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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 27 Mars 2014
Le baptême pour tous. Plus sensible est sans doute cet arrêt de la cour d'appel de Douai rendu le 8 janvier 2013 qui retient qu'il ne peut être refusé à la mère d'organiser le baptême de sa fille, placée chez une assistante maternelle, ce choix relevant des attributs de l'autorité parentale. La cour relève que ce choix d'un sacrement pour son enfant ne peut être écarté au seul motif que le "service n'y est pas favorable" et que l'enfant n'y mettrait aucun sens alors même que la plupart des baptêmes célébrés dans la religion catholique touche des nourrissons ou de très jeunes enfants pour lesquels aucune question sur leur faculté de discernement n'est posée à leurs parents. A priori, la décision des juges de Douai a de quoi raviver le coeur des croyants et, surtout, la foi des pratiquants les plus fervents dans une orthodoxie de la laïcité : l'Etat ne peut, par ses services, interdire le baptême. A lire de près la sentence, cette victoire à la Pyrrhus leur laissera un goût amer. Elle rappelle le caractère irrationnel du Sacrement du baptême, dont le sens "relève de la seule appréciation de celui qui le reçoit ou de celui qui le donne". En renvoyant aux âmes et consciences de chacun le soin de décider de la foi du petit autrui et en incorporant le baptême au corpus éducatif parental, le juge ne se mouille pas (lui) et fait effectivement application d'une laïcité de bon aloi. Et, l'on ne peut s'empêcher de faire un parallèle avec d'autres Sacrements repris par la République dont l'ambiguïté au regard de la laïcité empêche de garder raison, toute véritable laïcisation Le "péché originel" du mariage, par exemple, est bien de l'avoir nommé ainsi. "La tyrannie commence avec la fraude des mots" craignait Socrate ; alors n'eut-il pas été plus judicieux, afin de ne pas créer d'ambiguïté interprétative, ni de tensions sociales inutiles, de débaptiser tout simplement le mariage, de le désacrementaliser en le nommant autrement... pour tous ?
Le respect pour tous et partout. "En 2010, nous avons reçu près de 8 000 signalements sur notre plate-forme de signalement des contenus illicites de l'Internet, internet-signalement.gouv.fr, accessible à toute personne", indiquait la commissaire principale Adeline Champagnat, qui dirige l'"Office cyber" de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). Si "la majorité d'entre eux (57 %) concernent des escroqueries et 25 % sont liés à la pédopornographie", précisait-elle, "10 % de ces signalements rapportent des contenus racistes et/ou xénophobes, alors qu'ils représentaient 4 % de l'ensemble en 2009" (Le Point.fr, 26 juillet 2011). Un an plus tard, les médias se faisaient l'écho de l'affaire "#UnBonJuif", mettant en cause un "festival de vannes communautaires, censées être légères, fun, prenant pour cible la communauté juive" sur Twitter (Le Monde.fr, 14 octobre 2012). Sans reprendre le contenu nauséabond des tweets incriminés, la publication des échanges dans les journaux laissait une question lourde en suspens : tout est-il permis sur internet ? La lutte contre les discriminations s'arrête-t-elle à la frontière des réseaux sociaux ? De discussions en conciliations, de conciliabules en contentieux, le problème semble, enfin, être pris à bras le corps par les magistrats qui, par une sage décision du 24 janvier 2013, ont fait droit à la demande d'association de luttes contre le racisme et l'antisémitisme de voir contraindre la société Twitter à leur fournir les données de nature à permettre l'identification des twittos ayant publié des tweets racistes et antisémites. Le simple retrait des messages contrevenants n'est plus suffisant, ni la mise en place des "procédures d'alerte et de sécurité". Les auteurs des messages à connotation raciste, antisémite ou homophobes vont donc pouvoir être traduits devant la justice française quel que soit le média utilisé et, notamment, la localisation des serveurs véhicules de ces infractions. Y verra-t-on un regain de l'universalisme des droits de l'Homme à la française ?
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N5444BTS
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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef
Le 31 Janvier 2013
Lexbase : Quelles sont les conditions pour adhérer à A3F ?
Eva Memran : A3F est une association à fort "affectio societatis", qui offre à ses membres un réseau remarquable et des moyens de progression technique importants. L'association demande en retour à ses adhérentes un investissement actif.
La candidate doit être marrainée par deux adhérentes qui sont membres de l'A3F depuis plus d'un an.
Elle doit justifier d'au moins sept années d'expérience dans le domaine du droit fiscal et envoyer, à ce titre, un CV et une lettre de motivation. Elle rencontre ensuite certains membres du conseil d'administration afin d'échanger sur les raisons de sa candidature et les projets qu'elle souhaite partager avec les adhérentes. Sa candidature est examinée par l'ensemble du conseil d'administration, qui valide ou non la candidature.
Cette procédure d'admission, qui peut sembler stricte, nous permet ensuite de pouvoir échanger dans le cadre d'une relation de confiance et en toute transparence.
L'A3F compte aujourd'hui 90 adhérentes. Tous les acteurs de la profession sont représentés : 59 fiscalistes d'entreprise, 29 avocates, et 2 universitaires. En 2012, 30 nouvelles adhérentes ont rejoint l'association, démontrant ainsi l'importance croissante du rôle de l'A3F dans le monde du droit fiscal.
Lexbase : Quelles sont les actions quotidiennes de l'A3F ?
Eva Memran : Le réseau A3F permet à ses adhérentes de partager et d'échanger, au quotidien, sur leurs problématiques fiscales.
Cercle d'échanges et de réflexion, une des missions de l'A3F est de tisser des liens entre ses adhérentes et les différents acteurs de la fiscalité.
Ainsi, nous organisons tous les mois les "Débats du Jeudi de l'A3F", dans le cadre de petits déjeuners professionnels entre adhérentes et/ou avec des intervenants extérieurs.
Cinq débats ont été organisés au cours de l'année 2012, et les premiers sont déjà lancés pour l'année 2013. Le 17 janvier, cinq avocates adhérentes ont présenté les dernières lois de finances ; le 7 février prochain, la séance sera consacrée aux établissements stables et le 21 mars suivant, l'A3F recevra des représentants de l'administration fiscale, afin de pouvoir échanger sur les thèmes d'actualité.
Nous avons aussi mis en place cinq commissions qui nous permettent de réfléchir et d'être réactives sur les questions fiscales françaises et internationales :
- la Commission Relations avec les autorités publiques a pour mission de renforcer nos relations et d'établir un dialogue avec l'administration fiscale ;
- la Commission Définition des débats techniques détermine les sujets de réflexion que nous souhaitons partager ;
- la Commission Internationale s'efforce de déployer le rayonnement de l'association à l'international, notamment par le biais de partenariats ;
- la Commission Communication et évènements élabore notre communication interne et externe et organise nos manifestations ;
- enfin, la Commission Accueil des nouvelles adhérentes est chargée de l'intégration des nouvelles adhérentes.
Lexbase : Quels sont les prochains chantiers de A3F ?
Eva Memran : Nous rendons notre réseau plus visible, notamment par la création d'un site internet (www.a3f.fr), et par la mise en place de partenariats en France et à l'international avec d'autres réseaux en lien avec nos deux casquettes -réseau de fiscalistes et réseau de femmes-.
L'A3F développera en 2013 ses débats techniques sur des thèmes spécifiques d'actualité et ouvrira au public ses rencontres et débats.
A une époque où la fiscalité devient de plus en plus complexe et internationale, il est nécessaire que les différents acteurs de la fiscalité puissent se réunir pour échanger sur les sujets d'actualité. Notre souhait est aujourd'hui de constituer des partenariats et de créer des forums de discussion tournés vers l'international. Nous avons déjà pris des contacts avec les représentantes de certains pays, comme le Luxembourg et le Canada, ainsi qu'avec des administrations fiscales étrangères. Il s'agit, pour nous, de nous imposer en tant qu'acteur d'excellence dans notre domaine d'expertise complexe qu'est la fiscalité.
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Réf. : Cass. civ. 3, 5 décembre 2012, n° 11-24.448, FS-P+B (N° Lexbase : A5586IYK)
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N5592BTB
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par Séverin Jean, Docteur en droit privé (IEJUC), Université Toulouse 1-Capitole, et Quentin Guiguet-Schiele, Doctorant en droit privé (IDP), Université Toulouse 1-Capitole
Le 31 Janvier 2013
La Cour de cassation, par un arrêt du 5 décembre 2012, rejette le pourvoi au motif qu'"il n'existait pas dans les rapports entre les parties un débiteur d'obligation et un créancier [...] [de sorte que] l'article 1178 n'était pas applicable". Par conséquent, par le jeu de la clause tontinière, le meurtrier est devenu propriétaire de l'immeuble tout entier à partir du jour de son acquisition. Malgré tout, la Cour de cassation entérine aussi la réparation du préjudice subi par l'héritière du tontinier assassiné.
Les magistrats du Quai de l'Horloge offrent aux spectateurs un dénouement tragique et dont la morale ressort meurtrie. En réalité, l'issue du film dépendait de la qualification juridique de la tontine. Assurément il s'agit d'une fiction oscillant entre aléa et condition (I). Quoiqu'il en soit, le choix opéré par la Cour de cassation rejaillit nécessairement au stade de la sanction. Que l'on opte pour l'aléa ou la condition, il n'en demeure pas moins que la tontine reste une fiction réellement sanctionnée (II).
I - La tontine : une fiction entre aléa et condition
Pour comprendre au mieux l'arrêt rendu ce 5 décembre 2012, il est nécessaire de retracer l'évolution conceptuelle de la tontine.
A - Genèse d'une notion incomprise
Naissance du pacte tontinier. La tontine, ou clause d'accroissement, telle que nous la connaissons aujourd'hui est l'héritage de deux procédés assez semblables aux visées diamétralement opposées (2). La première origine, d'essence fondamentalement gratuite, est issue du droit patrimonial de la famille : l'ancien droit connaissait le mécanisme d'acquisition de biens au sein des familles par lequel seuls les survivants demeuraient propriétaires ; au sein du couple marié, ce montage était utilisé pour contourner la restriction des libéralités entre époux. La seconde origine, purement onéreuse, est un système d'investissement public proposé à Mazarin par le banquier napolitain Lorenzo Tonti que l'on retrouve aujourd'hui en droit des assurances : il s'agit d'un groupement à durée déterminée avec répartition des cotisations capitalisées entre les seuls survivants à un terme prévu. Il est difficile de déterminer à quel moment la conception "moderne" de la tontine est apparue, tant elle brille par son absence au sein des dispositions législatives. Elle est aujourd'hui considérée comme une clause insérée dans un acte d'acquisition en commun permettant au survivant des acquéreurs d'être réputé l'unique propriétaire du bien dès l'origine. Souvent utilisée entre concubins ou époux séparés de biens, elle s'avère être un instrument efficace de transmission à cause de mort. Très incomprise, voire méconnue, la notion a été juridiquement construite au fil des menaces qui pesaient sur elle.
La menace de la prohibition des pactes sur succession future (3) a contraint la jurisprudence à proposer une vision originale de la clause : elle serait un contrat doublement conditionnel (4), les droits des parties étant soumis à une condition suspensive de survie et une condition résolutoire de prédécès. Ainsi perçue, la tontine ne créerait pas des droits "éventuels" mais "actuels" quoique affectés d'une double modalité. En réalité, cet ingénieux montage n'était pas fondamentalement nécessaire. La fiction juridique inhérente à la clause d'accroissement suffit pour considérer que, n'ayant jamais appartenu au prédécédé, les biens qui en sont l'objet n'ont pas intégré son patrimoine, ni donc sa succession à laquelle ils demeurent totalement étrangers. La tontine n'est donc pas, à proprement parler, une convention portant sur une succession. La portée de la fiction ainsi étendue rend par ailleurs délicate l'appellation "accroissement", car celui qui survit est censé n'avoir jamais eu à partager ses droits sur le bien, de sorte que ceux-ci n'ont pu s'accroître : il était seul propriétaire depuis le début. Cela revient à nier l'existence même d'un transfert de richesse, contrairement aux solutions acquises en droit fiscal (5).
La menace d'une requalification en libéralité a ensuite amené la jurisprudence à considérer que la tontine est un acte purement aléatoire, et ne peut donc être perçue comme une donation (6), puisque l'aléa chasse traditionnellement la gratuité. L'idée d'"aléa" n'a jamais quitté la tontine (7), mais elle est nettement contradictoire avec la vision "conditionnelle". Si beaucoup ont entendu distinguer l'aléa catégorisant de la simple condition affectant l'obligation, un consensus a cependant perduré sur une perception de l'acte comme "un peu aléatoire" et "un peu conditionnel". En témoigne la rédaction de la clause dans les faits de l'espèce : elle est qualifiée par les tontiniers eux-mêmes d'aléatoire, mais sous condition de survie et de prédécès.
La disparition de l'aléa permet dès lors une disqualification totale : lorsque l'ordre des décès est connu (disparition de l'aléa dit viager), ou que le financement n'est le fait que d'une seule partie (disparition de l'aléa dit financier), la tontine peut être requalifiée en libéralité (8), au même titre par ailleurs que l'assurance-vie, contrat aléatoire par excellence.
La menace des créanciers a posé la question de la nature de l'acquisition "pendente conditione", c'est-à-dire avant que n'intervienne le premier décès. De quels droits dispose chaque tontinier sur le bien ? Quels sont les recours des créanciers ? Là encore, c'est le compromis qui a triomphé. La jurisprudence ne pouvait consacrer l'existence d'une indivision sans remettre en cause la double condition si pratique. Après bien des débats, elle a opté pour l'existence d'une indivision en jouissance (9), et les droits des créanciers ont été limités au coup-par-coup. Ils se sont par exemple vu refuser la possibilité de mesures conservatoires telles que le commandement aux fins de saisie immobilière, au motif que le droit de gage général ne porte que sur les biens dont le débiteur est propriétaire, ce qui n'est pas le cas du bien objet de la tontine tant que la condition de prédécès n'est pas remplie (10)... Mais les droits des créanciers sont limités par la tontine uniquement s'ils n'ont pour débiteur qu'un seul tontinier. S'il est créancier de tous, il dispose naturellement de droits sur le bien. Il n'a en outre jamais été nié que les tontiniers puissent, d'un commun accord, aliéner le bien (11). A fortiori, rien n'empêche donc la constitution d'une sûreté réelle.
Mais si les ingénieuses acrobaties de la jurisprudence et de la doctrine ont permis à la tontine de perdurer, sa nature réelle n'a jamais été percée à jour. Dans cet arrêt du 5 décembre 2012, le caractère atypique de cette convention ressurgit nettement.
