsi que dans la Convention franco-singapourienne, dans la Convention France - Indonésie, signée le 14 septembre 1979 N° Lexbase : L6701BHN ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8286ET3, dans la Convention France - Egypte, signée le 19 juin 1980 N° Lexbase : L6685BH3 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8262ET8 et dans la Convention France - Sri Lanka, signée le 17 septembre 1981 N° Lexbase : L6751BHI ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8295ETE), une ferme (ainsi qu'en Indonésie, en Malaisie). En Egypte, il en est de même d'une exploitation agricole.
Dernière originalité rencontrée fréquemment dans le réseau conventionnel français, les entreprises d'assurances sont considérées comme ayant un établissement dans un Etat à partir du moment où elles reçoivent des primes de l'autre territoire et qu'elles y assurent des risques, par le biais d'un agent dépendant (c'est le cas dans dix conventions, dont la Convention France - Niger, signée le 1er juin 1965 N° Lexbase : L6729BHP, la Convention France - Oman, signée le 1er juin 1989 N° Lexbase : L5156IEP, la Convention France - Mauritanie, signée le 15 novembre 1967 N° Lexbase : L6723BHH ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8272ETK, la Convention France - Mexique, signée le 7 novembre 1991 N° Lexbase : L6724BHI ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8239ETC, la Convention France - Pays-Bas, signée le 16 mars 1973 N° Lexbase : L6735BHW ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8204ETZ, la Convention franco-éthiopienne, etc.).
B - Le cas particulier des professions indépendantes
Le 29 avril 2000, l'OCDE a supprimé la clause relative aux professions indépendantes de son Modèle, à la suite d'un rapport du Comité des affaires fiscales "Problèmes posés par l'article 14 du Modèle de Convention fiscale de l'OCDE". Cette disparition entraîne, dans le Modèle, l'application de l'article 7 relatif aux bénéfices des entreprises aux revenus des professions indépendantes (cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8375ETD).
Pourtant, la France n'a pas tenu compte de cette suppression, et la clause relative aux professions indépendantes est omniprésente, à quelques rares exceptions près (Convention France - Australie, signée le 20 juin 2006 N° Lexbase : L7524ITT ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8298ETI, Convention France - Royaume-Uni, signée le 19 juin 2008 N° Lexbase : L7771ITY ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E1721EUB, Convention France - Japon, signée le 3 mars 1995 (3) ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8287ET4, Convention France - Chili, signée le 7 juin 2004 N° Lexbase : L8017IT4 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8236ET9, Accord France - Hong Kong, Convention France - Panama, signée le 30 juin 2011 N° Lexbase : L8027ITH ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8240ETD, Convention France - Saint-Martin, signée le 21 décembre 2010 N° Lexbase : L8030ITL ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E0119EUX, Convention France - Singapour et Convention France - Slovénie, signée le 7 avril 2004 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8211ETB). L'on pourrait penser que toutes les conventions fiscales signées après 2000 par la France ont intégré la suppression de l'article 14, mais il n'en est rien. Par exemple, la Convention signée entre la France et l'Ethiopie date du 15 juin 2006, et prévoit une clause sur les professions indépendantes.
II - Les revenus des entreprises
La globalisation du monde étant en marche depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, il n'est pas étonnant de voir, dans le réseau conventionnel français, une distinction entre les entreprises indépendantes, "seules", et les entreprises liées. Ainsi, bien souvent, le sort de ces deux types d'organisations doit être distingué.
Tous les revenus des entreprises sont appréhendés : les bénéfices, les dividendes, les intérêts, les redevances. Selon le revenu, le traitement conventionnel diffère.
A - Les bénéfices
La France s'est dotée d'une sorte de clause modèle concernant les bénéfices des entreprises. En effet, dans quasiment chacune des conventions qu'elle signe, elle insère divers paragraphes au Modèle de convention de l'OCDE (pour un exemple, voir la Convention France - Nouvelle-Calédonie, signée le 31 mars 1983 N° Lexbase : L5155IEN ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8113ETN).
Quelques spécificités méritent d'être soulignées : dans la Convention franco-japonaise, une clause spéciale est prévue pour les fonds d'investissement agréés ; dans la Convention France - Trinité et Tobago, signée le 5 août 1987 (N° Lexbase : L5164IEY ; cf. l’Ouvrage "Convention fiscales internationales" N° Lexbase : E0065EUX), ce sont les sociétés d'investissement et de portefeuille qui sont prises en compte ; au Royaume-Uni, dans la Convention France - Etats-Unis, signée le 31 août 1994 (N° Lexbase : L5151IEI ; cf. l’Ouvrage "Convention fiscales internationales" N° Lexbase : E1932EU4) et dans les relations franco-australiennes, une stipulation spécifique concerne les partnerships britanniques, les partnerships, trusts et entités d'investissement américains et les partnerships et trusts australiens ; dans la Convention France - Québec, signée le 1er septembre 1987 (N° Lexbase : L6742BH8 ; cf. l’Ouvrage "Convention fiscales internationales" N° Lexbase : E8232ET3), ce sont les OPCVM et les fonds de pension qui bénéficient de clause spéciales ; dans la Convention France - Maroc, signée le 29 mai 1970 (N° Lexbase : L6722BHG ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8271ETI) et dans la Convention France - Tunisie, signée le 28 mai 1973 (N° Lexbase : L6764BHY ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E3516EUR), il est fait mention des sociétés de fait et des sociétés en participation.
Dans la Convention franco-chilienne, le régime des sociétés mères-filiales est pris en compte. En effet, il est prévu que les dividendes payés par une société résidente du Chili à une société résidente de France sont exonérés d'impôt en France dans les mêmes conditions que si la société qui paye les dividendes était résidente de France ou de l'Union européenne.
Dans les relations avec l'Arabie saoudite (Convention France - Arabie Saoudite, signée le 18 février 1982 N° Lexbase : L6661BH8 ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E8243ETH), la clause concernant les bénéfices des entreprises est très détaillée, et tient compte du type d'opération passée (exportation de biens ou de services, stockage, exposition, démonstration, formation, achat de marchandises, activité de caractère préparatoire ou auxiliaire, activité industrielle ou commerciale, etc.).
Dans la Convention franco-sri-lankaise, la clause concernant les bénéfices des entreprises introduit une stipulation ad hoc relative au thé et aux autres produits agricoles.
B - Les dividendes
La distinction entre les entreprises indépendantes et les entreprises liées joue particulièrement dans la clause concernant les dividendes. En effet, le Modèle de l'OCDE lui-même prévoit une distinction de taux de la retenue à la source sur les dividendes, retenant un taux allégé lorsque les dividendes sont versés à une société liée (cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8371ET9).
Toutefois, certaines conventions ne retiennent pas cette distinction. C'est le cas pour 54 d'entre elles (dont la Convention France - Allemagne, signée le 12 octobre 2006 N° Lexbase : L7861ITC ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E4606EU7, la Convention France - Bahreïn, signée le 10 mai 1993 N° Lexbase : L7775IT7 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8244ETI, la Convention France - Brésil, signée le 10 septembre 1971 N° Lexbase : L6672BHL ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E4541EUQ, la Convention France - Chili, la Convention France - Inde, signée le 29 septembre 1992 N° Lexbase : L5152IEK ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8285ETZ, la Convention France - Nouvelle-Zélande, signée le 30 novembre 1979 N° Lexbase : L6733BHT ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8301ETM, la Convention France - Russie, signée le 26 novembre 1996 N° Lexbase : L6747BHD ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8223ETQ, etc.).
Les taux de retenue à la source sur les dividendes versés à des entreprises indépendantes suivent ceux retenus pour les personnes physiques (lire Etude du réseau conventionnel français - Première partie : les revenus et le patrimoine des particuliers, Lexbase Hebdo n° 529 du 29 mai 2013 - édition fiscale N° Lexbase : N7205BTZ).
Concernant les dividendes versés à des entreprises liées, il convient de noter, tout d'abord, qu'une entreprise liée a une telle qualité lorsqu'elle détient 10 % au moins de la société versante. Un tel taux de participation, retenu par le Modèle de l'OCDE, est présent dans 56 conventions, autrement dit la grande majorité de celles prévoyant une distinction entre les entreprises indépendantes et les entreprises liées. Pour autant, cette règle ne fait pas l'unanimité.
Ce taux de participation peut être modulé, c'est-à-dire que si le lien capitalistique est de 10 %, le taux de retenue à la source sera allégé, mais il peut l'être encore plus, voire devenir nul, si ce taux de participation est plus élevé. C'est le cas dans la Convention franco-américaine, qui prévoit que le taux de la retenue à la source est de 5 % en cas de détention de 10 % de la société versante, alors qu'il n'y a pas de retenue à la source si cette participation est de 80 %. Ou alors, les deux Etats peuvent retenir un taux de participation différent comme condition à l'application d'un taux allégé de retenue à la source. C'est le cas dans la Convention France - Vietnam, dans laquelle la France retient une participation de 10 % pour l'application du taux de 5 %, et le Vietnam une participation de 50 % pour l'application d'un taux de 7 %. De même dans la Convention entre la France et l'Ukraine (Convention France - Ukraine, signée le 31 janvier 1997 N° Lexbase : L7917ITE ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8227ETU), le taux de retenue à la source de 5 % s'applique si la société liée française détient la société versante à plus de 10 %, alors que cette participation passe à 20 % si c'est la société ukrainienne qui détient la société française versante.
Enfin, le taux de participation exigé a pu être fixé à 15 % (Convention France - Bulgarie, signée le 14 mars 1987 N° Lexbase : L6673BHM ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8189ETH), ou à 25 %, dans six cas (Convention France - Botswana, signée le 15 avril 1999 N° Lexbase : L6832BHI ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8257ETY, Convention France - Indonésie, le 14 septembre 1979 N° Lexbase : L6701BHN ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8286ET3, Convention France - Luxembourg, signée le 1er avril 1958 N° Lexbase : L6716BH9 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8201ETW, Convention France - Madagascar, signée le 22 juillet 1983 N° Lexbase : L6717BHA ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8300ETL, Convention France - Thaïlande, signée le 27 décembre 1974 N° Lexbase : L5163IEX ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8296ETG, Convention France - Zimbabwe, signée le 15 décembre 1993 N° Lexbase : L6769BH8 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8281ETU).
