Lexbase Public n°284 du 11 avril 2013

Lexbase Public - Édition n°284

Collectivités territoriales

[Brèves] Confirmation de l'annulation de la convention de financement pour la restauration de la Basilique Saint-Augustin d'Hippone à Annaba

Réf. : CAA Lyon, 3ème ch., 7 mars 2013, n° 12LY01489, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6588KBM)

Lecture: 1 min

N6565BTC

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Le 11 Avril 2013

La cour administrative d'appel de Lyon confirme l'annulation de la convention de financement pour la restauration de la Basilique Saint-Augustin d'Hippone à Annaba (Algérie) dans un arrêt rendu le 7 mars 2013 (CAA Lyon, 3ème ch., 7 mars 2013, n° 12LY01489, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6588KBM). Elle indique que l'association diocésaine d'Algérie, propriétaire du bien, à laquelle est reconnue la qualité de maître d'ouvrage, est une personne morale de droit privé, qui ne saurait constituer une "autorité locale étrangère", alors qu'elle est la seule bénéficiaire de la subvention litigieuse approuvée par la région Rhône-Alpes. En effet, eu égard à l'importance des engagements confiés à cette association, qui doit assumer l'ensemble des engagements autres que financiers, cette dernière ne saurait être regardée comme un simple exécutant d'une convention conclue entre la région Rhône-Alpes et les autorités locales algériennes concernées. Dès lors, la délibération contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 1115-1 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L6217HW8), aux termes duquel "les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, dans le respect des engagements internationaux de la France, conclure des conventions avec des autorités locales étrangères pour mener des actions de coopération ou d'aide au développement". En outre, par la délibération litigieuse, la région Rhône-Alpes s'engage à apporter une subvention d'un montant maximum de 450 000 euros réparti sur trois ans au projet de restauration de la basilique. En l'absence d'un lien particulier qui serait de nature à justifier la participation de cette région à une telle opération, ladite opération ne saurait être regardée comme relevant, pour la région Rhône-Alpes, d'un intérêt régional prévu à l'alinéa 1er de l'article L. 4221-1 du même code (N° Lexbase : L9530AA9), qui autorise le conseil régional à règler "par ses délibérations les affaires de la région".

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Comptabilité publique

[Brèves] Conditions d'élargissement du périmètre des exercices comptables contrôlés après l'entrée de la procédure dans la phase contentieuse

Réf. : CE 1° et 6° s-s-r., 5 avril 2013, n° 347536, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6574KB4)

Lecture: 2 min

N6567BTE

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Le 12 Avril 2013

Le Conseil d'Etat précise les conditions d'élargissement du périmètre des exercices comptables contrôlés après l'entrée de la procédure dans la phase contentieuse dans un arrêt rendu le 5 avril 2013 (CE 1° et 6° s-s-r., 5 avril 2013, n° 347536, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6574KB4). Le périmètre des exercices comptables contrôlés est défini par la Cour des comptes dans le cadre de la notification prévue à l'article R. 141-10 du Code des juridictions financières (N° Lexbase : L4434IC9). Le ministère public ne peut relever une charge en dehors de ce périmètre et la Cour des comptes ne peut fonder les décisions qu'elle rend dans l'exercice de sa fonction juridictionnelle sur les éléments matériels des comptes qui n'auraient pas été soumis préalablement à son contrôle et qui n'auraient pas été retenus par le ministère public dans son réquisitoire introductif d'instance comme susceptibles de fonder une charge à l'encontre du comptable concerné. Toutefois, un élargissement du périmètre du contrôle demeure possible une fois la procédure de jugement des comptes entrée dans sa phase contentieuse. Pour ce faire, il appartient à la Cour des comptes d'inclure dans le périmètre du contrôle, par une nouvelle notification prise sur le fondement de l'article R. 141-10 précité, un nouvel exercice comptable, puis au ministère public, au vu du rapport d'examen de ce nouveau compte ou au vu d'autres informations dont il dispose, de prononcer un réquisitoire supplétif concluant à l'existence d'un élément susceptible de conduire à la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable se rattachant à ce nouvel exercice. Dès lors, en se déclarant incompétente pour statuer sur la présomption de charge concernant M. X, agent comptable d'un organisme, au titre de l'exercice 2009, au motif que le fait générateur était intervenu au cours d'un exercice non soumis à son contrôle juridictionnel, ceci alors même que le réquisitoire à fin d'instruction de charge du représentant du ministère public par lequel l'instance a été ouverte dans les conditions prévues au III de l'article L. 142-1 du Code des juridictions financières (N° Lexbase : L7087IB4) incluait cet autre exercice comptable, la Cour des comptes n'a pas commis d'erreur de droit.

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Comptabilité publique

[Brèves] La phase de la procédure de jugement des comptes relative à la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable revêt un caractère contentieux

Réf. : CE 1° et 6° s-s-r., 5 avril 2013, n° 347536, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6570KBX)

Lecture: 2 min

N6566BTD

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Le 10 Avril 2013

La phase de la procédure de jugement des comptes relative à la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable revêt un caractère contentieux, énonce le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 5 avril 2013 (CE 1° et 6° s-s-r., 5 avril 2013, n° 347536, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6570KBX). Il résulte des dispositions de l'article L. 242-1 du Code des juridictions financières (N° Lexbase : L7012IBC), relatif aux activités juridictionnelles des chambres régionales des comptes, que la procédure de jugement des comptes est, le cas échéant, composée de deux phases. La première phase, ouverte par la notification au comptable et à l'ordonnateur concernés des exercices comptables sur lesquels elle porte et constituée par l'examen, à charge et à décharge, du compte contrôlé, réalisé par un magistrat de la chambre régionale des comptes et consigné dans un rapport communiqué au représentant du ministère public près cette chambre, ne revêt pas un caractère contentieux. Si le ministère public conclut, au vu du rapport d'examen des comptes à fin de jugement ou au vu des autres informations dont il dispose, à l'existence d'un élément susceptible de conduire à la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable, il saisit la formation de jugement et ouvre ce faisant, par son réquisitoire, une seconde phase de la procédure de jugement des comptes. Cette seconde phase, dans laquelle le juge des comptes ne peut, ainsi, entrer que sur saisine du ministère public, revêt, à la différence de la première, un caractère contentieux. Si le comptable et l'ordonnateur concernés sont informés de l'ouverture de la phase non contentieuse de la procédure de jugement des comptes par une notification de la chambre régionale des comptes qui précise notamment les exercices contrôlés, il résulte des termes mêmes du III de l'article L. 242-1 précité que la procédure de jugement des comptes ne revêt un caractère contradictoire qu'à compter de l'ouverture de la phase contentieuse par le réquisitoire du représentant du ministère public saisissant la formation de jugement. Dès lors, en annulant l'ordonnance du président de la chambre régionale des comptes de Picardie déchargeant les comptables de leur gestion au motif qu'elle avait été rendue sans que l'ordonnateur du centre hospitalier auquel le contrôle des comptes avait été notifié conformément aux dispositions de l'article R. 241-2 du même code (N° Lexbase : L4467ICG), ait été, ainsi, invité à faire valoir d'éventuels griefs à l'égard de la gestion des comptables et que, par suite, le principe du contradictoire n'avait pas été respecté, la Cour des comptes a commis une erreur de droit.

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Comptabilité publique

[Brèves] Le magistrat rapporteur ne peut instruire au-delà des griefs formulés dans le réquisitoire du ministère public ouvrant la phase contentieuse de la procédure de jugement des comptes

Réf. : CE 1° et 6° s-s-r., 5 avril 2013, n° 347536, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6581KBD)

Lecture: 2 min

N6568BTG

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Le 13 Avril 2013

Le magistrat rapporteur ne peut instruire au-delà des griefs formulés dans le réquisitoire du ministère public ouvrant la phase contentieuse de la procédure de jugement des comptes. Telle est la solution d'une décision rendue par le Conseil d'Etat le 5 avril 2013 (CE 1° et 6° s-s-r., 5 avril 2013, n° 347536, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6581KBD). Il résulte des dispositions des articles L. 241-2 (N° Lexbase : L6728G93), R. 212-19 (N° Lexbase : L4174IU7), R. 241-34 (N° Lexbase : L4526ICM), R. 241-35 (N° Lexbase : L4523ICI) et R. 241-39 (N° Lexbase : L4391ICM) du Code des juridictions financières, que lorsque, à l'issue de la première phase non contentieuse de la procédure de jugement des comptes, le ministère public conclut à l'existence d'un élément susceptible de conduire à la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable, il saisit, par son réquisitoire, la formation de jugement. Dans le cadre de la phase contentieuse de la procédure de jugement des comptes ouverte par le réquisitoire du ministère public, l'instruction dont est chargé le magistrat rapporteur de la chambre régionale ou territoriale des comptes ne peut porter que sur les griefs formulés par le ministère public dans ce réquisitoire introductif et, le cas échéant, dans un réquisitoire supplétif. Si, lorsque l'ordonnateur produit dans ses observations des éléments nouveaux se rapportant à des griefs formulés par le ministère public, il appartient au magistrat rapporteur de les instruire, en revanche, il n'appartient pas à ce magistrat d'instruire au-delà des termes du réquisitoire, que ce soit de sa propre initiative ou pour répondre aux observations d'une partie, sous peine de méconnaître le monopole des poursuites confié au ministère public par le législateur. Cette règle ne fait pas obstacle à ce que le ministère public, qui a accès à l'ensemble des mémoires et pièces versées au dossier, reprenne, s'il s'y croit fondé, dans un réquisitoire supplétif, les griefs nouveaux éventuellement formulés par une partie. Dès lors, en jugeant que le jugement attaqué a été rendu de façon irrégulière en l'absence d'instruction par le magistrat rapporteur des présomptions de charge invoquées par l'ordonnateur dans ses observations en réponse au réquisitoire du ministère public et que ce dernier n'avait pas reprises, la Cour des comptes a commis une erreur de droit.

