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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 27 Mars 2014
Voici comment, en 1803, devant le Corps législatif, Jean-Etienne-Marie Portalis introduisait, avec verve, l'article 2 du Code civil, dont les termes demeurent inchangés depuis 210 ans : "La loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif".
Quel regard poserait, aujourd'hui, le jurisconsulte de l'Empire devant l'essor des lois rétroactives, essentiellement en matière fiscale, et celui des lois de validation, lois opportunes s'il en est ?
Sans doute se rangerait-il de l'avis des Sages constitutionnels pour placer "l'intérêt général" en haut de la pyramide de Kelsen, mais encore faudrait-il que cet "intérêt général" ne soit pas dévoyé au point de perdre de sa légitimité et de sa pertinence.
C'est donc, sans doute, avec bienveillance que le Grand aigle de la Légion d'honneur accueillerait le récent dépôt de deux propositions de lois visant à encadrer la rétroactivité des lois fiscales. En effet, le 19 décembre 2012, plusieurs députés se sont émus de la nécessité d'une telle règle, visant à garantir une sécurité juridique dans la perspective du renforcement de l'attractivité du territoire français, notamment vis-à-vis des entrepreneurs et des investisseurs. Ils souhaitent ainsi limiter la rétroactivité des lois fiscales aux seuls allégements en matière d'impôts indirects -à l'image de la rétroactivité in mitius en matière pénale, favorable au prévenu-.
Comme il approuverait la décision de la rue de Montpensier, rendue le 15 janvier 2013, déclarant inconstitutionnel le paragraphe II de l'article 6 de la loi n° 2011-1898 du 20 décembre 2011, relative à la rémunération pour copie privée ; ces dispositions validant les rémunérations perçues en application de la décision n° 11 du 17 décembre 2008 de la commission dite "de la copie privée"au titre des supports autres que ceux acquis notamment à des fins professionnelles, annulée pourtant par le Conseil d'Etat le 17 juin 2011. Le Conseil constitutionnel a rappelé sa jurisprudence constante relative aux validations législatives qui doivent, notamment, poursuivre un but d'intérêt général suffisant. Et, en l'espèce, la validation visant à limiter, pour les instances en cours, la portée de l'annulation prononcée par le Conseil d'Etat, afin d'éviter que cette annulation ne prive les titulaires de droits d'auteur et de droits voisins de la compensation attribuée au titre de supports autres que ceux acquis, notamment, à des fins professionnelles et dont les conditions d'utilisation ne permettent pas de présumer un usage à des fins de copie privée, ne relève pas de l'intérêt général. Le Conseil a jugé que de tels motifs sont financiers et, à l'occasion d'instances portant sur des sommes dont l'importance du montant n'est pas établie, ne peuvent être regardés comme suffisants pour justifier une telle atteinte aux droits des personnes qui avaient engagé une procédure contentieuse avant la date de la décision du Conseil d'Etat.
Ces deux actualités placent, à nouveau, au coeur du débat juridique, d'abord, la question de l'intérêt général qui, pour le législateur, tend à se confondre avec l'intérêt financier ; ensuite, la question du rôle du juge constitutionnel quant à l'appréciation de cet intérêt général, cette appréciation conduisant, en fait, à juger de l'opportunité ou de l'intérêt politique d'une loi rétroactive ou d'une loi de validation.
A la première question, sur l'identité de l'intérêt général, bien entendu, la réponse est complexe, vaste et subjective. Il n'appartient pas à notre exercice rédactionnel d'approfondir plus avant cette "pierre angulaire de l'action publique, dont il détermine la finalité et fonde la légitimité". Depuis deux siècles, l'intérêt général est au coeur de la pensée politique française et occupe une place centrale dans la construction du droit public. Un rapport public du Conseil d'Etat, rendu en 1999, sur cette notion, illustre d'ailleurs toute la vivacité du débat et des interrogations modernes que suscite l'intérêt général, au point de parler de conception évolutive de la notion et d'une nécessité d'une formulation démocratique des fins d'intérêt général. Tout au plus, rappellerons-nous brièvement, pour ce qui concerne notre sujet, que, depuis le 22 juillet 1980, le Conseil constitutionnel fixe trois conditions cumulatives à la constitutionnalité d'une loi de validation : la non-immixtion dans l'exercice du pouvoir juridictionnel par le respect des décisions de justice devenues définitives ; le respect du principe de non-rétroactivité de la loi en matière pénale ; l'existence d'un motif d'intérêt général. Et si, dans un premier temps, les "raisons d'intérêt général" prises en considération ont eu pour objectif la préservation du fonctionnement du service public, d'autres objectifs ont été également admis par le Conseil constitutionnel, tels que la fin des divergences de jurisprudence pour éviter le développement de contestations dont l'aboutissement aurait pu entraîner des conséquences financières préjudiciables à l'équilibre des régimes sociaux ; la nécessité d'éviter un développement contentieux d'une ampleur telle qu'il aurait entraîné des risques considérables pour l'équilibre du système bancaire dans son ensemble et, partant, pour l'activité économique générale ; la préservation de la paix publique ou celle de l'équilibre financier de la Sécurité sociale. Pour autant, un motif purement financier n'est pas de nature à fonder une validation législative. C'est en substance ce que viennent de rappeler les Sages de la rue de Montpensier, comme ils avaient, en 1995 par exemple, invalidé les actions de recouvrement de la taxe sur la promotion de spécialités pharmaceutiques -le juge constitutionnel ayant estimé "qu'eu égard au montant des recouvrements concernés, les conditions générales de l'équilibre financier de la Sécurité sociale ne pouvaient être affectées de façon significative en l'absence de validation"-.
Un rapport du Sénat, en date du 10 février 2006, précisait ainsi que le juge constitutionnel, qui dans un premier temps n'exerçait qu'un contrôle de l'erreur manifeste sur le point de savoir si la menace pour l'intérêt général justifiait la mesure de validation, procède, désormais, à un véritable contrôle de proportionnalité in concreto tout en rappelant qu'"il ne dispose pas d'un pouvoir d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement" et qu'"il ne lui appartient pas de se prononcer en l'absence d'erreur manifeste sur l'importance des risques encourus".
Tel est bien le noeud gordien qui nous (pré)occupe aujourd'hui : dans quelle mesure le rôle du juge constitutionnel n'empiète-t-il pas sur celui du Parlement, lorsqu'il censure des mesures législatives pour rupture d'égalité devant la charge publique, en considération du caractère confiscatoire d'une imposition ou, encore, pour inintelligibilité de la loi déférée ? Quand la validation des conséquences financières d'une loi de validation tend désormais à ce que le Conseil constitutionnel dresse un véritable bilan avantages-inconvénients de la loi contestée, peut-on raisonnablement exclure le fait que les Sages de la rue de Montpensier jugent de l'opportunité politique d'une disposition législative ? Martin Collet, dans l'édition du Monde du 3 janvier 2013, estime même que le juge constitutionnel va bien au-delà du contrôle de cohérence : "il n'hésite pas à substituer sa propre vision de l'intérêt général à celle retenue par le Parlement [...] Ce faisant, il conteste aux élus de la Nation le monopole de la définition de ce qui est politiquement légitime".
L'intérêt général est-il si mal en point dans notre démocratie, pour que le juge constitutionnel le prenne sous sa coupe ? En vérité, à l'inspiration utilitariste de l'intérêt général, qui ne voit dans l'intérêt commun que la somme des intérêts particuliers, laquelle se déduit spontanément de la recherche de leur utilité par les agents économiques, le juge constitutionnel lui préfèrerait une inspiration d'essence volontariste, qui ne se satisfait pas d'une conjonction provisoire et aléatoire d'intérêts économiques, incapable à ses yeux de fonder durablement une société. L'intérêt général, qui exige le dépassement des intérêts particuliers, est d'abord, dans cette perspective, l'expression de la volonté générale, ce qui confère à l'Etat la mission de poursuivre des fins qui s'imposent à l'ensemble des individus, par delà leurs intérêts particuliers. En estimant que la préservation des intérêts de l'économie cinématographique et phonographique, et plus généralement de l'économie culturelle, ne relève pas de l'intérêt général, mais d'un intérêt purement financier, en censurant le paragraphe II de l'article 6 de la loi n° 2011-1898 du 20 décembre 2011, c'est bien une approche volontariste de l'intérêt général que consacre le Conseil constitutionnel.
L'introduction des lobbies au sein de l'édifice parlementaire, la méfiance des institutions juridiques et financières à l'égard de la sincérité et de la crédibilité des budgets proposés par les Gouvernants, l'inflation des lois de circonstance et la validation des erreurs normatives dues à la précipitation de la réaction législative ou règlementaire aux problèmes sociaux ou économiques conduisent, tout naturellement, les Sages à plus de... sagesse, et à sanctuariser un principe de l'intérêt général conforme à "la tradition républicaine française, qui fait appel à la capacité des individus à transcender leurs appartenances et leurs intérêts pour exercer la suprême liberté de former ensemble une société politique", avant qu'il ne soit perdu dans les abîmes de la perplexité, de l'illégitimité et de la contestation populaire.
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Réf. : Cass. civ. 1, 16 janvier 2013, n° 12-12.647, F-P+B+I (N° Lexbase : A4081I3K)
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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction
Le 24 Janvier 2013
Afin de mieux comprendre la portée de cette solution, protectrice du bénéficiaire de l'AJ, mais plus drastique pour le professionnel, il faut revenir sur la mise en oeuvre du bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Aux termes de l'article 2 de la loi du 10 juillet 1991, l'aide juridictionnelle est une aide financière accordée aux personnes disposant de ressources modestes souhaitant l'assistance d'un avocat. Elle leur permet de faire valoir leurs droits en justice pour faire un procès ou se défendre, trouver un accord, ou encore faire exécuter une décision de justice. En fonction des revenus, l'Etat prend en charge, en partie ou en totalité les frais du procès, notamment les honoraires de l'avocat, les frais de l'expertise et la rémunération d'huissier de justice. Pour bénéficier de l'aide juridictionnelle, il faut répondre à des conditions de nationalité et de résidence (loi du 10 juillet 1991, art. 3).
Toute personne peut bénéficier de l'aide juridictionnelle si elle est :
- de nationalité française ;
- ou citoyen d'un Etat de l'Union européenne ;
- ou d'une autre nationalité à condition de résider régulièrement et habituellement en France.
La condition de résidence n'est pas exigée si le demandeur est : mineur, témoin assisté, inculpé, prévenu, mis en examen, accusé, condamné, partie civile, faisant l'objet d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, maintenu en zone d'attente, faisant l'objet d'un refus de séjour soumis à la commission du titre de séjour ou d'une mesure d'éloignement, ou placé en rétention.
L'article 4, alinéa 3, de la loi du 10 juillet 1991 prévoit une revalorisation automatique au 1er janvier de chaque année des plafonds d'admission à l'aide juridictionnelle sur la base de l'évolution de la tranche la plus basse du barème de l'impôt sur le revenu. Il est à noter que pour 2013, la circulaire du 7 janvier 2013 (N° Lexbase : L0645IWS) a laissé inchangé les plafonds d'admission applicables aux ressources 2012 pour l'aide totale ou partielle ainsi que les montants des correctifs familiaux fixés dans la circulaire n° SG-12-001/SADJAV/BAJ/18.01.2012 du 19 janvier 2012 (N° Lexbase : L1273ISX). Pour l'AJ totale, le plafond est fixé à 929 euros tandis que pour l'AJ partielle, il est établi à 1 393 euros.