B - Résurgence d'une convention atypique
Un contrat sans obligation. Tel est l'enseignement principal de cet arrêt : il n'existe pas, entre les tontiniers, de rapport d'obligation. Ainsi, toute application de l'article 1178 du Code civil s'avère impossible. Si la solution surprend, c'est davantage par sa franchise que par son originalité. La tradition conceptuelle de la tontine amène naturellement à reconnaître l'absence totale de lien d'obligation. L'effet est de créer rétroactivement une propriété exclusive et de nier tout rapport de droit entre le prédécédé et le bien. Il n'existe aucun transfert, donc aucune obligation de donner, de faire ou de ne pas faire. Le moyen du pourvoi invitait à voir une sorte d'"obligation de laisser-faire" (12) ce qui semble très alambiqué tant l'effet de la clause d'accroissement s'impose aux parties. L'un a toujours été propriétaire. L'autre a toujours été étranger. Il est de plus inconcevable d'imposer à un mort l'exécution d'une obligation civile... La solution est donc purement logique : elle s'imposait et doit être approuvée.
Un contrat malgré tout. La difficulté vient surtout des conséquences de cette courageuse solution. La première branche du moyen du pourvoi tente de démontrer que l'absence d'obligation entre les parties doit conduire à considérer que la tontine n'est pas une convention synallagmatique. Autrement dit, elle n'est pas un contrat, et serait plutôt un acte unilatéral. Précisons immédiatement que la cour d'appel de Grenoble n'a aucunement tenu ce raisonnement, et que le pourvoi ne l'invoque que pour arguer d'une violation du principe du contradictoire. Il convient, en effet, de garder à l'esprit qu'un contrat est une rencontre entre plusieurs volontés, indépendamment des effets créés. Il n'est pas douteux que la tontine soit un contrat entre deux tontiniers, quand bien-même elle ne créerait pas d'obligation. Elle ne peut s'analyser en un acte aléatoire, car elle n'est pas le fruit d'une volonté unique. La tontine n'est pas plus un contrat unilatéral, lequel sous-entend que seule l'une des deux parties est astreinte à une obligation ; or, il n'existe ici aucune obligation. Tout au plus peut-on dire que le bénéfice de la clause ne profite qu'à l'une des parties, et donc que l'effet serait unilatéral, ce qui n'a aucune conséquence sur la catégorisation. Si la tontine est un contrat sans obligation, elle n'en produit pas moins des effets : elle est créateur de droits.
Un contrat adjoint à une acquisition classique. C'est, en définitive, l'effet de la tontine qui est ici ramené à sa juste proportion. Elle a trop longtemps été perçue comme un mode d'acquisition, alors qu'elle n'est, en réalité, qu'une modalité annexe à une acquisition classique. Ne dit-on pas que l'accroissement procède d'une clause ? Il n'est pas la convention d'acquisition, mais une partie de celle-ci. Son effet est fondamentalement limité à la survenance du décès (13). Celui-ci est une sorte de fait juridique déclaratif des droits du survivant. En somme, la tontine ne joue pas tant que le prédécès ne survient pas. Voilà pourquoi il est si délicat de comprendre les droits des parties pendente conditione : la tontine ne régit pas l'"avant-décès".
Il convient en réalité de distinguer deux ensembles de droits. Dans une première phase, les tontiniers possèdent des droits identiques et concurrents sur le bien. Dans une seconde, un droit de propriété exclusif remplace fictivement et rétroactivement la coexistence des droits. Avant la survenance du décès, c'est le droit commun qui pose alors les règles de la propriété collective, à ceci près qu'il ne peut mettre en échec l'effet de la tontine. Ainsi n'est-il pas déraisonnable de considérer qu'il y a une indivision classique, mais adaptée aux exigences de la tontine dont les effets sont à venir. Cela impose par exemple d'interdire aux tontiniers toute sortie de l'indivision par volonté unilatérale : seules les deux parties peuvent, ensemble, faire échec aux effets de la tontine. Si celle-ci a donc des implications avant le prédécès, c'est uniquement pour en sauvegarder les effets.
Un contrat définitivement aléatoire. L'apport indubitable de cet arrêt est de replacer la tontine dans la lignée des actes aléatoires. Sans obligation, il ne peut exister de "condition", puisque la seconde est une modalité de la première (14). La précarité des droits des parties n'est pas du domaine de la condition mais de l'aléa. Il existe en effet une réelle incertitude sur le dénouement contractuel, et celle-ci consiste, pour chacun, en une chance de gain et en un risque de perte. Les droits concurrents des tontiniers sont affectés d'un véritable terme résolutoire, puisqu'il est malheureusement certain qu'ils viendront à mourir, et quasiment certain que l'ordre des prédécès pourra être établi. Ils ne sont pas conditionnés mais fondamentalement précaires. Le droit exclusif est lui affecté d'un terme suspensif, et dispose d'un effet rétroactif : il est absolument certain qu'il remplacera les droits concurrents. C'est en réalité la titularité du droit exclusif qui est purement aléatoire, puisqu'elle dépend d'une réalité future totalement incertaine : l'ordre des décès. Cet aléa viager est soumis à des variables aussi nombreuses que complexes, et le résultat final ne peut, en règle générale, être anticipé : la tontine est bel est bien un pari !
En toute hypothèse, il ne faut pas considérer que le bénéficiaire de la clause "accroît" ses droits : la tontine lui en confère de nouveaux, qu'il est censé avoir toujours eu. Le droit exclusif du survivant remplace donc autant le droit concurrent du prédécédé que le droit concurrent du survivant lui-même !
In fine, cette solution renoue avec la vision "tontinienne", celle qui perdure en droit des assurances. Il existe une association d'intérêts à durée déterminée, et l'effet de la clause est suspendu à un terme. Il demeure que, purement aléatoire et fictivement dépourvue de transfert de droit, la tontine ne peut être assimilée à une libéralité. Toute idée d'ingratitude ou d'indignité est donc exclue, ce qui invite à chercher de nouvelles sanctions lorsque, comme en l'espèce, le prédécès a été provoqué par le tontinier survivant.
II - La tontine : une fiction réellement sanctionnée
Sanction d'un contrat aléatoire sans obligations. La solution de la Cour de cassation est parfaitement conforme à l'idée selon laquelle la tontine est un contrat aléatoire sans obligation. En effet, l'absence d'obligation justifie l'inapplication de l'article 1178 du Code civil de sorte qu'inévitablement le tontinier survivant est réputé rétroactivement propriétaire de l'immeuble au jour de son acquisition. Dès lors, on comprend que la seule manière de sanctionner le fait juridique -ici l'homicide volontaire- à l'origine de la réalisation de l'aléa du contrat ait été trouvée dans la responsabilité civile délictuelle. Bien que le résultat de cette solution nous semble parfaitement justifié, son fondement est discutable en ce sens que cette sanction ne tient aucunement compte de la réalité. En effet, une voie plus conforme à la réalité aurait pu être empruntée sans pour autant altérer la fiction qu'opère la tontine.
A - La sanction d'une fiction échappant à la réalité
Une fiction entérinée en tout état de cause. La Cour de cassation raisonne en deux temps. Le premier temps consiste à constater le décès de l'un des tontiniers duquel résulte la création rétroactive de la propriété de l'immeuble au profit du tontinier survivant. Le second temps consiste à admettre que l'héritière du défunt dispose d'une action en responsabilité civile délictuelle.
La réalisation de l'aléa à l'origine de la réalisation de la fiction. En rejetant l'existence d'un rapport d'obligation entre les tontiniers, la Cour de cassation considère que la tontine est un pur contrat aléatoire. Dès lors, l'analyse des juges devait se concentrer exclusivement sur l'essence même du contrat : l'aléa. Or, l'aléa n'est autre que l'ordre des décès duquel il résulte la déclaration de titularité d'un droit exclusif : la propriété de l'immeuble au profit du tontinier survivant dès son acquisition. La Cour de cassation ne tient aucunement compte de la nature du fait juridique -l'homicide volontaire- à l'origine du fait juridique déclaratif -le prédécès- des droits du tontinier survivant. C'est en ce sens que la tontine -en tant que fiction- ignore la réalité de l'espèce. Pourtant, les magistrats du Quai de l'Horloge font ressurgir cette réalité au stade de la sanction.
La sanction d'une réalité consécutive à une fiction. La Cour de cassation n'entend pas remettre en cause l'effet de la tontine. Selon elle, le tontinier survivant -meurtrier ou non- est légitimement propriétaire. Dès lors, si une sanction doit être prononcée, celle-ci ne peut intervenir qu'en tenant compte de la réalisation de la fiction. C'est le "parti pris" par cette jurisprudence. En effet, la Cour de cassation ne remet en cause l'arrêt de la cour d'appel en ce qu'il a estimé que l'héritière du défunt, du fait du meurtre de son auteur par le tontinier survivant, avait perdu une chance d'hériter de l'immeuble égale à 50 % de sorte qu'elle a droit à la moitié du prix de vente de l'immeuble. Le résultat de cette solution est doublement justifié. D'une part, parce que faute du décès du tontinier dont l'autre tontinier est à l'origine, le défunt aurait peut-être bénéficié de la tontine et d'autre part, parce que quand bien même le tontinier n'aurait pas été tué, il n'est pas certain que ce dernier serait mort en dernier. De la même manière, on ne peut que se féliciter que les juges aient accepté de réparer le préjudice subi par l'héritière sur le fondement de la responsabilité délictuelle. En effet, l'héritière étant un tiers au contrat de vente portant sur l'immeuble litigieux, il était impossible -du fait de l'effet relatif des conventions- (15) d'envisager la mise en oeuvre de la responsabilité contractuelle. Aussi, c'est à bon droit que la responsabilité délictuelle a été retenue. Par ailleurs, le fait de fonder l'action sur l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ) ne peut laisser insensibles les juristes. Cela ne signifie-t-il pas que le fait générateur s'apparente à une faute, laquelle est constituée par le fait d'avoir tué le tontinier et duquel il résulte la perte de chance égale à 50 % pour l'héritière d'hériter de la moitié de l'immeuble ? On se rend bien compte qu'il est alors bien difficile pour la Cour de cassation de se défaire de cette réalité. Aussi, n'aurait-elle pas été plus inspirée de se défaire au préalable de la fiction pour répondre plus adéquatement à la réalité de l'espèce ?
B - La sanction d'une fiction rattrapée par la réalité
Un résultat conforme à la réalité, une justification inappropriée à la réalité. Nous insistons : la solution de la Cour de cassation nous semble justifiée, c'est davantage son argumentation que nous contestons ! Puisque nous baignons dans une fiction, qu'il nous soit permis de nous noyer dans une autre. Et si le tontinier meurtrier ne s'était pas suicidé, qu'aurait-il pu se produire ? L'infraction pénale aurait été poursuivie et aurait pu conduire au prononcé de la peine suivante : assurément une peine d'emprisonnement et pourquoi pas une peine complémentaire -une confiscation- comme le prévoit l'article 221-9 du Code pénal (N° Lexbase : L2163AM3) (16). Or les alinéas 2 et 3 de l'article 131-21 du même code disposent que "la confiscation porte sur tous les biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis [...] qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction [...]". Dès lors, si le tontinier meurtrier était encore vivant, on aurait pu très bien imaginer une confiscation de l'immeuble litigieux à titre de peine complémentaire. Cette sanction aurait eu le mérite d'une part, de priver l'auteur de l'homicide volontaire de la propriété de l'immeuble au profit de l'Etat (17) et d'autre part, de restituer à l'héritière du défunt, à concurrence de sa valeur, la quote-part dont le défunt était propriétaire avant la réalisation de l'aléa (18). Cette solution aurait été certainement la meilleure en ce sens d'une part, qu'elle sanctionne le tontinier meurtrier d'avoir faussé l'aléa et d'autre part, car elle tire les conséquences de la violation de l'aléa : la restitution de la quote-part à l'héritière du défunt. Mais n'imaginons pas, car le suicide du tontinier meurtrier ayant éteint l'action publique, cette solution était de toute manière inenvisageable. En revanche, cette solution avortée nous autorise à penser qu'un autre chemin conforme à la réalité de l'espèce aurait pu être emprunté sans pour autant remettre en cause le résultat de la Cour de cassation auquel nous adhérons.
Un contrat aléatoire imposant de tenir compte de l'aléa. La Cour de cassation retient assurément la qualification de contrat aléatoire dont le contenu est dépourvu d'obligation. Les magistrats du Quai de l'Horloge n'ont pas négligé l'aléa mais ils ont perçu seulement le fait juridique déclaratif -la mort du premier tontinier- sans tenir compte du fait juridique à l'origine du fait juridique déclaratif -le meurtre-. Pourtant curieusement, en réparant la perte de chance sur le fondement de l'article 1382, il est évident que le fait générateur à l'origine du fait juridique déclaratif est nécessairement une faute. Dès lors, un problème surgit : comment peut-on retenir une faute à l'occasion d'une situation que l'on avalise et que partant, on ne considère pas comme fautive ? En d'autres termes, il importe peu pour la Cour de cassation que le fait juridique -le meurtre- à l'origine du fait juridique déclaratif soit constitutif d'une faute pour bénéficier des effets de la tontine ! Chose bien curieuse car alors on comprend mal qu'elle puisse ensuite en tenir compte pour procéder à la réparation du préjudice subi par l'héritière ! En réalité, les faits sont tenaces : l'aléa ne s'est réalisé que parce que le tontinier a tué l'autre tontinier. Aussi, il nous paraît qu'une analyse plus conforme à la réalité puisse être menée mais encore faut-il accepter de renoncer à la fiction de la tontine.
Mettre fin à la fiction pour tenir compte de la réalité. Puisqu'il n'est pas possible de ne pas tenir compte de la nature du fait juridique à l'origine de la réalisation de l'aléa, il n'est pas alors souhaitable de souscrire à l'analyse de la Cour de cassation. Il est inacceptable que le tontinier survivant profite de son infraction à l'origine de la réalisation de l'aléa. Certes, le recours à l'article 1178 du Code civil est impossible du fait de l'absence d'un rapport d'obligation entre les tontiniers, mais la tontine est un contrat aléatoire. Or, comme en matière d'assurances (19), la faute intentionnelle chasse l'aléa de sorte qu'il aurait été parfaitement possible de considérer qu'en tuant l'autre tontinier, le tontinier survivant a intentionnellement chassé l'aléa. La conséquence serait alors immédiate : puisque l'aléa a été chassé, il ne serait pas possible de faire jouer les effets de la tontine et partant, le tontinier survivant ne serait jamais devenu rétroactivement propriétaire de l'immeuble. Il conviendrait ensuite d'en tirer les conséquences.