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Droit des étrangers

[Jurisprudence] Chronique de droit des étrangers - Avril 2013

Lecture: 19 min

N6554BTW

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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz

Le 13 Avril 2013

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose de retrouver cette semaine la chronique de droit des étrangers de Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz. Au sommaire de cette chronique, tout d'abord, une décision rendue par le Conseil d'Etat le 13 février 2013 dans le contentieux des étrangers malades. La Haute juridiction apportant toujours plus de protection en exigeant la présence, dans l'avis médical établi en vue de la délivrance d'un titre de séjour, de l'indication de la capacité pour l'étranger de voyager sans risque vers son pays d'origine (CE 1° et 6° s-s-r., 13 février 2013, n° 349738, mentionné aux tables du recueil Lebon). La deuxième décision est un avis rendu par le Conseil d'Etat, toujours en date du 13 février 2013, qui affirme que, désormais, le refus implicite d'un titre de séjour peut servir de base légale à une décision portant obligation de quitter le territoire. Cette dernière décision devant, en conséquence, être motivée distinctement du refus de séjour contrairement à la règle de principe (CE 2° et 7° s-s-r., 13 février 2013, n° 363533, mentionné aux tables du recueil Lebon). Enfin, la dernière décision choisie par l'auteur concerne les recours contre les placements en rétention administrative, le Conseil d'Etat affirmant que les stipulations de l'article 5 § 4 de la Convention européenne des droits de l'Homme (N° Lexbase : L4786AQC) n'impliquent pas que ces recours aient un effet suspensif sur les mesures d'éloignement (CE 2° et 7° s-s-r., 4 mars 2013, n° 359428, publié au recueil Lebon).
  • L'absence, dans l'avis médical établi en vue de la délivrance d'un titre de séjour, de l'indication de la capacité pour l'étranger de voyager sans risque vers son pays d'origine peut être utilement invoquée pour contester la légalité du refus de titre de séjour (CE 1° et 6° s-s-r., 13 février 2013, n° 349738, mentionné aux tables du recueil Lebon [LXB= A1760I8P])

Il ressort des faits de l'espèce qu'une ressortissante marocaine a obtenu la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" pour raison de santé sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L5042IQS) afin de faire soigner son oeil droit après la perte de son oeil gauche. Le préfet de l'Hérault a ensuite renouvelé, par trois fois, la délivrance de ce titre de séjour, jusqu'en septembre 2005, avant de refuser un quatrième renouvellement par un arrêté en date du 19 janvier 2006. Selon la disposition législative précitée, la carte est délivrée de plein droit à l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin chef du service médical de la préfecture de police.

L'article L. 313-11 énumère onze catégories de personnes qui bénéficient de la délivrance "de plein droit" de ce titre de séjour, sous la seule réserve générale de la menace à l'ordre public. Si, dans la plupart des cas, il appartient au demandeur d'apporter la preuve qu'il entre objectivement dans telle ou telle catégorie, toute marge d'appréciation au profit de l'administration n'a pas disparu. Les catégories sont définies de manière tellement vague que l'administration se trouve bénéficier à nouveau d'une assez grande marge de manoeuvre. Si l'étranger appartient à une catégorie purement objective, la délivrance de plein droit du titre ne sera subordonnée qu'à la preuve de cette appartenance, mais si l'intéressé soutient appartenir à telle ou telle catégorie dont la définition laisse place à une appréciation plus subjective, comme c'est le cas en matière d'état de santé, le pouvoir discrétionnaire de l'administration retrouve toute sa place (1).

Le médecin inspecteur de santé publique a estimé, en l'espèce, que, si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge, ce défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressée pouvait, en tout état de cause, bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Le tribunal administratif de Marseille a, en ce sens, confirmé le refus du préfet, mais la cour administrative d'appel de Marseille (2) est revenue sur ce premier jugement en se fondant sur le fait que l'avis rendu par le médecin ne comportait pas d'indication sur la possibilité pour l'intéressée de voyager sans risque vers son pays d'origine, alors qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que son état de santé lui permettait de supporter un tel voyage (3). Pour la cour, l'absence de l'indication ne met pas l'autorité préfectorale à même de se prononcer de manière éclairée sur la situation de cet étranger. En conséquence, l'omission de l'indication en cause entache d'irrégularité la procédure suivie et, partant, affecte la légalité de l'arrêté pris à sa suite. C'est en ce sens que juge également le Conseil d'Etat en rejetant le pourvoi du ministre de l'Intérieur contre la décision de la cour administrative d'appel.

La décision ainsi rendue par le Conseil d'Etat peut apparaître, par certains égards, opportune dans un contentieux, celui des étrangers malades, où le juge administratif témoigne d'une volonté réitérée de protéger l'étranger gravement malade d'une façon efficace et, où le législateur se veut, par principe, plus sévère. La loi du 16 juin 2011, relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (4) a, notamment, tendu à encadrer les conditions de délivrance du titre de séjour accordé à un étranger malade afin de faire obstacle à une jurisprudence du juge administratif tendant à prendre en compte, enfin, la notion d'accès effectif aux soins dans le droit au séjour et l'éloignement des étrangers malades. Le juge administratif considérant qu'il appartenait à l'autorité administrative de vérifier que si un traitement existe, il soit accessible à la généralité de la population, eu égard, notamment, aux coûts du traitement ou à l'existence d'une prise en charge adaptée, soit parce qu'en dépit de l'accessibilité du traitement, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de la situation personnelle de l'étranger l'empêchent d'y accéder effectivement (5).

Visant à restreindre cette jurisprudence, considérée comme particulièrement favorable aux candidats à l'immigration, le législateur, via l'article L. 313-11 précité, a prévu qu'une carte de séjour est délivrée de plein droit à l'étranger malade résidant habituellement en France, "sous réserve de l'absence d'un traitement approprié" dans son pays, et non plus "sous réserve qu'il ne puisse effectivement y bénéficier d'un traitement approprié" (6). La disposition est d'autant plus sévère qu'elle peut amener à une interprétation qui l'est encore plus. Il a pu être jugé que les conséquences d'une exceptionnelle gravité d'un défaut de prise en charge médicale justifiant la délivrance d'un titre de séjour se limitaient au risque vital ou de handicap. Ainsi, un ressortissant turc, victime d'un accident de travail, est resté en France sous couvert d'autorisations provisoires délivrées pour raison de santé. Le préfet lui refuse un titre de séjour en raison de la possibilité de suivre un traitement approprié en Turquie. Ni le tribunal administratif, ni la cour d'appel ne trouvent à y redire : "le risque d'amputation d'une jambe, ne peut être juridiquement regardé comme un risque d'une exceptionnelle gravité" (7).

La modification législative a, au final, clairement pour conséquence de permettre à l'autorité administrative d'éloigner un étranger malade vers un pays dans lequel il ne pourra bénéficier d'un accès effectif au traitement, pourtant éventuellement nécessaire à sa survie. Il est, ainsi, louable que le Conseil d'Etat soit, comme en l'espèce, davantage vigilant en la matière. D'autant plus qu'il aurait pu, sur un plan strictement procédural, faire preuve de souplesse. L'existence d'un vice de procédure ne rend pas nécessairement la décision préfectorale irrégulière. Il en a justement été jugé ainsi à propos de l'avis médical donné par les médecins inspecteurs de santé publique alors qu'il aurait dû émaner de l'agence régionale de santé (8). Il est ainsi fait application de la jurisprudence "Danthony" qui permet de ne pas tenir compte du vice de procédure s'il est resté sans conséquence sur la décision (9). La décision du Conseil d'Etat est donc à saluer en ce sens sachant que, dans une telle hypothèse d'éloignement de l'étranger malade, seule l'invocation d'une violation de l'article 3 de la CESDH (N° Lexbase : L4764AQI) concernant les traitements inhumains et dégradants pourra faire échec à la mise en oeuvre de la mesure d'éloignement.

  • Le refus implicite d'un titre de séjour peut désormais servir de base légale à une décision portant obligation de quitter le territoire qui doit, en conséquence, faire l'objet d'une obligation de motivation distincte (CE 2° et 7° s-s-r., 13 février 2013, n° 363533, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1775I8A)

Tout étranger majeur qui souhaite séjourner en France doit, à l'expiration d'un délai de trois mois suivant son entrée, être muni d'un titre de séjour (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 311-1 N° Lexbase : L1242HPP). Ce principe s'impose à tous les étrangers, fussent-ils soumis à un accord international. La réponse de l'administration n'est pas toujours explicite et si elle ne statue pas sur la demande dans le délai de quatre mois fixé par l'article R. 311-12 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L1585HWM), elle est réputée avoir refusé implicitement le titre de séjour demandé, mais sans que ce refus soit assorti d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) (10). Par définition, une décision explicite de refus de séjour est accompagnée presque systématiquement d'une OQTF dans la mesure où le simple refus de séjour ne constitue pas, à lui seul, une mesure d'éloignement. En même temps, le préfet peut tout à fait refuser un titre de séjour, sans pour autant l'assortir d'une OQTF. L'hypothèse peut se rencontrer lorsque les personnes concernées ne peuvent être expulsées ou éloignées du territoire et que, par conséquent, l'OQTF ne pourra jamais être exécutée de force à l'encontre de l'étranger (11).