L'aide juridictionnelle est accordée en matière gracieuse ou contentieuse, en demande ou en défense devant toute juridiction ainsi qu'à l'occasion de la procédure d'audition du mineur prévue par l'article 388-1 du Code civil (N° Lexbase : L8350HW8) et de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité prévue par les articles 495-7 (N° Lexbase : L0876DY4) et suivants du Code de procédure pénale.
Elle peut être accordée pour tout ou partie de l'instance ainsi qu'en vue de parvenir, avant l'introduction de l'instance, à une transaction ou à un accord conclu dans le cadre d'une procédure participative prévue par le Code civil.
Enfin, l'aide juridictionnelle s'applique de plein droit aux procédures, actes ou mesures d'exécution des décisions de justice obtenues avec son bénéfice, à moins que l'exécution ne soit suspendue plus d'une année pour une cause autre que l'exercice d'une voie de recours ou d'une décision de sursis à exécution. Ces procédures, actes ou mesures s'entendent de ceux qui sont la conséquence de la décision de justice, ou qui ont été déterminés par le bureau ayant prononcé l'admission
Concernant les effets de l'AJ, le bénéficiaire de cette aide voit les dépenses qui lui incomberaient être prises en charge par l'Etat ; et surtout il dispose du droit à l'assistance d'un avocat et à celle de tous officiers publics ou ministériels dont la procédure requiert le concours. L'avocat peut soit accepter directement de défendre le bénéficiaire de l'AJ, soit être désigné par le Bâtonnier. Le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle doit être informé de l'identité de l'avocat commis d'office (Cass. civ. 1, 14 novembre 2006, n° 05-05.016, F-D N° Lexbase : A3346DSQ). L'avocat est bien évidemment soumis aux obligations déontologiques et professionnelles et, partant, il appartient au juge, en cas de manquement, de surseoir à statuer en mettant l'avocat désigné en demeure d'accomplir les diligences nécessaires (CE 4° et 5° s-s-r., 28 novembre 2008, n° 292772 N° Lexbase : A4466EBZ). En cas d'appel, le bénéficiaire de l'aide est assisté ou représenté par l'avocat qui lui avait prêté son concours en première instance au titre de cette aide, sauf choix contraire de la partie ou refus de l'avocat (loi n° 91-647, art. 26). Enfin, l'avocat qui prêtait son concours au bénéficiaire de l'AJ avant que celle-ci ne lui ait été accordée doit continuer de le lui prêter, sauf à en être exceptionnellement déchargé dans des conditions fixées par le Bâtonnier. On retrouve à travers cette disposition l'essence de la profession : ne pas être avocat d'abord pour soi-même, mais avant tout pour les autres.
Quant à la fin de la mission de l'avocat désigné en AJ, elle arrive le plus souvent une fois la décision de justice obtenue ; mais aussi en cas d'accord entre les parties. La jurisprudence a eu l'occasion à de nombreuses reprises de préciser que la renonciation à l'AJ ne se présume pas : en effet, il ne résulte ni de la loi du 10 juillet 1991, ni du décret du 19 décembre 1991, que l'exercice, en cours de procédure, de la liberté de choix de son avocat par le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle emporte renonciation rétroactive à cette aide (Cass. civ. 1, 4 avril 1995, n° 93-10.818 N° Lexbase : A4924ACD ; Cass. civ. 2, 3 juillet 2008, n° 07-13.036, FS-P+B N° Lexbase : A4849D9H).
Mais, comme le précise l'arrêt du 16 janvier 2013, l'avocat désigné continuera de prêter son concours et d'assurer les obligations afférentes tant qu'il ne justifiera pas avoir été valablement déchargé de sa mission. Les Hauts magistrats, visant l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT), font donc peser sur le professionnel la charge de la preuve qu'il est bien toujours l'avocat du demandeur. Et, s'il était avéré que tel était bien le cas, là encore la charge de la preuve de l'accomplissement des diligences utiles pèseraient également sur l'avocat. En effet, la Cour de cassation a consacré depuis longtemps cette solution qui n'est, d'ailleurs, pas propre, on le sait bien, à la seule responsabilité de l'avocat : d'abord établie à propos du médecin, pour lequel il a été jugé que celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation (Cass. civ. 1, 25 février 1997, n° 94-19.685 N° Lexbase : A0061ACA), la règle a ensuite été étendue à l'avocat (Cass. civ. 1, 29 avril 1997, n° 94-21.217 N° Lexbase : A0136ACZ), à l'huissier (Cass. civ. 1, 15 décembre 1998, n° 96-15.321 N° Lexbase : A2361AXQ), au notaire (Cass. civ. 1, 3 février 1998, n° 96-13.201 N° Lexbase : A2233ACP), ou encore à l'assureur (Cass. civ. 1, 9 décembre 1997, n° 95-16.923 N° Lexbase : A0574ACA). Est donc une nouvelle fois rappelée la règle consacrant une présomption au bénéfice du client.
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Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 19 décembre 2012, n° 355139, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1358IZC)
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par Frédéric Dieu, Maître des requêtes au Conseil d'Etat
Le 05 Juillet 2013
A - Les faits de l'espèce et le refus par la cour administrative d'appel de l'indemnisation du manque à gagner
1) Les faits de l'espèce
Les faits de l'espèce sont caractérisés le lancement de deux procédures de délégation de service public dont aucune n'a abouti à la conclusion d'un contrat. Une commune était en effet concessionnaire de l'Etat pour ses plages maritimes (la plage du centre-ville et la plage naturelle) jusqu'au 31 décembre 2004, puis elle l'a été à nouveau à compter du 1er janvier 2008 en application d'un arrêté préfectoral du 19 juillet 2007 approuvant un nouveau contrat de concession. En tant que concessionnaire, la commune a "sous-délégué", comme elle y est autorisée, l'exploitation de lots de plage, délimités en principe par la convention passée avec l'Etat. Le requérant, M. X, a ainsi été délégataire (sous-délégataire exactement) jusqu'en 2001 du lot n° 3 de la plage du centre-ville.
En 2001, la commune a lancé un appel à candidatures en vue du renouvellement des sous-concessions de plages. M. X, qui n'a cette fois pas été retenu, a saisi le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Nice, qui lui a donné satisfaction et a annulé la procédure de passation. Son ordonnance du 31 décembre 2001 a été confirmée par le Conseil d'Etat qui a rejeté le pourvoi en cassation formé contre elle par une décision en date du 29 juillet 2002 (1). Une nouvelle procédure de passation a alors été engagée par la commune pour la plage du centre-ville. M. X, de nouveau évincé, a formé un second référé précontractuel et a obtenu de nouveau l'annulation de la procédure par une ordonnance du 30 avril 2003.
La commune, dont la concession expirait le 31 décembre 2004, ne s'est pas engagée dans une troisième procédure, bien qu'elle ait été à nouveau désignée comme concessionnaire par l'Etat à compter du mois de juillet 2007. Durant la période intermédiaire des années 2005 et 2006, la commune a obtenu de l'Etat une prorogation d'un an des sous-traités, puis, pour la saison 2007, la délivrance d'autorisations d'occupation temporaire individuelles au profit des exploitants en place l'année précédente. M. X n'a, toutefois, bénéficié d'aucun de ces mécanismes successifs car la commune a décidé, dès le début de l'année 2005, de réduire le périmètre des plages sous-concédées, excluant ainsi la plage du centre-ville, la seule pour laquelle l'intéressé avait concouru. En d'autres termes, ce dernier, après avoir vu sa candidature écartée deux fois dans des conditions irrégulières, a dû renoncer définitivement à son ancienne sous-concession.
Il a alors présenté, en 2007, une demande indemnitaire en réparation du préjudice subi en raison de la perte de chance d'exploiter la plage du centre-ville. Le tribunal administratif de Toulon, estimant qu'il avait droit à l'indemnisation du manque à gagner résultant de l'absence d'attribution du contrat, a condamné la commune à indemniser M. X à hauteur de 89 000 euros, mais la cour administrative d'appel de Marseille (2), après avoir estimé qu'il avait seulement droit à l'indemnisation des frais de présentation de son offre et qu'il ne justifiait d'aucun frais à cet égard, a annulé le jugement et rejeté la demande de l'intéressé.
2) Le refus par la cour administrative d'appel d'indemniser un manque à gagner
Dans son arrêt, la cour administrative d'appel de Marseille a, dans un premier temps, utilisé la grille d'analyse habituelle, lorsque le candidat à l'attribution d'un contrat entrant dans le champ de la commande publique a été irrégulièrement évincé (3) :
- le candidat dépourvu de toute chance d'obtenir le contrat n'a droit à rien ;
- celui qui n'était pas dépourvu de toute chance a droit au remboursement des frais de présentation de son offre ;
- enfin, le candidat qui avait des chances sérieuses de voir sa candidature retenue a droit à l'indemnisation de l'intégralité de son manque à gagner.
En l'espèce, la cour a estimé que M. X disposait d'une chance sérieuse d'être attributaire de la sous-concession "au regard, notamment, du nombre restreint d'offres retenues et de son classement par la commission de service public à deux reprises, en 2001 et 2003, immédiatement après le candidat irrégulièrement désigné". Plus précisément, l'intéressé a été, les deux fois, classé deuxième après un concurrent dont la candidature aurait due être écartée. Cependant, la cour a considéré "qu'en l'absence de renouvellement de la concession consentie au profit de la commune par l'Etat, après le 31 décembre 2004, sur cette portion de domaine public maritime, M. X n'avait pas la qualité de candidat évincé [...] il en résulte que le seul préjudice dont il peut se prévaloir réside dans les frais qu'il a engagés pour constituer son offre sans pouvoir prétendre à l'indemnisation de la perte des bénéfices escomptés de l'exécution du contrat, quelle qu'ait été la qualité de son offre". Et M. X n'ayant pas justifié d'un préjudice de ce chef, sa demande a été rejetée, sans que la cour ait donc eu à examiner le bien-fondé de la prescription opposée par la commune.
La principale question posée par le pourvoi formé contre cet arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille était donc la suivante : le candidat irrégulièrement évincé d'une procédure de passation d'un contrat qu'il avait une chance sérieuse d'emporter doit-il être indemnisé du manque à gagner même lorsque ce contrat n'a pas été signé et n'a donc pas été attribué à l'un de ses concurrents ? Cette question était nouvelle car le Conseil d'Etat n'avait jusqu'à présent jamais eu l'occasion d'appliquer sa jurisprudence "Groupement d'entreprises solidaires ETPO Guadeloupe et autres" (4) à l'hypothèse d'une procédure de passation n'ayant débouché sur aucun contrat.