Concernant le taux de la retenue à la source proprement dit, pour les entreprises liées, il varie entre 0 et 20 % (Convention France - Thaïlande, signée le 27 décembre 1974 N° Lexbase : L5163IEX ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8296ETG).
Ce taux peut, à nouveau, varier selon l'Etat de source. Par exemple, dans la Convention entre la France et le Ghana, il est prévu que la France peut prélever 5 % du montant des dividendes, alors que le Ghana peut en prélever 7,5 %. Dans la Convention franco-malaisienne, la Malaisie n'applique jamais de retenue à la source, alors que la France suit le Modèle de l'OCDE.
Enfin, dans la Convention franco-australienne, il est prévu que la société liée est exonérée de retenue à la source sur le montant qu'elle va percevoir si elle est soumise à l'impôt sur les sociétés. Les autres sociétés liées subissent une retenue de 5 %.
Rares sont les conventions qui font application de la législation interne. Il s'agit des conventions signées avec l'Arabie saoudite, la Grèce, le Sri Lanka et la Tunisie.
Pour finir, il est à noter que certaines conventions ajoutent à la condition de détention d'une participation au capital de la société versante, une condition d'investissement. Tel est le cas dans les conventions avec la Russie et avec la Géorgie (Convention France - Géorgie, signée le 7 mars 2007 N° Lexbase : L8033ITP ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8218ETK).
C - Les intérêts
Le versement des intérêts entre sociétés a pris une importance croissante au sein des Etats, et a fortiori dans les relations interétatiques. En effet, les entreprises ont pris pour habitude de souscrire des prêts, parfois avec des établissements de crédits, parfois auprès de leurs associés, afin de bénéficier d'une trésorerie et déduire de leur résultat fiscal des intérêts. Cette déductibilité des intérêts est plus intéressante au niveau fiscal que la souscription à une augmentation de capital, puisque les dividendes ne peuvent pas être déduits de la base imposable. Les législateurs internes ont réagi, en mettant en place une limitation de la déductibilité des intérêts. Toutefois, au niveau de la fiscalité conventionnelle, mise à part l'introduction de la possibilité pour les Etats de faire application de tout ou partie de leur dispositif interne (cf. infra), rien n'est prévu pour décourager les entreprises de s'endetter, et de préférer la capitalisation.
Le traitement des intérêts dans les conventions fiscales est plutôt favorable à ce type de revenu. Le Modèle de l'OCDE prévoit que l'Etat de source des intérêts peut prélever, sur leur montant brut, une retenue de 10 % au maximum. Cette voie est celle suivie par 43 conventions fiscales (dont la Convention France - Albanie, signée le 24 décembre 2002 N° Lexbase : L7523ITS ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8213ETD, la Convention France - Australie, la Convention France - Espagne, signée le 10 octobre 1995 N° Lexbase : L6689BH9 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E1715EU3, la Convention France - Italie, signée le 5 octobre 1989 N° Lexbase : L6706BHT ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E1685EUX, la Convention France - Mongolie, signée le 18 avril 1996 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8290ET9, etc.).
Toutefois, les taux de retenue à la source varient dans les autres conventions, passant de 2 % dans les relations franco-ukrainiennes (Convention France - Ukraine, signée le 31 janvier 1997 N° Lexbase : L7917ITE ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8227ETU) pour les intérêts payés en liaison avec la vente à crédit d'un équipement industriel, commercial ou scientifique, ou en liaison avec la vente ou la fourniture à crédit de marchandises ou de services par une entreprise à une autre entreprise ; ou sur un prêt de n'importe quelle nature consenti par une banque ou toute autre institution financière, à 20 % dans la Convention France - Argentine (N° Lexbase : L6662BH9 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8233ET4) et la Convention France - Iran (N° Lexbase : L6702BHP ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8246ETL). Le taux de 5 % a été choisi dans six conventions fiscales (Ethiopie, Malte, signée le 25 juillet 1977 N° Lexbase : L6721BHE ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8202ETX, Ouzbékistan, signée le 22 avril 1996 N° Lexbase : L7530IT3 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8291ETA, Panama, Slovénie et Venezuela, signée le 7 mai 1992 N° Lexbase : L6767BH4 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8242ETG). Il passe à 12 % au Kenya (N° Lexbase : L8024ITD ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8267ETD) et en Tunisie, et à 12,5 % au Nigeria (N° Lexbase : L6730BHQ ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8275ETN). Enfin, le taux de 15 % est utilisé dans dix conventions (dont la Convention France - Belgique, signée le 20 janvier 1959 N° Lexbase : L6670BHI ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E1689EU4, la Convention France - Brésil, la Convention France - Egypte, la Convention France - Mexique, et Convention France - Philippines, signée le 9 janvier 1976 N° Lexbase : L6736BHX ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8293ETC, etc.).
Par ailleurs, plusieurs conventions modulent les taux de la retenue à la source sur les intérêts en fonction de la nature du prêt ou de la nature des liens entre prêteur et emprunteur. Ainsi, et pour exemple, dans la Convention franco-américaine, la retenue s'opère au taux de 5 % si les intérêts sont versés à une société liée à plus de 10 % ; elle est nulle si les intérêts sont versés à une société liée à plus de 80 % ; et elle s'élève à 15 % dans les autres cas.
Enfin, certaines conventions appliquent un taux différent selon l'Etat de source. Par exemple, la Convention France - Finlande (N° Lexbase : L6694BHE ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E5711EXS) accorde à la France une possibilité de retenue à la source de 10 %, alors que la Finlande exonère les intérêts de retenue.
Le taux interne peut aussi s'appliquer, et c'est ce que prévoient neuf conventions, comme la Convention France - Arabie saoudite, la Convention France - Ile Maurice (N° Lexbase : L6700BHM ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8299ETK,), la Convention France - Niger et la Convention France - Togo (N° Lexbase : L6762BHW ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8278ETR).
Enfin, 33 conventions rejettent la retenue à la source (dont la Convention France - Serbie, signée à Paris le 28 mars 1974 N° Lexbase : L6768BH7 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8224ETR, la Convention France - Russie, la Convention France - Polynésie française, signée le [LXB=] ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" [LXB=], la Convention France - Oman, signée le 1er juin 1989 N° Lexbase : L5156IEP), et le Qatar (Convention France - Qatar, signée le 4 décembre 1990 N° Lexbase : L5157IEQ, la Convention France - Islande, signée le 29 août 1990 N° Lexbase : L6704BHR ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8219ETL, la Convention France - Autriche, signée le 26 mars 1993 N° Lexbase : L6665BHC ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E4355EXL et la Convention France - Allemagne), et la Convention entre la France et le Vietnam ne comporte même pas de clause relative aux intérêts.
Il convient de noter que les clauses relatives aux intérêts, dans les conventions fiscales signées par la France, prévoient de nombreuses exonérations. Le plus souvent, il s'agit des intérêts rémunérant des prêts consentis ou garantis par les Etats ou leurs subdivisions, voire les banques. Parfois, certains organismes sont nommément désignés (comme la Banque de France ou la Coface).
D - Les redevances
Le Modèle de convention fiscale de l'OCDE ne prévoit pas que l'Etat de source des redevances peut pratiquer une retenue à la source sur leur montant brut. Cette règle a été reprise dans 57 conventions fiscales (parmi les plus importantes, la Convention France - Allemagne, la Convention franco-américaine, la Convention franco-japonaise, la Convention France - Luxembourg, la Convention France - Pays-Bas, la Convention franco-britannique, la Convention France - Russie et la Convention franco-singapourienne).
Les autres clauses rencontrées sont très variables. Ainsi, le taux de retenue de la source s'étend de 5 % (treize conventions, dont la Convention France - Albanie, la Convention France - Chypre, signée le 18 décembre 1981 N° Lexbase : L6678BHS ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8190ETI, la Convention France - Italie, la Convention France - Portugal, signée le 3 juin 1994 N° Lexbase : L6740BH4 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E1718EU8, la Convention France - Suisse, signée le 31 décembre 1953 N° Lexbase : L6753BHL et Convention France - Suisse, signée le 9 septembre 1966 N° Lexbase : L6752BHK ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E3367EUA) à 20 % (Convention France - Inde). Entre ces deux extrêmes, l'on trouve les taux suivants : 7 % (Convention franco-omanaise), 7,5 % (Convention franco-éthiopienne), 10 % (31 conventions, dont la Convention France - Bangladesh, l'Accord franco-chinois, la Convention France - Hong Kong, la Convention franco-israélienne, la Convention France - Malaisie, la Convention franco-pakistanaise, la Convention franco-turque, etc.), 12,5 % (Convention France - Nigeria), 15 % (huit conventions, dont la Convention France - Ile Maurice, la Convention France - Mexique, la Convention franco philippines) et 18 % (Convention France - Argentine, signée le 4 avril 1979 N° Lexbase : L6662BH9 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8233ET4). L'usage du taux interne, prévu par la loi de l'Etat de source, n'est mis en oeuvre que dans le cas de la Convention franco-saoudienne.
Ces conventions sont plutôt simples, puisqu'elles prévoient un taux unique. Or, d'autres conventions prévoient un taux qui diffère selon la source de la redevance. C'est le cas de seize conventions. Le plus fréquemment, ces conventions prévoient un taux de 5 % pour un certain type de redevances (payées pour l'usage d'un équipement industriel, commercial ou scientifique, ou pour l'usage de droits d'auteur sur des oeuvres littéraires, artistiques ou scientifiques, le plus souvent), et un taux de 10 % pour les autres types de redevances (Convention France - Lettonie, signée le 14 avril 1997 N° Lexbase : L6713BH4 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8199ETT, Convention France - République tchèque, signée le 28 avril 2003 N° Lexbase : L8029ITK ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8207ET7, Convention France - Maroc, signée le 29 mai 1970 N° Lexbase : L6722BHG ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8271ETI, Convention France - Lituanie, signée le 7 juillet 1997 N° Lexbase : L6715BH8 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8200ETU, Convention France - Estonie, signée le 28 octobre 1997 N° Lexbase : L6690BHA ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8193ETM, Convention France - Chili, Convention France - Arménie, Convention France - Azerbaïdjan, signée le 20 décembre 2001 N° Lexbase : L7525ITU ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8215ETG).