Les conséquences de la fin de la fiction. Là encore, les choses sont évidentes : il conviendrait de revenir au statu quo ante : l'indivision. Les héritières du tontinier meurtrier et l'héritière du défunt sont propriétaires indivis de l'immeuble. Dès lors, en vendant l'immeuble, les premières ont vendu en partie la chose d'autrui puisque l'autorisation de l'héritière du défunt était requise pour procéder à la vente (20). Cela étant, parce que l'héritière du défunt est tierce au contrat, elle ne peut solliciter la nullité de la vente. En revanche, la jurisprudence considère, au visa de l'article 883 du Code civil (N° Lexbase : L0023HPK) (21), que la vente est inopposable aux autres indivisaires et que son efficacité est subordonnée au résultat du partage (22). Or, puisqu'il est certain que les parties à la tontine avaient 50 % de chance de devenir propriétaire rétroactivement de l'immeuble et parce qu'en l'absence du meurtre de l'un des tontiniers il est impossible de savoir quel aurait été l'ordre des décès, il convient de retenir la situation antérieure à l'homicide : l'indivision. Les héritiers des tontiniers étant pour moitié propriétaires de l'immeuble, il est alors évident qu'au titre du résultat du partage les héritières du tontinier meurtrier ne seraient jamais devenues propriétaires de la totalité de l'immeuble de sorte que la vente doit être remise en cause. Il convient alors de procéder au partage de l'immeuble en indivision, l'héritière du tontinier tué devant récupérer la moitié de la valeur du bien.
Retour à l'orthodoxie juridique. Le résultat est identique, seule change l'argumentation pour y arriver. Il nous semble que cette analyse aurait dû prévaloir car elle est davantage conforme à ce qu'est la tontine : un contrat aléatoire précédé d'une indivision. Or, si l'aléa disparaît, seule demeure l'indivision et partant, la sanction doit être conforme à la réalité de l'indivision.
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par François Brenet, Professeur à la Faculté de droit et des sciences sociales de l'Université de Poitiers - Institut de droit public (EA 2623)
Le 31 Janvier 2013
L'arrêt rendu le 21 décembre 2012 par l'Assemblée du contentieux du Conseil d'Etat était attendu. Certains en attendaient beaucoup et espéraient que la liberté contractuelle allait avoir raison de la théorie des biens de retour, parfois considérée comme dépassée, inefficace et source de contraintes inutiles. Ce n'est pourtant pas dans ce sens que le Conseil d'Etat a tranché et l'on ne peut que s'en féliciter. La théorie des biens de retour n'est pas morte, elle est modernisée pour mieux prendre en compte la liberté contractuelle, sans abandonner pour autant ses vertus protectrices.
1°) La théorie des biens de retour est née avec la concession de service et de travaux publics. Les biens de retour sont ceux qui reviennent obligatoirement et gratuitement à la personne publique concédante en fin de contrat, sous réserve que lesdits biens aient été complètement amortis par le concessionnaire. Même si ces biens ne reviennent à la personne publique qu'en fin de contrat, ils sont présumés être sa propriété ab initio, ce qui implique, notamment, qu'elle s'acquitte du paiement des taxes foncières s'y rattachant. Les biens de reprise sont ceux à l'égard desquelles la personne publique dispose de la faculté d'en prendre possession à la fin du contrat. Pendant toute la durée du contrat et aussi longtemps que la personne publique ne s'est pas manifestée, ils sont la propriété du concessionnaire. Si elle est exercée, la reprise se fait normalement à hauteur de la valeur vénale des biens repris. Enfin, les biens propres sont ceux qui sont, en toute circonstance, la propriété du concessionnaire.
Facile à distinguer d'un point de vue théorique, ces catégories de biens, spécialement les biens de retour et les biens de reprise, sont plus difficiles à identifier en pratique. A quoi reconnaît-on, en effet, qu'un bien est un bien de retour appartenant ab initio à la personne publique et lui revenant gratuitement en fin de contrat, ou un bien de reprise dont elle ne peut devenir propriétaire qu'en exercer l'option payante que lui offre la jurisprudence ? Le plus souvent, ce sont les cahiers des charges des concessions qui fixent l'inventaire des biens et leur classification. A défaut, le juge applique la règle simple, que certains considèrent trop rigide, selon laquelle les biens nécessaires à l'exploitation du service public sont des biens de retour (1).
La question posée dans l'affaire soumise à l'Assemblée du contentieux du Conseil d'Etat était justement celle de savoir si les parties pouvaient, au nom de la liberté contractuelle, déplacer le curseur des notions de biens de retour et de biens de reprise. Plus précisément, les parties peuvent-elles s'entendre pour qualifier de bien de reprise un bien qui est pourtant nécessaire à l'exploitation du service public ? A cette question, la jurisprudence n'avait jamais clairement répondu. Disons plutôt que les éléments de réponse donnés par le juge avaient fait l'objet de multiples interprétations et discussions, de sorte que l'état du droit ne paraissait pas clairement établi.
La faute en revient principalement au Conseil d'Etat qui n'a initialement traité cette question que de façon tout à fait accidentelle, à l'occasion de litiges fiscaux portant sur le point de savoir qui, du concessionnaire ou du concédant, devait s'acquitter des taxes foncières sur les propriétés bâties. Dans un arrêt du 21 avril 1997 (2), le juge administratif a, ainsi, précisé que, "l'occupation privative d'installations superficielles édifiées par le titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public n'est pas incompatible avec l'inaliénabilité de celui-ci, lorsque l'autorisation de l'occuper et d'y édifier des constructions n'a pas été accordée en vue de répondre aux besoins du service public auquel le domaine est affecté". Une lecture a contrario de cette décision signifiait très clairement qu'un ouvrage édifié par l'occupant du domaine public pour les besoins du service public ne pouvait en aucun cas faire l'objet d'une appropriation privée. Cette solution a ensuite été confirmée plus explicitement, spécialement dans un avis rendu le 19 avril 2005 (3).
Ces solutions ont été critiquées par la doctrine qui a considéré que la jurisprudence donnait une définition trop large de la notion de bien de retour, et une définition large d'autant plus condamnable qu'elle faisait obstacle à la valorisation du domaine public, en rendant plus difficile le financement d'ouvrages destinés aux personnes publiques. En réalité, ce dernier argument n'était que partiellement recevable, car de multiples législations sectorielles ont permis, depuis 1988, la constitution de droits réels sur le domaine public et sur les ouvrages construits par l'occupant domanial. Peuvent ainsi être cités : le bail emphytéotique administratif local (CGCT, art. L. 1311-2 N° Lexbase : L7666IPM et suivants), l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public de l'Etat avec constitution de droits réels (CGPPP, art. L. 2122-6 N° Lexbase : L4523IQL et suivants) (4), ou encore les contrats de partenariat de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004, sur les contrats de partenariat (N° Lexbase : L2584DZQ). Dans chacun de ces dispositifs, il est tout à fait clair que la théorie des biens de retour est battue en brèche. Lorsque l'occupation domaniale est couplée avec une concession de service public, l'occupant dispose d'un droit réel sur l'ouvrage qu'il construit sur le domaine public et cet ouvrage peut, sous réserve du respect de strictes conditions, faire l'objet d'une hypothèque ou d'une opération de crédit-bail. On peut considérer que les biens en question sont, alors, hors du champ d'application de la théorie jurisprudentielle des biens de retour. Selon M. Bertrand Dacosta (5), "compte tenu de leurs caractéristiques, il s'agit de biens de retour d'un genre nouveau, qui ne diffèrent des autres biens de retour qu'au regard de leur propriété durant la concession". Cela implique de relativiser très fortement la portée de la jurisprudence du 21 avril 1997, qui ne vaut donc que pour les édifications non concernées par l'une des dispositions précitées.
Alors qu'une partie de la doctrine réclamait la disparition de la théorie des biens de retour, le Conseil d'Etat rappelle toute la force de cette théorie : "dans le cadre d'une délégation de service public ou d'une concession de travaux mettant à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l'acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, l'ensemble de ces biens, meubles ou immeubles, appartient, dans le silence de la convention, dès leur réalisation ou leur acquisition, à la personne publique". De la même façon, il rappelle que les textes précités lui dérogent et permettent donc, dans les conditions qu'ils déterminent, une appropriation privée des ouvrages nécessaires au fonctionnement du service public et installés sur le domaine public. En ce qui concerne les ouvrages nécessaires au service public et installés sur le domaine privé ou sur une propriété privée, le Conseil d'Etat précise que le contrat peut parfaitement en attribuer la propriété au concessionnaire, ou lui conférer des droits réels, sous réserve, toutefois, "de comporter les garanties propres à assurer la continuité du service public, notamment la faculté pour la personne publique de s'opposer à la cession, en cours de délégation, de ces ouvrages ou des droits détenus par la personne privée". Cette dernière solution est importante, car elle permet de faciliter le financement des ouvrages ne bénéficiant pas, jusqu'à présent, des solutions offertes par les législations sectorielles précitées. Elle n'en demeure pas moins restrictive car il n'est pas question, selon le Conseil d'Etat, de permettre aux parties, au nom de la liberté contractuelle, de placer ces biens sous le régime des biens de reprise. Concrètement, cela interdit donc aux parties de prévoir l'obligation pour la personne publique de racheter les biens concernés en fin de contrat. Comme par le passé, et même s'ils peuvent faire l'objet d'une appropriation privée temporaire pendant la durée du contrat, ces biens doivent revenir gratuitement à la personne publique en fin de contrat (sous réserve d'être complètement amortis).
A l'inverse, l'arrêt précise que les parties peuvent tout à fait convenir de ranger dans la catégorie des biens de retour des biens qui ne sont pas indispensables au fonctionnement du service public.
2°) L'arrêt du 21 décembre 2012 est également intéressant sur un second point, relatif aux conditions de l'éventuelle indemnisation de la valeur non amortie des biens de retour à l'issue du contrat. Lorsque la personne publique résilie le contrat avant son terme normal, le délégataire est fondé à demander l'indemnisation du préjudice qu'il subit à raison du retour anticipé des biens à titre gratuit dans le patrimoine de la collectivité publique, dès lors qu'ils n'ont pas été complètement amortis. Cette solution est classique. Même si on a parfois eu tendance à l'oublier, la gratuité des biens de retour s'est toujours entendue sous réserve de leur total amortissement par le concessionnaire.
Les hypothèses dans lesquelles les biens en question peuvent ne pas être totalement amortis sont connues. Il peut s'agir, par exemple, d'un contrat dans lequel les parties se sont accordées pour une durée du contrat inférieure à la durée normale d'amortissement des biens (6). Il peut encore s'agir d'un contrat dans lequel concessionnaire a assuré des investissements nouveaux en cours d'exécution. Enfin, ce défaut d'amortissement complet des investissements peut faire suite à une résiliation anticipée du contrat pour motif d'intérêt général ou pour faute du cocontractant.
Dans ces différentes hypothèses, le Conseil d'Etat précise que, lorsque l'amortissement des biens a été calculé sur la base d'une durée d'utilisation inférieure à la durée du contrat, l'indemnité à verser par la personne publique est alors égale à leur valeur nette comptable inscrite au bilan. Lorsque leur durée d'utilisation est supérieure à la durée du contrat, l'indemnité est égale à la valeur nette comptable qui résulterait de l'amortissement de ces biens sur la durée du contrat. Possibilité est donnée aux parties de déroger à ces règles, à condition, toutefois, que l'indemnité mise à la charge de la personne publique au titre de ces biens n'excède pas le montant calculé en vertu des règles précitées.
La question de la détermination des conséquences de l'annulation des actes détachables des contrats de l'administration est au coeur de l'arrêt rendu le 10 décembre 2012. Son principal apport, qui justifie sa mention aux tables du Recueil Lebon, tient à la définition de l'office du juge de l'exécution.
En l'espèce, par deux délibérations du 17 juin 2005, un syndicat intercommunal d'eau potable (SIEA) avait décidé de confier la gestion des services publics de distribution d'eau potable et d'assainissement à la société X. La procédure de passation de ces contrats ayant été engagée avant le 16 juillet 2007, la société, candidate évincée, ne pouvait bénéficier du recours "Tropic" (7). Pour cette raison, elle a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre les deux délibérations, lesquelles ont été annulées au motif qu'aucune information relative aux critères de sélection des offres n'avait été fournie aux candidats (8). Surtout, le même tribunal, agissant alors en sa qualité de juge de l'exécution, a enjoint au syndicat intercommunal, à défaut de pouvoir obtenir la résolution amiable des contrats, de saisir le juge du contrat dans un délai de six mois afin qu'il la prononce. Tout en confirmant le motif d'annulation, la cour administrative d'appel de Bordeaux (9) a, ensuite, annulé le jugement de première instance dans sa partie relative à l'injonction. Elle a estimé qu'il n'était pas possible d'enjoindre aux parties de résoudre leur contrat ou de saisir le juge du contrat à cette fin, compte tenu, tout à la fois, de la nature du vice entachant la passation des délégations de service public, de la date de conclusion de ces contrats et de l'atteinte excessive qu'une telle résolution porterait à l'intérêt général. Pour les mêmes motifs, elle a rejeté les conclusions à fin d'injonction de la société.
Saisi d'un recours en cassation, le Conseil d'Etat était appelé à préciser l'office du juge de l'exécution tel qu'il ressortait de la toute récente jurisprudence du 21 février 2011 (10). L'intérêt de l'arrêt réside dans la détermination des conditions dans lesquelles le juge de l'exécution peut choisir entre les trois catégories de mesures qui sont aujourd'hui à sa disposition (11). L'arrêt du 10 décembre 2012 s'efforce d'aligner l'office du juge de l'exécution sur celui du juge du contrat tel qu'il a été déterminé par la jurisprudence du 28 décembre 2009 (12). Cet alignement vise assurément à éviter d'éventuelles contradictions entre les deux juges au sujet de la détermination des conséquences d'une irrégularité entachant les contrats administratifs. Cette solution conduit cependant à transformer, dans certaines hypothèses, le juge de l'exécution en seul et véritable juge du contrat.
La question posée par l'arrêt était précisément de savoir quelles conséquences le juge de l'exécution pouvait tirer de l'irrégularité résultant du défaut d'information des candidats sur les critères de sélection des offres. Le juge de l'exécution dispose de trois possibilités. Il peut ordonner la poursuite de l'exécution du contrat, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation ; il peut ordonner la résiliation du contrat, éventuellement avec effet différé, et après avoir vérifié qu'elle ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général ; enfin, il peut enjoindre aux parties de résoudre le contrat ou, à défaut d'entente, de saisir le juge du contrat afin qu'il prononce cette résolution. Jusqu'à présent, on ne disposait d'aucune indication précise relative à la nature des irrégularités pouvant justifier le prononcé de l'une de ces trois injonctions. Pour combler ce vide, le Conseil d'Etat a choisi, par l'arrêt du 10 décembre 2012, la voie de la simplicité. En effet, il a dupliqué la grille d'analyse développée par le juge du contrat, lorsqu'il est saisi d'un recours "Béziers 1" (13). Cet arrêt du 28 décembre 2009 précise que le contrat ne peut être annulé (en cas de recours direct en annulation) ou mis à l'écart (à l'occasion d'un litige relatif à son exécution) qu'en "raison seulement d'une irrégularité invoquée par une partie ou relevé d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement".