B - La jurisprudence "Groupement d'entreprises solidaires ETPO Guadeloupe et autres" avait toujours été appliquée positivement à l'hypothèse d'une procédure ayant conduit à la conclusion d'un contrat
Autrement dit, chaque fois que le Conseil d'Etat avait estimé fondée l'indemnisation du manque à gagner au titre de la perte de chance sérieuse du candidat de se voir attribuer le contrat, la procédure de passation en cause avait été conclue par la signature du contrat et son attribution à un concurrent du candidat évincé et ainsi indemnisé. Une recherche sur les cas de mise en oeuvre, positive ou négative, de la jurisprudence "Groupement d'entreprises solidaires ETPO Guadeloupe et autres", y compris avant la formalisation de celle-ci, ne révèle, en effet, que des cas où le contrat a été attribué à un concurrent et, semble-t-il, exécuté, malgré, le cas échéant, l'annulation postérieure de la décision de rejeter l'offre, d'attribuer le marché ou de signer le contrat (5).
Dans la décision du 19 décembre 2012, le Conseil d'Etat avait, ainsi, calculé le manque à gagner subi par le candidat irrégulièrement évincé en tenant compte du prix du marché et en précisant que "ce manque à gagner doit être déterminé non en fonction du taux de marge brute constaté dans son activité mais en fonction du bénéfice net que lui aurait procuré le marché si elle l'avait obtenu". Il avait, ainsi, calculé l'indemnisation en appliquant le taux de marge nette pratiqué dans le secteur économique d'appartenance du candidat irrégulièrement évincé. Ce faisant, le Conseil d'Etat avait manifesté le fort lien entre l'indemnisation du manque à gagner et le marché en cause. Quoiqu'il en soit, le Conseil d'Etat n'avait jamais été confronté au cas d'une procédure irrégulière qui n'avait débouché sur aucun contrat.
II - L'absence d'indemnisation du manque à gagner en cas de renonciation de la collectivité, pour un motif d'intérêt général, à conclure le contrat
A - La première application, par le Conseil d'Etat, de la jurisprudence sur l'indemnisation du candidat évincé au cas de la passation d'une délégation de service public
La nouveauté de la décision commentée est d'avoir appliqué le raisonnement issu de la jurisprudence "Groupement d'entreprises solidaires ETPO Guadeloupe et autres" à une délégation de service public. Cette extension nous paraît logique. Le Conseil d'Etat avait déjà adopté le même raisonnement à une concession, par une décision du 21 septembre 1992 (6). Certes, le fichage de la décision relève que la collectivité s'était volontairement soumise à une procédure d'appel d'offres, alors qu'en droit prévalait alors le principe du libre choix du concessionnaire puisque l'on se situait avant la loi "Sapin" du 29 janvier 1993 (loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques N° Lexbase : L8653AGL).
Toutefois, désormais, la passation des délégations de service public est soumise à des obligations de publicité et de mise en concurrence, à la fois sur un fondement textuel (CGCT, art. L. 1411-1 N° Lexbase : L0551IGI et suivants) et en vertu des principes généraux du droit de la commande publique (7). Rappelons, par ailleurs, que le juge administratif exerce un contrôle restreint sur le choix du délégataire en application de la décision n° 291794 du 7 novembre 2008 (8). La grille de lecture a donc vocation à jouer pour les délégations de service public, à ceci près que les hypothèses où le juge administratif peut être conduit à reconnaître l'existence d'une chance sérieuse sont a priori plus rares qu'en matière de marchés publics, pour lesquels joue l'exigence du choix de l'offre économiquement la plus avantageuse.
B - Le refus de toute indemnisation du manque à gagner dans l'hypothèse où la collectivité a renoncé à conclure le contrat pour un motif d'intérêt général
1) La confirmation de la possibilité pour la collectivité de renoncer à conclure le contrat
Sur le plan des principes, la jurisprudence "Groupement d'entreprises solidaires ETPO Guadeloupe et autres" peut ne pas trouver à s'appliquer si la collectivité renonce, pour un motif d'intérêt général, à conclure le contrat. S'agissant des marchés publics, la collectivité peut toujours, à tout moment, y compris après le choix de l'attributaire, décider de déclarer la procédure sans suite pour un motif d'intérêt général. Une telle faculté est mentionnée dans le Code des marchés publics de 2006 (aux articles 59 N° Lexbase : L1296INC et 64 N° Lexbase : L1295INB pour les appels d'offres ouverts et restreints). Elle existait déjà dans les codes antérieurs. En tout état de cause, elle est ouverte même sans texte (9).
Selon cet arrêt, la décision de renoncer à conclure le contrat peut, toutefois, être annulée pour détournement de procédure lorsqu'il ressort des pièces du dossier qu'elle a eu pour seul objet d'évincer le candidat retenu par la commission d'appel d'offres. La jurisprudence relative à la possibilité de renoncer à conclure un marché public pour un motif d'intérêt général vaut, a fortiori, pour les délégations de service public. Toutefois, même pour les délégations de service public, un tel motif est requis, car, à défaut, la collectivité pourrait faire obstacle aux principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Au demeurant, le droit des délégations de service public n'est plus l'espace de pouvoir purement discrétionnaire qu'il a été par le passé.
Certes, le Conseil d'Etat a jugé qu'il résulte des dispositions de la loi "Sapin" du 29 janvier 1993 "que l'autorité responsable de la personne publique délégante choisit librement, au vu des offres présentées, ceux des candidats admis à présenter une offre avec qui elle entend mener des négociations" (10). La décision commentée du 17 décembre 2012 démontre que l'on ne peut, cependant, déduire de cette ligne jurisprudentielle que, finalement, aucun candidat à une délégation de service public ne peut demander la réparation du préjudice que lui aurait causé son éviction irrégulière dans une phase antérieure, puisque, en tout état de cause, la personne publique était libre de ne pas engager de négociation avec lui.
2) Un refus de l'indemnisation du manque à gagner qui n'exclut pas une indemnisation sur un autre fondement
La décision du 17 décembre 2012 affirme, dans son considérant de principe qui complète celui issu de la décision "Groupement d'entreprises solidaires ETPO Guadeloupe et autres", que "le candidat ne peut prétendre à une indemnisation de ce manque à gagner si la personne publique renonce à conclure le contrat pour un motif d'intérêt général". L'exclusion de l'indemnisation est donc cantonné à l'existence d'un tel motif, de sorte que la collectivité ne saurait refuser l'indemnisation du manque à gagner lorsqu'elle a décidé de renoncer à conclure le contrat pour des motifs étrangers à l'intérêt général (tenant, par exemple, à une pure opportunité ou à la personne de l'attributaire du contrat ou du candidat évincé).
En l'espèce, pour confirmer la solution de la cour, le Conseil d'Etat juge que, pour la période antérieure au 31 décembre 2004, celle-ci a pu déduire "sans contradiction de motifs" de l'absence d'attribution du lot auquel M. X était candidat, et donc de l'absence de signature et d'exécution du contrat, que ce dernier, "bien qu'irrégulièrement évincé des procédures initialement engagées et disposant alors d'une chance sérieuse de l'emporter, ne pouvait prétendre à l'indemnisation d'un manque à gagner pour la période antérieure au 31 décembre 2004". Pour la période postérieure au 31 décembre 2004, la décision du 17 décembre 2012 relève, pour confirmer l'exclusion de l'indemnisation du manque à gagner, qu'après cette date, "aucune procédure de délégation de service public n'avait été conduite et attribuée ni aucune autorisation d'occupation temporaire délivrée pour le lot litigieux, à la différence des autres lots".
Il résulte de ces deux considérants que le candidat irrégulièrement évincé d'une procédure de passation d'un contrat qu'il avait une chance sérieuse d'emporter mais qui n'a pas été signé est bien un candidat irrégulièrement évincé mais, cependant, n'a pas droit à l'indemnisation du manque à gagner : il n'y a donc manque à gagner que si le contrat est attribué, signé et exécuté. Cette solution est logique : à partir du moment où la collectivité ne signe en définitive aucun contrat, pour un motif d'intérêt général, ou encore parce qu'est survenue une impossibilité juridique ou matérielle, l'irrégularité commise au cours de la procédure antérieure n'a, normalement, pas préjudicié à l'entreprise candidate, puisque, même si celle-ci n'avait pas été commise, son sort aurait été inchangé. C'est une question de lien de causalité entre la faute et le préjudice.
En l'espèce, dès lors que la commune, après la suspension des deux procédures dont M. X avait été irrégulièrement évincé n'avait attribué à personne la gestion du lot en litige, y renonçant pour un motif d'intérêt général, celui-ci n'a aucun manque à gagner à faire valoir : en l'absence, en définitive, de contrat, il a été évincé d'une procédure de mise en concurrence, ce qui lui donne droit au remboursement de ses frais, mais non d'un contrat. Un candidat irrégulièrement évincé d'une procédure de passation d'un contrat public alors qu'il avait de sérieuses chances de l'emporter n'a, ainsi, de préjudice à faire valoir, tenant au manque à gagner, que pour autant que le contrat soit effectivement conclu avec un tiers, option à laquelle la collectivité peut librement renoncer pour des motifs d'intérêt général. Un tel candidat a seulement droit au remboursement des frais de présentation de son offre.
En revanche, la décision du 17 décembre 2012 n'exclut pas l'indemnisation du préjudice résultant d'un comportement fautif de la collectivité. En effet, le comportement de la collectivité, avant ou après la renonciation à conclure le marché, peut, par ailleurs, être fautif, mais c'est un autre problème. L'administration qui invite l'entreprise attributaire du marché à exposer des frais en vue son exécution, alors que le marché n'est finalement pas signé, commet ainsi une faute de nature à engager sa responsabilité envers la société (11). Elle n'est certes pas tenue d'informer l'attributaire en amont d'un risque de renonciation au marché, mais elle doit l'informer dans un délai raisonnable, une fois la décision prise (12). Selon cette dernière décision, un retard déraisonnable à informer l'attributaire du contrat de la renonciation de la collectivité à ce dernier constitue une faute engageant la responsabilité du pouvoir adjudicateur, c'est-à-dire (généralement) de la collectivité.
Dans ce cas, ce n'est pas dans la renonciation au contrat que réside la faute de la collectivité mais dans la promesse faite à tort et non respectée. En conséquence, le préjudice indemnisable n'est pas dans le manque à gagner subi du fait du contrat non conclu, mais dans l'ensemble des dépenses engagées sur le fondement de la promesse non tenue.
(1) CE 7° et 5° s-s-r., 29 juillet 2002, n° 242153, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9572AZK).
(2) CAA Marseille, 6ème ch., 21 octobre 2011, n° 09MA03756 (N° Lexbase : A0352H3G).
(3) CE 5° et 7° s-s-r., 18 juin 2003, n° 249630, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8725C8N), CE 2° et 7° s-s-r., 8 février 2010, n° 314075, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7558ERD).
(4) CE 5° et 7° s-s-r., 18 juin 2003, n° 249630, préc..
(5) CE, 28 juillet 2000, n° 199549, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7339ATY) ; CE 1° et 2° s-s-r., 7 novembre 2001, n° 218221, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A2449AXY) ; CE 2° et 7° s-s-r., 1er juillet 2005, n° 263672, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A0214DK7) ; CE 2° et 7° s-s-r., 27 janvier 2006, n° 259374, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6386DMH) ; CE 2° et 7° s-s-r., 11 septembre 2006, n° 257545, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A0372DR9) ; CE 2° et 7° s-s-r., 29 décembre 2008, n° 294606, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9626EB7) ; CE 2° et 7° s-s-r., 8 février 2010, n° 314075, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7558ERD) ; CE 2° et 7° s-s-r., 7 juin 2010, n° 308883, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9200EYE) ; CE 2° et 7° s-s-r., 27 octobre 2010, n° 318023, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1089GDP) ; CE 2° et 7° s-s-r., 23 décembre 2011, n° 342394, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8213H8P) ; CE 2° et 7° s-s-r., 4 juillet 2012, n° 352714, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A4720IQU).