Dans la Convention franco-brésilienne, les taux sont un peu plus gradués. En effet, la retenue à la source a un taux de 10 % pour les redevances payées soit pour l'usage ou la concession de l'usage d'un droit d'auteur sur une oeuvre littéraire, artistique ou scientifique, soit pour l'usage ou la concession de l'usage de films cinématographiques, de films ou de bandes magnétiques de télévision ou de radiodiffusion, 25 % pour les redevances payées pour l'usage d'une marque de fabrique ou de commerce, et 15 % pour les autres redevances (il est à noter que la même stipulation est insérée dans la Convention franco-jordanienne N° Lexbase : L6710BHY ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8248ETN).
Dans la Convention franco-tunisienne, la clause concernant les redevances est très détaillée. Elle prévoit que le taux de la retenue à la source est de 5 % pour l'usage ou du droit à l'usage de droits d'auteur sur les oeuvres littéraires, artistiques ou scientifiques, 15 % pour les redevances provenant de la concession de licences d'exploitation de brevets, dessins et modèles, plans, formules ou procédés secrets ainsi que les rémunérations pour la fourniture d'informations concernant des expériences d'ordre industriel, commercial ou scientifique et les rémunérations pour des études techniques ou économiques et 20 % pour les sommes payées pour la concession de licences d'exploitation, de marques de fabrique ou de commerce, pour la location du droit d'utilisation de films cinématographiques et de télévision ainsi que les rémunérations analogues pour l'usage ou le droit à usage d'équipements agricoles, industriels, portuaires, commerciaux ou scientifiques.
Dans la Convention franco-thaïlandaise, le taux de retenue à la source varie de 5 % pour l'aliénation, ou l'usage ou la concession de l'usage, d'un droit d'auteur sur une oeuvre littéraire, artistique ou scientifique, à 15 % pour les autres redevances.
Enfin, dans la Convention France - Cameroun (N° Lexbase : L6674BHN ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8259ET3), il est prévu que le taux de la retenue à la source s'élève à 7,5 % pour les rémunérations pour études, assistance technique, financière ou comptable et à 15 % pour les autres redevances.
Pour finir, il est intéressant de noter que certaines conventions instaurent un taux de retenue à la source différent selon le territoire de source. En effet, dans la Convention France - Ghana (N° Lexbase : L6696BHH ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8265ETB), par exemple, la France peut retenir 10 % du montant brut de la redevance versée au bénéficiaire effectif situé au Ghana, alors que le Ghana peut prélever 12,5 % du montant qui quitte son territoire vers la France. C'est aussi le cas dans la Convention France - Algérie, signée le 17 octobre 1999 (N° Lexbase : L6658BH3 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8255ETW).
E - La navigation maritime et aérienne
La navigation maritime et aérienne est une clause peu modifiée. Certes, il manque parfois le paragraphe concernant les pools de trésorerie (par exemple, dans la Convention France - Iran, signée le 7 novembre 1973 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8246ETL), mais sinon le texte du Modèle est plutôt respecté.
Quelques particularités peuvent être soulignées : tout d'abord, la Convention franco-britannique traite spécifiquement du cas du tunnel sous la Manche, d'une part, et des activités en mer, d'autre part. Elle est donc très étendue. Ensuite, dans la Convention franco-norvégienne (Convention France - Norvège, signée le 19 décembre 1980 N° Lexbase : L6731BHR ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8203ETY), des stipulations, rencontrées dans plusieurs clauses suivantes, sont prévues pour Scandinavia Airlines System, une entreprise norvégienne. Il est à noter que cette convention prévoit, en outre, une clause sur les activités en mer et, dans son Protocole, des stipulations relatives au transport de gaz par gazoduc. La désignation nominative d'une, deux ou plusieurs entreprises se retrouve dans les conventions avec certains pays du Moyen-Orient (Convention France - Qatar, signée le 4 décembre 1990 N° Lexbase : L5157IEQ ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8252ETS, Convention France - Oman et Convention France - Emirats arabes unis). La clause est parfois étendue à d'autres modes de transports, comme le transport ferroviaire (Convention France - Mongolie et Convention France - Royaume-Uni) et le transport routier (Convention France - Ghana, Convention France - Ouzbékistan et Convention France - Turquie, signée le 18 février 1987 N° Lexbase : L6765BHZ ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8226ETT).
Enfin, certaines conventions prévoient un dégrèvement de taxe professionnelle (devenue CET en France) au profit tant des immobilisations des entreprises françaises à l'étranger, que de celles des entreprises étrangères en France (par exemple, Convention France - Autriche).
Pour finir sur cette clause, de très rares conventions n'en prévoient pas : Convention France - Arabie saoudite, Accord France - Chine, Convention France - Nouvelle-Calédonie) et Convention France - Saint-Pierre-et-Miquelon, signée le 30 mai 1988 N° Lexbase : L5162IEW (cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8115ETQ)
III - Les entreprises liées
Les entreprises liées ont un traitement particulier dans le réseau conventionnel français, à l'image de leur appréhension par la Convention modèle de l'OCDE.
Tantôt encouragées, tantôt craintes, les entreprises liées connaissent de nombreux régimes de faveur, notamment des abaissements de taux de retenue à la source (sur les dividendes, cela est particulièrement visible, voir supra). Elles sont aussi très surveillées, sur deux aspects : les prix de transfert et la sous-capitalisation, surveillance franco-française qui ne se retrouve pas dans le texte de l'OCDE.
A - Les prix de transfert
Les prix de transfert ont pris une importance considérable dans le cadre de la fiscalité mondiale. Les administrations y voient un moyen camouflé de mouvement de base imposable au travers des frontières, les entreprises y voient un formidable accélérateur d'échanges "maison" et de gestion du schéma vertical. Il n'est donc pas étonnant que neuf conventions traitent spécifiquement des prix de transfert dans la clause sur les bénéfices des entreprises, ces clauses provenant d'un modèle inédit de convention fiscale que la France a signé, pendant quelques années, avec des pays africains (Convention France - Burkina Faso, signée le 11 août 1965 N° Lexbase : L7776IT8 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8258ETZ, Convention France - Cameroun, Convention France - Côte d'Ivoire, signée le 6 avril 1966 N° Lexbase : L6682BHX ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8261ET7, Convention France - Mali, signée le 22 septembre 1972 N° Lexbase : L6720BHD ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8270ETH, Convention France - Mauritanie, signée le 15 novembre 1967 N° Lexbase : L6723BHH ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8272ETK, Convention France - Niger, Convention France - République centrafricaine, signée le 1er juin 1965 N° Lexbase : L6729BHP ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8276ETP, Convention France - Sénégal, signée le 29 mars 1974 N° Lexbase : L6759BHS ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8277ETQ et Convention France - Togo).
Toutefois, de nombreuses conventions fiscales n'intègrent pas, dans la clause relative aux bénéfices des entreprises, le paragraphe final figurant au Modèle de l'OCDE, et qui stipule qu'en cas de remise en cause d'un prix de transfert pratiqué entre l'entreprise et son établissement stable, un ajustement correspondant est effectué dans le chef de la structure étrangère (61 conventions, dont la Convention France - Afrique du Sud, signée le 8 novembre 1993 N° Lexbase : L6657BHZ ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8254ETU, Convention France - Argentine, Accord France - Chine, Convention France - Emirats arabes unis, Convention France - Grèce, signée le 21 août 1963 N° Lexbase : L6697BHI ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8195ETP, Convention France - Hongrie, signée le 28 avril 1980 N° Lexbase : L6699BHL ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8196ETQ, Convention France - Libye, signée le 22 décembre 2005 N° Lexbase : L7858IT9 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8268ETE, Convention France - Macédoine, signée le 10 février 1999 N° Lexbase : L7916ITD ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8220ETM, Convention France - République tchèque, signée le 28 avril 2003 N° Lexbase : L8029ITK ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8207ET7, Convention France - Roumanie, signée le 27 septembre 1974 N° Lexbase : L6743BH9 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E5548EXR, Convention France - Russie, Convention France - Thaïlande, Convention France - Venezuela, signée le 7 mai 1992 N° Lexbase : L6767BH4 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8242ETG, etc.).
B - La sous-capitalisation
La France dispose de sept dispositifs anti-sous-capitalisation (lire La déductibilité des charges financières : comment digérer un millefeuille indigeste ? - Compte-rendu de la conférence de Fidal du 9 avril 2013, Lexbase Hebdo n° 524 du 17 avril 2013 - édition fiscale N° Lexbase : N6666BT3). Ces derniers ayant subi des modifications, des suppressions, des créations, nombreuses, l'Etat français a choisi son dispositif "phare" pour l'inclure dans 35 conventions fiscales : l'article 212 du CGI (N° Lexbase : L5196IRU).
L'application de l'article 212 du CGI dans les conventions fiscales signées par la France ne connaît pas de règles. Ainsi, il apparaît dans les conventions entre la France et l'intégralité de l'Amérique du nord ; chose étrange, il n'est repris que dans trois conventions avec des Etats membres de l'Union européenne (Autriche, Estonie, Lettonie, Lituanie, Malte et Slovénie) ; de même, dans les relations avec le Moyen Orient, cet article est appliqué dans quatre conventions (Israël N° Lexbase : L6705BHS ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8247ETM, Jordanie, Qatar et Turquie), ainsi qu'en Amérique du Sud (Bolivie N° Lexbase : L6671BHK ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8234ET7, Equateur N° Lexbase : L6687BH7 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8237ETA, Jamaïque N° Lexbase : L6708BHW ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8238ETB et Mexique) et en Asie (Corée N° Lexbase : L6681BHW ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E5044EX4, Kazakhstan N° Lexbase : L6711BHZ ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8288ET7, Ouzbékistan N° Lexbase : L7530IT3 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8291ETA et Pakistan N° Lexbase : L6734BHU ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8292ETB). En réalité, c'est en Afrique que les conventions intègrent, le plus souvent, l'article 212 du CGI, avec six conventions (Kenya, Nigeria, Afrique du sud, Congo N° Lexbase : L6680BHU ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8260ET4, Egypte et Namibie N° Lexbase : L6728BHN ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8273ETL).