Partant de ce constat, selon lequel l'annulation ou la mise à l'écart du contrat sont réservées aux irrégularités les plus graves, le Conseil d'Etat estime que la résolution du contrat ne peut être ordonnée par le juge de l'exécution qu'en cas de "vice d'une particulière gravité". Poursuivant le raisonnement et confirmant sa volonté de calquer l'office du juge de l'exécution sur l'office du juge du contrat, le juge administratif indique qu'une illégalité tirée d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence n'est pas, en principe, assimilable à un vice d'une particulière gravité. Elle n'est donc pas de nature à justifier l'annulation du contrat ou sa mise à l'écart devant le juge du contrat ; de même qu'elle n'est pas de nature à justifier une injonction en vue de la résolution du contrat. Il n'en ira autrement qu'en cas d'illégalité suffisamment grave et commise dans des circonstances particulières (14). Puisque tel n'était pas le cas en l'espèce, le Conseil d'Etat a considéré que l'irrégularité entachant les deux délibérations justifiait simplement qu'il soit enjoint au syndicat intercommunal de résilier les deux délégations de service public avec effet différé au 1er mai 2013. Cette solution permet de ne pas remettre en cause les effets passés des contrats, tout en donnant à la personne publique le temps suffisant pour organiser une nouvelle procédure de passation.
Au-delà de ces précisions, en vérité assez techniques, l'arrêt du 10 décembre 2012 pose une question théorique intéressante, relative à la place du juge de l'exécution dans le contentieux des contrats administratifs. Alors que la jurisprudence du 21 février 2011 avait semblé offrir un cadre équilibré, il semble aujourd'hui que le juge de l'exécution soit parfois conduit à se comporter en un véritable juge du contrat, alors même qu'il n'en dispose pas tous les attributs (il peut seulement enjoindre à la personne publique ou aux parties de prendre certaines mesures -résiliation par exemple-, alors que le juge du contrat peut les prononcer directement). On se souvient que l'arrêt du 21 février 2011 a conféré le rôle de filtre au juge de l'exécution (lequel ne transmettra donc au juge du contrat que les litiges dans lesquelles les irrégularités les plus graves auront été identifiées), tout en préservant le pouvoir d'appréciation du juge du contrat. Concrètement, le juge de l'exécution peut parfaitement enjoindre aux parties de saisir le juge du contrat pour qu'il prononce la résolution du contrat, mais ce dernier n'est jamais tenu de la prononcer. Il peut parfaitement décider, au regard des circonstances de l'affaire que l'irrégularité entachant l'acte détachable peut déboucher sur une sanction moins grave (résiliation par exemple). Cependant, le scénario que l'on vient d'évoquer, où chaque juge intervient à tour de rôle et où le juge du contrat dispose du dernier mot, n'a vocation à se produire que dans des cas exceptionnels. La plupart du temps, le juge de l'exécution n'enjoindra pas la saisine du juge du contrat car il estimera que l'irrégularité commise ne le justifie pas. Dans cette hypothèse, que l'on imagine fréquente en pratique, c'est alors le juge de l'exécution qui fait office de juge du contrat.
(1) Voir, en ce sens, CE, Sect., 11 mai 1956, Compagnie des transports en commun de la région de Douai, Rec. CE, p. 203.
(2) CE 8° et 9° s-s-r., 21 avril 1997, n° 147602, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9303ADW), RFDA, 1997, p. 935, note E. Fatôme et Ph. Terneyre ; voir aussi CE 3° et 8° s-s-r., 23 juillet 2010, n° 320188, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9912E4U), Dr. adm., 2010, comm. 140.
(3) Rapport annuel du Conseil d'Etat 2005, p. 197 et s..
(4) Autorisation d'occupation temporaire qui a ensuite été étendue aux collectivités territoriales et à leurs groupements par l'article L. 1311-5 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L7347HIX).
(5) Que nous remercions pour l'aimable communication de ses conclusions dans cette affaire.
(6) Voir, par exemple, CE 2° et 7° s-s-r., 4 juillet 2012, n° 352417, mentionné aux tables du Recueil Lebon (N° Lexbase : A4718IQS).
(7) CE Sect., 16 juillet 2007, n° 291545, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4715DXW).
(8) Obligation d'information qui découle des principes généraux de la commande publique et qui s'appliquait rétroactivement aux faits de l'espèce : CE 2° et 7° s-s-r., 23 décembre 2009, n° 328827, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8416EPE), AJDA, 2010, p. 500, note J.-D. Dreyfus, BJCP, 2010, p. 103, concl., B. Dacosta, ACCP 96/2010, p. 16, obs. J.-P. Jouguelet, Contrats-Marchés publ., 2010, comm. 83, obs. Ph. Rees, Dr. adm., 2010, comm. 36, note G. Eckert.
(9) CAA Bordeaux, 1ère ch., 10 novembre 2011, n° 10BX01443, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A3103I4P).
(10) CE 2° et 7° s-s-r., 21 février 2011, n° 337349, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7022GZ4), Rec. CE, p. 54, Contrats Marchés publ., 2011, comm. 123, note J.-P. Pietri, Dr. adm., 2011, comm. 47, note F. Brenet.
(11) Voir supra.
(12) CE, Ass, 28 décembre 2009, n° 304802, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0493EQC), Rec. CE, p. 509, concl. E. Glaser, AJDA, 2010, p. 142, chron. S.-J. Liéber et D. Botteghi, AJDA, 2011, p. 665, chron. A. Lallet et X. Domino, BJCP, 2010, p. 138, concl., D., 2011, p. 472, obs. A. Mekki et B. Fauvarque-Cosson, Contrats Marchés publ., 2010, comm. 38, note P. Rees, GAJA, n° 118, p. 938, JCP éd. A, 2010, 2072, note F. Linditch, RD imm., 2010, p. 265, note R. Noguellou, RDP, 2010, p. 553, note H. Pauliat, RFDA, 2010, p. 506, concl., p. 519, note D. Pouyaud, RJEP, 2010, comm. 19, note J. Gourdou et Ph. Terneyre, RTD com., 2010, p. 548, obs. G. Orsoni.
(13) CE, Ass, 28 décembre 2009, n° 304802, publié au recueil Lebon, préc..
(14) CE 2° et 7° s-s-r., 12 janvier 2011, n° 338551, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8777GPR), Contrats Marchés publ., 2011, comm. 89, note J.-P. Pietri ; CE 2° et 7° s-s-r., 12 janvier 2011, n° 338551, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8777GPR), AJDA, 2011, p. 665, chron. A. Lallet et X. Domino, Contrats-Marchés publ., 2011, comm. 88, note J.-P. Pietri, Dr. adm. 2011, comm. 29.
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Réf. : CA Paris, Pôle 5, 1ère ch. 12 décembre 2012, n° 10/10996 (N° Lexbase : A7724IYQ)
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par Bastien Brignon, Maître de conférences HDR à Aix-Marseille Université, Membre du Centre de droit économique (EA 4224) et du Centre de droit du sport d'Aix-Marseille
Le 31 Janvier 2013
C'est la jurisprudence qui, au fil des décisions, est amenée à préciser l'étendue de la propriété de la manifestation et de la compétition sportive. Jurisprudence d'ailleurs qui, la première, a reconnu l'existence d'un monopole d'exploitation sur le spectacle sportif. Alors que le législateur n'a consacré ce monopole d'exploitation qu'en 1992 (loi n° 92-652 du 13 juillet 1992, modifiant la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984, relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives et portant diverses dispositions relatives à ces activités N° Lexbase : L1050IWS), uniquement pour régler les problèmes de titularités posés à l'époque par les droits audiovisuels dans le monde du football, déjà en 1987 la cour d'appel de Lyon avait admis un tel monopole sur le fondement d'un usage de droit (2).
Dans cette lutte pour la définition et la délimitation du monopole d'exploitation, on comprendra aisément que les fédérations et organisateurs sportifs plaident pour une approche dilatée -le propriétaire de la compétition sportive bénéficie des plus larges pouvoirs pour exploiter son spectacle comme il l'entend- là où certains militent en faveur d'une approche plus périmétrée (3).
Oscillant entre ces deux conceptions, les juges sont parfois plus sensibles aux arguments des fédérations sportives. C'est ainsi que dans un arrêt des plus significatifs du 14 octobre 2009, la cour d'appel de Paris, saisie d'un contentieux opposant la Fédération française de tennis à deux sociétés de paris sportifs, a considéré que "[...] l'organisation de paris sportifs doit être regardée comme une exploitation de la manifestation sportive de nature à porter atteinte au droit d'exploitation reconnu par l'article L. 333-1 du Code du sport à la FFT [...]" (4). Selon les magistrats parisiens, comme pour toute opération engendrant des revenus directement liés au déroulement et à l'issue de la manifestation, l'organisateur est seul habilité à autoriser les paris en ligne. De plus, la cour a indiqué "qu'en l'absence de toute précision ou distinction prévue par la loi, concernant la nature de l'exploitation des manifestations ou compétitions sportives qui est l'objet du droit de propriété reconnu par ces dispositions, toute forme d'activité économique, ayant pour finalité de générer du profit, et qui n'aurait pas d'existence si la manifestation sportive dont elle est le prétexte ou le support nécessaire n'existait pas, doit être regardée comme une exploitation au sens de ce texte [...]". Le monopole d'exploitation couvrirait donc tous les flux financiers nés des relations d'affaires qui se nouent à l'occasion de la mise en place d'un spectacle sportif (5).
Cette position a été abondamment critiquée par la doctrine, ne serait-ce qu'au regard des principes de liberté contractuelle, de liberté du commerce et de l'industrie et de libre prestation de services auxquelles elle porte éminemment atteinte, sans justification légitime et proportionnée.
A vrai dire, la jurisprudence sur la délimitation du monopole des organisateurs sportifs est loin d'être monolithique (6). Tout dépend du point de savoir si le produit ou service proposé se distingue, ou pas, de l'activité sportive. S'il s'en détache, les juges adopteront alors une conception plutôt restrictive du monopole d'exploitation des organisateurs. Dans le cas contraire, lorsque les offres ne se distinguent absolument pas de l'activité sportive, les juges opteront pour une conception plus extensive (7).
L'arrêt sous commentaire s'inscrit visiblement dans la première tendance.
En l'espèce, la société Fiat avait fait paraître, par l'intermédiaire d'une agence de communication, une publicité dans le quotidien sportif L'Equipe, afin de promouvoir son nouveau modèle d'automobile Fiat 500 en donnant les coordonnées de ses concessionnaires se trouvant sur le sol français. Cette publicité était parue le lendemain du match France-Angleterre qui s'était déroulé dans le cadre du Tournoi des VI Nations 2008 au stade de France. Elle était faite dans les formes suivantes :
"France 13 - Angleterre 24", suivie de la phrase : "La Fiat 500 félicite l'Angleterre pour sa victoire et donne rendez-vous à l'équipe de France le 9 mars pour France Italie", avec la prévision volontairement exagérée d'une victoire italienne écrasante : "Italie 500".
La Fédération française de rugby (FFR), organisatrice dudit tournoi, estimait que les faits litigieux relevaient d'une pratique préjudiciable, dite de l'ambush marketing, stratégie publicitaire qui vise à créer une confusion dans l'esprit du public sur l'identité réelle des partenaires d'une compétition, s'associant à l'événement pour obtenir sans bourse déliée une partie de la reconnaissance et des bénéfices reliés au statut de sponsor officiel. Fiat aurait ainsi violé son droit d'exploitation sur les matchs de l'équipe de France qu'elle organise et bénéficié indûment de la notoriété de cette équipe et de ses matchs, sans débourser la moindre somme et en laissant croire aux yeux des tiers qu'elle y était autorisée, ce qui caractérise, en outre, des agissements parasitaires distincts, aggravés d'un risque de confusion, dès lors que l'association de ses produits aux matchs accréditeraient l'idée d'un lien de parrainage. En somme, pour la FFR, il y a avait là tant une atteinte à son monopole d'exploitation sur les matchs du XV de France qu'elle tient de l'article L. 333-1 du Code du sport qu'un agissement parasitaire de Fiat France qui avait ainsi entretenu dans l'esprit du public une confusion sur sa qualité de parrain.
Dans son jugement du 30 mars 2010, le tribunal de grande instance de Paris avait donné raison à Fiat France dans la mesure où elle n'avait fait qu'user de la liberté de créer une publicité appuyée sur l'actualité, fut-elle sportive, et n'avait donc pas commis d'atteinte au droit d'exploitation appartenant aux organisateurs sportifs, d'autant qu'aucun fait distinct n'était allégué (8).
Cette analyse est confirmée en appel. Si, précisent les juges du second degré, "en l'absence de toute précision ou distinction prévue par la loi concernant la nature de l'exploitation des manifestations ou compétitions sportives qui est l'objet du droit de propriété reconnu par ces dispositions, toute forme d'activité économique ayant pour finalité de générer un profit et qui n'aurait pas d'existence si la manifestation sportive est le prétexte ou le support nécessaire n'existait pas, doit être regardée comme une exploitation au sens de l'article L. 333-1 du Code du sport", pour autant, ajoutent-ils immédiatement, "il résulte également de ce texte que, pour être caractérisée, une atteinte à la propriété des droits visés suppose une appropriation ou exploitation d'une compétition ou manifestation sportive".
Or, en l'espèce, la publicité incriminée "se borne à reproduire un résultat sportif d'actualité, acquis et rendu public en première page du journal d'information sportive, non favorable à l'équipe de France, et à faire état d'une rencontre future, également connue comme déjà annoncée par le journal dans un article d'information [...] et ne donne rendez-vous à l'équipe de France pour cette compétition à venir, certes organisée et programmée par la FFR [...], que pour mettre en avant les chances de l'Italie (qui serait imbattable), et non de la France (comme de coutume pour un partenaire officiel), ce qui ne saurait porter atteinte aux droits de l'organisateur".
De sorte "qu'il n'est dès lors pas établi que l'activité économique des intimées, dans le cadre factuel du litige, puisse être regardée comme la captation injustifiée d'un flux économique généré à l'occasion d'événements sportifs organisés par la FFR, constitutive d'une exploitation directe illicite, comme non autorisée, de tels événements".