(6) CE 2° et 6° s-s-r., 21 septembre 1992, n° 111555, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7715AR8).
(7) Cf. en particulier CE 2° et 7° s-s-r., 1er avril 2009, n° 323585, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5013EEE) ; CE 2° et 7° s-s-r., 23 décembre 2009, n° 328827, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8416EPE).
(8) CE 2° et 7° s-s-r., 7 novembre 2008, n° 291794, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1733EBS).
(9) CE 3° et 5° s-s-r., 10 octobre 1984, n° 16234, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5119AL8) : l'acceptation de son offre ne lui crée aucun droit à la signature du marché ; CE 2° et 7° s-s-r., 18 mars 2005, n° 238752, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2752DHE).
(10) CE 2° et 7° s-s-r., 23 mai 2008, n° 306153, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7241D8P).
(11) CE 3° et 5° s-s-r., 11 octobre 1985, n° 38789, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3278AMD) ; CE 1° et 4° s-s-r., 10 décembre 1986, n° 46629, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7652B7K).
(12) CE 2° et 7° s-s-r., 30 décembre 2009, n° 305287, mentionné dans les tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0305EQD).
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Réf. : Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (N° Lexbase : L9189IUU)
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par Guillaume Payan, Maître de conférences à l'Université du Maine, Membre du Thémis-Um (e.a. 4333)
Le 21 Février 2013
I - Consécration du principe de la libre circulation des titres juridiques au sein de l'Union européenne
Le dispositif mis en place -très allégé- a vocation à simplifier et faciliter les démarches des créanciers souhaitant obtenir la reconnaissance ou l'exécution de leurs titres dans un autre Etat membre. Avant de brièvement présenter ces démarches (A) et d'apporter des précisions sur la nature des titres concernés (B), deux brèves remarques liminaires peuvent être faites. La première concerne la notion d'"exécution" retenue dans le Règlement (UE) n° 1215/2012 et la seconde a trait à la circulation transfrontière des décisions de justice ordonnant une astreinte.
Tout d'abord, à l'instar du Règlement "Bruxelles I", le Règlement (UE) n° 1215/2012 n'a pas vocation à régir l'exécution proprement dite des titres exécutoires (22). Cette exécution proprement dite devra être réalisée en application de la législation de l'Etat membre requis (23) et dans les mêmes conditions que les titres exécutoires prononcés dans cet Etat (24). Il en va de même concernant les mesures conservatoires (25). A l'égard de ces dernières, on peut néanmoins signaler les dispositions de l'article 40 du nouveau Règlement aux termes desquelles une décision exécutoire "emporte de plein droit l'autorisation de procéder" à de telles mesures. La prévision de cette solution doit être saluée car elle clarifie la situation des créanciers européens en mettant un terme à une controverse engendrée par la rédaction -peu claire- du premier paragraphe de l'article 47 du Règlement "Bruxelles I" (26).
Ensuite, le nouveau Règlement reprend à l'identique la règle retenue dans le Règlement "Bruxelles I", en matière d'astreintes judiciaires, selon laquelle "les décisions rendues dans un Etat membre condamnant à une astreinte ne sont exécutoires dans l'Etat membre requis que si le montant en a été définitivement fixé par la juridiction d'origine" (27). En conséquence, il ne permet pas de liquider l'astreinte dans un Etat membre différent de celui dans lequel elle a été prononcée. Cette solution prive la procédure d'astreinte d'une partie son utilité dans les litiges transfrontaliers. Plus généralement, le principe de la libre circulation des décisions de justice ne s'étend donc pas aux cas dans lesquels l'astreinte est seulement prononcée et n'est pas encore liquidée dans l'Etat d'origine. Il nous semble permis de regretter que la refonte du Règlement (CE) n° 44/2001 ne se soit pas accompagnée d'une évolution sur ce point, à l'image notamment de ce qui était proposé par la Commission européenne dans sa proposition de Règlement de décembre 2010 (28).
A - Les démarches à réaliser par les demandeurs
Aux termes des articles 37 (Reconnaissance) et 42 (Exécution) du Règlement (CE) n° 1215/2012, la partie qui souhaite invoquer ou faire exécuter une décision de justice dans un Etat membre différent de celui dans lequel elle a été prononcée doit produire une copie de ladite décision ainsi qu'un certificat qualifié "Certificat relatif à une décision en matière civile et commerciale". Ce certificat devra être communiqué aux entités compétentes de l'Etat requis à fin, le cas échéant, d'être notifié au(x) débiteur(s).
La copie de la décision doit réunir les conditions nécessaires à l'établissement de son authenticité (29).
Le certificat est établi, par la juridiction d'origine, au moyen d'un formulaire figurant en annexe du Règlement, et cela conformément à l'article 53 de ce Règlement. Il constitue une sorte de "passeport judiciaire européen" qui va permettre à la décision de justice de voyager sur le territoire de l'Union européenne. Entre autres informations, devront y figurer l'identité et les coordonnées des parties et de la juridiction d'origine ainsi que des précisions sur la décision de justice concernée (date, numéro, défaillance ou non du défendeur, caractère exécutoire dans l'Etat d'origine (30), contenu de la décision avec une brève description du litige, montant des frais de procédure, calcul des intérêts, etc.). Lorsqu'il s'agira d'exécuter, dans l'Etat requis, une décision de justice qui ordonne une mesure provisoire ou conservatoire, le certificat devra contenir la description de la mesure ainsi que des précisions sur le respect du principe du contradictoire. Il devra également attester notamment que la juridiction saisie est compétente pour connaitre le fond (31).
La notification ou signification du certificat au(x) débiteur(s) doit nécessairement avoir lieu avant la "première mesure d'exécution" et peut être réalisée en même temps que la notification ou signification de la décision de justice concernée (32).
Par ailleurs, le Règlement prévoit la possibilité, pour l'entité compétente (33) de l'Etat membre requis, d'exiger -du demandeur- la traduction ou une translittération du contenu dudit certificat. La traduction de la décision de justice peut être exigée, à la place, par cette même entité, lorsque cela s'avère nécessaire (34). Dans le même ordre d'idées, la personne contre laquelle l'exécution est demandée peut demander -aux fins de contestation de cette exécution- une traduction de la décision de justice à exécuter, lorsqu'elle est domiciliée dans un Etat membre différent de celui de la juridiction d'origine et que ladite décision n'est pas rédigée ou accompagnée d'une traduction dans une langue qu'elle comprend ou une langue officielle de l'Etat de son domicile (35). Il est important de remarquer que le Règlement subordonne (36), à cette traduction, la mise en oeuvre de toutes mesures d'exécution "autres qu'une mesure conservatoire" (37). Autrement dit, si on peut voir dans cette disposition une véritable garantie des droits de la défense du débiteur (ou, plus exactement, de la "personne contre laquelle l'exécution est demandée"), on note que les intérêts du créancier ne sont pas ignorés pour autant.
B - Les titres concernés par le Règlement
Tout comme le Règlement "Bruxelles I", le nouveau Règlement s'applique non seulement aux décisions de justice, mais également aux "transactions judiciaires" et aux "actes authentiques" (38). Bien entendu, pour pouvoir être exécutés dans l'Etat membre requis, ces titres doivent être exécutoires dans l'Etat membre d'origine (39).
On peut remarquer que la notion de "décisions de justice" comprend les mesures provisoires et conservatoires qui ont été ordonnées par une juridiction compétente sur le fond en vertu du règlement. En revanche, elle n'englobe pas de telles mesures lorsqu'elles sont ordonnées sans que le défendeur ne soit cité à comparaître, à moins que la décision contenant lesdites mesures n'ait été signifiée ou notifiée au défendeur avant l'exécution (40). Autrement dit, le législateur de l'Union européenne consacre la solution retenue, par la CJCE, dans l'arrêt "Denilauler" du 21 mai 1980 (41), en subordonnant la libre circulation des décisions ordonnant des mesures conservatoires au respect du principe du contradictoire. Cela va à l'encontre de l'efficacité des mesures conservatoires, laquelle repose sur un certain "effet de surprise" à l'égard du (présumé) débiteur. On peut regretter que la refonte du Règlement "Bruxelles I" ne se soit pas accompagnée de l'abandon de cette solution.
Il est également permis de noter que le Règlement (UE) n° 1215/2012 ne prévoit pas de régime juridique spécifique à certaines matières, comme cela était proposé par la Commission européenne. La proposition de Règlement de décembre 2010 précitée (42) prévoyait en effet le maintien, "à titre transitoire", de la procédure d'exequatur pour les décisions concernant "les obligations non contractuelles découlant d'atteintes à la vie privée et aux droits de la personnalité, y compris la diffamation" ou ayant trait à des indemnisations obtenues dans le cadre d'actions collectives (43). Sans doute est-il préférable de ne pas multiplier les régimes dérogatoires pour faciliter la lisibilité du dispositif mis en place et ce, d'autant plus, qu'un mécanisme de refus de reconnaissance et d'exécution est prévu.
II - Prévision d'un mécanisme de refus de reconnaissance et d'exécution des titres juridiques étrangers
Il convient d'envisager successivement les différents motifs de refus de reconnaissance ou d'exécution ainsi que les règles relatives à la demande de refus.
A - Les motifs de refus
La suppression de la procédure de "déclaration constatant la force exécutoire" établie par le Règlement (CE) n° 44/2001 ne doit pas être comprise comme la disparition de toutes possibilités de bloquer la reconnaissance ou l'exécution d'un titre obtenu dans un autre Etat membre. Différents motifs de refus sont en effet visés aux articles 45 et 46 du nouveau Règlement. Ils correspondent, en substance, à ceux qui peuvent être évoqués, à ce jour, à l'occasion du recours prévu dans le cadre de la procédure d'exequatur allégé définie par le Règlement (CE) n° 44/2001 (44).
En premier lieu, on retrouve la contrariété manifeste à l'ordre public de l'Etat membre requis, laquelle peut être évoquée quelle que soit la nature -décision de justice (45), acte authentique (46), transaction judiciaire (47) - du titre étranger à exécuter. En l'absence de précisions du texte, il semble que l'on englobe ici l'ordre public international substantiel et l'ordre public international procédural. Il y a là une différence notable avec la proposition de Règlement adoptée par la Commission européenne en décembre 2010 et dans laquelle la contrariété à l'ordre public international substantiel disparaissait des motifs de refus (48).
En deuxième lieu, figure également le motif traditionnel lié au respect des droits de la défense dans l'hypothèse où la décision de justice a été rendue par défaut. Un refus de reconnaissance ou d'exécution est possible lorsque l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent n'a pas été notifié au défendeur "en temps utile et de telle manière qu'il puisse se défendre", sous réserve que ce dernier "n'ait pas exercé de recours contre la décision alors qu'il était en mesure de le faire".