Dans le cas d'une décision implicite de refus, l'arrêté du préfet peut, ainsi, ne mentionner que l'OQTF, c'est le cas en l'espèce où le préfet des Côtes-d'Armor a pris un arrêté portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et interdiction de retour dans un délai de deux ans à l'encontre d'un ressortissant étranger en situation irrégulière. L'arrêté ne fait, cependant, aucune référence à une décision refusant ou retirant à un étranger le droit de demeurer sur le territoire national. Dans la rédaction issue de l'article 52 de la loi du 24 juillet 2006, relative à l'intégration et à l'immigration (N° Lexbase : L3439HKL) (12), l'article L. 511-1-I du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L7189IQC) prévoyait que le préfet ne pouvait prendre une décision obligeant un étranger à quitter le territoire français sans lui avoir dans la même décision refusé, de manière explicite, un titre de séjour. Dans un avis contentieux du 28 mars 2008 (13), le Conseil d'Etat en avait déduit qu'il résultait de ces dispositions que le préfet ne pouvait prendre une mesure d'OQTF à l'encontre d'un étranger sans lui avoir dans la même décision, opposé, à nouveau et de manière explicite, un refus à la demande de titre de séjour. En ce sens, un refus implicite de séjour dans un délai de quatre mois ne pouvait servir de base à une OQTF.

Le Conseil d'Etat reste fidèle à la lettre du texte, ou juge, comme il le précise lui-même, "en droit" mais en agissant de la sorte, il poursuit, néanmoins, une stratégie destinée à minimiser les méfaits du dispositif lié à l'OQTF en permettant qu'il soit supplanté par celui de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (14). La Haute assemblée redonne, ainsi, à ce dernier toute sa place, la faisant redevenir la seule mesure phare dans le contentieux d'éloignement des étrangers au détriment de l'OQTF. Le dispositif ayant jusque là donné des résultats assez éloignés des objectifs poursuivis, notamment en raison de son inefficacité patente, de l'explosion du contentieux qu'on entendait juguler, ou encore de la complexité encore accrue du régime de l'éloignement.

La loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (N° Lexbase : L4969IQ4), est venue modifier l'écriture de l'article L. 511-1. Son objectif est de rationaliser le droit de l'éloignement en transposant la Directive "retour", visant à harmoniser les règles juridiques des conditions d'éloignement des étrangers en situation irrégulière dans l'Union européenne (15). Adoptée après de longues négociations le 16 décembre 2008 par le Conseil, elle est la première Directive prise en matière d'immigration par la procédure de codécision . Son principe est de favoriser le départ volontaire pendant une période de sept à trente jours, ce délai pouvant être raccourci s'il existe un risque de fuite ou si la personne représente une menace pour l'ordre public. La loi étend, ainsi, le champ d'application de l'OQTF, qui devient la mesure d'éloignement de droit commun dans toutes les situations. En effet, le Code des étrangers prévoit qu'un étranger peut faire l'objet d'une OQTF dès lors qu'il a fait également l'objet d'une décision relative au séjour. En revanche, lorsqu'un éloignement est prononcé à l'encontre d'un étranger en situation irrégulière de façon autonome, c'est-à-dire sans lien avec une décision relative au séjour, celui-ci se voit notifier un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF) immédiatement exécutoire sans délai de départ volontaire. Cette distinction entre OQTF et APRF est supprimée dans le cadre de la transposition de la Directive. Ainsi, dans tous les cas de séjour irrégulier, l'étranger qui doit être éloigné relèvera de la procédure de l'OQTF et pourra donc bénéficier d'un délai de départ volontaire (titre Ier du livre V du Code des étrangers).

Tirant les conséquences de ces modifications, le Conseil d'Etat revient, en l'espèce, sur son avis du 28 mars 2008 précité, en affirmant que le refus implicite d'un titre de séjour peut désormais servir de base légale à une décision portant OQTF. Il résulte, en effet, des nouvelles dispositions que l'administration est désormais susceptible de prononcer une OQTF, sans que cette mesure d'éloignement se fonde sur un refus de séjour.

Toutefois, le Conseil d'Etat précise, qu'en vertu de l'article L. 511-1 (septième alinéa du I), la décision énonçant l'OQTF doit être motivée. Dans la pratique, lorsqu'une administration est saisie d'une demande de titre de séjour, elle statue le plus souvent de manière explicite et la motivation du refus de séjour sert alors, également, de motivation à l'OQTF subséquente. La question que l'on était en droit de se poser est de savoir quel est le régime de la motivation d'une OQTF reposant sur un refus de titre de séjour implicite qui, par définition, n'est pas motivé. Pour le Conseil d'Etat, dans le cadre d'une décision implicite de refus de séjour, l'exception à l'obligation de motivation ne peut trouver à s'appliquer. L'autorité administrative doit, en conséquence, dans ce cas et, comme le précise le Conseil d'Etat en l'espèce, "motiver sa décision en indiquant les circonstances de fait et les considérations de droit qui la justifient".

La décision du Conseil d'Etat est, en ce sens, intéressante dans la mesure où, s'il est constant que l'arrêté peut regrouper trois décisions (celle du refus de délivrance du titre de séjour, celle faisant obligation de quitter le territoire français, celle proposant une reconduite vers un pays soit de la nationalité de l'étranger, soit dans lequel il est légalement admissible), la question demeurait, toutefois, de savoir si elles devaient être motivées individuellement. La loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007, relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile (N° Lexbase : L2986H3Y) (16) y répondait par la négative. Son article 41 dispense tout simplement l'administration de motiver l'OQTF. Celle-ci n'est donc pas tenue de viser dans cette mesure la ou les disposition(s) législative(s) qui s'applique(nt) (17). Le Conseil d'Etat, dans la décision d'espèce, vient quelque peu clarifier les choses en rappelant l'obligation de motivation de l'OQTF, le refus de délivrance du titre et l'OQTF ne constituant pas les mêmes mesures, malgré l'approche adoptée par le législateur. Si la différence est mince, elle existe.

La cour administrative d'appel de Douai (18) a, notamment, mis en exergue une différence certaine entre le droit européen et le droit français sur la motivation de telles décisions, l'OQTF devant être motivée par simple application du droit européen (19), ce qui a donc pour effet d'écarter les dispositions du CESEDA sur ce point. A terme, il faudra forcément mettre fin à cette discordance entre le droit interne et le droit européen, sous peine d'éviter des sanctions répétées des décisions des juridictions administratives.

  • Les stipulations de l'article 5 § 4 de la CESDH n'impliquent pas que le recours contre un placement en rétention ait un effet suspensif sur une mesure d'éloignement (CE 2° et 7° s-s-r., 4 mars 2013, n° 359428, publié au recueil Lebon)

La Cour européenne des droits de l'Homme semble aujourd'hui être le véritable gardien des lieux d'enfermement des étrangers en quête d'admission sur le territoire d'un Etat européen et le Conseil d'Etat s'incline souvent devant sa jurisprudence plus protectrice. Tel n'est pas, cependant, toujours le cas.

Il ressort des faits de l'espèce qu'un ressortissant de nationalité tunisienne est entré irrégulièrement en France au début de l'année 2011. Le préfet de la Gironde a décidé sa reconduite à la frontière par un arrêté du 5 mars 2011, le recours ayant été formé contre cet arrêté ayant été rejeté le 9 mars 2011 par une décision devenue définitive du tribunal administratif de Pau. Le requérant a été interpellé, à nouveau, le 7 octobre 2011 faisant ainsi l'objet, le même jour, d'un arrêté préfectoral décidant son placement en rétention administrative. Un nouveau recours est effectué contre cet arrêté de placement en rétention, rejeté encore une fois, cette fois par le tribunal administratif de Bordeaux le 11 octobre 2011.

La cour administrative d'appel de Bordeaux annule, néanmoins, cet arrêté par un arrêt rendu le 20 mars 2012 (20) en tant seulement qu'il indique que "le recours juridictionnel contre la décision de placement en rétention administrative ne suspend pas l'exécution de la mesure d'éloignement". L'absence de recours suspensif contre le placement en rétention étant, selon la Cour, incompatible avec les exigences de l'article 5 § 4 de la CESDH, selon lequel "toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale". Ces stipulations impliquant qu'un étranger faisant l'objet d'un placement en rétention ne puisse, effectivement, être éloigné avant que le juge ait statué sur le recours qu'il a, le cas échéant, introduit contre le placement en rétention. Le ministre de l'Intérieur se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a partiellement annulé l'arrêté de placement en rétention.

Le Conseil d'Etat casse l'arrêt de la cour administrative d'appel en rappelant que législateur a organisé une procédure spéciale pour que le juge statue rapidement sur les mesures d'éloignement lorsque l'étranger est placé en rétention ou assigné à résidence, ainsi que sur ces mesures privatives de liberté elles-mêmes (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 512-1 § 3 N° Lexbase : L7203IQT). Il insiste, notamment, sur le caractère distinct des procédures, la célérité du jugement du président du tribunal administratif ou du magistrat désigné à cet effet qui statue au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine, ou encore sur le fait que l'OQTF ne peut être exécutée d'office avant que le tribunal n'ait statué sur la demande d'annulation s'il est saisi (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 512-3 N° Lexbase : L7201IQR). Il en conclut "que les stipulations de l'article 5, paragraphe 4 [de la CESDH], qui garantissent le droit d'une personne privée de liberté de former un recours devant un tribunal qui statue rapidement sur la légalité de la détention, n'ont ni pour objet, ni pour effet, de conduire à reconnaître un caractère suspensif aux recours susceptibles d'être exercés contre les mesures de placement en rétention administrative prises pour assurer l'exécution des décisions, distinctes, qui ont ordonné l'éloignement des étrangers placés en rétention". L'arrêt de la cour cassé, le Conseil d'Etat règle l'affaire au fond et rejette le recours de l'intéressé qui portait sur la seule mesure de placement en rétention, jugeant implicitement que la fin de la rétention ne prive pas d'objet le recours.

Lorsqu'on évoque l'article 5 § 4 de la CESDH, on parle d'habeas corpus de la Convention (21). L'article donne à tout détenu le droit de faire promptement contrôler sa détention par le juge. Le droit à la liberté et à la sûreté qui y sont garantis sont des éléments essentiels du dispositif de la Convention, l'article en constituant un des piliers (22). Il instaure au profit de toute personne privée de sa liberté un droit de nature procédurale qui a une existence indépendante du premier paragraphe de l'article, lequel a trait au bien-fondé de la décision. Il faut, précise la Cour, "assurer aux individus arrêtés ou détenus le droit à une vérification juridictionnelle de la légalité de la mesure ainsi prise à leur égard" (23). Il doit s'agir de voies de recours existant "avec un degré suffisant de certitude, sans quoi lui manquent l'accessibilité et l'effectivité requises" (24).