Quant aux agissements parasitaires, "la promotion d'un véhicule automobile Fiat, et de ses signes distinctifs, en utilisant dans les conditions précitées les résultats d'un match, l'annonce d'un prochain match et les noms des nations concernées, n'a pu induire en erreur les lecteurs, même moyennement attentifs, du journal sur la qualité des sociétés Fiat et concessionnaires, étant ajouté que s'agissant d'un journal spécialisé en matière de sport ses lecteurs sont par ailleurs plus avertis dans ce domaine et habitués aux encarts publicitaires de parrains officiels, se présentant clairement, et habituellement, par une appellation incluant le terme officiel, comme partenaire (ou parrain, sponsor ou fournisseur) du XV de France (ou de l'équipe de France) [...], à la différence de la publicité incriminée qui n'y fait nullement référence ainsi que relevé par les premiers juges, ce qui exclut toute possibilité d'équivoque et d'association avec la FFR [...]".
Finalement, dans la mesure où Fiat France a fait référence à un événement sportif, sans utiliser "ni les marques, logos, symboles des organisateurs ni images et sons de la représentation sportive" : elle n'a fait "qu'user de la liberté de créer une publicité appuyée sur l'actualité, fut-elle sportive".
Elle a donc pu utiliser, sans encourir le grief de violation de l'article L. 333-1 du Code du sport, le nom des équipes, le score et même pronostiquer un score fantasque, proche de la publicité hyperbolique.
Quid de la portée de cette solution ?
Par un côté, il est heureux que la cour de Paris n'ait pas adhéré à la solution de l'arrêt du 14 octobre 2009 et ait confirmé le jugement de première instance. Elle crédite de la sorte l'analyse raisonnable du périmètre du monopole d'exploitation des fédérations sur leurs manifestations sportives, plus raisonnable en tout cas que l'arrêt d'octobre 2009. En ce qu'il montre et réaffirme que le monopole des fédérations et organisateurs sur leur spectacle sportif n'est pas illimité, l'arrêt du 12 décembre 2012 est assurément d'importance. On en retiendra surtout qu'il considère que toutes les activités génératrices de revenus au centre desquelles se trouve une manifestation sportive ne relèvent pas nécessairement du monopole d'exploitation, à tout le moins, se sent-on obligé d'ajouter, si l'utilisation qui est faite du spectacle sportif n'est qu'indirecte (9), comme au cas d'espèce.
Mais, par un autre côté, moins optimiste, il ne faut pas non plus par trop en exagérer la portée. Car la solution ne surprend pas vraiment. Le droit qui était en effet visé dans l'assiette du monopole d'exploitation c'était le résultat. Or le résultat a toujours fait figure d'exception au sein du monopole d'exploitation. Le résultat -du moins le résultat brut- est une information sportive. En tant que telle il ne peut que relever du bien commun, du domaine public (10). De même, dire que le monopole d'exploitation de l'article L. 333-1 du Code du sport n'est pas illimité ne surprend pas non plus.
Il est essentiel toutefois de rappeler ces évidences. D'autant plus à un moment où la question du monopole d'exploitation des fédérations et organisateurs sportifs reste très ouverte. D'où la véritable portée de la solution qui est de s'inscrire dans un mouvement plus général de limitation de ce monopole en pleine construction, mouvement auquel est très sensible la CJUE, à contre-courant de la position du législateur français.
Ce dernier en effet a, par la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010, relative à l'ouverture à la concurrence et à la régularisation des jeux d'argent et de hasard en ligne (N° Lexbase : L0282IKN), intégré dans le Code du sport trois nouveaux textes (les articles L. 333-1-1 N° Lexbase : L2464IM9, L. 333-1-2 N° Lexbase : L2463IM8 et L. 333-1-3 N° Lexbase : L2462IM7) destinés à incorporer expressément les paris sportifs au monopole d'exploitation (11), faisant ainsi écho pour partie à l'arrêt du 14 octobre 2009.
La CJUE, au contraire, a rendu des solutions relatives au calendrier sportif qui militent clairement pour une restriction du monopole d'exploitation des organisateurs sportifs. Ainsi, si par quatre arrêts importants en date du 9 novembre 2004, la Cour de justice avait admis qu'un calendrier sportif puisse être constitutif d'une base de données protégeable sur le fondement du droit sui generis consacré par la Directive européenne 96/9/CE du 11 mars 1996 (12), elle a en revanche récemment refusé sa protection par le droit d'auteur, faute d'originalité (13). Le calendrier sportif, et plus largement les bases de données issues du spectacle sportif, ne sont plus ainsi automatiquement protégées voire protégeables par un droit sui generis.
Plus éloquent encore, les droits audiovisuels. On se souvient que le TPIUE avait par trois arrêts rendus en 2011 rejeté le recours de la FIFA et de l'UEFA contre les décisions de la Belgique et du Royaume-Uni de retransmettre gratuitement et en clair les matchs de la phase finale de la Coupe du monde et de l'Euro (14), décisions que la Commission européenne avait, au demeurant, jugées compatibles avec le droit de l'Union (15). Face à une telle position, la FIFA et l'UEFA ont logiquement décidé de saisir la CJUE. Or, l'avocat général en charge de cette affaire (Monsieur Niilo Jääskinen) propose à la CJUE, dans ses conclusions qu'il a présentées le 12 décembre 2012, de rejeter les recours formés par la FIFA et l'UEFA. Pour l'essentiel, il estime que lorsque ces compétitions sont considérées par les Etats membres comme événements d'importance majeure pour leur société, afin d'en garantir l'accès à un large public, ceux-ci peuvent exiger leur retransmission sur une télévision à accès libre (16).
Si cette solution était adoptée par la CJUE, elle ne pourrait finalement avoir que peu d'impact en France, compte tenu du monopole d'exploitation consacré par l'article L. 333-1 du Code du sport. En d'autres termes, la FIFA et l'UEFA pourraient faire en France ce qu'elles ne pourraient pas faire en Belgique ou au Royaume-Uni, à savoir limiter l'accès en clair aux phases finales de la Coupe du monde et de l'Euro (17).
Quoi qu'il en soit, l'arrêt du 12 décembre 2012 de la cour d'appel de Paris est plus proche de la position européenne actuelle que de celle du législateur français. D'aucuns peuvent alors souhaiter, dans un souci de cohérence, une harmonisation au moins entre le législateur français et les juges français. Pour notre part, nous estimons que ces divergences, que ces tensions ne sont pas forcément mauvaises car c'est ainsi que le droit du sport s'autorégule.
(1) Sur la notion d'organisateur, v., G. Durand, Mais qui est donc l'organisateur ?, in Dossier "Organiser en toute sécurité", Jurisport, décembre 2012, n° 126, p. 18.
(2) CA Lyon, 1ère ch., sect. B., 26 mars 1987, D., 1988, jur., p. 558, note J. Azéma ; J. Garagnon et Y. Reinhard, cité in F. Buy, J.-M. Marmayou, D. Poracchia et F. Rizzo, Droit du sport, 3ème éd., LGDJ, 2012, n° 1199, note de page 53.
(3) F. Buy, J.-M. Marmayou, D. Poracchia et F. Rizzo, Droit du sport, 3ème éd., LGDJ, 2012, n°1200 et s.
(4) CA Paris, 14 octobre 2009, n° 08/19179 (N° Lexbase : A2342EMP), Cah. dr. sport n° 17, 2009, p.187, note G. Lebon et Th. Verbiest ; confirmation du jugement de première instance : TGI Paris, 30 mai 2008, Legipresse, 2008, n° 254, III, p. 139, note F. Poracchia, D. et J.-M. Marmayou.
(5) F. Rizzo et D. Poracchia, Propriété du spectacle sportif, étude 348, Encyclopédie Droit du sport, Droitdusport.com, spéc. n° 348-70.
(6) F. Rizzo et D. Poracchia, Propriété du spectacle sportif, préc., spéc. n° 348-72.
(7) Sur cette distinction v., note J.-M. Marmayou, sous TGI Paris, 3ème ch., sect. 1, 30 mars 2010, n° 08/07671, Cah. dr. sport, n° 20, 2010, p. 141.
(8) TGI Paris, 3ème ch., sect. 1, 30 mars 2010, préc. et note de J.-M. Marmayou, préc. ; v. également, du même auteur, obs. in Chronique de droit du sport, par le Centre de droit du sport d'Aix-Marseille, LPA, 12 avril 2011, n° 72, p. 20. V. précédemment, dans le même sens, TGI Paris, 3ème ch., sect. 1, 9 décembre 2008, Cah. dr. sport n° 16, 2009, p. 14, note G. Lebon et Th. Verbiest.
(9) S. Cherqui, note sous CA Paris, 12 décembre 2012, n° 10/10996, D., 2013, p. 81 : "En d'autres termes, la ligne de démarcation consacrée par la cour d'appel de Paris ne semble pas se situer à la frontière de l'économique et du droit du public à l'information via le seul critère de l'existence d'une activité et d'un flux économiques trouvant leur cause dans la manifestation sportive, mais, bien différemment, dépendre de la caractérisation d'une exploitation directe de la manifestation sportive considérée".
(10) F. Buy, J.-M. Marmayou, D. Poracchia et F. Rizzo, Droit du sport, 3ème éd., LGDJ, 2012, n° 1202 ; J.-M. Marmayou, LPA, 12 avril 2011, n° 72, p. 20, et les références jurisprudentielles citées in fine.
(11) F. Buy, J.-M. Marmayou, D. Poracchia et F. Rizzo, Droit du sport, 3ème éd., LGDJ, 2012, n° 1202.
(12) CJCE, 9 novembre 2004, 4 arrêts, aff. C-203/02 (N° Lexbase : A7806DDH), aff. C-338/02 (N° Lexbase : A7807DDI), aff. C-444/02 (N° Lexbase : A7808DDK) et aff. C-46/02 (N° Lexbase : A7809DDL); Propr. ind., 2005, comm. 7, obs. P. Kamina ; Comm. com. électr., 2005, comm. 2, obs. Ch. Caron ; Europe, 2005, comm. 24, obs. F. Mariatte ; RTDCom., 2005, p. 90, obs. F. Pollaud-Dulian ; Cah. dr. sport n° 2, 2005, p. 186, note J.-M. Marmayou ; C. Froment, La Cour de justice des Communautés européennes recentre le droit spécifique des bases de données, Lexbase Hebdo n° 147 du 16 décembre 2004 - édition affaires (N° Lexbase : N3896ABW).
(13) CJUE, 1er mars 2012, aff. C-604/10 (N° Lexbase : A7150ID8), RLDI, mai 2012/82, n° 2733, obs. C. Castets-Renard ; Cah. dr. sport, n° 28, 2012, p. 126, note N. Bronzo ; Comm. com. électr., 2012, Chronique 10, Un an de sport dans le droit de la communication", § 9, obs. J.-M. Marmayou ; D., 2012, p. 2836, obs. P. Sirinelli ; D. actualité, 22 mars 2012, obs. J. Daleau. Adde CJUE, 2 mai 2012, aff. C-406/10 (N° Lexbase : A4518IKK), RTDCom., 2012, p. 536, obs. F. Pollaud-Dulian ; CJUE, 18 octobre 2012, aff. C-173/11 (N° Lexbase : A4813IUS), RLDI, 2012/87, obs. L. Costes et RLDI, 2012/88, note E. Varet.
(14) TPIUE 17 février 2011, aff. T-55/08 (N° Lexbase : A3783GXE) pour l'UEFA ; TPIUE, 17 février 2011, aff. T-68/08 (N° Lexbase : A3785GXH), pour la FIFA ; TPIUE 17 février 2011, aff. T-385/07 (N° Lexbase : A3780GXB), pour la FIFA, Cah. dr. sport, n° 23, 2011, p. 173, note S. Le Reste et p. 223, note F. Rizzo.
(15) Concernant le Royaume-Uni, Déc. Comm. CE n° 2007/730/CE, 16 octobre 2007, JOCE L 295, p. 12 ; pour la Belgique, Déc. Comm. CE n° 2007/479/CE, 25 juin 2007, JOCE L 180, p. 24.
(16) Concl. avocat gén., 12 décembre 2012, dans les aff. C-201/11 P, C-204/11 P et C-205/111, UEFA et FIFA c/ Commission.
(17) Obs. Rédaction Droitdusport.com.
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par Frédéric Dal Vecchio, Avocat à la cour, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines
Le 26 Mars 2013
De même, s'agissant du régime de l'abattement pour durée de détention des titres de sociétés relevant de l'IS détenus par des dirigeants de PME partant à la retraite, une prorogation jusqu'au 31 décembre 2017 vient d'être adoptée (loi de finances pour 2013, art. 10, III et V). La condition liée à la date d'acquisition des titres, qui initialement était impérativement fixée à une date antérieure au 1er janvier 2006, est supprimée par la loi de finances pour 2013.
Que retenir principalement de ces deux derniers textes fiscaux de l'année 2012 ? Malheureusement, la stabilité fiscale n'est pas à l'ordre du jour : alors que les entreprises aspirent à une certaine prévisibilité de la loi fiscale (Priorités 2013 du directeur financier en matière de stratégie et gestion fiscale, Feuillet rapide Francis Lefebvre, FR 2/13, 11 janvier 2013, p. 19), participant ainsi à l'attractivité du territoire national à l'heure où, faut-il encore le rappeler, une concurrence internationale pour attirer les investissements et les "talents" fait rage (1), et pour laquelle la presse étrangère n'hésite jamais à citer le système fiscal français en contre-exemple (The Wall Street Journal, January 11th, 2013, p. 4), la loi de finances pour 2013 et la troisième loi de finances rectificative pour 2012 apportent leur lot de modifications à des régimes déjà amendés il y a quelques mois pourtant : c'est le cas, par exemple, de la déductibilité des aides entre entreprises à la suite d'une procédure de conciliation, modifiée par la loi de finances rectificative pour 2012 du 16 août 2012 (loi n° 2012-958 du 16 août 2012, de finances rectificative pour 2012 N° Lexbase : L9357ITQ) et qui fait l'objet d'une nouvelle intervention du législateur quatre mois après la précédente réforme initiée pendant l'été (voir infra).
La jurisprudence a joué un rôle très important en matière de déductibilité des aides à caractère financier entre les entreprises, en autorisant une entreprise à déduire de sa base imposable les aides, directes ou indirectes, versées à une autre entreprise française ou étrangère, à condition qu'elles ne soient pas qualifiées d'acte anormal de gestion. Le régime fiscal diffère alors selon la qualification retenue d'aide commerciale (entièrement déductible) ou financière (déductible à hauteur de la quote-part des minoritaires).