En troisième lieu, est repris le motif tenant à l'inconciliabilité de la décision de justice à exécuter avec une décision rendue entre les mêmes parties dans l'Etat membre requis ou bien avec une décision qui a été "rendue antérieurement dans un autre Etat membre ou dans un Etat tiers entre les mêmes parties dans un litige ayant le même objet et la même cause, lorsque la décision rendue antérieurement réunit les conditions nécessaires à sa reconnaissance dans l'État membre requis".
En quatrième lieu, le refus de reconnaissance ou d'exécution peut être évoqué lorsque la décision de justice à exécuter méconnaît les règles de compétence visées à la section 6 ("Compétences exclusives") du chapitre II du Règlement (UE) n° 1215/2012 ou bien celles contenues dans les sections 3 ("Compétence en matière d'assurances"), 4 ("Compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs") ou 5 ("Compétence en matière de contrats individuels de travail") (49) de ce même chapitre dans le cas où le "preneur d'assurance, l'assuré, un bénéficiaire du contrat d'assurance, la victime, le consommateur ou le travailleur était le défendeur". Au-delà de ces hypothèses, le contrôle de la compétence de la juridiction d'origine ne pourra être réalisé (50).
En dernier lieu, il est rappelé à l'article 52 du nouveau Règlement, que la décision de justice à exécuter ne saurait faire l'objet d'une révision sur le fond dans l'Etat membre dans lequel la reconnaissance ou l'exécution est souhaitée.
B - La procédure de demande de refus d'exécution
La demande de refus d'exécution est adressée à la juridiction compétente (51) de l'Etat membre requis, en application de la législation nationale de cet Etat (52). En effet, la procédure applicable en matière de refus d'exécution n'est pas régie par le Règlement (UE) n° 1215/2012. Il est néanmoins précisé que la partie sollicitant le refus devra communiquer une copie de la décision de justice concernée à la juridiction compétente accompagnée, le cas échéant, d'une traduction ou d'une translittération (sauf, à cette juridiction, de demander à la partie adverse la fourniture de tels documents) (53). Dans un souci de célérité, il est indiqué que cette juridiction doit statuer à "bref délai" (sans toutefois préciser ledit délai) (54). Par ailleurs, le droit à un recours contre la décision accordant ou rejetant la demande de refus est consacré (55). En revanche, la perspective d'un recours en cassation contre la décision rendue sur ce recours est subordonnée à une déclaration des Etats membres (56).
La personne qui sollicite le refus d'exécution de la décision de justice à exécuter a la possibilité de demander à la juridiction compétente de l'Etat membre requis de limiter l'exécution à des mesures conservatoires ou de subordonner cette exécution à la constitution d'une sûreté voire de suspendre tout ou partie de la procédure d'exécution poursuivie à son encontre (57).
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par Frédéric Subra, Avocat associé, et Mathieu Le Tacon, Avocat of counsel, Delsol Avocats, membres de l'IACF
Le 26 Janvier 2013
Nul ne peut l'ignorer, la taxe de 75 % était la mesure fiscale emblématique du nouveau Président de la République, qui en avait lancé l'idée subitement pendant la campagne (qui ne se rappelle pas de la réaction médusée et pour le moins dubitative de l'actuel ministre du Budget lorsqu'il en a été informé en direct à la télévision ?), sans doute pour des raisons de tactique électoraliste qui, indéniablement, s'est avérée payante...
L'élection acquise, la mise en oeuvre de cette promesse s'est révélée bien délicate, et il apparaît que l'objectif du Gouvernement était, in fine, de faire voter un dispositif qui, tout en tenant au moins formellement un engagement de campagne, ne concernerait qu'un nombre très restreint de contribuables.
Patatras ! A vouloir poursuivre des objectifs contradictoires, le dispositif adopté par le Parlement était devenu manifestement contraire au principe de prise en compte des facultés contributives des citoyens, et donc au principe d'égalité des contribuables devant l'impôt : en l'état du texte proposé et voté par le Parlement, un foyer fiscal dont les deux membres gagnaient chacun 900 000 euros par an échappait à la taxe de 75 % alors qu'y était assujetti le couple de contribuable dont seul l'un des deux travaillait en gagnant 1,8 million d'euros (Cons. const., décision n° 2012-662 DC, du 29 décembre 2012 N° Lexbase : A6288IZW).
D'autres aspects du projet étaient, par ailleurs, assez surprenants, puisqu'il était prévu que le mécanisme ne s'appliquait qu'aux revenus d'activité entendus comme des revenus imposés dans la catégorie des traitements et salaires, des BIC, BNC ou BA et que, de surcroît, ce dispositif n'était envisagé que pour s'appliquer pendant, tout au plus, deux ans.
Or, chacun sait que, pour des contribuables très fortunés et judicieusement conseillés, il est aisé de décaler d'un an ou deux l'appréhension de certains revenus, mais également d'appréhender ces revenus non sous forme de salaires, mais sous forme de dividendes, ou d'attributions d'actions. Tout ceci laissait donc bien penser que la taxe de 75 % était une épine dans le pied de la nouvelle majorité, que celle-ci essayait tant bien que mal d'enlever avant même sa censure pour inconstitutionnalité.
Reste donc à savoir si le Gouvernement se précipitera pour représenter un texte (dont le rendement budgétaire sera de toute façon anecdotique) ou, prudemment, laissera retomber le soufflé. Rappelons que la taxe carbone, censurée par le Conseil constitutionnel il y a quelques années, n'a jamais été représentée au Parlement...
De ce point de vue, la communication gouvernementale cacophonique de ces derniers jours (tant sur la date à laquelle un nouveau dispositif serait présenté que sur les modalités de celui-ci, notamment s'agissant du taux, des personnes et des revenus visés ou de l'éventuel prélèvement directement au niveau de l'entreprise) laisse penser que rien n'est encore fixé.
En tout état de cause, le Conseil constitutionnel, en censurant le dispositif au regard du principe de l'égalité devant l'impôt, n'a pas eu à trancher la fameuse question, plus délicate parce que plus politique, du caractère confiscatoire de l'imposition d'un revenu au taux de 75 %...
Au regard d'autres mesures censurées eu égard à leur caractère confiscatoire (par exemple les surtaxations prévues pour les stocks-options ou les retraites-chapeaux), d'aucuns considèrent que le seuil maximum admissible par le Conseil constitutionnel serait plutôt de l'ordre de 70 que de 75 %.
Mais il est vrai aussi qu'une partie des membres du Conseil constitutionnel va bientôt être renouvelée...
L'impôt sur le revenu, conformément aux engagements pris pendant la campagne présidentielle par son vainqueur, se voit appliquer une nouvelle tranche, et donc un nouveau taux marginal de 45 % (contre 41 % en dernier lieu), applicable à la fraction du revenu net imposable qui excède 150 000 euros par part.
Cette mesure s'appliquera dès l'imposition des revenus perçus en 2012, et s'inscrit dans un contexte d'alourdissement très net et assez général de l'impôt sur le revenu. En effet, elle poursuit un double objectif de renforcement de la progressivité de l'impôt et de répartition équitable de l'effort supplémentaire en matière d'imposition des ménages. De plus, lors des travaux parlementaires portant sur cet article, a été mentionnée la place du dispositif dans la réforme d'ampleur de l'impôt sur le revenu souhaitée par le Gouvernement. Les principaux aspects d'une telle réforme portent sur l'imposition au barème progressif des revenus du capital (loi de finances pour 2013, art. 9, 10 et 11), sur l'abaissement du plafonnement global de l'avantage lié à certaines dépenses fiscales et à la réduction de l'avantage tiré du quotient familial pour les contribuables les plus aisés (loi de finances pour 2013, art. 4).
Le barème de l'impôt sur le revenu a connu une baisse du nombre de ses tranches, constante depuis 1982, année au cours de laquelle il en comptait 13. Depuis 2006, ce barème comporte 5 tranches. De même, les taux marginaux d'imposition ont été abaissés, passant de 65 % en 1982 à 41 % en 2011. La tendance est brisée par cet article, qui, non seulement crée une nouvelle tranche d'imposition, mais, en plus, donne à cette tranche le nouveau taux marginal de l'impôt sur le revenu. L'augmentation de l'imposition ne créera pas de ressauts d'imposition importants jusqu'à un certain niveau de revenu. En revanche, à partir de revenus élevés, le ressaut est sensible. En effet, l'imposition augmente de plus de 5 % à compter de 300 000 euros pour un célibataire et de 600 000 euros pour un couple.
Parallèlement à l'instauration de cette nouvelle tranche d'imposition à 45 %, rappelons que les limites des autres tranches ne sont pas, cette année encore, actualisées en fonction de l'inflation. Ce gel du barème alourdit donc, une nouvelle fois, à hauteur du coût de la vie, qui, lui, ne gèle plus depuis longtemps, le poids de l'impôt. Ce gel concerne tous les contribuables, et pas seulement les plus aisés. En outre, il a des répercussions sur de nombreux dispositifs, qui prévoient que leur barème propre suit celui de l'IR (notamment en matière d'abattement sur les donations et successions).
Le plafonnement des niches fiscales est à nouveau sensiblement durci, avec un plafond de principe abaissé à 10 000 euros pour les investissements réalisés à compter du 1er janvier 2013, contre 18 000 euros + 4 % du revenu imposable pour les investissements réalisés antérieurement. Cette dichotomie entraîne des difficultés pratique pour le contribuable, qui devra opérer deux calculs : un pour les investissements profitant de niches fiscales et opérés à compter du 1er janvier, et un pour les investissements antérieurs. Le législateur a tout de même adoucit ce dispositif sévère, en ne comprenant pas dans le mécanisme du plafonnement les opérations de restructurations immobilières dites "Malraux" (CGI, art. 199 tervicies N° Lexbase : L8521ISE ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E4814ERQ), pour les investissements réalisés à compter du 1er janvier 2013.
Enfin, le plafond de l'avantage conféré par le mécanisme du quotient familial est abaissé à 2 000 euros par demi-part, au lieu de 2 336 euros antérieurement.
L'article 70 de la troisième loi de finances rectificative pour 2012 institue, à l'article 1609 nonies du CGI, un mécanisme de surtaxe des plus-values immobilières supérieures à 50 000 euros, réalisées par des particuliers.
La genèse de cet article se trouve dans la suppression du prélèvement ciblé sur les organismes HLM (loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, art. 210 N° Lexbase : L9901INZ). Selon ce dispositif, les organismes d'habitations à loyer modéré et les sociétés d'économie mixte étaient soumises à un prélèvement assis sur leur potentiel financier, dont le produit annuel était fixé à 175 millions d'euros, et à une majoration de la part variable de la cotisation additionnelle qu'ils versaient à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), plafonnée à 70 millions d'euros pendant trois ans. Ces deux ressources devaient abonder un fonds géré par la CGLLS contribuant au financement du programme de rénovation urbaine d'une part, et au développement et à l'amélioration du parc de logements locatifs sociaux, d'autre part, en remplacement des crédits budgétaires de l'Etat. Son caractère injuste au regard des réelles capacités financières des organismes HLM, et pénalisant pour l'investissement dans le logement locatif social a entraîné sa suppression, dès le 1er janvier 2013. Il est à noter, toutefois, que cette suppression, qui a déjà été prise en compte pour l'élaboration du projet de budget de la mission "Egalité des territoires, logement et ville", doit devenir effective par le vote du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, transmis au Sénat le 27 novembre 2012 et en cours de discussion.