La répartition de cet article est donc diffuse, et ne peut être expliqué par une règle. La France a souhaité, à une période, intégrer cette disposition, et l'a donc rédigée dans les nouvelles conventions et dans des avenants. Il n'est même pas possible de faire un parallèle entre le caractère libéral des clauses relatives aux entreprises liées et l'introduction du dispositif anti-sous-capitalisation français.
(1) Pour une étude d'ensemble et synthétique sur certaines données, voir ce tableau.
(2) Il est à noter qu'il ne sera pas fait mention ici des récentes conventions fiscales destinées uniquement à poser les bases d'une assistance administrative. Il s'agit des conventions signées entre la France et les onze Etats suivants : Anguilla, les Antilles néerlandaises, Aruba, le Costa Rica, Dominique, Grenade, les Iles Cook, l'Ile de Man, les Iles Turques et Caïques, Jersey, le Libéria. De plus, il ne sera pas question des relations de la France avec Taiwan, ces dernières découlant de la loi de finances rectificative pour 2010 (loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 N° Lexbase : L9902IN3 ; voir N° Lexbase : E2530EYD), ni des relations entre le Danemark et la France, puisque le Danemark a dénoncé sa convention fiscale avec effet au 1er janvier 2009 (pour plus d'informations, lire France - Danemark : des relations fiscales pas très conventionnelles - Questions à Maximilien Jazani, Managing Partner, Manswell, Lexbase Hebdo n° 527 du 15 mai 2013 - édition fiscale N° Lexbase : N7003BTK ; et voir N° Lexbase : E8191ETK).
(3) L'article 14 de la Convention franco-japonaise, relatif aux professions indépendantes, a été supprimé par un avenant du 11 janvier 2007.
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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Lorraine
Le 06 Juin 2013
Plus qu'un principe directeur, le principe du contradictoire est le principe matriciel de toute procédure. Le Conseil d'Etat impose le principe du contradictoire absolument à toutes les juridictions administratives sans exception, que les textes le prévoient ou non. Mais la valeur du principe a longtemps été incertaine et l'exigence du respect de ce principe peut être un exercice difficile pour le juge. Le Conseil d'Etat, en ce sens, est amené, à intervalles réguliers et tout en rappelant que cette préoccupation doit être au coeur d'une procédure équitable, à recadrer le principe ou plus prosaïquement à redéfinir ces contours.
On retrouve, en l'espèce et à l'origine du litige, une concession d'outillage public entre une chambre de commerce et d'industrie (CCI) et l'Etat pour la gestion d'un aérodrome. Sur le fond, la CCI demande le remboursement à l'Etat d'une somme de six millions d'euros au titre des avances qu'elle estimait avoir consenti à l'Etat dans l'accomplissement de cette gestion. Le tribunal administratif de Poitiers, puis la cour administrative d'appel de Bordeaux, ont rejeté la demande de la CCI tendant à l'annulation du refus implicite opposé par le ministre de l'Equipement.
C'est le préfet de Charente qui avait confié la gestion de l'aérodrome à la CCI sur le fondement de différents arrêtés. Or, s'agissant d'une concession d'outillage, le préfet était incompétent et la concession aurait dû résulter d'un arrêté pris par les ministres chargés de l'Economie et de l'Aviation civile. La cour administrative d'appel a, cependant, estimé que le vice tenant à l'incompétence du préfet pour accorder une telle concession n'était pas d'une gravité telle que le juge aurait dû écarter le contrat. Devant les juges du fond, les parties avaient exclusivement débattu, compte tenu des règles alors applicables, sur le terrain de la responsabilité quasi-contractuelle et sur le terrain de la responsabilité quasi-délictuelle. En d'autres termes, pendant l'instruction, elles avaient admis la nullité du contrat et débattaient sur le terrain de l'enrichissement sans cause, en prenant en compte l'état de la jurisprudence antérieur au 28 décembre 2009, date de l'arrêt "Commune de Béziers I" (1). La cour administrative d'appel a, elle, réglé l'affaire sur le terrain contractuel en faisant application d'une nouvelle règle applicable aux litiges contractuels apparue postérieurement à l'audience.
Cette nouvelle règle découle de la jurisprudence "Commune de Béziers I" précitée, intervenue donc postérieurement à la clôture de l'instruction. Elle fait prévaloir l'exigence de loyauté des relations contractuelles sur l'annulation du contrat et applique donc le principe du maintien du contrat, sauf vice d'une particulière gravité ou contenu illicite. L'arrêt énonce une règle désormais bien connue, selon laquelle "il incombe en principe au juge, saisi d'in litige relatif à l'exécution d'un contrat, de faire application du contrat" (2). Et "c'est seulement dans le cas où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, qu'il ne peut régler le litige sur le terrain contractuel" (3). En cas de litige résultant de l'exécution du contrat, les parties ne peuvent donc le remettre en cause que de façon très limitée et leur différend doit être résolu par priorité sur la base du contrat.
Comme dit précédemment et faisant application de cette jurisprudence, la cour juge que l'incompétence du préfet pour signer la concession n'était pas d'une gravité telle qu'elle devait écarter le contrat dès lors qu'il résultait, notamment, du dossier soumis au juge du fond que les ministres concernés avaient approuvé l'opération. Le litige devant prioritairement être réglé au regard du droit de la responsabilité contractuelle, la nouvelle règle conduisait à juger que le contrat, que les parties s'étaient accordées à considérer illégal, ne pouvait plus être écarté et devait donc être maintenu pour trancher le litige.
Sur le fond, le juge d'appel n'a pas été contredit par le Conseil d'Etat, celui-ci ayant exercé son office sur le terrain juridiquement approprié. Par contre, sur la forme, il aurait dû, l'instruction étant close à la date de la décision "Commune de Béziers I", rouvrir l'instruction et inviter les parties à s'exprimer sur les conséquences de la nouvelle jurisprudence. La Haute juridiction a donc estimé que la cour bordelaise avait "méconnu le caractère contradictoire de la procédure" en n'invitant pas les parties à présenter leurs observations. En agissant de la sorte, le juge se rattache simplement aux exigences du contradictoire sans soulever d'office un moyen à soumettre à la contradiction. L'obligation d'informer préalablement les parties ne relevant pas de la procédure particulière prévue pour les moyens d'ordre public (CJA, art. R. 611-7 N° Lexbase : L3102ALH).
Le Conseil d'Etat propose deux solutions pour permettre aux parties d'exprimer leur point de vue. La solution la plus naturelle consiste à rouvrir l'instruction après la radiation du rôle si le revirement intervient très peu de temps avant l'audience. La seconde solution consiste à ce que la juridiction rende une décision avant-dire droit en indiquant la solution qu'elle entend donner au litige et en invitant les parties à formuler leurs observations.
En agissant de la sorte, le juge suprême complète sa jurisprudence relative à l'effet des revirements de jurisprudence. La solution est évidement à mettre en avant à travers l'application du principe du contradictoire mais elle témoigne des implications nouvelles de la consécration du principe de sécurité juridique. Ce principe conduit les magistrats à renforcer les garanties au profit des justiciables tout en accroissant conjointement leurs pouvoirs. En l'espèce, le Conseil d'Etat prolonge le courant jurisprudentiel par lequel il cherche à modérer les atteintes que peuvent porter ses revirements de jurisprudence au principe de sécurité juridique. Il reconnaît ainsi le droit des justiciables de ne pas voir leur situation légalement acquise brutalement bouleversée par un revirement de jurisprudence sans pouvoir en débattre. Si la modification apportée à l'interprétation traditionnelle d'une règle de droit demeure en principe rétroactive, ce principe n'est désormais plus absolu. La jurisprudence d'espèce s'ajoute ainsi à celle qui avait permis la modulation des effets des annulations contentieuses (4) ou celle qui avait permis au juge de moduler dans le temps les effets de ses décisions au cas où une décision de rejet mettant fin à la suspension d'un acte administratif est prononcée (5) voire, enfin, celle qui avait donné la possibilité au juge administratif de n'appliquer que pour le futur ses revirements, notamment en matière contractuelle (6).
Si auparavant la sécurité juridique était nécessairement sacrifiée face au progrès du droit, fusse-t-il jurisprudentiel, ledit progrès passe désormais par une meilleure prise en compte des aspirations des justiciables à un plus grand respect de ce principe. La prudence est toutefois de mise s'agissant d'un principe délicat à manipuler car il peut amener à précariser davantage la situation des administrés au lieu de la sécuriser.
Vertu inhérente à la fonction du juge, l'impartialité est aujourd'hui un concept des plus délicats à saisir dans la mesure où, devenu un droit fondamental et substantiel auquel toute personne est en droit de prétendre, il est naturellement, par suite, appelé à être garanti par tous les pouvoirs publics constitutionnels, administratifs et juridictionnels. C'est la récusation qui est, chronologiquement, le premier moyen offert au requérant pour infléchir le cours d'une procédure dans l'hypothèse où il estimerait que le principe d'impartialité, dans son versant subjectif, s'oppose à ce que tel membre de la juridiction prenne part au débat. Ouverte même sans texte, la voie de la récusation est expressément prévue, s'agissant de la juridiction administrative, par les dispositions du Code de justice administrative.