Par exemple, l'atténuation du discernement d'une personne détenue dans un hôpital psychiatrique impose qu'elle puisse bénéficier du concours effectif d'un avocat pour l'assister dans les procédures prescrites par l'article 5 § 4 (25). En revanche, un strict parallélisme avec les garanties de l'article 6 n'a pas lieu d'être. L'exigence d'équité procédurale découlant de l'article 5 § 4 n'impose pas l'application de critères uniformes et immuables indépendants du contexte, des faits et des circonstances de la cause. Si une procédure relevant de l'article 5 § 4 ne doit pas toujours s'accompagner de garanties identiques à celles que l'article 6 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR) prescrit pour les litiges civils ou pénaux, elle doit revêtir un caractère judiciaire et offrir à l'individu mis en cause des garanties adaptées à la nature de la privation de liberté dont il se plaint.

En revanche, rien n'impose, dans la jurisprudence de la Cour, que les stipulations de l'article 5 § 4 impliquent qu'un étranger faisant l'objet d'un placement en rétention ne puisse être effectivement éloigné avant que le juge n'ait statué sur le recours. Comme peut le relever le Conseil d'Etat, "les stipulations de l'article 5, paragraphe 4 [de la CESDH] [...], n'ont ni pour objet, ni pour effet de conduire à reconnaître un caractère suspensif aux recours susceptibles d'être exercés contre les mesures de placement en rétention administrative prises pour assurer l'exécution des décisions, distinctes, qui ont ordonné l'éloignement des étrangers placés en rétention". Il y a là une prise de position néanmoins assez risquée de la part de la Haute juridiction française dans la mesure où la Cour européenne a plusieurs fois sanctionné la France dans l'ensemble des procédures touchant au contentieux des étrangers justement pour absence de recours suspensif.

Dans un arrêt "Gebremehdin" (26), la Cour européenne des droits de l'Homme a, par exemple, estimé que l'absence de recours suspensif en cas de refus de demande d'asile à la frontière est constitutive d'une violation des articles 13 (droit au recours) (N° Lexbase : L4746AQT) et 3 (prohibition des traitements inhumains et dégradants) (N° Lexbase : L4746AQI) de cette Convention : l'étranger risquant d'être soumis dans son pays d'origine à des traitements inhumains ou dégradants doit pouvoir déposer un recours contre la décision administrative lui refusant l'entrée au titre de l'asile, et pour que ce recours soit effectif, il doit non seulement faire l'objet d'un examen indépendant et rigoureux, mais aussi être de plein droit suspensif. Or, le droit français ne prévoyait pas de recours particulier, c'était la voie du référé-liberté ou du référé-suspension qui était empruntée, et ces procédures n'avaient pas de plein droit un caractère suspensif. Le Gouvernement, tirant les conséquences de cette décision de la Cour européenne des droits de l'Homme, avait introduit dans la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 un nouvel article L. 213-9 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L5103IPP) conférant un caractère suspensif au recours en annulation introduit par l'étranger non autorisé à entrer sur le territoire au titre de l'asile dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision de refus d'entrée.

La Cour européenne a également sanctionné récemment l'absence de recours suspensif dans la procédure "prioritaire" qui autorise le renvoi de demandeurs d'asile dans leurs pays avant l'examen de leurs griefs par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) et l'a jugé incompatible avec les obligations issues de la Convention européenne des droits de l'homme. En 2011, un quart des demandes d'asile en France a été examiné selon cette procédure accélérée. Dans une décision du 2 février 2012 (27), la Cour de Strasbourg souligne que l'effectivité d'un recours "implique des exigences de qualité, de rapidité et de suspensivité, compte tenu en particulier de l'importance que la Cour attache à l'article 3 et de la nature irréversible du dommage susceptible d'être causé en cas de réalisation du risque de torture ou de mauvais traitements". Cette absence de recours suspensif devant la CNDA pour les demandes d'asile en procédure prioritaire a placé des milliers de personnes en danger. Depuis plusieurs années, les instances de surveillance du respect des textes internationaux au sein des Nations unies et du Conseil de l'Europe et les organisations non gouvernementales n'ont cessé de recommander à la France de remédier à cette situation.

Enfin, pour finir, il faut aussi évoquer la récente condamnation de la France par la Grande chambre de la CEDH pour violation du droit à un recours effectif combiné au droit à une vie privée et familiale normale à l'endroit d'un ressortissant brésilien éloigné de Guyane. Ce ressortissant avait fait l'objet d'un ARPF et avait été reconduit au Brésil dès le lendemain, malgré son recours devant le tribunal administratif de Cayenne. Un tel recours n'est, en effet, pas suspensif en Guyane (28). Le ressortissant brésilien a, par la suite, saisi la CEDH en se plaignant, notamment, de l'impossibilité dans laquelle il s'était trouvé de contester la mesure de reconduite à la frontière. L'affaire a été renvoyée devant la Grande chambre après que la Cour ait conclu à l'absence de violation de l'article 13 garantissant le droit à un recours effectif (29). La Grande chambre a estimé que l'éloignement s'est déroulé suivant une procédure extrêmement rapide, "voire expéditive", n'ayant pas permis à l'intéressé d'obtenir, avant son éloignement, un examen suffisamment approfondi et offrant des garanties procédurales adéquates de la légalité de la mesure (30).

Espérons, au final, que la procédure d'espèce du recours juridictionnel contre la décision de placement en rétention administrative ne subisse à la longue le même sort.


(1) La réserve d'ordre public restant justifiée par le fait que les étrangers ne disposent d'aucun droit de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national.
(2) CAA Marseille, 2ème ch., 22 mars 2011, n° 09MA02258, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8458HQC).
(3) Il ressort, notamment, des pièces du dossier que l'intéressée, qui a déjà perdu la vision par son oeil gauche, souffre à son oeil droit d'une vision très limitée en raison d'une pathologie dégénérative grave susceptible de conduire à terme à une totale cécité en l'absence de soins réguliers et de surveillance adéquate.
(4) Loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (JO, 17 juin 2011, p. 10290).
(5) Cf. CE, S., 7 avril 2010, deux arrêts, publié au recueil Lebon n° 301640, (N° Lexbase : A5643EUK), JCP éd. A, 2010, n° 2238, comm. B. Demagny et S. Slama et n° 316625 (N° Lexbase : A5665EUD), JCP éd. A, 2010, act. 315.
(6) Cette disposition réservant, toutefois, le cas d'une "circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé", afin de tenir compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme.
(7) CAA Marseille, 8ème ch., 17 juillet 2012, n° 10MA04395, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1384IS3), AJDA, 2012, p. 2200.
(8) CAA Lyon, 5ème ch., 12 avril 2012, n° 11LY02230 (N° Lexbase : A8065IPE), AJDA, 2012, p. 1423 ; CAA Nantes, 4ème ch., 20 juillet 2012, n° 11NT01538, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6763ISB), AJDA, 2012, p. 2036.
(9) CE, S., 23 décembre 2011, n° 335033, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6763ISB), AJDA, 2012, p. 195, chron. X. Domino et A. Bretonneau, RFDA, 2012, p. 284, concl. G. Dumortier.
(10) Depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (N° Lexbase : L0420AIE), un silence de deux mois de l'administration à la suite d'une demande équivaut à une "décision implicite de rejet" ou à un refus dit "implicite". En ce qui concerne les titres de séjour, en revanche, le décret n° 2002-814 du 3 mai 2002, pris pour l'application de l'article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et relatif aux délais faisant naître une décision implicite de rejet (N° Lexbase : L5987IWN), prévoit une dérogation à cette règle : "le silence gardé pendant plus de quatre mois sur les demandes de titre de séjour présentées en application du [...] décret [du 30 juin 1946, lequel réglemente la délivrance des cartes de séjour] vaut décision de rejet".
(11) Ces personnes protégées sont mentionnées sous l'article L. 511-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L7191IQE). Ce sont, par exemple, l'étranger mineur de dix-huit ans, l'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ou encore l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans...
(12) Loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006, relative à l'immigration et à l'intégration (JO, 25 juillet 2006, p. 11047).
(13) CE 2° et 7° s-s-r., 28 mars 2008, n° 311893, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5986D7T).
(14) Voir, en ce sens, O. Lecucq, Obligation de quitter le territoire français : suite... et fin ?, AJDA, 2008, p. 2175.
(15) Directive (CE) 2008/115 du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en situation irrégulière (N° Lexbase : L3289ICS) (JOUE n° L 348, 24 décembre 2008, p. 98).
(16) JO, 21 novembre 2007, p. 18993.
(17) Voir, en en ce sens, CAA Douai, Plén., 30 octobre 2008, n° 08DA00863, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5083EBU), AJDA, 2009, p. 32, obs. Lepers.
(18) CAA Douai, 1ère ch., 16 mai 2012, n°11DA01670, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6248IQH), JCP 2013 éd. A, n° 2027, comm. J.-B. Vila.
(19) En vertu de la Directive (CE) 2008/115 du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en situation irrégulière, préc..
(20) CAA Bordeaux, 5ème ch., 20 mars 2012, n° 11BX02932, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7692IGY), AJDA, 2012, p. 1023.
(21) La cour affirmant qu'il consacre des "habeas corpus guarantees". C'est par la procédure de l'Habeas corpus que la liberté individuelle a été introduite en Angleterre en 1679, ce qui met en lumière le fait que la garantie procédurale est essentielle à cette liberté.
(22) Cf., notamment, CEDH, 18 juin 1971, Req. 2832/66 (N° Lexbase : A1789ERP), § 65.
(23) CEDH, 18 juin 1971, Req. 2832/66, préc., § 76.
(24) Par exemple, CEDH, 24 juin 2004, Req. 49158/99, § 31 à 37.
(25) CEDH, 12 mai 1992, Req. 13770/88 (N° Lexbase : A9966KBQ), § 23-27.
(26) CEDH, 26 avril 2007, Req. 25389/05 (N° Lexbase : A9539DUT).
(27) CEDH, 2 février 2012, Req. 9152/09 (N° Lexbase : A9424IBN), DA, avril 2012, comm. n° 37, V. Tchen, JCP éd. A, 2012, n° 2212, comm. G. Marti.
(28) CE 2° et 7° s-s-r., 9 novembre 2011, n° 346700, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9082HZE), AJDA, 2011, p. 2208.
(29) CEDH, 30 juin 2011, Req. 22689/07 (N° Lexbase : A5582HUB), AJDA, 2011, p. 1348.
(30) CEDH, 13 décembre 2012, Req. 22689/07 (N° Lexbase : A8274IY4), D. 2013, p. 91, AJDA, 2012, p. 2408.