Selon le texte voté, les terrains à bâtir visés par la nouvelle imposition prévue par la loi de finances pour 2013 sont expressément exclus du dispositif commenté.
Néanmoins, la taxe visant les terrains à bâtir contenue dans la loi de finances pour 2013 ayant été invalidée par le Conseil constitutionnel, il pourrait être prétendu par l'administration fiscale (dont les commentaires sont donc particulièrement attendus) que les terrains à bâtir sont, in fine, visés par le dispositif de l'article 1609 nonies du CGI.
Sont, en tout état de cause, concernées les plus-values réalisées directement par des personnes physiques ou des sociétés et groupements "translucides" relevant de l'article 8 du CGI (N° Lexbase : L1176ITQ), ainsi que par les non résidents assujettis au prélèvement de l'article 244 bis A du CGI (N° Lexbase : L5715IR4).
Sont, en revanche, exclues, les plus-values bénéficiant d'une exonération telle que celle propre à l'habitation principale, à la première cession d'un logement autre que la résidence principale, à la cession de l'habitation en France d'un non résident ou encore à la cession d'un immeuble détenu depuis plus de trente ans.
Comme précédemment indiqué, la taxe est déclenchée par toute plus-value imposable, déduction faite de l'abattement pour durée de détention, lorsqu'elle dépasse 50 000 euros elle est alors soumise à la taxe dès le premier euro.
Le taux de la taxe est fonction d'un barème, permettant de lisser les effets de seuils, dont le taux varie de 2 % jusqu'à 6 % pour les plus-values supérieures à 260 000 euros, comme suit :
Montant de la plus-value imposable (en euros) | Montant de la taxe (en euros) |
De 50 001 à 60 000 | 2 % PV - (60 000 - PV) × 1/20 |
De 60 001 à 100 000 | 2 % PV |
De 100 001 à 110 000 | 3 % PV - (110 000 - PV) × 1/10 |
De 110 001 à 150 000 | 3 % PV |
De 150 001 à 160 000 | 4 % PV - (160000 - PV) × 15/100 |
De 160 001 à 200 000 | 4 % PV |
De 200 001 à 210 000 | 5 % PV -(210 000 - PV) × 20/100 |
De 210 001 à 250 000 | 5 % PV |
De 250 001 à 260 000 | 6 % PV - (260 000 - PV) × 25/100 |
Supérieur à 260 000 | 6 % PV |
(PV = montant de la plus-value imposable) |
Autrement dit, le taux maximum d'imposition d'une plus-value immobilière est désormais de 25 % (19 + 6), soit 40,5 % prélèvements sociaux inclus.
D'un point de vue déclaratif, la taxe s'applique aux cessions intervenues à compter du 1er janvier 2013 (sauf si la promesse de vente a acquis date certaine avant le 7 décembre 2012) et devra être liquidée grâce à l'imprimé n° 2048IMM, qui sera adapté pour l'occasion.
Le rendement de cette taxe est estimé à 230 millions d'euros. Il est intéressant de remarquer que son affectation à la CGLLS est plafonnée à 120 millions d'euros. L'excédent de rendement permettra à l'ANRU de faire face à la "bosse de ses paiements" et de conserver une trésorerie excédentaire en 2013, 2014 et 2015.
Cette nouvelle taxe vient en remplacement du projet initial du Gouvernement, qui était d'instaurer une "surtaxe" d'habitation pour les résidences secondaires, dont l'application aurait conduit l'Etat à opérer une préemption sur la fiscalité locale.
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Réf. : Cass. QPC, 9 janvier 2013, n° 12-40.085, FS-P+B (N° Lexbase : A7899IZL)
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 24 Janvier 2013
Résumé
Doit être transmise la QPC mettant en cause la conformité de l'exclusion de la nullité de la procédure de licenciement pour motif économique, en l'absence de plan de sauvegarde de l'emploi, lorsque l'employeur fait l'objet d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires, au principe d'égalité devant la loi. |
Commentaire
I - De l'inapplication de la nullité aux procédures collectives
Cadre juridique. L'article L. 1235-10 du Code du travail (N° Lexbase : L6214ISX), aux termes duquel "dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciements concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, la procédure de licenciement est nulle tant que le plan de reclassement des salariés prévu à l'article L. 1233-61 (N° Lexbase : L6215ISY) et s'intégrant au plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés", écarte l'application de cette sanction, dans son alinéa 3, lorsque l'entreprise est placée en redressement ou en liquidation judiciaire.
Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi "Aubry II", en 2000, l'ancien article L. 321-9 du Code du travail (N° Lexbase : L0043HDX), applicable dans le cadre des procédures collectives, obligeait le liquidateur à consulter les représentants du personnel dans les conditions prévues à l'article L. 321-4 (N° Lexbase : L9633GQT), lequel visait le plan social de l'article L. 321-4-1 (N° Lexbase : L8926G7Q). A défaut, la procédure était donc nulle, et de nul effet, et les licenciements eux-mêmes annulés dans le prolongement de la jurisprudence "La Samaritaine" (1).
La loi "Aubry II" du 19 janvier 2000 a retranché au renvoi à l'article L. 321-4-1 le second alinéa relatif à la nullité de la procédure.
Lors de l'adoption de la loi de modernisation sociale en 2002 (loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 N° Lexbase : L1304AW9), le Parlement avait souhaité rétablir la nullité comme sanction, mais ce dispositif fut suspendu en 2003 par la loi "Fillon" (loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 N° Lexbase : L0300A9Y), avant d'être définitivement abrogé en 2005, ce qui a eu pour conséquence le rétablissant le texte dans sa version d'origine. C'est donc tout naturellement que l'exclusion de la nullité instaurée en 2000 fut reprise à l'occasion de la recodification du Code du travail dans une formule d'ailleurs plus explicite.
QPC. C'est cette exclusion qui est ici directement remise en cause au regard du principe d'égalité devant la loi (DDHC, art. 6 N° Lexbase : L1370A9M), et la question posée transmise au Conseil constitutionnel. Pour la Chambre sociale de la Cour de cassation, en effet, "la question présente un caractère sérieux au regard de la différence de traitement que les textes instituent et qui résulte de l'exclusion de la nullité de la procédure de licenciement pour motif économique, en l'absence de plan de sauvegarde de l'emploi, lorsque l'employeur fait l'objet d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires".
Une transmission neutre. La Cour n'en dit pas plus sur les raisons de la transmission ni sur l'analyse qui pourrait être la sienne des arguments militant en faveur d'une censure du texte. On peut toutefois penser que ces arguments doivent être suffisamment sérieux compte tenu du caractère passablement restrictif de sa politique de transmission des QPC. On peut également penser que l'histoire de la règle a dû jouer puisque la nullité était de mise avant 2000, qu'elle avait été également rétablie en 2002 par le législateur, avant la suspension décidée en 2003 et l'abrogation de la loi de 2002 entérinée en 2005.
Des chances de succès minces. Reste à déterminer les chances réelles de censure devant le Conseil constitutionnel, qui nous paraissent minces au regard des solutions qui prévalent en matière d'égalité tant en droit du travail qu'en matière de procédures collectives, et ce en dépit des dernières et nombreuses censures prononcées par le Conseil constitutionnel en matière à l'occasion de l'examen de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013 (loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 N° Lexbase : L6715IUA) (2) et des lois de finances 2013 (loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 N° Lexbase : L7971IUR) (3) et rectificatives pour 2012 (loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 N° Lexbase : L7970IUQ) (4), fondées il est vrai pour l'essentiel sur le principe d'égalité devant les charges publiques.
II - Analyse au regard de la jurisprudence constitutionnelle rendue en droit du travail
Etat de la jurisprudence constitutionnelle. Le principe d'égalité devant la loi a été évoqué à de nombreuses reprises devant le Conseil constitutionnel pour obtenir l'abrogation de nombreux régimes dérogatoires, mais sans succès. Comme cela a été souligné à plusieurs reprises (5), le Conseil constitutionnel laisse au Parlement une large marge d'appréciation de la notion de différence de situation qui justifie a priori des différences de traitement, ou des motifs qui peuvent justifier que des exceptions au principe d'égalité de traitement soient apportées. Selon une formule classique, "le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit" (6).
Le Parlement a pu valablement réserver des procédures particulières pour arbitrer les différends entre journalistes et organes de presse (7), des règles propres au licenciement des assistants maternels (8), limiter à certains salariés, sous critère d'ancienneté, le bénéfice de la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi (9) ou des contreparties au travail dominical (10), ou prévoir des règles propres à certaines catégories de travailleurs pour favoriser leur accès à l'emploi (11) ou les conditions de leur départ en retraite (12).
Des chances de succès très faibles. Dans ces conditions, on peut penser que le Conseil constitutionnel ne donnera pas suite, tout comme il n'avait pas jugé contraire au principe d'égalité le fait de réserver aux salariés ayant une ancienneté de deux ans le bénéfice des indemnités spéciales dues en cas d'annulation du plan (13).
Il pourrait tout d'abord considérer que les salariés ne sont pas dans la même situation selon que leur entreprise se trouve ou non soumise à une procédure collective, ne serait-ce que parce que leurs droits ne sont pas les mêmes, singulièrement en matière de licenciement.
Le Conseil pourrait également considérer qu'existent des motifs qui justifient les différences de traitement, dès lors qu'on n'admettrait pas la différence de situation, notamment la nécessité de ne pas faire peser sur l'entreprise, qui se trouve déjà en difficultés, une charge financière trop lourde en lui imposant la réintégration de salariés licenciés sans PSE, ou sur la base d'un PSE insuffisant, ou en appliquant le régime des indemnités doublées de licenciement applicable en cas de nullité du licenciement (14).
II - Analyse au regard de la jurisprudence constitutionnelle rendue en droit des entreprises en difficulté
Jurisprudence actuelle. Les dispositions des lois de 1985 (loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 N° Lexbase : L7852AGW) et 2005 (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises N° Lexbase : L5150HGT) ont été toutes deux examinées, avant leur promulgation, par le Conseil constitutionnel qui a eu à statuer sur la conformité de certaines dispositions, notamment au regard du principe d'égalité (15).
Dans la première décision rendue en 1985 (16), le Conseil a validé les privilèges réservés aux "créanciers de l'article 40" par le fait que ces derniers étaient "placés dans des situations différentes au regard de l'objectif poursuivi" de concourir "à la réalisation de l'objectif d'intérêt général de redressement des entreprises en difficulté" (17).
Dans la seconde décision rendue en 2005 (Cons. const., décision n° 2005-522 DC du 22 juillet 2005 N° Lexbase : A1643DK3), les auteurs de la saisine contestaient le traitement plus favorable réservé par l'article 8 de la loi aux créanciers qui consentent au débiteur un nouvel apport en trésorerie ou lui fournissent un nouveau bien ou service dans le cadre d'un accord dont l'homologation met fin à la procédure de conciliation. Ici aussi, le Conseil constitutionnel a considéré "qu'au regard de cet objectif, ceux qui prennent le risque de consentir de nouveaux concours, sous forme d'apports en trésorerie ou de fourniture de biens ou services, se trouvent dans une situation différente de celle des créanciers qui se bornent à accorder une remise de dettes antérieurement constituées" (cons. 5).
Projection. Il ne semble pas ici que ces décisions permettent d'anticiper sur un rejet.