L'article L. 721-1 de ce code (N° Lexbase : L3180ALD) dispose, à cette fin et au niveau législatif, que "la récusation d'un membre de la juridiction est prononcée, à la demande d'une partie, s'il existe une raison sérieuse de mettre en doute son impartialité". L'article R. 621-6 (N° Lexbase : L5881IGW) étend le champ d'application de cet article aux experts et sapiteurs et les articles R. 621-6-1 (N° Lexbase : L5945IGB) à R. 621-6-4 fixent la procédure à suivre. Cette procédure s'organise de la façon suivante : une demande écrite doit être établie par la partie récusante, une réponse de la personne dont la récusation est demandée doit être transmise et, enfin, uniquement dans le cas où cette dernière n'acquiesce pas à la demande, la juridiction, par une décision non motivée, se prononce sur la demande, après audience publique dont l'expert et les parties sont avertis.
Les procédures de récusation des experts ou des sapiteurs sont rares et la jurisprudence qui les concerne quasiment inexistante, d'où l'intérêt de la présente espèce. Il ressort des faits que, lors d'un litige entre un centre hospitalier et les constructeurs du nouvel hôpital de la ville, un expert a été nommé par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif, à la demande des deux sociétés, avec pour mission, notamment, de déterminer les causes du retard du chantier de construction. Le centre hospitalier demande alors la récusation de cet expert en raison d'une possible partialité. Cette personne avait, neuf ans avant sa nomination en tant qu'expert par le juge, occupé les fonctions de directeur d'une société ayant participé à un groupement d'entreprises avec une société partie au litige, en vue de l'attribution d'un marché. Le tribunal administratif de Nîmes et la cour administrative d'appel de Marseille ont respectivement rejeté la demande du centre hospitalier tendant à la récusation de l'expert.
C'est d'abord la question de la motivation de la décision juridictionnelle prononcée par les juges du fond qui a, dans un premier temps, été posée au Conseil d'Etat. Pour y répondre, le juge se réfère, dans un premier temps, à son avis contentieux du 23 mars 2012 (7) dans lequel il lève une interrogation importante qui portait sur la nature de la "décision" rendue par la juridiction, saisie d'une demande de récusation d'un expert. L'avis précise qu'en dépit du terme "décision" utilisée sans autre précision par l'article R. 621-6-4 (N° Lexbase : L5971IGA), il s'agit bien d'une décision de nature juridictionnelle. Le souci est que le même article précise que la décision est "non motivée". Or, la motivation des décisions juridictionnelles constitue un principe fondamental de la procédure administrative contentieuse (8). C'est une garantie fondamentale du justiciable contre les risques liés à la partialité et à l'arbitraire. Le jugement, mieux compris, est censé être mieux accepté par les justiciables et la motivation permet, de même, un contrôle des juridictions supérieures sans lequel ce double degré de juridiction ne fonctionnerait pas. Ce principe fondamental semblerait, a priori, avoir vocation à s'appliquer à une décision de refus de révocation d'un expert dans la mesure où elle entre dans la catégorie des jugements.
Pour autant, le Conseil d'Etat fait une lecture "utile" de l'expression, précisant que l'article en question n'a pas entendu écarter la règle générale de motivation des décisions juridictionnelles. En agissant de la sorte, il tend simplement à prendre en compte les exigences d'une bonne administration de la justice, ainsi que les particularités de chaque affaire qui peut aborder la vie privée, la probité ou la réputation professionnelle de l'expert. Aussi, pour ne pas ignorer ces considérations, le juge peut se limiter à énoncer "qu'il y a lieu" ou "qu'il n'y a pas lieu" de récuser l'expert. L'article R. 621-6-4 n'écarte pas l'application générale du principe de motivation mais l'adapte, en fait, à des circonstances de fait. C'est une sorte de souplesse donnée au juge sans vouloir porter atteinte à un principe fondamental du droit. La décision est "non motivée", mais pas dans des conditions susceptibles de porter atteinte à des droits protégés. Dans la décision d'espèce, le Conseil d'Etat rappelle cette jurisprudence et le fait que ces dispositions n'imposent pas au juge d'expliciter dans sa décision les raisons pour lesquelles il estime devoir user de cette faculté de limiter ainsi la motivation de sa décision.
Ensuite, dans un second temps, le Conseil d'Etat vient préciser ce que doit être précisément l'office du juge en pareilles circonstances. Il est alors tenu de rechercher si, eu égard à leur nature, à leur intensité, à leur date et à leur durée, les relations directes ou indirectes entre cet expert et l'une ou plusieurs des parties au litige sont de nature à susciter un doute sur son impartialité. En particulier, doivent, en principe, être regardées comme suscitant un tel doute les relations professionnelles s'étant nouées ou poursuivies durant la période de l'expertise. En l'espèce, eu égard à l'ancienneté des faits en cause à la date de la désignation de l'expert, à la nature et à l'intensité des relations avec la société partie au litige, cette personne n'étant plus dirigeant de la société lors de la période d'exécution du marché relatif à la construction de l'hôpital, il n'existait aucun obstacle à ce qu'elle accomplisse sa mission d'expert confiée par le juge. C'est donc à bon droit que la cour a estimé que l'expert désigné pouvait accomplir sa mission, celle-ci n'ayant pas "inexactement qualifié les éléments soumis à son examen en estimant, par une décision suffisamment motivée", et que le parcours professionnel de l'expert dans le secteur du bâtiment et des travaux publics "ne révélait aucun élément actuel qui ferait obstacle à ce qu'il accomplisse la mission confiée par le juge des référés".
Cette précision de l'office du juge par le Conseil d'Etat est plus que la bienvenue dans la mesure où l'avis sur la motivation de la décision de récusation était si nuancé qu'il en devenait difficilement compréhensible. Le juge peut motiver puisqu'il est soumis à cette exigence mais il peut régulièrement ne pas le faire. Pour autant, préciser l'office du juge sans amener à établir l'exigence de motivation peut continuer à apparaître comme une démarche à contre-courant dans un contexte social semblant marqué par une montée des exigences de transparence dont la motivation des décisions de justice constitue un aspect important. Ce n'est pas la première fois que le Conseil d'Etat est conduit à concilier l'exigence de motivation des décisions juridictionnelles avec le respect d'un secret protégé, mais la motivation des décisions est en quelque sorte sacrifiée au profit d'une bonne administration de la justice ; or, il semble quand même que les deux mesures sont là pour permettre de lutter contre l'arbitraire.
La garantie du rejugement en droit et en fait qu'offre le double degré de juridiction suppose qu'un certain nombre de conditions soient remplies, afin que la juridiction d'appel statue avec la même plénitude et la même impartialité que les premiers juges. Toutefois, cette garantie rencontre des limites qui tiennent aux pouvoirs du juge d'appel qui ne favorisent pas toujours le double degré de juridiction. C'est dans l'effet dévolutif de l'appel que réside la garantie d'un rejugement impartial de l'affaire, celui-ci signifie que l'ensemble du litige en droit et en fait est soumis au juge d'appel dans les limites des conclusions présentées en appel. L'effet dévolutif correspond à l'office normal du juge d'appel qui procède à un rejugement de l'affaire après un premier examen par la juridiction de première instance. Cet office comporte, néanmoins, deux limites, le cadre du procès tel qu'il avait été fixé en première instance et la volonté des parties, exprimées par le double adage : il n'est dévolu qu'autant qu'il a été jugé et qu'autant qu'il a été appelé.
Il en va différemment de l'évocation. Lorsque les premiers juges ne se sont pas prononcés de manière régulière sur le bien-fondé de la demande qui leur était soumise, notamment en ce qui concerne l'appréciation de leur compétence, le juge d'appel peut choisir entre deux issues : constater cette irrégularité et renvoyer l'affaire aux premiers juges, ou évoquer l'affaire. Dans ce dernier cas, le juge d'appel statue lui-même sur le fond après avoir annulé le jugement de première instance, par exception à la règle du double degré de juridiction. L'erreur des premiers juges est alors telle que le juge d'appel annule le premier jugement. Le litige est considéré comme n'ayant jamais été jugé.
L'effet dévolutif de l'appel et l'évocation sont souvent confondus. Or, la dévolution et l'évocation répondent à des régimes très différents dont la méconnaissance conduit à des cassations sachant, notamment, que la dévolution a, pour la cour administrative d'appel, un caractère impératif, alors que l'évocation, qui se traduit, dans un souci de célérité, par une amputation du double degré de juridiction, revêt pour elle un caractère facultatif relevant de la seule appréciation du juge. L'arrêt d'espèce est une parfaite illustration de cette possible confusion entre effet dévolutif et évocation.
A l'origine du litige, une commune avait conclu une délégation de service public avec une société générale de restauration pour assurer le service de restauration scolaire pendant une durée de cinq ans. Ce contrat a été prolongé par un avenant portant la durée de la convention à quinze ans. Celui-ci a été pris deux semaines avant la promulgation de la loi "Sapin" (loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques N° Lexbase : L8653AGL), sans procédure de publicité ni mise en concurrence. Quelques années plus tard, la commune a résilié unilatéralement le contrat pour motif d'intérêt général. Le cocontractant a, alors, saisi le juge pour qu'il constate l'existence de factures impayées tout en demandant l'annulation de la mesure de résiliation. La commune a, pour sa part, présenté des conclusions indemnitaires reconventionnelles.
Par jugement avant-dire droit, le tribunal administratif de Versailles a relevé la nullité du contrat et a statué sur le terrain des responsabilités quasi-contractuelle et quasi-délictuelle avant de constater, par jugement classique et de manière plus solennelle, la nullité du contrat conclu entre les parties, rejetant la demande d'annulation de la décision de résiliation prise par la commune, les demandes de paiement et les demandes indemnitaires formulées sur un fondement contractuel. La cour administrative d'appel de Versailles a confirmé la nullité du contrat et rejeté les conclusions de la société de restauration contestant la part de responsabilité laissée à sa charge. Le Conseil d'Etat s'est ensuite prononcé sur la résiliation en requalifiant la délégation en contrat de marché public, et en confirmant l'annulation mais il annule, néanmoins, l'arrêt en tant seulement que le juge d'appel avait rejeté les conclusions de la société de restauration contestant le partage de responsabilité. Le Conseil d'État a, en conséquence, renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Versailles qui a donc statué une seconde fois sur la même affaire dans la limite du renvoi après cassation (9), en bénéficiant, cette fois, de l'analyse du Conseil d'Etat (10).