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Électoral

[Brèves] Interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député, de sénateur ou de représentant au Parlement européen

Réf. : Communiqué du Conseil des ministres du 3 avril 2013

Lecture: 1 min

N6545BTL

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Le 05 Avril 2013

Le ministre de l'Intérieur a présenté, lors du Conseil des ministres du 3 avril 2013, un projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député et de sénateur, ainsi qu'un projet de loi interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen. Actuellement, 58 % des députés et 59 % des sénateurs détiennent, également, une fonction exécutive locale de direction ou de co-direction d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Les réformes successives de la décentralisation ont accru la charge de l'exercice de fonctions exécutives au sein des collectivités territoriales. De plus, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 (loi n° 2008-724 de modernisation des institutions de la Vème République N° Lexbase : L7298IAK) a rénové la procédure législative et accru les prérogatives des parlementaires. Il s'agit, ainsi, de permettre le renouveau de la vie publique, en facilitant l'accès de nouvelles personnalités aux mandats et fonctions électives. Les deux textes rendent incompatibles l'exercice d'un mandat parlementaire national ou européen avec l'exercice de fonctions de direction ou de co-direction au sein des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, en métropole et outre-mer. L'incompatibilité est aussi étendue à certaines fonctions non exécutives qui revêtent une importance significative, telles que les présidences des assemblées locales en Corse, en Martinique, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Le projet de loi organique tire, également, les conséquences de ces incompatibilités nouvelles en ouvrant, notamment à la démission, les cas pouvant donner lieu au remplacement d'un parlementaire par son suppléant. Les dates d'entrée en vigueur de ces dispositions tiennent compte des impératifs juridiques soulignés par le Conseil d'Etat lors de l'examen des textes. Elles seront applicables à compter du premier renouvellement des assemblées concernées suivant le 31 mars 2017. Ces dates permettent de ne pas remettre en cause la sincérité du scrutin et de ne pas fragiliser les textes par un effet rétroactif des dispositions relatives au remplacement, que le Conseil constitutionnel pourrait censurer (communiqué du 3 avril 2013).

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Environnement

[Textes] Bulletin droit de l'environnement du Cabinet Savin Martinet Associés : actualités du droit des ICPE

Lecture: 8 min

N6323BTD

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Le 23 Octobre 2014

En constante évolution, le droit des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) est l'objet de fréquentes modifications visant à instaurer davantage de contrôles, à prendre en compte plus efficacement les enjeux environnementaux et à simplifier sa mise en oeuvre. Quelques modifications fondamentales ont ainsi marqué l'année 2012, relatives à la création de l'ICPE (I), à son fonctionnement (II), et, enfin, à la cessation d'activité (III). I - Les obligations préalables à la naissance d'une ICPE

La réforme des outils de l'étude d'impact et de l'enquête publique (A), ainsi qu'une extension de l'obligation de constitution de garanties financières (B), ont simplifié le Code de l'environnement et mieux pris en compte les enjeux environnementaux lors de la création d'une ICPE.

A - La réforme de l'étude d'impact et de l'enquête publique

Un décret n° 2011-2018 du 29 décembre 2011 (N° Lexbase : L5121IR4) réforme les enquêtes publiques relatives aux opérations susceptibles d'affecter l'environnement. Ce décret permet une simplification de la procédure puisque les enquêtes publiques sont regroupées en deux catégories : les enquêtes relevant du Code de l'environnement et celles relevant du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Ce premier décret vise, également, à améliorer la participation du public à la décision publique. Ainsi, le texte précise les modalités de publicité de l'enquête, ainsi que les moyens dont dispose le public pour formuler ses observations, la participation pouvant, notamment, se dérouler par voie électronique.

Le décret n° 2011-2021 (N° Lexbase : L5096IR8) fixe la liste des projets, plans et programmes devant obligatoirement faire l'objet d'une communication au public par voie électronique dans le cadre de l'expérimentation prévue au II de l'article L. 123-10 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L1284ISD). Treize catégories de projets, plans et programmes sont concernées par cette expérimentation électronique, dont le bilan devra être établi avant 2017.

Le décret n° 2011-2019 (N° Lexbase : L5124IR9) réforme le contenu et le champ d'application de l'étude d'impact des projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements, renforçant celle-ci, par exemple en imposant l'analyse des effets cumulés du projet. Les projets visés par l'étude d'impact sont limitativement énumérés à l'annexe de l'article R. 122-2 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L5490IRR). Ils sont soumis soit à une étude d'impact obligatoire en toute circonstance, soit à une étude d'impact au cas par cas en fonction de seuils.

Un arrêté du 22 mai 2012 fixant le modèle du formulaire de demande d'examen au cas par cas (N° Lexbase : L2123ITS) parachève ces réformes. Ces quatre textes sont entrés en vigueur le 1er juin 2012.

B - L'extension de l'obligation de constitution de garanties financières

Le décret n° 2012-633 du 3 mai 2012, relatif à l'obligation de constituer des garanties financières en vue de la mise en sécurité de certaines installations classées pour la protection de l'environnement (N° Lexbase : L0078IT3), entré en vigueur le 1er juillet 2012, pose le principe de l'élargissement de l'obligation de constitution de garanties financières à certaines installations énumérées à l'article R. 516-1 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L0259ITR).

Deux sous-catégories d'installations sont prévues par un arrêté du 31 mai 2012 (N° Lexbase : L4525ITR).

La première liste concerne les installations pour lesquelles l'obligation de constitution des garanties démarre au 1er juillet 2012. Il s'agit de toutes les installations soumises à autorisation au titre de l'article L. 512-2 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L8883IMX) et d'installations de transit, regroupement, tri ou traitement de déchets soumises au régime d'autorisation, même simplifié.

La seconde liste vise les installations soumises à autorisation listées en annexe II de l'arrêté du 31 mai 2012 (N° Lexbase : L4525ITR) et pour lesquelles l'obligation démarre soit au 1er juillet 2012 soit au 1er juillet 2017, en fonction de seuils définis par cette annexe. Il s'agit en réalité d'installations relevant de la Directive européenne du 15 janvier 2008, relative à la prévention et à la réduction intégrée de la pollution, dite Directive "IPPC".

Si le montant de la garantie financière s'avère inférieur à 75 000 euros, aucune constitution de garanties financières ne sera demandée. L'arrêté du 31 mai 2012 précité et un autre décret du 31 juillet 2012 (N° Lexbase : L8877ITX) précisent les modalités de calcul et de constitution des garanties financières.

II - Le contrôle du fonctionnement des ICPE

Les ICPE font l'objet de contrôles lors de leur exploitation, contrôles renforcés en cas de modifications substantielles de l'activité (A), et harmonisés d'ici le 1er juillet 2013 avec la réforme des polices administratives et judiciaires de l'environnement (B).

A - Le renforcement des contrôles des ICPE faisant l'objet de modifications substantielles

La prévention et le traitement des sols pollués ont fait l'objet du décret n° 2013-5 du 2 janvier 2013 (N° Lexbase : L8528IUE).

Ce décret renforce les contrôles en cas de modification substantielle des ICPE soumises à garanties financières, pour lesquelles l'exploitant devra remettre au préfet :

- un état de la pollution des sols à chaque changement notable de son installation (une simple évolution de l'activité de l'exploitant, sans modification substantielle, n'implique donc pas l'établissement d'un tel document) ;

- les mesures de gestion de la pollution des sols, dont la définition sera précisée ultérieurement par un arrêté ministériel, dans le cas d'une pollution des sols.

Le décret du 2 janvier 2013 prévoit également la possibilité, pour le préfet, d'instituer des servitudes d'utilité publique, après la réalisation d'une enquête publique. Ces servitudes peuvent concerner des sites pollués par l'exploitation d'une ICPE ou sur l'emprise d'une installation de stockage de déchets. L'initiative d'instauration de ces servitudes peut émaner de l'exploitant lui-même, du propriétaire du terrain, du maire de la commune concernée, ou encore du préfet.

Il convient de noter qu'un arrêt récent du juge administratif a considéré que la défaillance de l'autorité compétente en matière de contrôle d'une ICPE peut avoir pour conséquence l'engagement de la responsabilité de l'Etat. Ainsi, la cour administrative d'appel de Bordeaux a mis en évidence les carences fautives de l'Etat dans la surveillance de l'usine AZF détruite par une explosion le 21 septembre 2001 dans un arrêt du 24 janvier 2013 (CAA Bordeaux, 3ème ch., 24 janvier 2013, n° 10BX02881 N° Lexbase : A9118I34). La cour a, ainsi, considéré que l'Etat ne peut s'exonérer de sa responsabilité en faisant valoir des défaillances détectables durables et d'incidence très graves dans l'exploitation de l'ICPE puisque ces mêmes défaillances auraient dû être sanctionnées par l'Etat. Cette faute de surveillance de l'ICPE a donc permis une réparation du préjudice des requérants sur le fondement de la perte de chance d'échapper à l'explosion. Cet arrêt pourrait avoir pour conséquences une intensification des contrôles des ICPE en exploitation, indépendamment de la modification substantielle de leur activité.