Dans les deux décisions rendues en 1985 et 2005, en effet, les demandeurs discutaient le traitement plus favorable réservé par la loi à certains créanciers, alors qu'ici il s'agit de déterminer si le traitement moins favorable réservé aux salariés, pendant les périodes de redressement ou de liquidation judiciaire, pouvait être justifié soit par une différence de situation, soit par un motif suffisant. Le Conseil avait, dans ces deux décisions, considéré que les privilèges accordés étaient justifiés par le fait que les créanciers ne se trouvaient pas dans la même situation que les autres (ceux dont la créance était antérieure à l'ouverture de la procédure), singulièrement parce qu'ils agissaient en tant qu'acteurs du redressement de l'entreprise. Or, dans cette nouvelle affaire, les salariés licenciés pour motif économique pendant les mêmes périodes sont également des acteurs du redressement, et c'est bien pour cela que les conditions de leur licenciement sont restreintes afin de protéger leur emploi (18) ; dans ces conditions, on pourrait se demander pourquoi ils ne bénéficieraient pas d'une protection de leur emploi accrue, antinomique de la mise à l'écart du régime de la nullité du licenciement.
On peut toutefois penser que la volonté de ne pas trop peser sur les comptes de l'entreprise, au moment où celle-ci connaît des difficultés de trésorerie, pourrait entrer en ligne de compte pour valider la différence de traitement, même si le recours à l'AGS pourrait également faire pencher la balance.
Face à ces incertitudes, le Conseil constitutionnel pourrait rester, comme à son habitude en matière sociale, prudent et rappeler qu'il ne dispose pas d'un pouvoir d'appréciation comparable à celui du Parlement...
(1) Cass. soc., 19 février 2002, n° 98-45.526, inédit (N° Lexbase : A0225AYY) ; Cass. soc., 23 février 2005, n° 02-43.418, inédit (N° Lexbase : A8596DGH).
(2) Décision n° 2012-659 DC du 13 décembre 2012, loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013 (N° Lexbase : A8300IY3), cons. 13 : "la différence de traitement entre les travailleurs indépendants et les travailleurs salariés pour l'assujettissement aux cotisations de sécurité sociale est inhérente aux modalités selon lesquelles se sont progressivement développées les assurances sociales en France, à la diversité corrélative des régimes ainsi qu'au choix du partage de l'obligation de versement des cotisations sociales entre employeurs et salariés". Voir également les cons. 15 et 81.
(3) Décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012, loi de finances pour 2013 (N° Lexbase : A6288IZW), cons. 19, 30, 50, 51, 73, 74, 81, 101, 122, 133, 135.
(4) Décision n° 2012-661 DC du 29 décembre 2012, loi de finances rectificative pour 2012 (N° Lexbase : A6287IZU), cons. 14, 24 et 37.
(5) V. notre étude, La question prioritaire de constitutionnalité et le droit du travail : a-t-on ouvert la boîte de Pandore ?, Dr. soc., 2010, p. 873. Dans le même sens, V. Bernaud, Vers un renouvellement du droit constitutionnel du travail par les "décisions QPC" ?, Dr. soc., 2011, p. 1011.
(6) Décision n° 87-232 DC du 7 janvier 1988 (N° Lexbase : A8176ACS), cons. 10.
(7) Décision n° 2012-243/244/245/246 QPC du 14 mai 2012 (N° Lexbase : A1879IL8), v. nos obs., Le Conseil constitutionnel valide les privilèges des journalistes professionnels en matière de licenciement, Lexbase Hebdo n° 486 du 24 mai 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N2025BT8) ; Dr. soc., 2012, p. 1039, étude A. Sintives ; Gaz. Pal., 8 octobre 2012, n° 274, p. 15, obs. D. Besaude ; JCP éd. S, 2012, n° 31, p. 29, note N. Dauxerre ; RLDI, 2012, n° 84, p. 28, note E. Derrieux ; RDT, 2012, p. 438, note E. Serverin.
(8) Décision n° 2011-119 QPC du 1er avril 2011 (N° Lexbase : A1899HMB), v. nos obs., Le Conseil constitutionnel et les assistants maternels et familiaux, Lexbase Hebdo n° 457 du 28 avril 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N0628BS3) ; RLDCT, 2011, n° 73, p. 36, note M. Verpaux.
(9) Décision n° 2012-232 QPC du 13 avril 2012 (N° Lexbase : A5139II8), v. les obs. de Ch. Willmann, Droit à réintégration / indemnité de douze mois consécutifs à une nullité de PSE : l'exclusion des salariés de moins de deux ans n'est pas discriminatoire, Lexbase Hebdo n° 485 du 17 mai 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N1988BTS).
(10) Décision n° 2009-588 DC du 6 août 2009, loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires (N° Lexbase : A2113EKH), cons. 19 ; Dr. soc., 2009, p. 1081, chron. V. Bernaud ; RFD constit., 2010, p. 373, étude M. Guerrini ; RDT, 2009, p. 573, note M. Véricel.
(11) Décision n° 2011-122 QPC du 29 avril 2011 (N° Lexbase : A2798HPC), v. nos obs., Le Conseil constitutionnel valide l'exclusion de certaines catégories de travailleurs du décompte des effectifs, Lexbase Hebdo n° 438 du 5 mai 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N0702BSS).
(12) Décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 (N° Lexbase : A6265GER), v. nos obs., Le Conseil constitutionnel valide la réforme des retraites, Lexbase Hebdo n° 419 du 2 décembre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N7024BQ9).
(13) Décision n° 2012-232 QPC du 13 avril 2012, préc..
(14) C. trav., art. L. 1235-11 (N° Lexbase : L1357H97).
(15) D'autres décisions ont été rendues dernièrement sur d'autres aspects du régime, mais elles ne concernaient pas l'application du principe d'égalité : décision n° 2012-286 QPC du 7 décembre 2012, remise en cause du droit pour le tribunal de commerce de se saisir d'office pour l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, au regard des exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (N° Lexbase : A4918IYS)v. les obs. de P.-M. Le Corre, La non-constitutionnalité de la saisine d'office, Lexbase Hebdo n° 321 du 20 décembre 2012 - édition affaires (N° Lexbase : N5001BTE).
(16) Décision n° 84-183 DC du 18 janvier 1985, loi relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises (N° Lexbase : A8107ACA).
(17) Cons. 5.
(18) C. com., art. L. 631-17 (N° Lexbase : L4028HBS), relatif aux licenciements pour motif économique qui doivent présenter "un caractère urgent, inévitable et indispensable pendant la période d'observation".
Décision
Cass. QPC, 9 janvier 2013, n° 12-40.085, FS-P+B (N° Lexbase : A7899IZL) Renvoi d'une QPC, CPH Paris, 11 octobre 2012 Texte visé : C. trav., art. L. 1235-10, alinéa 3 (N° Lexbase : L6214ISX) Mots-clés : licenciement pour motif économique, redressement ou liquidation judiciaire, plan de sauvegarde de l'emploi, nullité, QPC, égalité devant la loi Liens base : |
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Réf. : Cass. com., 4 décembre 2012, F-P+B, n° 10-16.280 (N° Lexbase : A5686IYA)
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par Deen Gibirila, Professeur à la Faculté de droit et science politique (Université Toulouse I Capitole)
Le 24 Janvier 2013
I - L'arrêt rapporté concerne le rachat d'actions attribuées à un salarié au titre d'un plan d'épargne entreprise établi en 1998 auquel il avait adhéré, lui permettant ainsi d'être titulaire de 11 274 actions de la société holding. Ce salarié, directeur d'établissement d'une société anonyme d'expertise comptable et de commissariat aux comptes, avait signé en sa qualité d'actionnaire une "charte des associés". Il s'agissait plus précisément d'un pacte faisant état d'une promesse de revendre irrévocablement ses titres aux membres du conseil d'administration ou à la personne qu'ils choisiraient de se substituer en cas de départ de la société, notamment s'il venait à perdre la qualité de salarié. Ladite charte prévoyait une méthode de calcul du prix de cession de l'action.
Bien que démissionnaire de son poste le 30 décembre 2002, avec prise d'effet au 30 juin 2003, le salarié a refusé le prix de cession proposé de ses actions avoisinant 193 000 euros. Les sociétés du groupe l'ont alors assigné en justice aux fins de céder ses titres au prix demandé. Déboutées en première instance en ce qui concerne le montant des titres litigieux évalués à 400 000 euros par l'expert désigné en justice par ordonnance du président du tribunal de grande instance à l'initiative du titulaire des droits sociaux, les sociétés demanderesses ont obtenu gain de cause auprès de la cour d'appel de Paris statuant le 6 septembre 2011. Cette dernière, infirmant le jugement initial, a ordonné la cession à un prix approximatif de 191 000 euros, au motif que les parties ne se sont pas entendues sur l'intervention d'un expert en cas de désaccord entre elles.
S'estimant lésé par la décision, l'ancien salarié a porté l'affaire en justice dans le cadre d'un recours en cassation fondé, d'une part, sur les dispositions relatives au plan d'épargne entreprise, d'autre part, sur l'atteinte portée aux dispositions de l'article 1843-4 du Code civil. Son pourvoi est rejeté sur le premier terrain au motif que les énonciations de l'article L. 443-5 du Code du travail (N° Lexbase : L4237HWT), devenu l'article L. 3332-30 de ce code (N° Lexbase : L0797ICI), ne concernent pas la cession des actions détenues par le salarié au sein d'un plan d'épargne entreprise. En revanche, son recours est accueilli sur le second, la décision de la juridiction d'appel étant censurée au visa de l'article 1843-4 précité.
II - La question posée aux juges, notamment de la Cour de cassation, est de savoir si l'adhésion par les parties à la méthode de valorisation préétablie et mentionnée dans la promesse irrévocable de vente constitue ou non un obstacle à la sollicitation en justice par l'une d'elles de l'intervention d'un expert aux fins d'évaluation des titres litigieux.
La solution semble donnée par l'article 1843-4 du Code civil, sans toutefois que la difficulté soit complètement résolue en raison du doute suscité par le terme "contestation". Révèle-t-il une absence complète d'accord entre les parties ou la possibilité pour l'une d'elle, désapprouvant l'évaluation des parts sociales cédées proposée par l'autre ou, comme en l'espèce, celle inscrite dans la promesse irrévocable de vente et initialement acceptée par toutes deux, d'agir en demande d'une évaluation faite par un expert ?
En la matière, l'article L. 228-24, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L8379GQE) renvoie à l'article 1843-4 du Code civil pour la détermination du prix des titres de capital ou des valeurs mobilières donnant accès au capital, à défaut d'accord entre les parties. Que faut-il entendre par "défaut d'accord entre les parties" ? Comment concevoir un défaut d'accord quand, c'est ici le cas, les parties se sont auparavant entendues sur les règles de fixation du prix des parts cédées ? L'accord sur celles-ci n'exclut-il pas le recours en justice d'une expertise ? Ce sont autant d'interrogations auxquelles ont été confrontés les juges du fond en première et seconde instance et, à présent, le juge du droit, les uns et les autres y apportant des réponses divergentes.