Le juge d'appel de renvoi s'est prononcé à nouveau sur le jugement qui avait fixé les parts respectives de responsabilité mais il s'est également prononcé sur l'appel dirigé contre le jugement statuant sur les conclusions indemnitaires des parties rendu trois ans après le premier jugement. Il annule le premier jugement et, par voie de conséquence, le second jugement. Statuant, ensuite, par la voie de l'évocation sur les demandes, le juge d'appel condamne, d'une part, la société de restauration à verser à la commune une somme avec intérêts légaux au titre des dépenses utiles sur le fondement de l'enrichissement sans cause et, condamne, d'autre part, la commune à verser à la société de restauration une somme avec intérêts légaux et capitalisation au titre du bénéficie manqué sur le fondement quasi-délictuel.
Pour le Conseil d'Etat, à nouveau saisi, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en ne s'estimant pas tenue par l'effet dévolutif de l'appel et en décidant de statuer par la voie de l'évocation. Seul un fondement sur l'irrégularité des jugements soumis aurait pu justifier l'évocation. Elle ne pouvait donc statuer que par l'effet dévolutif et, dans ce, cas la décision est irrégulière et doit donc normalement être annulée (11). Le Conseil d'Etat tempère, néanmoins, cette jurisprudence en l'espèce en montrant que, si la cour a agi par évocation, cette erreur n'a pu avoir aucune incidence sur le jugement du litige qui se présentait de manière identique selon que la cour statue dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel ou, comme elle l'a fait, qu'elle se prononce par la voie de l'évocation. Par suite, et dans les circonstances particulières de l'espèce, les moyens tirés de l'erreur de droit relatif à l'évocation sont inopérants.
La tendance jurisprudentielle actuelle voit dans l'effet dévolutif l'office normal du juge d'appel. A priori, l'arrêt d'espèce ne s'inscrit pas dans cette logique puisque l'évocation du juge n'est pas remise en question par le Conseil d'Etat. On peut citer à tire d'exemple de cette tendance, l'arrêt "Mlle Maltseva" (12) où, revenant sur une jurisprudence bien établie (13), la section du contentieux déplace le curseur qui s'était établi entre effet dévolutif de l'appel et évocation à la lumière de nouvelles considérations de politique jurisprudentielle. Le juge affirme, notamment, que "le fait, pour le juge de première instance, d'écarter à tort un moyen comme irrecevable, ne constitue pas une irrégularité de nature à entraîner l'annulation du jugement par le juge d'appel [...]". Cette solution rétablit nettement la distinction entre effet dévolutif et évocation, selon lequel l'évocation joue lorsque le premier juge n'a pas régulièrement statué tandis que l'effet dévolutif de l'appel joue dans le cas inverse et qu'il n'y a pas obligation de commencer par annuler la décision du juge du fond. En effet, on ne peut assimiler l'omission de répondre à un moyen qui peut être considéré comme un manquement sérieux à l'office du juge et qui est une cause d'évocation au fait de déclarer un moyen irrecevable. Dans ce dernier cas, le juge s'est trompé dans la réponse en droit à donner au moyen soulevé, mais il ne l'a aucunement ignoré. Une telle irrégularité ne mérite pas d'encourir la sanction de l'annulation. Le juge d'appel ne peut alors, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, que relever cette erreur et se prononcer sur le bien-fondé du moyen écarté à tort comme irrecevable.
Mais si l'évocation n'est pas remise en cause par le juge, l'arrêt confirme, par contre, la tendance actuelle emprunte de réalisme affichée par le Conseil d'Etat encourageant les magistrats à renforcer les garanties offertes aux justiciables contre l'instabilité juridique ou l'instabilité du droit. Que le juge d'appel procède lui-même au règlement complet du litige ou bien qu'il admette la présentation de demandes ou moyens nouveaux, le recours en appel est utilisé comme une voie d'achèvement du procès. A partir du moment où l'office du juge n'est pas affecté par une irrégularité de procédure, le moyen devient inopérant, l'erreur de droit n'existe pas même si la procédure est irrégulière. Par la sorte, le juge ne se contente plus de trancher le litige, il apaise le conflit en fixant lui-même l'importance de la règle jurisprudentielle et en évaluant son implication réelle. C'est là encore un témoignage supplémentaire du développement de l'office du juge administratif qui se reconnaît une pleine liberté d'interprétation dans son rôle de garant de la stabilité de la norme juridique mais c'est, là aussi, encore un moyen qui doit, au final, amener à sécuriser la situation des administrés au lieu de la précariser et non le contraire. Le "juge interprète" ne doit pas au final se transformer en "administrateur juge".
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Réf. : Cass. com., 14 mai 2013, n° 11-22.845, FS-P+B (N° Lexbase : A4983KDW)
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par Deen Gibirila, Professeur à la Faculté de droit et science politique (Université Toulouse I Capitole)
Le 06 Juin 2013
L'affaire rapportée concerne un administrateur, de surcroît président du conseil d'administration et directeur général d'une société anonyme, qui a été destitué de ses fonctions d'administrateur au cours d'une assemblée d'actionnaires réunie le 30 juin 2008, sans que cette question ait été mentionnée à l'ordre du jour. L'intéressé a fait assigner la société en paiement de dommages-intérêts au motif, outre de l'inobservation du principe de la contradiction, de l'existence de circonstances vexatoires ayant accompagné la révocation.
Débouté semble-t-il en première instance, le dirigeant révoqué l'a été également par la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 31 mai 2011 (CA Paris, Pôle 5, 8ème ch., 31 mai 2011, n° 10/16540 N° Lexbase : A1075HTY). Pour rejeter ses prétentions, cette juridiction avait relevé, d'une part, que cet administrateur avait obtenu des suspensions de séance (1) dont la durée totale dépassait trois heures, afin de lui permettre de contacter des tiers et de rédiger un communiqué ; d'autre part, que la question de sa révocation n'avait été mise au vote qu'après qu'il eut présenté ses observations écrites et orales, le principe de la contradiction supposant seulement que l'intéressé fût mis en situation de présenter celles-ci préalablement à la décision de destitution.
Bien qu'incontestable en elle-même, la mise en oeuvre de la faculté de révocation peut tout de même fonder une action en réparation. Certes, le dirigeant discrétionnairement révocable, en l'occurrence un administrateur, en même temps président et directeur général d'une société anonyme, ne peut invoquer le préjudice causé par l'éviction du mandat social, mais il peut s'appuyer sur le caractère abusif de la mise en oeuvre du droit de révocation. C'est donc le comportement fautif des auteurs de la mesure qui est pris en considération (2). Il donne lieu à l'application du principe général de droit commun en matière de responsabilité civile qui fait appel à la notion de faute (3).
En matière d'abus du droit de révocation, parmi les différents exemples susceptibles d'être donnés, la jurisprudence retient surtout l'inobservation du principe du contradictoire, c'est-à-dire la privation du dirigeant du droit de présenter sa défense, autrement dit, de tous moyens de s'expliquer sur la mesure prise à son encontre (4). Cela a été particulièrement le cas dans un arrêt de principe par lequel la juridiction suprême a jugé irrégulière la révocation d'un directeur général à la date de la lettre de notification en dehors du conseil d'administration par le seul fait du président, sans que l'intéressé ait été en position de présenter préalablement ses observations. Elle a considéré que la prétendue faute lourde, cause de destitution du dirigeant, a été impropre à le priver du droit de se faire entendre par le conseil d'administration, avant que cet organe se soit prononcé sur la mesure envisagée (5).
Les tribunaux tiennent compte également des allégations injurieuses ou vexatoires, ainsi que des propos désobligeants à l'encontre du dirigeant évincé, d'autant plus qu'ils s'accompagnent d'une publicité susceptible de nuire à son honneur ou à sa réputation (6). Il s'agit notamment du fait de demander au dirigeant de remettre les clés de l'entreprise, dès la fin de l'assemblée qui l'a révoqué (7), surtout quand la décision a été prise brutalement, au vu et au su du personnel, en faisant appel à un huissier de justice et à la police et en l'ébruitant dans le milieu professionnel (8), ou quand la suppression des outils de travail de l'intéressé, dès la révocation de son seul mandat de président-directeur général d'une des sociétés du groupe, l'ont empêché d'exercer dans les mêmes locaux les autres mandats sociaux dont il se trouvait encore investi (9).
La Haute juridiction a auparavant souligné la différence entre le motif et les circonstances de la révocation, entre le défaut de juste motif et l'abus du droit de révoquer. L'absence de faute de gestion ne suffit pas à caractériser cet abus. Les juges n'ont pas à contrôler la valeur du motif qu'il appartient au seul organe compétent d'apprécier, mais seulement à vérifier si les circonstances de la révocation ont porté atteinte à l'honneur et à la réputation du dirigeant social, sous réserve pour ce dernier d'apporter la preuve de ces circonstances.
Dans l'affaire examinée, les juges du fond, en l'occurrence ceux de la cour d'appel de Paris, auraient dû relever des éléments propres à révéler à la fois le non-respect du principe de la contradiction et les circonstances injurieuses et vexatoires de la révocation nuisibles à son honneur et à sa dignité. Ce ne fût pas le cas, selon la Cour de cassation investie de la mission de contrôler les motifs invoqués par la juridiction de seconde instance à l'appui de son dispositif. Le juge du droit considère que le juge des faits ne peut "statuer par voie de simple affirmation", et se contenter d'affirmer que les moyens et arguments des actionnaires s'appuyaient sur "des faits objectivement exacts", sans préciser les éléments relatifs à cette affirmation. Faute de cela, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ) et L. 225-105 (N° Lexbase : L8827INA) du Code de commerce.
Dans le présent arrêt, en plus de l'assignation de la société, le dirigeant concerné a fait assigner aux fins de paiement de dommages-intérêts un des actionnaires et six autres (les actionnaires majoritaires) à qui il reproche de s'être rendus coupables d'un abus de droit en agissant de manière déloyale.
Sa demande, rejetée par la cour d'appel de Paris, l'est également par la Cour de cassation, cette dernière approuvant la première d'avoir statué en ce sens. L'intéressé n'a effectivement pas rapporté la preuve d'un agissement caractérisant une volonté malveillante ou l'intention de lui nuire de la part des actionnaires majoritaires.