B - L'harmonisation des polices administrative et judiciaire de l'environnement

Prise en application de la loi dite "Grenelle II" du 12 juillet 2010 (loi n° 2010-788, portant engagement national pour l'environnement N° Lexbase : L7066IMN), l'ordonnance n° 2012-34 du 11 janvier 2012, portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du Code de l'environnement (N° Lexbase : L7242IRN), est intervenue pour harmoniser, réformer et simplifier les procédures de contrôle et les sanctions administratives et pénales. Elle entrera en vigueur le 1er juillet 2013.

L'ordonnance insère un nouveau titre dans le Code de l'environnement prévoyant les "dispositions communes relatives aux contrôles et aux sanctions". Ce nouveau titre VII du livre I du Code de l'environnement constituera le socle des dispositions applicables en matière de contrôles administratifs, de police judiciaire et de sanctions administratives et pénales. Il permettra l'uniformisation et l'extension des outils de contrôle et de sanction et l'harmonisation de ces dernières.

L'ordonnance détermine les catégories de fonctionnaires et d'agents habilités à exercer les fonctions de police judiciaire dans les domaines de l'environnement. Ces agents porteront la dénomination d'"inspecteurs de l'environnement" (futur article L. 172-1 du Code de l'environnement). Ces agents seront habilités à constater les infractions à plusieurs polices de l'environnement, bien qu'ils soient commissionnés par spécialités. L'ordonnance étend également la procédure de la transaction pénale à tous les domaines du Code de l'environnement (futur article L. 173-12 du Code de l'environnement).

III - La cessation d'activité de l'ICPE

A la suite à la cessation d'activité de l'ICPE, l'exploitant est soumis a une obligation de remise en état qui ne nécessite pas de mise en demeure préalable, et dont le non-respect peut entraîner la mise en jeu de sa responsabilité pénale, administrative, et est constitutive d'une faute civile (A). En outre, cette obligation de remise en état implique la prise en compte de l'état antérieur du site dans le cas où l'ICPE relèverait de la Directive européenne "IED" (Directive (UE) 2010/75 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010, relative aux émissions industrielles N° Lexbase : L4045IPI) (B).

A - La remise en état du site : une obligation indépendante de toute mise en demeure

Par une décision du 16 janvier 2013 (Cass. civ. 3, 16 janvier 2013, n° 11-27.101, FS-P+B+R N° Lexbase : A4958I3Z), la Cour de cassation a rappelé le fait que l'inexécution de l'obligation administrative de remise en état constitue une faute civile sur le fondement de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ). Afin de rejeter la demande d'indemnisation de l'acquéreur d'un terrain pollué, la Cour d'appel s'était fondé sur le droit des ICPE pour juger que l'exploitant n'avait qu'une obligation d'informer le préfet dans le mois suivant la cessation d'activité et de remettre le site en état sous réserve d'injonctions administratives si tel n'était pas le cas. Aucun délai n'étant prévu contractuellement pour remplir l'obligation de remise en état, et faute de mise en demeure préalable par l'acquéreur, le vendeur ne pouvait être tenu d'indemniser l'acquéreur.

La Cour de cassation casse l'arrêt d'appel estimant que "l'article 34 du décret du 21 septembre 1977 (N° Lexbase : L1886HCT) impose à l'exploitant de remettre le site de l'installation dans un état tel qu'il ne s'y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976 (N° Lexbase : L6346AG7), sans qu'il y ait lieu à mise en demeure". La Cour rappelle donc la portée de l'obligation administrative de remise en état, indépendante de toute mise en demeure préalable, ainsi que les conséquences d'un non-respect de celle-ci sur le plan du droit civil.

B - L'impact de la Directive européenne relative aux émissions industrielles sur la remise en état

En droit communautaire, les installations les plus polluantes sont régies par la Directive (UE) 2010/75 relative aux émissions industrielles, dite Directive "IED". Cette Directive a remplacé la Directive "IPPC" dont les dispositions restent, néanmoins, applicables jusqu'au 6 janvier 2014. Elle en conserve les principes directeurs tout en les renforçant et en encadrant plus étroitement la mise en oeuvre afin d'éviter les distorsions d'application entre Etats membres. En France, la Directive "IED" a été transposée par l'ordonnance n° 2012-7 du 5 janvier 2012 (N° Lexbase : L6276IRU). Le décret d'application de cette ordonnance est attendu courant 2013. Les installations relevant de la Directive "IED" sont spécifiquement mentionnées dans le Code de l'environnement aux articles L. 515-28 (N° Lexbase : L6411IRU) à L. 151-31. L'ordonnance prévoit un réexamen périodique des autorisations, ainsi qu'une participation du public dans ce cas précis. Elle introduit, en outre, un principe de mise en oeuvre des meilleures techniques disponibles (MDT).

En matière de remise en état, l'ordonnance a créé un nouvel article L. 515-30 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L6413IRX) qui dispose que la remise en état d'un site sur lequel se trouvait une installation visée par la Directive "IED" devra correspondre à un état du site, tel que décrit par l'exploitant dans un rapport de base, avant la mise en service de l'installation ou lors du premier réexamen de l'installation. La remise en état du site doit donc être réalisée compte tenu de son utilisation future mais, également, eu égard à son état antérieur.

Savin Martinet Associés - www.smaparis.com - Cabinet d'avocats-conseils

Contacts :

Patricia Savin (savin@smaparis.com)

Yvon Martinet (martinet@smaparis.com)

newsid:436323

Environnement

[Brèves] Les dispositions des plans régionaux de prévention et de gestion des déchets dangereux doivent être compatibles avec les autorisations délivrées

Réf. : TA Toulouse, 21 mars 2013, n° 0804157 (N° Lexbase : A5810KBS)

Lecture: 2 min

N6569BTH

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Le 18 Avril 2013

Les dispositions des plans régionaux de prévention et de gestion des déchets dangereux (PREDD) doivent être compatibles avec les autorisations délivrées, énonce le tribunal administratif de Toulouse dans un jugement rendu le 21 mars 2013 (TA Toulouse, 21 mars 2013, n° 0804157 N° Lexbase : A5810KBS). L'association requérante demandait l'annulation de l'arrêté du préfet du Tarn autorisant la société X à augmenter le tonnage annuel reçu par un centre de traitement et de stockage de déchets dangereux. Le tribunal indique que les dispositions de l'article L. 541-13 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L9607IN7) imposent aux PREDD, de définir les priorités à retenir pour atteindre les objectifs fixés à l'article L. 541-1 du même code (N° Lexbase : L9593INM), au nombre desquels figure, notamment, la limitation en distance et en volume du transport des déchets. Il en résulte que les PREDD peuvent légalement circonscrire les zones de provenance des déchets à traiter sur le territoire dès lors que les limitations ainsi apportées ne sont pas discriminatoires et sont conformes aux principes fixés par les articles L. 541-1 et L. 541-13 précités. Le PREDD pour la région Midi-Pyrénées a prévu, pour la mise en oeuvre des objectifs définis à l'article L. 541-1, que ce centre peut accueillir des déchets ultimes à hauteur de 30 000 tonnes par an et que, dans cette limite annuelle, les déchets traités et stockés peuvent provenir des régions françaises limitrophes. Or, l'arrêté attaqué autorise, notamment, la société X à accueillir sur le site une quantité annuelle de déchets dangereux pouvant aller jusqu'à 50 000 tonnes. Il l'autorise aussi à recevoir des déchets dangereux en provenance des Régions Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-D'azur, dans la limite de 10 000 tonnes par an. Il méconnaît, ainsi, de façon substantielle les dispositions du PREDD tant en ce qui concerne les zones de provenance, que le tonnage maximum annuel prévus. Il n'est, par suite, pas compatible avec les dispositions de ce plan en ce qu'il excède 30 000 tonnes pour ce qui concerne le traitement et le stockage des déchets dangereux et en tant qu'il étend la zone de provenance à des régions qui ne sont pas limitrophes de la région Midi-Pyrénées. L'arrêté préfectoral est donc annulé sur ce point.

newsid:436569

Fonction publique

[Brèves] Des arrêts de travail liés à une maladie imputable au service ne peuvent être pris en compte au titre de la maladie ordinaire

Réf. : TA Pau, 21 mars 2013, n° 1300336 (N° Lexbase : A0103KBG)

Lecture: 2 min

N6547BTN

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Le 11 Avril 2013

Des arrêts de travail liés à une maladie imputable au service ne peuvent être pris en compte au titre de la maladie ordinaire, rappelle le tribunal administratif de Pau dans un jugement rendu le 21 mars 2013 (TA Pau, 21 mars 2013, n° 1300336 N° Lexbase : A0103KBG, voir déjà CE 3° et 8° s-s-r., 21 novembre 2012, n° 344561, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A2637IXX et lire N° Lexbase : N4642BT4). Mme X, agent public hospitalier victime d'un accident du travail, demande la suspension de l'exécution de la décision par laquelle le directeur d'un centre hospitalier a décidé que les arrêts de travail dont elle bénéficie seraient désormais pris en compte au titre de la maladie ordinaire et ne sont donc plus pris en charge au titre du régime des accidents du travail. Le tribunal relève que l'intéressée perçoit un mi-traitement depuis le mois de mars 2013, correspondant à la somme de 804 euros nets mensuels, alors qu'elle doit subvenir aux besoins de ses deux enfants majeurs et supporte des charges fixes s'élevant à environ 1 000 euros par mois. Compte tenu, par ailleurs, de l'impossibilité matérielle dans laquelle elle se trouve désormais de supporter, à ses frais, le coût d'un billet d'avion pour se rendre à ses rendez-vous médicaux, l'exécution de la décision attaquée porte une atteinte suffisamment grave et immédiate à la situation de l'intéressée, et la condition d'urgence doit donc être regardée, selon les juges, comme remplie. Par ailleurs, en l'état de l'instruction, au vu du rapport d'expertise réalisé en juin 2011, le moyen soulevé et tiré de l'erreur de droit ou de qualification commise par le directeur du centre hospitalier en ne reconnaissant pas l'imputabilité au service, c'est-à-dire aux vaccinations subies par Mme X dans le cadre professionnel, des arrêts de travail liés aux lésions de myofasciite à macrophages dont elle souffre, est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée du 4 juillet 2012. L'exécution de la décision du directeur du centre hospitalier est donc suspendue jusqu'à la notification du jugement à intervenir sur la requête (cf. l’Ouvrage "Fonction publique" N° Lexbase : E6019ESQ).