La seconde loi de finances rectificative du 16 août 2012 a mis un terme à certaines pratiques considérées comme "défiscalisantes" : en effet, les travaux parlementaires démontrent que les autorités publiques se sont émues de l'existence d'une optimisation fiscale consistant à accorder des aides plutôt que de recapitaliser les filiales et, ainsi, permettre de substantielles imputations de pertes de filiales étrangères en France. Seules sont désormais déductibles les aides à caractère commercial et les aides au profit des entreprises en difficulté faisant l'objet d'une procédure de conciliation avec homologation judiciaire ou d'une procédure collective, c'est-à-dire, dans l'Hexagone, la sauvegarde, le redressement ou la liquidation judiciaire. La loi de finances rectificatives pour 2012 du 16 août 2012 avait donc conditionné l'application du régime de déduction des aides à l'existence d'un accord homologué au sens de l'article L. 611-8 du Code de commerce (N° Lexbase : L3238ICW), c'est-à-dire un accord dont le contenu est publié, ce qui lui confère une certaine publicité et met fin, nécessairement, à la confidentialité (C. com., art. R. 611-43 N° Lexbase : L3593INE (2)).
Cette anomalie -que craignait l'administration fiscale en imposant jusqu'alors une homologation synonyme de publicité ?- est corrigée avec effet rétroactif au 4 juillet 2012 : la dernière loi de finances rectificative pour 2012 permet la déductibilité d'une aide lorsque l'entreprise a entamé une procédure de conciliation se concluant par un accord simplement constaté par le président du tribunal de commerce. L'homologation n'est donc plus obligatoire, ce qui est un progrès certain pour l'entreprise qui recherche une certaine confidentialité lorsqu'elle traverse des difficultés financières importantes susceptibles d'entraîner sa disparition à court terme.
Afin de mettre le droit français en conformité avec le droit de l'Union européenne, les dispositions de l'article 221 du CGI (N° Lexbase : L0316IWM) sont modifiées à compter du 14 novembre 2012 : lorsque le transfert du siège ou d'un établissement s'effectue dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou dans un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, ainsi qu'une convention d'assistance mutuelle en matière de recouvrement (3), et qu'il s'accompagne du transfert d'éléments d'actifs, l'impôt sur les sociétés calculé à raison des plus-values latentes constatées sur les éléments de l'actif immobilisé transférés et des plus-values en report ou en sursis d'imposition est acquitté dans les deux mois suivant le transfert des actifs selon les deux modes suivants : soit pour la totalité de son montant ; soit, sur demande expresse de la société, pour le cinquième de son montant ; le solde étant acquitté par fractions égales au plus tard à la date anniversaire du premier paiement au cours des quatre années suivantes.
Cependant, l'impôt devient immédiatement exigible dans l'hypothèse d'une cession des actifs ou leur transfert, dans le délai de cinq ans, dans un autre Etat n'ayant pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative, ou bien la dissolution de la société. Il en est de même en cas de non-respect de l'une des échéances de paiement. La société participera au contrôle de l'administration en adressant chaque année au service des impôts des non-résidents un état conforme à un modèle fourni par l'administration faisant apparaître les renseignements nécessaires au suivi des plus-values latentes sur les éléments de l'actif immobilisé transférés.
La loi de finances rectificative pour 2011 du 19 septembre 2011 a institué un plafond pour le report en avant, toujours illimité dans le temps, des déficits de sociétés soumises à l'IS (4) (loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011, de finances rectificative pour 2011 N° Lexbase : L1269IRG) résultant d'une limite d'un montant de 1 000 000 euros, majoré de 60 % du bénéfice de l'exercice excédant ce seuil.
La loi de finances pour 2013 apporte une modification de ce plafond de 60 %, pour l'abaisser à 50 %, ainsi justifiée par le Parlement : "du fait de cette absence de limite dans le temps, l'imposition n'est pas alourdie pour l'entreprise, qui finira par imputer le solde de déficit sur des bénéfices ultérieurs, à condition toutefois de ne pas disparaître. La mesure de plafonnement produit en revanche un gain budgétaire pour l'Etat, en reportant aux exercices suivants la perte d'IS résultant de l'imputation de déficits antérieurs. Le rendement attendu du plafonnement était estimé à 500 millions d'euros en 2011 et 1,5 milliard d'euros en 2012 ; la mesure devrait finalement rapporter respectivement 900 millions et 2,1 milliards d'euros", Rapport fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2013 (n° 235), tome II, C. Eckert, p. 307).
S'agissant des entreprises en difficulté, la limite de 1 000 000 d'euros est majorée du montant des abandons de créances consentis à une société en application d'un accord constaté ou homologué dans les conditions prévues à l'article L. 611-8 du Code de commerce (5) ou dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, ouverte à son nom.
Les dispositions de l'article 219, I, a quinquies du CGI (N° Lexbase : L9520ITR) permettent une imposition à taux zéro des titres de participation détenus par une société soumise à l'IS depuis le 1er janvier 2007, sous réserve d'une quote-part de frais et charges imposable au taux de 5 % du résultat net des plus-values de cession, portée à 10 % depuis le 1er janvier 2011 (loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011 N° Lexbase : L1269IRG).
La loi de finances pour 2013 modifie le taux de cette quote-part de frais et charges, désormais relevé de 10 % à 12 %. De plus, l'assiette correspond au montant brut des plus-values constatées, sans prise en compte des moins-values. Il ne s'agit donc plus d'une quote-part de frais et charges portant sur un résultat net de cession mais sur un résultat brut.
A - Prorogation de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés de 5 % (loi de finances pour 2013, art. 30)
Les sociétés soumises à l'IS, dont le chiffre d'affaires est de plus 250 millions d'euros, sont assujetties à une contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés de 5 % au titre des exercices clos du 31 décembre 2011 au 31 décembre 2013 (loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011, art. 30 N° Lexbase : L4994IRE ; Bofip, BOI-IS-DECLA-20-30 N° Lexbase : X4481ALK).
La loi de finances pour 2013 proroge cette contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés jusqu'au 31 décembre 2015.
B - Dernier acompte d'impôt sur les sociétés (loi de finances pour 2013, art. 26)
Le régime du dernier acompte d'impôt sur les sociétés est modifié, d'une part, du fait de l'abaissement, pour les entreprises soumises à ce dispositif, du seuil de chiffre d'affaires de 500 millions d'euros à 250 millions d'euros ; d'autre part, en relevant le pourcentage du montant de l'impôt sur les sociétés estimé au titre de l'exercice selon les modalités suivantes :
- pour les entreprises ayant réalisé un chiffre d'affaires compris entre 250 millions d'euros et un milliard d'euros au cours du dernier exercice clos ou de la période d'imposition, ramené s'il y a lieu à douze mois, à la différence entre les trois quarts du montant de l'impôt sur les sociétés estimé au titre de cet exercice et le montant des acomptes déjà versés au titre du même exercice ;
- pour les entreprises ayant réalisé un chiffre d'affaires compris entre un milliard d'euros et cinq milliards d'euros au cours du dernier exercice clos ou de la période d'imposition, ramené s'il y a lieu à douze mois, à la différence entre 85 % du montant de l'impôt sur les sociétés estimé au titre de cet exercice et le montant des acomptes déjà versés au titre du même exercice ;
- pour les entreprises ayant réalisé un chiffre d'affaires supérieur à cinq milliards d'euros au cours du dernier exercice clos ou de la période d'imposition, ramené s'il y a lieu à douze mois, à la différence entre 95 % du montant de l'impôt sur les sociétés estimé au titre de cet exercice et le montant des acomptes déjà versés au titre du même exercice ;
- pour les entreprises ayant réalisé un chiffre d'affaires compris entre 250 millions d'euros et 1 milliard d'euros au cours du dernier exercice clos ou de la période d'imposition, ramené s'il y a lieu à douze mois, à la différence entre les trois quarts du montant de l'impôt sur les sociétés estimé au titre de cet exercice et le montant des acomptes déjà versés au titre du même exercice.
Les micro-entreprises et les PME, au sens du droit communautaire (6), peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt innovation de conception de prototypes ou installations pilotes de nouveaux produits, au taux de 20 %.
Les dépenses, dans la limite globale de 400 000 euros par an, ouvrant droit au crédit d'impôt innovation, sont les suivantes :
- dotations aux amortissements des immobilisations créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation des opérations susvisées ;
- dépenses de personnel directement et exclusivement affecté à la réalisation des opérations précitées ;
- autres dépenses de fonctionnement exposées à raison de ces opérations fixées forfaitairement à la somme de 75 % des dotations aux amortissements et de 50 % des dépenses de personnel susmentionnées ;
- dotations aux amortissements, frais de prise et de maintenance de brevets et de certificats d'obtention végétale, frais de dépôt de dessins et modèles relatifs aux opérations précitées ;
- dépenses exposées pour la réalisation de ces opérations confiées à des entreprises ou des bureaux d'études et d'ingénierie agréés selon des modalités prévues par décret.
Les entreprises imposées d'après leur bénéfice réel, ou exonérées (7), peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt, au taux de 4 % en 2013 et de 6 % pour les années ultérieures, afin de financer l'amélioration de leur compétitivité à travers notamment des efforts en matière d'investissement, de recherche, d'innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement.
L'entreprise devra retracer dans ses comptes annuels l'utilisation du crédit d'impôt, conformément à aux objectifs précités, étant entendu que la vocation de ce crédit d'impôt n'est pas de financer une hausse de la part des bénéfices distribués, ni d'augmenter les rémunérations des personnes exerçant des fonctions de direction dans l'entreprise.
Le crédit d'impôt est assis sur les rémunérations, régulièrement déclarées aux organismes de Sécurité sociale, que les entreprises versent à leurs salariés au cours de l'année civile n'excédant pas deux fois et demie le salaire minimum de croissance calculé pour un an sur la base de la durée légale du travail augmentée, le cas échéant, du nombre d'heures complémentaires ou supplémentaires, sans prise en compte des majorations auxquelles elles donnent lieu (8).
Le crédit d'impôt est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les rémunérations prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été versées. L'excédent de crédit d'impôt constitue, au profit du contribuable, une créance sur l'Etat, inaliénable (9) et incessible, d'égal montant, qui peut être immédiatement remboursée au profit de certaines entreprises, dont les PME. Cette créance est utilisée pour le paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée, puis, s'il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l'expiration de cette période.
Lors d'une vérification de comptabilité, les entreprises seront tenues de présenter une comptabilité dématérialisée lorsque cette dernière est informatisée. Les dispositions de l'article L. 47 A du LPF (N° Lexbase : L0282IWD), modifiées par la loi de finances rectificative pour 2012, seront applicables au 1er janvier 2014.
(1) V. s'agissant des mérites économiques et politiques de la Thaïlande exposés dans un "special advertising section" du magazine américain Time, December 10, 2012, p. 45 à 52.
(2) "Un avis du jugement d'homologation est adressé pour insertion au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. [...] Le même avis est publié dans un journal d'annonces légales du lieu où le débiteur a son siège ou, lorsqu'il est une personne physique, l'adresse de son entreprise ou de son activité. Il mentionne que le jugement est déposé au greffe où tout intéressé peut en prendre connaissance. Ces publicités sont faites d'office par le greffier dans les huit jours de la date du jugement".
(3) Dont la portée similaire à celle prévue par la Directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 (N° Lexbase : L8286IGY).
(4) Même lorsqu'elles appartiennent à un groupe fiscal.
(5) "I. - Le président du tribunal, sur la requête conjointe des parties, constate leur accord et donne à celui-ci force exécutoire. Il statue au vu d'une déclaration certifiée du débiteur attestant qu'il ne se trouvait pas en cessation des paiements lors de la conclusion de l'accord, ou que ce dernier y met fin. La décision constatant l'accord n'est pas soumise à publication et n'est pas susceptible de recours. Elle met fin à la procédure de conciliation. II. - Toutefois, à la demande du débiteur, le tribunal homologue l'accord obtenu si les conditions suivantes sont réunies : 1° Le débiteur n'est pas en cessation des paiements ou l'accord conclu y met fin ; 2° Les termes de l'accord sont de nature à assurer la pérennité de l'activité de l'entreprise ; 3° L'accord ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers non signataires".
(6) Règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission, 6 août 2008, annexe I (N° Lexbase : L3848IGM).
(7) En application des articles 44 sexies (N° Lexbase : L0835IPM), 44 sexies A (N° Lexbase : L1174ITN), 44 septies (N° Lexbase : L5028IC9), 44 octies (N° Lexbase : L0833IPK), 44 octies A (N° Lexbase : L5401IRH) et 44 decies (N° Lexbase : L2947IGA) à 44 quindecies du CGI.
(8) S'agissant des salariés qui ne sont pas employés à temps plein, ou qui ne sont pas employés sur toute l'année, le salaire minimum de croissance pris en compte est celui qui correspond à la durée de travail prévue au contrat au titre de la période où ils sont présents dans l'entreprise.
(9) La mobilisation auprès d'un établissement financier est possible, mais la créance ne peut faire l'objet de plusieurs cessions ou nantissements partiels auprès d'un ou de plusieurs cessionnaires ou créanciers.
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Réf. : Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l'emploi et des parcours professionnels des salariés (N° Lexbase : L9638IUI)
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par Sébastien Tournaux, Professeur à l'Université des Antilles et de la Guyane
Le 31 Janvier 2013
Comme cela avait été prédit (1), les accords compétitivité-emploi promis par le candidat Nicolas Sarkozy renaissent de leurs cendres à l'article 18 de l'ANI du 11 janvier 2013 sous l'appellation nouvelle d'"accords de maintien dans l'emploi" (2). Le texte est complété par une annexe comptant 13 articles (3). Sous quelques réserves qui seront mises en lumière, les dispositions de l'article 18 et de son annexe sont pleinement applicables puisque de tels accords impliquant un compromis entre garantie d'emploi d'un côté et une baisse du temps de travail et/ou de la rémunération de l'autre, étaient déjà envisageables (4). Le texte permet seulement de mieux les encadrer.
A - Le contenu des accords de maintien dans l'emploi
1 - Un accord en cas de "graves difficultés conjoncturelles"
La nouvelle dénomination est trompeuse car ces nouveaux accords n'auront pas pour seule vocation de préserver l'emploi mais bien, comme leurs prédécesseurs, de permettre également de prendre des mesures en faveur de la compétitivité de l'entreprise. L'ANI ambitionne, en permettant la conclusion de tels accords, la préservation de l'emploi en cas de "graves difficultés conjoncturelles".
Une première difficulté provient du caractère un peu vague de ces "graves difficultés conjoncturelles". Les dictionnaires définissent le caractère conjoncturel comme celui lié à une situation économique momentanée. Or, par définition, il semble bien compliqué d'établir si les difficultés sont passagères ou pérennes au moment où la conclusion d'un accord de maintien dans l'emploi sera envisagée, seul l'écoulement du temps permettant en définitive de savoir si celles-ci n'étaient que temporaires.