Cette décision peut être rapprochée d'une autre, précédemment rendue à propos d'un gérant de SARL révoqué par une assemblée générale convoquée par les associés majoritaires, sans respecter le délai minimal de convocation. Fort de cette irrégularité l'ayant privé d'une participation à l'assemblée, ce dirigeant prétendait qu'elle traduisait une intention vexatoire de ces associés et réclamait leur condamnation à lui verser des dommages et intérêts. Sa demande avait été repoussée car, bien qu'irrégulière dans sa forme, sa révocation reposait sur un juste motif et non sur le dessein de lui nuire, de sorte qu'aucune faute personnelle ne pouvait être reprochée aux associés (10).
Reste à savoir en quoi peut consister la faute personnelle des associés dans la procédure de révocation d'un dirigeant de société. Elle résulte de la combinaison de deux éléments : l'un, objectif, qui est l'atteinte portée aux dispositions légales ou jurisprudentielles ; l'autre, subjectif, qui est l'intention de nuire ou la volonté malveillante avec pour toile de fond un climat de mésentente entre les associés. Il s'ensuit un rapprochement de l'abus du droit de révoquer de la part des associés majoritaires avec l'abus de majorité proprement dit, étant donné leur fondement commun de la théorie générale de l'abus de droit sanctionné par l'article 1382 du Code civil, mais dont il se distingue en raison de leur domaine d'application. En effet, l'abus de majorité se caractérise par une décision prise par la majorité dans leur intérêt exclusif, au détriment de la minorité, et contraire à l'intérêt social (11). Dès lors, cet abus s'inscrit seulement dans le cadre des relations entre associés, les majoritaires abusant de leur situation de prééminence au dépens des minoritaires, tout en nuisant à la société. En revanche, l'intention de nuire peut avoir un domaine d'application plus étendu : elle peut être invoquée à l'encontre des associés par le dirigeant révoqué qui, n'étant pas nécessairement investi de la qualité d'associé, ne saurait se prévaloir d'un abus de majorité. L'intention de nuire qui est le critère de la faute personnelle (12), a généralement pour unique objectif de porter préjudice au dirigeant mis en cause, sans que le fonctionnement de la société n'en soit nécessairement altéré, pourvu que ce dirigeant soit remplacé par un autre au moins aussi compétent que lui.
II - La libre révocabilité d'un administrateur
Hormis, l'abus de droit né d'un comportement prétendument déloyal, l'action en dommages-intérêts intentée contre les actionnaires majoritaires se fonde sur la méconnaissance des stipulations d'un pacte d'actionnaires auquel il a été lui-même partie. Ce grief met en cause le principe de la libre révocabilité des administrateurs, lequel soulève deux questions : l'une de forme, l'autre de fond.
En ce qui concerne la première, celle de forme, la jurisprudence avait déjà admis sous l'empire de la loi du 24 juillet 1867 la possibilité de voter la révocation d'un administrateur même si elle n'était pas prévue à l'ordre du jour, soit parce qu'une clause statutaire n'imposait pas une telle inscription (13), soit à l'occasion d'un incident de séance. Dans cette dernière hypothèse, la plus fréquente, cela signifiait que la révocation pouvait être prononcée en cours d'assemblée après un débat contradictoire en présence d'un événement grave et inattendu justifiant l'urgence d'une pareille décision (14).
Il convenait tout de même que l'incident de séance fût caractérisé (15). Autrement dit, si un "incident" pouvait être à l'origine d'une révocation non inscrite à l'ordre du jour, encore fallait-il qu'il fût imprévu au point de rendre nécessaire et urgente la mesure de destitution.
A propos du président du conseil d'administration, l'article 90, alinéa 3 de la loi du 24 juillet 1966 (N° Lexbase : L6202AGS), dont les dispositions ont été reprises par l'article L. 225-47, alinéa 3, un Code de commerce (N° Lexbase : L5918AIZ), s'est contenté de prévoir une révocation susceptible d'intervenir "à tout moment". Pour les administrateurs, l'article 160, alinéa 3, devenu l'article L. 225-105, alinéa 3, après avoir énoncé que l'assemblée ne peut délibérer sur une question non inscrite à l'ordre du jour, précise qu'"en toutes circonstances" elle peut révoquer un ou plusieurs d'entre eux et procéder à leur remplacement.
Certes, l'inscription de la révocation d'un administrateur à l'ordre du jour d'une assemblée signale la notion d'abus de droit, comme le dit bien la Chambre commerciale en l'espèce (16) ; néanmoins, elle exprime également et, peut-être davantage, la notion de libre révocabilité, du fait que la destitution d'un dirigeant peut intervenir en dehors de cette inscription. Toujours est-il que la Cour de cassation ne manque pas d'évoquer cette question de forme inhérente à l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée, sans toutefois s'y appesantir dans la mesure où elle n'est pas discutée par les parties au litige.
Toute différente est la question de fond qui se situe au coeur du débat, avec celle de l'abus de droit de la révocation, préalablement analysée ; elle relève du caractère d'ordre public du droit des actionnaires de révoquer les administrateurs. A ce sujet, l'article 90, alinéa 3 de la loi du 24 juillet 1966, devenu l'article L. 225-18, alinéa 3, du Code de commerce (N° Lexbase : L5746ISM), a implicitement réaffirmé le principe de nullité de toute interdiction ou restriction de la liberté de révocation antérieurement posé par l'article 41 de la loi du 24 juillet 1867. Selon ce texte, "toute nomination intervenue en violation des dispositions précédentes est nulle" ; dès lors "est nulle une nomination intervenue, soit en application des dispositions statutaires portant atteinte à la révocabilité, soit en exécution d'une convention hors statuts comportant semblable entorse au principe" (17).
Comme pour tout dirigeant éventuellement révocable pour juste motif (18), la révocation discrétionnaire d'un administrateur constitue une prérogative absolue susceptible d'être exercée nonobstant toute convention contraire, sans délai, sans justification et sans aucune compensation financière (19). Eu égard au caractère d'ordre public du principe de la libre révocabilité, aucune stipulation statutaire ne saurait y déroger (20) ou instaurer des conditions différentes de celles prescrites par la loi, notamment de majorité ou de quorum. Pareillement, s'exposerait à la nullité un accord particulier entre actionnaires qui aurait pour effet d'entraver d'une quelconque façon la liberté de révoquer un dirigeant.
Plusieurs accords de cette nature peuvent être cités : une convention mettant une obligation à la charge de la société (21) ; l'engagement de lui allouer une indemnité en cas de révocation ou de lui consentir un contrat de travail (22) ou de le réintégrer à l'intérieur du groupe en cas de cessation du mandat (23) ; un accord autorisant le dirigeant évincé à céder ses actions (24) ; une convention instituant une période de préavis (25) ; un protocole d'accord selon lequel une société acquéreuse des parts d'une autre société s'engage en cas de révocation du président de cette dernière, à racheter celles-ci au double de leur valeur au jour de la cession (26).
Pour autant, a été reconnu valable par la Cour de cassation l'engagement unilatéral pris par la société avant l'entrée en fonction du dirigeant révoqué (27), notamment l'indemnité convenue alors que l'intéressé n'était pas encore mandataire social (28). Cela été également le cas d'une convention prévoyant une répartition des sièges d'administrateurs entre deux groupes d'associés, excepté l'hypothèse où la société comprenant un nombre très réduit d'actionnaires se trouverait dans l'impossibilité pratique de procéder à la révocation (29).
S'agissant de la présente affaire, tout comme la demande en dommages et intérêts fondée sur le comportement déloyal des actionnaires majoritaires, celle relative à la méconnaissance des dispositions invoquées du pacte d'actionnaires n'est pas accueillie en raison du caractère illicite de celui-ci.
En effet, n'est pas licite toute stipulation ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la libre révocabilité d'un administrateur de société anonyme. Or, a pour conséquence de limiter le droit de révocation à tout moment par l'assemblée des actionnaires, l'interprétation de l'administrateur révoqué selon laquelle la destitution doit être autorisée par le conseil d'administration. Il en résulte une restriction du droit de l'assemblée générale des actionnaires de révoquer à tout moment un administrateur et la déduction par la cour d'appel de Paris approuvée par la Cour de cassation, que n'est pas fondée la demande de l'administrateur visant à mettre en oeuvre la responsabilité des actionnaires à la suite de l'inobservation de cette convention.
Conclusion
Il n'a pas échappé aux lecteurs de l'actuelle décision de justice que la destitution par l'assemblée des actionnaires des fonctions de l'administrateur a indirectement privé le dirigeant de ses attributions à la fois de président du conseil d'administration et de directeur général. En effet, ils n'ignorent pas que le président en même temps directeur général est élu parmi les personnes physiques du conseil d'administration (30). Par conséquent, il a suffi à l'assemblée de le révoquer en tant qu'administrateur pour que de fait, il ait perdu également les fonctions que le conseil d'administration lui a confiées.
Tout au plus, l'administrateur révoqué peut demeurer au sein de la société en qualité d'actionnaire s'il la détenait déjà, notamment parce qu'elle était exigée pour être membre de ce conseil (31). S'il s'était simplement agi de le priver de ses fonctions de président et de directeur général, la mesure de destitution aurait été adoptée par le conseil d'administration (32), au lieu de l'assemblée générale des actionnaires.
(1) T. com. Paris, ord. réf., 26 avril 1999, JCP éd. G, 1999, II, 10115, note J.-J. Daigre ; JCP éd. E, 1999, n° 29, p. 1237, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain, relatif à la possibilité pour le juge des référés de suspendre certains éléments de l'ordre du jour, répondant par la négative, au motif que l'ordre du jour ne peut être modifié suivant l'article 160 de la loi du 24 juillet 1966 (C. com., art. L. 225-105 N° Lexbase : L8827INA).
(2) Ph. Reigné, Révocabilité ad nutum des mandataires sociaux et faute de la société, Rev. sociétés 1991, p. 499.