newsid:436547

Public général

[Brèves] Création d'un régime de droit public applicable aux personnels des groupements d'intérêt public

Réf. : Décret n° 2013-292 du 5 avril 2013, relatif au régime de droit public applicable aux personnels des groupements d'intérêt public (N° Lexbase : L5800IWQ)

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N6570BTI

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Le 16 Avril 2013

Le décret n° 2013-292 du 5 avril 2013, relatif au régime de droit public applicable aux personnels des groupements d'intérêt public (N° Lexbase : L5800IWQ), a été publié au Journal officiel du 7 avril 2013. L'on peut rappeler que les groupements d'intérêt public sont des personnes morales de droit public à caractère administratif ou industriel et commercial qui ont pour objet de favoriser la coopération des personnes morales publiques et privées qu'il regroupe en son sein, ceci pour gérer des équipements ou des activités d'intérêt commun. Pris pour l'application du dernier alinéa de l'article 109 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, de simplification et d'amélioration de la qualité du droit (N° Lexbase : L2893IQ9), le décret du 5 avril 2013 prévoit le cadre juridique applicable aux personnels des groupements d'intérêt public ayant opté pour un régime de droit public, notamment celui des agents contractuels de droit public recrutés en propre par les groupements d'intérêt public. Il précise la nature des contrats, leur durée, ainsi que les modalités d'instauration du dispositif de protection sociale complémentaire pour les personnels du groupement. Par ailleurs, il précise le calcul de l'ancienneté dans le cadre de la détermination de la durée de service requise pour l'ouverture des droits aux congés. En outre, le décret prévoit la création d'institutions représentatives du personnel propres aux groupements soumis au présent texte et fixe les conditions d'exercice du droit syndical dans ces groupements. Enfin, il prévoit l'application des dispositions relatives à la santé et à la sécurité au travail en ouvrant la possibilité de créer des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail adaptés à la situation particulière des groupements d'intérêt public.

newsid:436570

Fonction publique

[Brèves] Actualisation des dispositions statutaires communes à certains corps de fonctionnaires des catégories A et B de la fonction publique de l'Etat

Réf. : Décret n° 2013-285 du 3 avril 2013, modifiant diverses dispositions statutaires communes à certains corps de fonctionnaires des catégories A et B de la fonction publique de l'Etat (N° Lexbase : L5505IWS)

Lecture: 1 min

N6571BTK

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Le 11 Avril 2013

Le décret n° 2013-285 du 3 avril 2013, modifiant diverses dispositions statutaires communes à certains corps de fonctionnaires des catégories A et B de la fonction publique de l'Etat (N° Lexbase : L5505IWS), a été publié au Journal officiel du 5 avril 2013. Il procède à l'actualisation des dispositions statutaires des décrets n° 2005-1215 du 26 septembre 2005 (N° Lexbase : L2845HCD), n° 2012-762 du 9 mai 2012 (N° Lexbase : L0830ITW), n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 (N° Lexbase : L9137IE7), et du décret n° 2010-302 du 19 mars 2010 (N° Lexbase : L7863IGC), s'agissant, notamment, des équivalences de diplômes, des modalités d'accueil des militaires, ainsi que des ressortissants européens autres que Français lorsqu'ils accèdent à un corps de fonctionnaires de catégorie A ou B de la fonction publique de l'Etat. Il prend aussi en compte l'évolution des dispositions législatives relatives au volontariat à l'étranger et au service civique ainsi qu'au détachement, à la création d'un nouveau corps interministériel d'attachés d'administration et à l'évolution des textes applicables à la catégorie B. Il précise les conditions de classement des fonctionnaires de catégorie A accédant à l'un des corps d'infirmiers de catégorie A des administrations de l'Etat. Il abroge, enfin, le décret n° 95-888 du 7 août 1995, fixant les dispositions statutaires communes applicables aux attachés d'administration centrale (N° Lexbase : L5329HI9) (cf. l’Ouvrage "Fonction publique" N° Lexbase : E2570EQA).

newsid:436571

Public général

[Brèves] Création d'un régime de droit public applicable aux personnels des groupements d'intérêt public

Réf. : Décret n° 2013-292 du 5 avril 2013, relatif au régime de droit public applicable aux personnels des groupements d'intérêt public (N° Lexbase : L5800IWQ)

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N6570BTI

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Le 16 Avril 2013

Le décret n° 2013-292 du 5 avril 2013, relatif au régime de droit public applicable aux personnels des groupements d'intérêt public (N° Lexbase : L5800IWQ), a été publié au Journal officiel du 7 avril 2013. L'on peut rappeler que les groupements d'intérêt public sont des personnes morales de droit public à caractère administratif ou industriel et commercial qui ont pour objet de favoriser la coopération des personnes morales publiques et privées qu'il regroupe en son sein, ceci pour gérer des équipements ou des activités d'intérêt commun. Pris pour l'application du dernier alinéa de l'article 109 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, de simplification et d'amélioration de la qualité du droit (N° Lexbase : L2893IQ9), le décret du 5 avril 2013 prévoit le cadre juridique applicable aux personnels des groupements d'intérêt public ayant opté pour un régime de droit public, notamment celui des agents contractuels de droit public recrutés en propre par les groupements d'intérêt public. Il précise la nature des contrats, leur durée, ainsi que les modalités d'instauration du dispositif de protection sociale complémentaire pour les personnels du groupement. Par ailleurs, il précise le calcul de l'ancienneté dans le cadre de la détermination de la durée de service requise pour l'ouverture des droits aux congés. En outre, le décret prévoit la création d'institutions représentatives du personnel propres aux groupements soumis au présent texte et fixe les conditions d'exercice du droit syndical dans ces groupements. Enfin, il prévoit l'application des dispositions relatives à la santé et à la sécurité au travail en ouvrant la possibilité de créer des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail adaptés à la situation particulière des groupements d'intérêt public.

newsid:436570

Urbanisme

[Questions à...] Travaux d'extension de Roland-Garros : premier set pour les riverains ! - Questions à Muriel Fayat, cabinet Stasi Chatain & Associés

Réf. : TA Paris, 28 février 2013, n° 1200787 (N° Lexbase : A8120I8A)

Lecture: 7 min

N6551BTS

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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique

Le 12 Avril 2013

Dans un jugement rendu le 28 février 2013, le tribunal administratif de Paris a annulé la délibération de la Ville de Paris portant sur la modernisation du site de Roland-Garros. Les juges ont donc donné raison aux associations requérantes qui demandaient au tribunal d'annuler la délibération du Conseil de Paris en date du 12 juillet 2011, portant sur la signature d'une convention avec la Fédération française de tennis (FFT), pour lui conférer un droit d'occuper une emprise du domaine public municipal et lui permettre de moderniser, étendre, rénover, exploiter et valoriser le site du nouveau stade Roland-Garros. Ils se sont fondés, notamment, sur le risque d'atteinte à des éléments historiques protégés, sur une information insuffisante des élus du conseil de Paris, mais aussi sur un taux de redevance anormalement bas de la convention d'occupation domaniale. Pour faire le point sur cette décision, Lexbase Hebdo - édition publique a rencontré Muriel Fayat, cabinet Stasi Chatain & Associés, qui représentait les associations devant le tribunal administratif. Lexbase : Les promoteurs du projet estimaient avoir respecté l'intégrité des serres historiques d'Auteuil. De quelle manière avez-vous contesté cette position ?

Muriel Fayat : Les serres d'Auteuil sont un jardin botanique de la ville de Paris qui abritent des collections florales dont une partie constitue des espèces remarquables. Ce jardin botanique a été conçu par l'architecte Jean Camille Formigé. Les serres bénéficient, à ce titre, d'une double protection. Elles sont classées, d'une part, en tant que site naturel, puisqu'elles font partie du bois de Boulogne classé site naturel par un arrêté ministériel de 1957, et, d'autre part, en tant que site inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques par arrêté préfectoral de 1998.

L'atteinte à l'intégrité des serres d'Auteuil a été contestée de deux façons :

- d'une part, en invoquant l'incompatibilité entre l'affectation des serres d'Auteuil et la nature de l'occupation projetée par la ville de Paris et la FFT.

Le jardin des serres d'Auteuil est la propriété de la ville de Paris qui est affectée à un intérêt général. Ce site est, jusqu'à présent, un jardin botanique et un lieu de promenade ouvert à tous. Il fait donc partie du domaine public de la ville, ce qui implique que toute occupation privative de ce domaine doit être compatible avec son affectation. En l'occurrence, la convention conclue entre la ville de Paris et la FFT prévoit l'occupation permanente au profit de la FFT d'une partie (neuf hectares) du jardin des serres d'Auteuil pour son activité tennistique, en particulier pour construire, puis exploiter durant 99 ans, un cours de tennis de 4 950 places impliquant la destruction des serres chaudes, lesquelles renferment des collections botaniques d'une valeur inestimable. Compte tenu de son objet, l'affectation initiale des serres d'Auteuil n'est pas respectée puisque la construction et l'exploitation d'un stade de cette taille portent, par elles-mêmes, atteinte à ce site protégé.