La logique commande, en pareille circonstance, d'envisager l'une ou l'autre des deux situations suivantes :
- soit que la cession a été prévue à un prix déterminé ou déterminable, auquel cas il suffit au moment de la réalisation de celle-ci d'appliquer les règles préétablies, le juge ne devant être saisi qu'en cas de litige lié à une inapplication, une mauvaise ou une fausse application de ces dernières ;
- soit que la cession est entrevue sans que le prix ait été déjà fixé, et que le différend porte sur la détermination de celui-ci, auquel cas afin d'obtenir satisfaction, la partie mécontente va saisir le juge d'une demande de désignation d'un expert chargé d'évaluer les actions ou parts sociales cédées ou à céder.
Or, la Cour de cassation ne semble pas avoir adopté cette démarche. La solution actuellement retenue est le résultat d'une jurisprudence initiée par l'arrêt de la Chambre commerciale du 4 décembre 2007 (4), suivi par ceux du 5 mai 2009 (5) et du 24 novembre 2009 (6). Selon le premier arrêt de 2009, l'expert chargé d'apprécier la valeur des droits cédés demeure entièrement libre d'ignorer toute méthode de valorisation prévue ou préconisée par les parties, faute pour celles-ci de s'accorder sur les modalités d'évaluation ou sur l'expert à désigner, le président du tribunal n'ayant pas, non plus, le pouvoir de préciser la mission de l'expert selon les règles applicables à l'expertise judiciaire (7). Le second arrêt de 2009 considère que l'expert ne peut faire abstraction de la clause de prix mentionnée dans une promesse extra-statutaire quand l'option a été déjà levée, par conséquent, lorsque la vente a été réalisée. Au contraire, il peut s'en extraire tant que celle-ci n'est pas intervenue.
Cette orientation jurisprudentielle paraît de prime abord quelque peu surprenante dans la mesure où elle semble faire fi de la volonté des parties contractantes. Celles-ci ne sont pas vraiment libres de convenir du prix de cession des actions ou des parts sociales. L'expert désigné à l'amiable ou par le juge demeure d'une certaine manière maître du jeu, quand bien même les parties se seraient préalablement entendues sur les règles à mettre en oeuvre, ou refuseraient ensuite de les appliquer, comme c'est le cas en l'espèce. Comment alors la justifier, sinon par le souci de mettre l'associé retiré ou exclu de la société à l'abri de tout risque d'être victime d'une évaluation trop faible de ses droits sociaux, en particulier lorsqu'il se trouve contraint de partir de celle-ci sans se trouver en position de force ou du moins d'égalité, pour négocier valablement leur rachat. Dans cette hypothèse, il s'avère souhaitable et équitable de recourir à la parole de l'expert, homme de l'art, qui doit s'imposer aux parties et au juge, à moins qu'il se soit grossièrement trompé dans l'évaluation des titres (8).
III - En réalité, si on prend à la lettre ses termes, l'article 1843-4 du Code civil dont les dispositions sont d'ordre public prévoit de s'en remettre en cas de "contestation" sur la valeur des droits sociaux, à un expert désigné par les parties ou, "à défaut d'accord" entre elles, par le président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible.
A priori, "défaut d'accord" ne signifie pas nécessairement "désaccord" ; le premier terme traduit une "absence d'accord" préalable, tandis le second signale des positions antagoniques sur un point déjà existant qui rendent impossible un accord. Il est vrai que le "désaccord" peut résulter du "défaut d'accord", en ce que, en "l'absence d'accord", les parties ont vainement tenté de s'accorder et, en définitive, il y a eu "désaccord". C'est semble-il le sens retenu par l'article 1843-4 du Code civil qui assimile le "défaut d'accord" au "désaccord".
Le "défaut d'accord" ou "désaccord" constitue l'origine de la "contestation" qu'énonce l'article 1843-4. Celle-ci émane de l'une des parties à l'égard d'une décision prise par l'autre et réciproquement. Par ailleurs, la contestation peut provenir de l'une d'elles à l'encontre d'un accord passé entre elles et qu'elle remet en cause, notamment en dénonçant son caractère inéquitable ou contraire à la loi.
En l'espèce, il y a bien eu un accord car le salarié réfractaire, en signant la charte des associés du groupe, s'est engagé à céder ses parts sociales par une promesse de vente irrévocable à un prix déterminé par un mode de calcul prévu par cette charte. Or, l'accord dont fait état l'article 1843-4 est celui relatif à la personne de l'expert nommé à la suite de la "contestation". Celui-ci est désigné soit par les parties, en cas d'accord entre elles, soit par le juge, à "défaut d'accord", c'est-à-dire de "désaccord". Dans la présente affaire, il y a bien eu "contestation" impliquant l'obligation de s'adresser à un expert. Le salarié quittant la société a critiqué la solution initialement retenue d'un commun accord par lui et les sociétés du groupe. Aussi a-t-il légitimement sollicité et obtenu en justice la désignation d'un expert avec pour mission d'évaluer ses droits sociaux, conformément à l'article 1843-4 du Code civil. Ce dernier a fixé à 400 000 euros le montant de ses titres.
Statuant sur cette affaire, la cour d'appel avait motivé sa décision infirmative du jugement rendu en première instance par le "défaut d'accord", mais avait omis un élément important de l'article 1843-4 du Code civil, à savoir la "contestation" à partir de laquelle le salarié, bien que signataire de la charte, fonde son pourvoi en cassation qu'accueille très justement la Chambre commerciale. Il importe donc peu, contrairement à ce qu'invoque la juridiction du second degré, que les parties n'aient pas convenu en cas de désaccord de désigner un expert pour la détermination du prix de cession des actions, puisqu'une "contestation" suffit pour donner droit à l'une d'elles, en l'occurrence le salarié récalcitrant, de saisir la justice d'une demande d'expertise de ses titres.
Tel est le fondement de la censure opérée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation qui résulte de la stricte application de l'article 1843-4, à l'instar des arrêts des 4 décembre 2007, 5 mai 2009 et 24 novembre 2009 (9), dans le droit fil desquels se situe l'actuelle décision du 4 décembre 2012. Elle ne bouleverse donc pas la matière. A l'image de la plupart des précédentes décisions, elle s'expose à être qualifiée d'attentatoire à la volonté des parties, traduisant ainsi un "absolutisme jurisprudentiel" (10) ; à tort semble-t-il puisqu'elle applique à la lettre l'article 1843-4 qui ne saurait être interprétée autrement qu'elle ne l'est actuellement par la Cour de cassation, sauf à en dénaturer le sens. Tout au plus, conviendrait-il pour qu'il en fût différemment que le législateur en modifia la teneur.
Toujours est-il que la cour d'appel de renvoi, celle de Paris autrement composée, devra vérifier que les conditions d'application de l'article 1843-4 sont bien remplies, en particulier que la contestation du prix a précédé la réalisation de la cession, ce point n'ayant pas été débattu auprès des juges.
(1) A. Couret, L. Cesbron, B. Provost, P. Rosenpick, J.-C. Sauzey, Les contestations portant sur la valeur des droits sociaux, Bull. Joly Sociétés, 2001, p. 1052.
(2) Cass. civ. 3, 28 mars 2012, n° 10-26.531, FS-P+B (N° Lexbase : A9931IGW) Lexbase Hebdo n° 291, 5 avril 2012 - édition affaires (N° Lexbase : N1228BTN).
(3) Pour les études les plus récentes, J. Moury, Droit des ventes et des cessions de droits sociaux à dire de tiers, Dalloz Référence, 2011/2012 ; M. Buchberger, Cessions de droits sociaux et exigence d'un prix déterminable, D., 2012, Chron. p. 1632 ; B. Dondero, Article 1843-4 du Code civil : clarifications suggérées, Mélanges D. Tricot p. 640, Dalloz-Litec, 2011.
(4) Cass. com., 4 décembre 2007, n° 06-13.912, FS-P+B (N° Lexbase : A0299D3H), Bull. civ. IV, n° 258 ; nos obs., Le caractère d'ordre public de l'article 1843-4 du Code civil relatif à la détermination par expertise de la valeur de droits sociaux, Lexbase Hebdo n° 295 du 6 mars 2008 - édition privée (N° Lexbase : N3475BEG) ; JCP éd. E 2008, n° 5, 1159, note H. Hovasse et n° 31, 2001, note C. Grimaldi ; Bull. Joly Sociétés, 2008, p. 216, note F.-X. Lucas ; Rev. sociétés, 2008, p. 341, note J. Moury ; Dr. Sociétés, 2008, n° 23, obs. R. Mortier ; écartant les règles statutaires d'évaluation du prix de rachat de parts sociales, en ce qu'elles ont contrevenu aux dispositions d'ordre public de l'article 1843-4 du Code civil.
(5) Cass. com., 5 mai 2009, n° 08-17.465, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7605EGR), Bull. civ. IV, n° 61 ; J.-B. Lenhof, La liberté de l'expert : précisions sur le régime de mise en oeuvre de l'expertise des droits sociaux de l'article 1843-4 du Code civil, Lexbase Hebdo n° 355 du 18 juin 2009 - édition privée (N° Lexbase : N6556BKZ) ; BRDA 9/2009, n° 1 ; D., 2009, jur. p. 2195, note B. Dondero ; Dr. sociétés juin, 2009, n° 114, obs. R. Mortier ; Rev. sociétés, 2009, p. 503, J. Moury ; Bull. Joly Sociétés, 2009, p. 529, obs. F.-X. Lucas et p. 728, note A. Couret ; Gaz. Pal., 16 juin 2009, n° 167, p. 8, note M. Zavaro ; RTDCiv., 2009, p. 548, obs. P.-Y. Gautier ; sur cet arrêt, D. Gibirila, La libre évaluation des droits sociaux par l'expert de l'article 1843-4 du Code civil, RLDA, juillet 2009, n° 2386 ; v. aussi, H. Le Nabasque, Le champ d'application de l'article 1843-4 du Code civil, Bull. Joly Sociétés, 2009, p. 1018 ; J. Mestre, Quelques éclairages récents sur le rôle du juge dans la vie des sociétés, RLDA, juillet 2009, n° 2387.
(6) Cass. com., 24 novembre 2009, n° 08-21.369, FS-P+B (N° Lexbase : A1650EPS), Bull. civ. IV, n° 151 ; BRDA 5/2010, n° 25 ; nos obs., La contestation antérieure à la cession de droits sociaux, condition de nomination de l'expert de l'article 1843-4 du Code civil, Lexbase Hebdo n° 376 du 17 décembre 2009 - édition privée (N° Lexbase : N7046BMW) ; JCP éd. E, 2010, n° 6, 1146, note G. Mouy ; Rev. sociétés, 2010, p. 21, note J. Moury ; Bulletin Joly Sociétés, 2010, p. 318, note P. Le Cannu et H. Mathez ; sur cet arrêt, B. Petit, Cession ou rachat de droits sociaux : application de l'article 1843-4 du Code civil en présence d'une clause extrastatutaire de détermination du prix, RJDA, 4/2010, p. 319.
(7) C. proc. civ., art. 263 (N° Lexbase : L1796H4B) et s..
(8) Cass. com., 12 juin 2007, n° 05-20.290, F-D (N° Lexbase : A7842DWD), RJDA 10/2007, n° 974.
(9) Préc., notes 4, 5 et 6.
(10) R. Mortier, obs. s/s Cass. com., 4 décembre 2007, préc., note 4.
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