(3) C. civ., art. 1382 (N° Lexbase : L1488ABQ) et 1383 (N° Lexbase : L1489ABR).
(4) P. Le Cannu, Le principe de contradiction et la protection des dirigeants, Bull. Joly Sociétés, 1996, p. 11 ; J.-P. Bertrel, La cohabitation de la révocabilité ad nutum et du contradictoire, Dr. et patrimoine, octobre 1998, p. 74 ; N. Binctin, La légalité procédurale en droit des sociétés, LPA, 12 septembre 2006, n° 182, p. 3 ; v. en général, L. Miniato, Le principe du contradictoire en droit processuel, Bibl. dr. pr., t. 483, 2008 ; sur la critique du principe de la contradiction, nos obs., Droit des sociétés, n° 582, Ellipses 2012, 4ème éd..
(5) Cass. com., 26 avril 1994, n° 92-15.884, publié (N° Lexbase : A7047ABM) ; Bull. Joly Sociétés, 1994, p. 831, note P. Le Cannu ; Defrénois, 1994, p. 1029, obs. J. Honorat ; JCP éd G, 1995, II, 22369, nos obs.; v. aussi, Cass. com., 3 janvier 1996 n° 94-10.765 (N° Lexbase : A2391AB8), RJDA, 4/1996, n° 514 ; JCP éd. G, 1996, II, 22658, nos obs. ; Bull. Joly Sociétés, 1996, p. 388, note B. Saintourens ; Cass. com., 26 novembre 1996, n° 94-15.661 (N° Lexbase : A1437ABT), RJDA 2/1997, n° 222 ; D., 1997, p. 493, notre note ; JCP éd. G, 1997, II, 22771, note Ph. Reigné ; Bull. Joly Sociétés, 1997, p. 141, note C. Prieto.
(6) CA Bordeaux, 8 mars 1937, Rev. sociétés, 1937, p. 122 ; Cass. com., 19 octobre 1981, Rev. sociétés, 1981, p. 821, note J.-L. Sibon, révocation ayant fait l'objet d'un communiqué de presse.
(7) Cass. com., 9 novembre 2010, n° 09-71.284, F-D (N° Lexbase : A9074GG8), RJDA, 2/2011, n° 160 ; en ce sens, CA Paris, 30 juin 2009, n° 08/13668 (N° Lexbase : A9821EIL), RJDA, 1/2010, n° 34 ; v. aussi, à propos de la restitution immédiate des clés de la société, Cass. com., 6 novembre 2012, post-cité., note 15.
(8) CA Paris, 3ème ch., sect. B, 13 octobre 2006, n° 05/23871 (N° Lexbase : A5937DSP), RJDA 7/2007, n° 742.
(9) Cass. com., 15 mai 2012, n° 11-15.497, F-D (N° Lexbase : A6926IL4), RJDA 8-9/2012, n° 772.
(10) Cass. com., 22 novembre 2005, n° 03-19.860, F-D (N° Lexbase : A7444DLB), RJDA 4/2006 n° 412, Dr. sociétés 2006, n° 24 obs. J. Monnet ; Rev. sociétés 2006, p. 526, 1ère esp., note L. Godon ; R. Kaddouch, La responsabilité personnelle de l'associé lors de la révocation du dirigeant, Lexbase Hebdo n° 197 du 12 janvier 2006 - édition affaires (N° Lexbase : N3095AKT) ; v. également, Cass. com., 13 mars 2001, n° 98-16.197, publié (N° Lexbase : A0074ATW), Bull. civ. IV, n° 60 ; D. 2001, AJ p. 1175, obs. A. Lienhard ; RJ com. 2001, p. 235, nos obs. ; RTDCom., 2001, p. 443, obs. C. Champaud et D. Danet ; Rev. sociétés, 2002, p. 818, note B. Dondero.
(11) Th. Favario, L'abus de majorité, Journ. Sociétés, avril 2011, p. 23.
(12) M.-P. Lamour, La responsabilité personnelle des associés, D., 2003, p. 51.
(13) Cass. civ., 17 février 1942, Rev. sociétés, 1943, p. 20.
(14) Cass. civ., 5 juillet 1893, D., 1894, p. 41 "l'ordre du jour s'est trouvé bouleversé par une irrégularité provenant du fait de administrateurs et qui a soulevé contre eux la colère des actionnaires" ; v. aussi, Cass. req., 20 décembre 1910, S. 1911, 1, 255 ; Cass. civ., 31 décembre 1913, S. 1914, 1, 267.
(15) Cass. com., 6 mai 1974, n° 72-14.536, publié (N° Lexbase : A6976AGH), Bull. civ. IV, n° 144 ; JCP éd. G, 1974, II, 17859, note J.-J. Burst ; Rev. sociétés, 1974, p. 524, note Ph. Merle, rendu par application de la loi du 24 juillet 1867 : "si les juges du fond n'avaient pas à contrôler la valeur du motif de la révocation qu'il appartenait à la seule assemblée d'apprécier, ils devaient, en revanche, vérifier si le motif invoqué avait, eu égard aux circonstances de l'espèce, rendu nécessaires une délibération prise d'urgence en dehors des prévisions de l'ordre du jour, et une décision immédiate".
(16) CA Aix-en-Provence, 8ème ch., sect. A, 25 mars 1993 n° 91/11252 (N° Lexbase : A3689A4E), JCP éd. E, 1994, I, 331, n° 6, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain, selon lequel l'absence d'inscription de la révocation d'un administrateur à l'ordre du jour de l'assemblée ne suffit pas à rendre cette mesure brutale et clandestine ; Cass. com., 19 décembre 1983, n° 82-12.179 (N° Lexbase : A3718AGS), D., 1985, IR, p. 136, obs. J.-C. Bousquet ; Rev. sociétés, 1985, p. 105, commet un abus de droit caractérisé le dirigeant qui, ayant largement prémédité la révocation d'un administrateur, ne l'a cependant pas fait inscrire à l'ordre du jour de l'assemblée générale.
(17) J. Hémard, F. Terré et P. Mabilat, Sociétés commerciales, T. 1, n° 874, Dalloz, 1972.
(18) A propos d'un gérant non associé de SARL, Cass. com., 6 novembre 2012, , n° 11-20.582, F-P+B (N° Lexbase : A6829IWT), BRDA 23/2012, n° 2 ; Ch. Lebel, Révocation d'un gérant de SARL : nullité d'une clause indemnitaire et procédure de révocation, Lexbase Hebdo n° 318 du 29 novembre 2012 - édition affaires (N° Lexbase : A6829IWT) ; Dr. sociétés février 2013, n° 26, obs. D. Gallois-Cochet ; sur cet arrêt, D. Gibirila, Les enjeux de la révocation d'un gérant non associé de SARL, RJDA 2/2013, p. 91 ; Th. Favario, Gérant de SARL : la validité conditionnelle de l'indemnité de révocation, RLDA février 2013, n° 4429, confirmant pour la nullité de la clause d'indemnisation d'un gérant de SARL révoqué pour juste motif, CA Amiens, 8 mars 2011, BRDA, 6/2011, n° 2 ; RJDA 6/2011, n° 539 ; nos obs., Indemnisation et modalités de révocation d'un gérant de SARL, Lexbase Hebdo n° 250 du 12 mai 2011 - édition affaires (N° Lexbase : N1479BSL) ; Dr. sociétés, juin 2011, n° 109, obs. D. Gallois-Cochet. La Cour de cassation a censuré l'arrêt d'appel pour ne pas s'être prononcé sur les conditions brusques et vexatoires invoquées par le gérant.
(19) Décision relative au président d'une SAS révocable ad nutum, mais extensible aux autres dirigeants, CA Paris, Pôle 5, 8ème ch., 1er mars 2011, n° 10/24266 (N° Lexbase : A3000G9Y), BRDA 8/2001, n° 3 ; RJDA 6/2011, n° 551 ; LPA, 1er juillet 2011, n° 130, p. 3, nos obs..
(20) CA Paris, 28 février 1985, Rev. sociétés, 1986, p. 249, note D. Randoux, à propos d'un directeur général.
(21) CA Paris, 30 avril 1987, D., 1987, IR p. 170 ; Bull. Joly Sociétés, 1987, p. 626, note L. Faugérolas, relatif au versement d'un complément de retraite.
(22) Cass. soc., 15 mars 1983, n° 81-40.36 (N° Lexbase : A3741AGN), Rev. sociétés, 1983, p. 354, note Y. Chartier ; JCP éd. G, 1983, II, 20002, note A. Viandier ; D., 1984, p. 99, note J. Guyénot.
(23) Cass. com., 6 décembre 1983, n° 82-14.198, publié (N° Lexbase : A3763AGH), Bull. civ. IV, n° 338.
(24) CA Paris, 30 octobre 1976, Rev. sociétés, 1977, p. 695, note D. Schmidt, pour un président de conseil d'administration.
(25) CA Paris, 3 mai 1978, Bull. Joly Sociétés, 1978, p. 556.
(26) Cass. com., 17 janvier 1984, n° 82-14.771 (N° Lexbase : A0305AAK), Bull. civ. IV, n° 21 ; Dr. sociétés, juin 1984, n° 162, obs. M. Germain ; Gaz. Pal., 1984, 1, 389, note J. Dupichot ; D., 1985, IR p. 137, obs. J.-C. Bousquet.
(27) Cass. com., 22 juillet 1986, n° 85-12.384 (N° Lexbase : A3875AGM).
(28) Cass. com., 16 janvier 1990, n° 88-12.342 (N° Lexbase : A8503AX9)..
(29) Cass. com., 19 décembre 1983, n° 82-12.179 (N° Lexbase : A3718AGS), Rev. sociétés, 1985, p. 105, note D. Schmidt.
(30) C. com., art. L. 225-47, al. 1er (N° Lexbase : L5918AIZ).
(31) C. com., art. L. 225-25, al. 1er (N° Lexbase : L2533IBG).
(32) C. com., art. L. 225-47, al. 3 (N° Lexbase : L5918AIZ) et L. 225-55, al. 1er (N° Lexbase : L5926AIC).
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