En effet, il n'est pas possible, à notre sens, de séparer l'occupation d'un site des règles de protection dont il est l'objet. Pour reprendre l'expression du Professeur Jacqueline Morand Deviller, "l'affectation domaniale doit être compatible avec la vocation historique ou artistique d'un monument". Les dispositions du Code de l'environnement et du Code du patrimoine relatives à la protection des monuments historiques ou naturels ne s'appliquent pas aux seuls travaux qui pourraient y être entrepris, mais aux autres actes qui peuvent menacer cette protection. Dans ce sens, le Code du patrimoine prévoit une procédure d'agrément pour la cession des biens classés relevant du domaine public, sous peine de nullité de la vente. La consultation préalable du ministre doit donc être requise lors de la conclusion d'une convention d'occupation d'une dépendance domaniale lorsque l'activité autorisée est de nature à remettre en cause la protection du monument. Il s'agit d'une question juridique qui n'a pas encore été jugée ;

- d'autre part, en invoquant l'absence d'information suffisante des conseillers municipaux lors de l'adoption de la délibération du Conseil de Paris approuvant la convention d'occupation du domaine public.

L'information transmise aux conseillers municipaux avant l'adoption de la délibération ne leur précisait pas la double protection dont bénéficie le jardin des serres d'Auteuil et, plus particulièrement, les conseillers n'ont pas été informés que le jardin est un site naturel classé. Ils n'ont, également, pas été informés que la totalité du sol (couvert et non couvert) du jardin est inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. Or, le projet prévoit la démolition d'une partie des serres chaudes pour permettre la construction d'un stade de 4 950 places dans ce jardin, ce qui va immanquablement porter atteinte à ce site, même si les serres chaudes qui seront détruites ne sont pas inscrites en tant que tel à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, contrairement aux cinq serres principales que le projet ne concerne pas. Dans les deux cas, les autorisations auprès des autorités compétentes pour la protection des sites auraient dû être préalablement sollicitées.

Or, les conseillers municipaux n'ont pas été informés de l'ensemble de ces éléments. Le tribunal, dans son jugement, a même décidé que le projet portait une atteinte telle au site qu'il constituait une dénaturation de celui-ci, nécessitant son déclassement préalable avant la réalisation des travaux, ce qui est une procédure lourde à mettre en oeuvre. Autant d'éléments susceptibles de bloquer le projet d'extension de Roland-Garros. La convention d'occupation attaquée intègre ce risque de blocage de l'opération par des évènements extérieurs qui contraindraient la ville de Paris à verser à la FFT une indemnité de 20 millions d'euros. Compte tenu des risques financiers auxquels la ville de Paris s'exposait en approuvant la convention, il était nécessaire que les conseillers municipaux soient informés de l'étendue de la protection du jardin des serres d'Auteuil afin de se prononcer en toute connaissance de cause.

Lexbase : En quoi les règles de publicité et de mise en concurrence ont été méconnues selon vous ?

Muriel Fayat : La convention accordée à la FFT est une convention d'occupation du domaine public qui n'est pas, en l'état actuel du droit, soumise à des règles de publicité et de concurrence. Compte tenu de son objet, à savoir la réalisation de travaux de rénovation et l'extension du site de Roland Garros, la convention accordée à la FFT peut être requalifiée de concession de travaux publics au sens du droit interne et du droit communautaire, puisque les trois critères posés par la jurisprudence communautaire "Helmut Müller", laquelle précise les éléments matériels de définition des marchés publics de travaux et des concessions de travaux publics portant sur des opérations d'urbanisme au sens de la Directive (CE) 2004/18 du 31 mars 2004 (N° Lexbase : L1896DYU) (1), sont réunies.

Dans cette décision, la Cour de Luxembourg a estimé que la notion de marché public de travaux implique que "les travaux faisant l'objet du marché soient exécutés dans l'intérêt économique direct du pouvoir adjudicateur", que la réalisation de l'ouvrage réponde aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur et que l'attributaire s'engage à exécuter les travaux objets du marché. C'est le cas en l'espèce, puisque les travaux d'extension du site de Roland-Garros répondent incontestablement à un intérêt général, la ville de Paris a participé en grande partie dans le choix des sites et dans le programme de travaux et, enfin, l'absence de réalisation de ces travaux par la FFT peut être sanctionnée juridiquement par la résiliation de la convention, dans la mesure où ce pouvoir existe même dans le silence du contrat.

Lexbase : Sur quels éléments vous fondiez-vous pour contester le montant de la redevance ?

Muriel Fayat : Le principal argument sur lequel nous nous sommes fondés pour caractériser l'insuffisance de la redevance est l'article L. 2125-3 du Code général de la propriété des personnes publiques (N° Lexbase : L4561IQY), selon lequel la redevance pour l'occupation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation. Or, en mai 2008, l'inspection générale de la ville de Paris a conclu, dans son rapport d'audit, au caractère anormalement bas de la redevance perçue par la ville pour l'ancienne emprise de Roland-Garros, puisqu'elle représentait 1,25 % du chiffre d'affaires réalisé par la FFT sur le site, alors que les autres concessions parisiennes d'équipements sportifs étaient soumises à un taux de 15 % du chiffre d'affaires hors taxes. La convention attaquée augmente le taux de la redevance de 2 et 4 % lors de la réalisation des travaux, puis de 3 et 6 % après la mise en exploitation des ouvrages. Cependant, le taux reste néanmoins très faible par rapport aux autres conventions d'occupation, d'autant plus que la durée de la convention est de 99 ans sans qu'aucune clause de revalorisation du taux ne soit inscrite dans la convention.

Ceci pourrait se comprendre si la ville n'assumait aucune charge pour l'occupation du site, mais ce n'est pas le cas. En effet, la ville de Paris assumera le coût de reconstruction des équipements sportifs du stade Hébert et du Fonds des Princes, dont le coût représente 20 millions d'euros. L'indemnité de deux millions d'euros que versera la FFT à la Ville pour compenser cette charge est donc insuffisante, ce à quoi il convient d'ajouter les autres charges assumées par la ville, résultant de l'occupation par la FFT des serres d'Auteuil, à savoir l'entretien du jardin botanique et le coût du transfert des collections botaniques au Parc Floral. Au vu de ces éléments, la redevance d'occupation présente un caractère anormalement bas.

Lexbase : Comment envisagez-vous la suite de ce dossier ?

Muriel Fayat : Il est certain que le jugement rendu le 28 février 2013 par le tribunal administratif de Paris est extrêmement important pour la suite du dossier, non seulement en raison de sa motivation, mais aussi de son dispositif, la ville de Paris ayant été enjointe de résilier la convention dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Cette échéance arrive début mai. Or, à ce jour, la ville de Paris n'a pas saisi le Conseil de Paris pour soumettre à son vote la résiliation de la convention. Elle a interjeté appel du jugement et a assorti sa requête d'une demande de sursis à exécution du jugement. Tout va donc dépendre de la décision de la cour administrative d'appel de Paris. C'est une course contre la montre. A tel point que, sans attendre la décision du juge, la ville de Paris a, d'ailleurs, décidé de délivrer à la FFT le permis de construire du nouveau centre national d'entraînement (CNE), qui va être réalisé sur le stade Hébert quelques jours avant la lecture du jugement du tribunal administratif qui a jugé illégale la convention qui autorise justement la FFT à occuper le stade Hébert pour réaliser le CNE.


(1) CJCE, 25 mars 2010, aff. C-451/08 (N° Lexbase : A9884ETA).

newsid:436551

Urbanisme

[Brèves] Conditions d'engagement d'une procédure de classement d'immeubles au titre de monuments historiques

Réf. : TA Orléans, 2 avril 2013, n° 1203157 (N° Lexbase : A5812KBU)

Lecture: 2 min

N6572BTL

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Le 17 Avril 2013

Le tribunal administratif d'Orléans précise les conditions d'engagement d'une procédure de classement d'immeubles au titre de monuments historiques dans un jugement rendu le 2 avril 2013 (TA Orléans, 2 avril 2013, n° 1203157 N° Lexbase : A5812KBU). Etait demandée, en l'espèce, l'annulation de la décision du 18 juillet 2012 par laquelle la ministre de la Culture et de la Communication a ouvert une instance de classement au titre des monuments historiques pour les immeubles d'une partie de la rue des Carmes à Orléans. Selon le tribunal administratif, seuls deux bâtiments peuvent se prévaloir d'une protection dans le dossier du réaménagement du quartier des Carmes et éviter, ainsi, la destruction. En effet, c'est à bon droit que la commission régionale du patrimoine et des sites a considéré que la conservation des immeubles du n° 45 et des n ° 59-61 de la rue des Carmes présente un intérêt historique et artistique. En revanche, si l'ensemble des immeubles concernés par la décision attaquée est classé en secteur 1 de la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) de la commune d'Orléans dans lequel le bâti d'intérêt architectural "représente entre 90 % et 95 % de l'ensemble des constructions", cet élément d'une portée très générale concernant "les quartiers historiques du centre d'Orléans, le coeur historique, les développements dans l'intra-mail et le faubourg Saint-Marceau" n'est pas de nature à établir l'existence d'un intérêt public à la conservation des immeubles de l'autre partie de la rue des Carmes d'un point de vue historique et artistique. La circonstance que la rue des Carmes constitue un axe historiquement important de la ville d'Orléans ne permet pas davantage de justifier une demande de classement au titre des monuments historiques de ces quinze immeubles. En se bornant à invoquer les qualités intrinsèques de ces immeubles, sans préciser quelles seraient ces qualités, la ministre de la Culture n'établit pas l'existence d'un intérêt public à leur conservation. Celle-ci a donc fait une inexacte application des dispositions précitées des articles L. 621-1 (N° Lexbase : L3980HCE) et L. 621-7 (N° Lexbase : L3984HCK) du Code du patrimoine en incluant dans le périmètre de l'instance de classement les immeubles.

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