Une autre difficulté provient d'une forme de contradiction entre le texte de l'article 18 de l'accord et l'annexe qui l'accompagne et qui vise expressément les situations dans lesquelles il est nécessaire de "sauvegarder la compétitivité de l'entreprise". Outre que cette notion de sauvegarde de la compétitivité reste toujours délicate à cerner (5), elle contraste avec l'adjectif "grave" utilisé pour qualifier les difficultés conjoncturelles qui semble davantage faire référence aux difficultés économiques avérées qu'à la simple menace qu'évoque la sauvegarde de la compétitivité.
L'annexe donne tout de même quelques indices qui permettront d'identifier ces difficultés conjoncturelles : évolution du chiffre d'affaires, état prévisionnel de l'activité et de la trésorerie, etc. Les entreprises, en collaboration avec les représentants du personnel, sont incitées à mettre en place des indicateurs de l'activité économique, l'annexe proposant des indices sur l'évolution du niveau de marges et de résultat, l'évolution des investissements matériels et immatériels ou encore la situation financière (niveau d'endettement, de trésorerie, relations avec les banques, etc.). Les institutions représentatives du personnel bénéficieront, en outre, de la nouvelle procédure d'information établie par l'article 12 de l'ANI (6).
En somme, si l'on perçoit bien les moyens mis à la disposition des parties pour établir l'existence de graves difficultés conjoncturelles, on reste dans l'inconnu quant aux seuils qui devront être franchis pour que ces difficultés soient révélées. Il est cependant assez peu probable que le législateur apporte d'utiles précisions à cette question : outre qu'il faudrait d'abord qu'il en ait la volonté, un tel travail de définition est presque impossible, comme en témoigne d'ailleurs le caractère évasif de la définition des difficultés économiques dans le Code du travail. La question restera, comme souvent, à l'appréciation du juge judiciaire.
2 - Les engagements respectifs des salariés et des entreprises
Les accords de maintien de l'emploi seront des accords "donnant-donnant".
a - Les efforts consentis par les salariés
Côté salariés, des efforts seront consentis temporairement sur la rémunération ou sur le temps de travail. Certaines dispositions légales ont été expressément exclues du champ de la négociation puisque le texte dispose que les accords ne pourront déroger "aux éléments de l'ordre public social, tels que, notamment, le Smic, la durée légale, les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires, le repos quotidien et hebdomadaire, les congés payés légaux, la législation relative au 1er mai".
Là encore, la formule est curieuse, pour ne pas dire ambiguë, du fait de l'usage de l'adverbe "notamment". Quoique ces questions soient un peu théoriques, on se souviendra, en effet, que l'on classe généralement les dispositions légales parmi trois champs possibles : les dispositions d'ordre public absolu totalement indérogeables ; les dispositions d'ordre public social auxquelles on ne peut déroger qu'en faveur des salariés ; les dispositions d'ordre public dérogatoire auxquelles il peut être dérogé dans un sens plus ou moins favorable aux salariés. Exclure les "éléments de l'ordre public social" revient en réalité à exclure la plus grande partie des dispositions du Code du travail à l'exception de celles pour lesquelles le législateur prévoit expressément une faculté d'aménagement conventionnel moins favorable aux salariés. Ce ne sont donc pas seulement les règles relatives au Smic, aux congés ou aux durées légales de travail qui sont exclues de la négociation mais, par le jeu de l'adverbe "notamment", toutes les dispositions d'ordre public social. Enfin, l'accord exclut toute dérogation aux clauses des conventions de branche auxquelles il n'est pas possible de déroger par accord d'entreprise. La généralité de la formule employée semble concerner tout à la fois les domaines réservés à l'accord de branche par la loi (C. trav., art. L. 2253-3, alinéa 1er N° Lexbase : L2413H9A) et les dispositions que l'accord de branche s'est lui-même réservé (C. trav., art. L. 2253-3, alinéa 2).
Concrètement, les accords devraient être en mesure d'impliquer des baisses temporaires de salaire, les salariés percevant moins de 1,2 Smic ne pouvant être concernés par de telles baisses. Sur le plan du temps de travail sont envisageables des baisses de la durée du travail sans qu'il ne soit précisé qu'elles devront être proportionnées aux baisses de rémunération, mais également des mesures d'aménagement du temps de travail permettant de baisser l'activité des salariés pendant une période de l'année pour l'augmenter à d'autres moments.
Une question essentielle devait être tranchée, celle de l'influence de ces modifications conventionnelles sur les contrats de travail. On se souviendra, en effet, que la Chambre sociale a un temps considéré que la mise en place par accord collectif d'une modulation du temps de travail emportait modification du contrat de travail et devait par conséquent être acceptée par le salarié (7). Pour ne pas faire échec aux modulations conventionnelles, la loi "Warsmann" avait alors dû préciser que la mise en place d'une modulation du temps de travail ne constituait pas une modification du contrat de travail (8). C'est en raison de ce précédent que l'ANI tente de déterminer les règles d'articulation entre contrat de travail et accord de maintien de l'emploi.
Par une formule de prime abord bien énigmatique, l'accord stipule, en effet, que "bien que s'imposant au contrat de travail, l'accord de maintien dans l'emploi requiert néanmoins l'accord individuel du salarié". En d'autres termes, comme la loi "Warsmann", l'accord prévoit que les aménagements conventionnels de la rémunération ou du temps de travail ne modifieront pas les contrats de travail des salariés concernés dont, cependant, l'accord individuel sera requis.
Une telle mesure nous semble devoir impérativement être confirmée par le législateur. En effet, la rémunération et le temps de travail constituent par nature des éléments du contrat de travail qui ne peuvent en principe être modifiés sans l'accord du salarié. Déroger à cette règle est clairement défavorable aux travailleurs et n'entre pas, pour reprendre les termes de l'accord, dans le champ de l'ordre public social. Sauf à ce que le législateur reprenne cette règle, le juge pourrait décider que les clauses de l'ANI refusant la modification du contrat de travail constituent des dérogations illicites.
L'article 8 de l'annexe semble plus explicite puisqu'il prévoit que "l'entrée en vigueur de l'accord suspend les clauses du contrat de travail impactées par ses dispositions". Ce faisant, les textes inventent une nouvelle figure du régime juridique du contrat de travail, la suspension temporaire, non pas du contrat de travail comme c'est le cas durant la grève ou la maladie, mais seulement d'éléments du contrat de travail que sont les clauses relatives à la rémunération et la durée de travail. Pendant la durée d'application de l'accord, les stipulations du contrat de travail relatives à la rémunération et aux temps de travail s'effacent pour ne reprendre force obligatoire que lorsque l'accord prendra fin.
La possibilité ménagée au salarié de refuser l'aménagement conventionnel donne elle aussi lieu à un régime tout à fait spécifique dont la fragilité saute rapidement aux yeux. Le texte prévoit en effet qu'en cas de refus du salarié, la rupture qui en découle est qualifiée de licenciement pour motif économique dont "la cause réelle et sérieuse est attestée par l'accord précité". Disons-le très clairement, cette disposition ne semble pas pouvoir être appliquée, cela pour au moins deux raisons. D'abord parce qu'elle empêcherait le juge d'exercer son contrôle sur la cause du licenciement ce qui contreviendrait très clairement au droit que les salariés tirent de l'article 8 de la Convention n° 158 de l'OIT de pouvoir contester la cause de leur licenciement (9). Ensuite parce que la Chambre sociale s'est toujours montrée très hostile à toute prédétermination, par voie contractuelle ou conventionnelle, de la cause réelle et sérieuse de licenciement. Le juge judiciaire entend conserver le contrôle de cette qualification (10), les parties ne pouvant renoncer par avance aux droits qu'elles tiennent du Code du travail en matière de licenciement (11). Compte tenu de la contravention à la Convention n° 158 de l'OIT, il semble même proscrit que le législateur introduise une telle disposition dans le Code du travail. Le juge ne doit pas être privé d'une telle faculté de contrôle car elle impliquerait que, même si l'accord conclu n'est pas rendu nécessaire par de graves difficultés, le licenciement serait tout de même justifié.
b - Les efforts consentis par les entreprises
Côté employeurs, l'effort sera d'abord porté sur l'emploi : les entreprises concèderont des garanties d'emploi pour la durée d'application de l'accord en échange des baisses de rémunération ou des aménagements du temps de travail. L'histoire a montré que ces engagements peinaient à être respectés par les entreprises (12). La sanction des licenciements engagés au mépris d'une garantie d'emploi est relativement faible : le licenciement ne peut être annulé, il est simplement dépourvu de cause réelle et sérieuse (13). Renvoyant à l'annexe, l'accord précise seulement que ces engagements de l'employeur devront être "entourés de toutes les garanties nécessaires". Malheureusement, l'annexe reste laconique : seul le dernier alinéa de l'article 10 de l'annexe stipule que "l'accord devra contenir une clause pénale, qui trouvera à s'appliquer dès lors qu'il est incontestable que l'employeur n'a pas respecté les termes de l'accord".
Le recours à la clause pénale peut sembler être une idée intéressante, notamment en raison de l'existence du pouvoir de modération du juge qui peut modifier le montant de l'indemnité si celui-ci est manifestement dérisoire (14). Pour autant, la clause pénale, technique contractuelle de droit commun, ne devrait trouver à s'appliquer qu'entre les parties à l'accord, c'est-à-dire au bénéfice des syndicats ou des représentants du personnel signataires de l'accord de maintien de l'emploi. Si la sanction peut potentiellement être rigoureuse -selon le montant de l'indemnité prévue- elle ne compensera pas le préjudice subi par les salariés licenciés au mépris de la garantie d'emploi. D'autres mesures auraient pu être envisagées par l'accord : rappel des salaires non perçus en application de l'accord, forfaitisation des indemnités de licenciement, etc. (15). Faute que l'ANI ne l'impose aux négociateurs qui se trouvent toujours dans une situation délicate lorsque la pérennité de l'entreprise est en cause (16), on peut cependant craindre que la sanction des licenciements ne reste relativement faible si le législateur ne choisit pas de la renforcer.
Pire encore, toute idée de sanction n'a d'intérêt qu'à partir du moment où est démontrée la mauvaise foi de l'employeur qui procèderait à des licenciements alors que ceux-ci ne seraient pas absolument nécessaires. Que faire, en revanche, lorsque les mesures prises par l'accord de maintien de l'emploi n'auront tout simplement pas suffi à redresser l'entreprise ? L'annexe de l'ANI envisage cette hypothèse sous deux angles.
D'abord sur celui de la mise en cause de l'accord à l'initiative de l'employeur, mise en cause qui devrait avoir des effets proches de ceux d'une dénonciation et restaurer la faculté pour l'employeur de licencier les salariés sans autres entraves que celles de droit commun. Ensuite, l'annexe prévoit que le calcul des indemnités de licenciement, de préavis et de chômage se fera sur la base de la rémunération perçue par le salarié avant l'entrée en vigueur de l'accord de maintien de l'emploi.
La plus grande avancée pourrait ne pas résulter de la garantie d'emploi qui reste en définitive hypothétique. L'accord ouvre en effet la porte à la négociation d'une certaine symétrie entre la rémunération des salariés et celle des dirigeants et actionnaires.
Durant l'application de l'accord de maintien de l'emploi, même si aucune formule impérative ne permettra de l'imposer, l'ANI prévoit que l'accord requiert "le respect d'une certaine symétrie des formes à l'égard de la rémunération des mandataires sociaux et des actionnaires", ce qui semble supposer que les efforts de baisse de rémunération des salariés devraient être accompagnés de baisses de dividendes pour les actionnaires ou de bonus pour les représentants de la société. De la même manière, "les dirigeants salariés qui exercent leurs responsabilités dans le périmètre de l'accord doivent participer aux mêmes efforts que ceux qui sont demandés aux salariés".
Plus ambitieux encore, l'ANI envisage les conséquences de l'accord de maintien de l'emploi lorsque celui-ci produit de véritables effets positifs, lorsque l'entreprise "revient à meilleure fortune" selon les termes de l'accord. En effet, le texte prévoit que "l'accord devra comporter des garanties telles que le partage du bénéfice économique de l'accord arrivé à échéance". L'idée est de parvenir à un partage entre actionnaires et salariés des résultats positifs de l'accord comme cela fut, par exemple, le cas en Allemagne pour les salariés du groupe Volkswagen et, d'une manière générale, dans tout le secteur de la métallurgie (17). Le "modèle allemand" connaît certainement ses parts d'ombre (18) tout comme l'ANI et son annexe qui restent très évasifs sur les modalités d'une telle mesure. Malgré tout, l'idée reste séduisante à la condition que des mesures véritables de partage des bénéfices soient négociées dans les accords de maintien de l'emploi.
B - La négociation de l'accord de maintien de l'emploi
L'ANI sur la sécurisation de l'emploi met en place des dispositions exceptionnelles et atypiques par certains aspects s'agissant de la formation (2) de l'accord et de sa remise en cause (1).
1 - La formation de l'accord
L'ANI comme l'annexe qui l'accompagne prévoit des règles particulières de négociation de l'accord de maintien de l'emploi qui dérogent aux règles habituelles établies par le Code du travail.
S'agissant d'abord de la négociation par des syndicats représentatifs, la règle de la double majorité (majorité d'engagement et majorité d'opposition) est évacuée (19) au profit d'une règle beaucoup plus maniable de majorité simple : seuls les syndicats représentatifs ayant obtenu ensemble au moins 50 % des suffrages au premier tour des élections des titulaires du comité d'entreprise seront habilités à conclure l'accord collectif. Cette mesure doit être soulignée pour plusieurs raisons, d'abord pour sa simplicité par rapport à la règle légale ; ensuite parce qu'elle assure une légitimité plus grande à l'accord conclu, légitimité qui compte tenu du contenu de l'accord est indispensable ; enfin parce que cette règle préfigure les évolutions qui pourraient naître de la négociation en cours sur la modernisation du dialogue social. Malgré le caractère sensible des dispositions relatives aux pouvoirs syndicaux dans l'entreprise, cette disposition devrait pouvoir s'appliquer immédiatement sans validation législative (20). En effet, l'aménagement des modalités de conclusion des accords collectifs n'entre pas dans le champ de l'ordre public absolu, les accords de branche ayant longtemps eu pour mission d'aménager le critère majoritaire (21).
S'agissant, ensuite, de la négociation en l'absence de syndicats représentatifs dans l'entreprise, l'accord déroge là encore aux règles légales de la négociation dérogatoire menée par des représentants élus du personnel (22) ou par un salarié mandaté (23).
A défaut de délégation syndicale, un ou plusieurs représentants élus du personnel pourront négocier des accords de maintien de l'emploi. Cette mesure est profondément dérogatoire au droit commun de la négociation puisque l'article L. 2232-21 du Code du travail n'autorise pas un élu seul à négocier un accord d'entreprise (24). Des garanties sont certes prévues pour compenser la faiblesse probable de l'élu dans la négociation face à l'employeur. Le ou les élus devront avoir "reçu délégation d'une ou plusieurs organisations syndicales représentatives". L'accord ne dit pas, cependant, comment cette mesure devra s'articuler avec la règle légale imposant la validation des accords conclus par des représentants élus par une commission paritaire de branche. Il serait souhaitable que le législateur substitue l'onction syndicale donnée par délégation des organisations syndicales à l'approbation de la commission paritaire. Enfin, l'accord conclu devra encore obtenir l'approbation des salariés de l'entreprise "à la majorité des suffrages exprimés", règle habituellement écartée pour la négociation par des élus qui bénéficient déjà d'une légitimité électorale mais probablement réintroduite pour prendre en compte l'hypothèse d'un négociateur élu unique.
A défaut de représentation élue, l'accord pourra être négocié par un salarié qui aura lui aussi reçu délégation d'une ou plusieurs organisations syndicales représentatives, l'accord conclu faisant à nouveau l'objet d'un referendum d'entreprise.
Quel que soit le bénéficiaire de cette délégation syndicale, l'article 3 c) de l'annexe en détaille les conditions : l'accord de maintien de l'emploi devra préciser les modalités de désignation du délégataire, les relations qu'il entretiendra avec le ou les syndicats, sachant que le temps consacré à la négociation sera considéré comme du temps de travail effectif, que le salarié disposera d'un crédit d'heures de dix heures et qu'il bénéficiera de la protection accordée aux salariés protégés, ce pendant toute la durée de l'accord.
2 - Mise en cause de l'accord
Comme l'article L. 2222-4 du Code du travail (N° Lexbase : L2247H94) en prévoit la possibilité, l'accord de maintien de l'emploi est un conclu pour une durée déterminée maximale de deux années. Les conséquences de ce caractère déterminé sont cependant hypothétiques. En effet, contrairement aux règles classiques applicables en matière de terme extinctif, l'alinéa 2 de l'article L. 2222-4 du Code du travail dispose que, "sauf stipulations contraires, la convention ou l'accord à durée déterminée arrivant à expiration continue à produire ses effets comme une convention ou un accord à durée indéterminée". L'accord de maintien de l'emploi devra donc prévoir expressément qu'il prendra fin à l'échéance du terme à défaut de quoi l'accord sera pérennisé. Le législateur pourrait cependant avoir la judicieuse idée de donner plein effet au terme de ces accords, nonobstant l'absence de stipulation spécifique, cela afin que l'accord ne puisse se transformer en accord à durée indéterminée à l'échéance du terme.
Au mépris, à nouveau, des règles relatives au terme extinctif qui s'opposent en principe à une résiliation du contrat avant l'échéance du terme, l'ANI prévoit la possibilité pour les parties de mettre en cause l'accord. Cette terminologie de "mise en cause" est bien étrange puisque habituellement réservée à l'effet sur les accords collectifs d'un changement dans la situation juridique de l'entreprise (25). L'annexe de l'article 18 de l'ANI prévoit les différentes hypothèses dans lesquelles les signataires peuvent mettre en cause l'accord.
L'employeur, d'abord, pourra mettre en cause l'accord en cas de détérioration de la situation économique ne permettant pas d'atteindre les objectifs fixés. Deux scénarios sont alors envisageables : soit l'employeur tâche de négocier un nouvel accord aux conditions plus vigoureuses, par exemple avec de nouveaux abaissements de la durée de travail ou des rémunérations ; soit l'employeur dénonce l'accord afin de recouvrer la faculté de prononcer des licenciements pour motif économique, auquel cas cependant les salariés qui ne sont pas licenciés devront retrouver des conditions de travail et de rémunération similaires à celles dont ils bénéficiaient avant l'entrée en vigueur de l'accord. Certainement réaliste, cette faculté de mise en cause unilatérale rappelle une fois encore le caractère tout relatif de la garantie d'emploi prétendument accordée par l'accord.
Les syndicats, ensuite, disposent de la faculté de mettre en cause l'accord en cas de conflit quant à son application, ce qui constitue une sorte de résiliation pour manquement de l'employeur à ses obligations. Encore faudra-t-il, comme nous l'avons vu, que les obligations de l'employeur soient clairement établies par l'accord...
Enfin, chacune des parties disposera d'une faculté de mettre en cause l'accord en cas "d'amélioration significative" de la situation de l'entreprise. L'usage de cet adjectif suppose que l'amélioration ne consiste pas seulement en une légère embellie de courte durée mais bien une progression sensible des indices ayant justifié le recours à l'accord. L'entente des parties sur cette question pourrait ne pas aller de soi si bien que l'annexe prend soin de détailler les effets de la mise en cause.
Soit les parties parviennent à se mettre d'accord à la suite de la mise en cause par l'une d'elles et l'on peut alors espérer la dénonciation pure et simple, d'un commun accord, de l'accord de maintien de l'emploi. Soit les parties ne parviennent pas à s'entendre, auquel cas la partie à l'initiative de la mise en cause pourra saisir le juge de grande instance qui prononcera la suspension de l'accord collectif pour une durée déterminée en attendant que les parties parviennent à trouver un accord.
La suspension judiciaire de l'accord devrait avoir des effets en cascade. On peut imaginer que l'accord étant suspendu, l'employeur recouvre pendant la durée de la suspension la faculté de licencier mais, aussi, que les salariés retrouvent leurs conditions de rémunération et de temps de travail antérieures à l'accord.
Au vu de la situation, en fonction de l'accord trouvé ou non entre les parties à la suite de la suspension, le juge disposera, soit de la possibilité de prononcer la résiliation judiciaire de l'accord, soit d'en autoriser la reprise pour le temps restant.
L'institutionnalisation des accords de maintien de l'emploi est accompagnée de mesures relatives à l'activité partielle.
II - Le recours à l'activité partielle
Autre mesure importante destinée à permettre l'adaptation des entreprises aux difficultés conjoncturelles et à maintenir l'emploi, l'article 19 de l'accord prend quelques positions sur la question de l'activité partielle (26). Rappelons que cette question a fait l'objet de très nombreuses modifications, par voie conventionnelle ou légale, depuis cinq ans (27).
D'autres évolutions devraient intervenir puisque l'accord programme l'engagement d'une négociation tripartite sur l'activité partielle dans les deux semaines de son entrée en vigueur. L'accord jette d'ores et déjà les jalons de la future négociation : maintien du contingent de 1 000 heures par an d'activité partielle et de l'autorisation préalable réintroduite par le décret du 12 novembre 2012 (28), fusion de l'allocation spécifique et de l'allocation d'activité partielle de longue durée (APLD) sur le modèle de l'APLD (29), fusion qui renforce le sentiment d'une banalisation du chômage partiel de longue durée (30). L'accord envisage encore une simplification du mode de calcul des horaires des salariés quel que soit le mode d'aménagement du temps de travail dans l'entreprise et l'hypothèse d'une majoration de l'allocation pour les salariés qui accepteraient de s'engager dans une démarche de formation.
La combinaison des accords de maintien de l'emploi et la simplification de la technique de l'activité partielle devrait donner les moyens aux entreprises à faire face à des difficultés passagères. Si, cependant, les difficultés sont plus importantes, les règles du licenciement pour motif économique pourront encore être mobilisées quoique l'accord chercher à les aménager.
III - L'adaptation des règles applicables aux grands licenciements pour motif économique
L'article 20 de l'accord s'intéresse aux grands licenciements économiques, c'est-à-dire aux licenciements d'au moins dix salariés sur une même période de trente jours intervenant dans les entreprises de cinquante salariés et plus. Ce type de licenciement fait, en effet, appel à des règles procédurales particulières, tant s'agissant de la consultation des représentants du personnel que de l'obligation de mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi. Le texte revient sur le procédé des accords de méthode (A) et ouvre la faculté à l'employeur d'aménager unilatéralement la procédure de licenciement (B).
A - Les accords de méthode
Reprenant une idée qui, là encore, n'est pas nouvelle, l'accord envisage la faculté de conclure des accords d'entreprise qui auront pour objet l'encadrement de la procédure de ces licenciements (31). Cet accord devra être conclu par les seuls syndicats représentatifs majoritaires.
La faculté de conclure un accord encadrant la procédure de licenciement pour motif économique existait déjà grâce à la technique des accords de méthode (32). Comme cela était déjà le cas, l'accord pourra porter sur "le nombre et le calendrier des réunions avec les IRP, la liste des documents à produire, les conditions et délais de recours à l'expert, l'ordre des licenciements, et le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi".
Soucieux d'aménager les règles de la prescription comme le leur permet la loi du 17 juin 2008 (33), les partenaires sociaux tentent de modifier les délais applicables en matière de procédure de licenciement en exigeant qu'ils soient qualifiés de délais préfix, insusceptibles donc d'interruption ou de prescription. Le délai de contestation du contenu de l'accord de méthode est ramené à trois mois quelle que soit les stipulations concernées (34). Le délai de contestation de la validité du licenciement ou de sa procédure est abaissé à douze mois, le point de départ du délai de prescription étant notablement simplifié et fixé à la date de la notification du licenciement. Ce délai de douze mois était déjà prévu par le Code du travail (35), mais la Chambre sociale de la Cour de cassation jugeait, depuis 2010, que ce délai de prescription ne concernait que les actions en nullité de la procédure ou du plan de sauvegarde de l'emploi (36). L'ANI visant "toute contestation" relative "au motif du licenciement ou le non-respect par l'employeur des dispositions de l'accord", le délai de prescription raccourci sera donc généralisé dans l'hypothèse où la procédure aura été guidée par un accord de méthode.
L'idée générale est donc relativement claire et repose sur deux axes : permettre à l'entreprise d'aménager les règles procédurales du grand licenciement économique par voie d'accord et, lorsque cela est possible, sécuriser l'accord et les licenciements subséquents en restreignant le délai de contestation des licenciements.
B - La détermination unilatérale de la procédure par l'employeur
A défaut d'accord collectif, le texte envisage la faculté pour l'employeur de créer un document unilatéral comportant ces aménagements procéduraux, documents qui devra cependant être homologué par l'administration du travail.
La faculté pour l'employeur de déterminer unilatéralement, après avis des représentants du personnel, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi existait, elle aussi, dans le Code du travail puisqu'il s'agit là de la procédure de droit commun. L'ANI lui permettra, en outre, d'aménager les règles procédurales (37), mais à la condition que le document ainsi établi fasse l'objet d'une homologation de la Direccte.
Cette mesure d'homologation ne pourra entrer en vigueur qu'à la condition d'être reprise par le législateur, la compétence de l'administration du travail relevant de l'ordre public absolu. La procédure d'homologation envisagée est déjà détaillée : la Direccte disposera d'un délai de 21 jours pour prononcer l'homologation, son silence valant acceptation.
L'accord établit des durées maximales de procédure, délais préfix, dont l'objectif est toujours d'éviter que la procédure ne s'éternise tant il est vrai qu'une trop longue procédure peut avoir des effets désastreux sur une entreprise que l'on pouvait espérer redresser. Ainsi, entre 10 et 99 salariés, la procédure ne pourra excéder deux mois, entre 100 et 249 salariés, la procédure devra être terminée dans un délai de trois mois, au-delà de 250 salariés, la procédure devra être menée dans un délai maximal de quatre mois. Une seule cause de suspension est en réalité autorisée en cas de refus d'homologation du document de l'employeur par la Direccte, ce qui est heureux car, dans le cas contraire, la demande d'homologation aurait été privée d'une grande partie de son caractère obligatoire.
A nouveau, les délais de prescription sont aménagés, un délai de trois mois étant prévu pour contester l'homologation administrative, un délai de douze mois pour contester le motif de licenciement ou le respect par l'employeur des dispositions établies par le document unilatéral.
IV - Congé de reclassement
L'article 21 de l'Accord sur la sécurisation de l'emploi s'intéresse encore au congé de reclassement, congé octroyé aux salariés des entreprises comptant plus de 1000 salariés en cas de licenciement pour motif économique et qui se substitue au contrat de sécurisation professionnelle (38).
Le contrat de sécurisation professionnelle, définitivement introduit par la loi "Cherpion" à l'été 2011, permet au salarié qui l'accepte de bénéficier d'une indemnisation chômage majorée et de dispositifs de formation ou de reclassement spécifiques pendant une durée de douze mois. Or, le congé de reclassement, réglementé à l'article L. 1233-71 du Code du travail (N° Lexbase : L6263ISR), ne permet une indemnisation majorée que pour une durée maximale de neuf mois. L'accord entend donc harmoniser la durée des deux mesures qui ont peu ou prou le même objet.
Il ne s'agit là que d'une proposition, si bien qu'elle devra impérativement être reprise par le législateur pour entrer en vigueur.
V - Faciliter la conciliation prud'homale
L'article 25 de l'ANI se donne pour objectif de "faciliter la conciliation prud'homale" (39). On l'oublie parfois, mais l'objectif premier du conseil de prud'hommes reste bien celui de parvenir à concilier les parties, ce qui justifie que le préalable de conciliation soit obligatoire. En effet, les chiffres de la conciliation prud'homale sont alarmants, de l'ordre de 8 % seulement des affaires portées au rôle du conseil de prud'hommes. Si la concurrence de d'autres modes alternatifs de règlement de conflits (40) explique en partie cette faiblesse, des efforts peuvent certainement être faits au sein même de la juridiction.
Le texte n'envisage que la conciliation consécutive à un licenciement ce qui, cependant, demeure l'hypothèse la plus fréquente. L'article 25, s'il est repris par le législateur en l'état (41), prévoit la forfaitisation d'indemnités servies au salarié licencié qui accepterait la conciliation. L'indemnité forfaitaire aurait pour objet de couvrir "l'ensemble des préjudices". La formule ne doit pas être prise au pied de la lettre car l'indemnité servie ne pourrait, nous semble-t-il, que couvrir les préjudices résultant du licenciement et, en aucun cas, d'autres demandes présentées par le salarié telles que, par exemple, des rappels de salaire.
Le forfait serait calculé en fonction de l'ancienneté du salarié : deux mois de salaire de 0 à 2 ans d'ancienneté, quatre mois de salaire de 2 à 8 ans d'ancienneté, huit mois de salaire de 8 à 15 ans d'ancienneté, 10 mois de salaire de 15 à 25 ans d'ancienneté et 14 mois de salaire au-delà de 25 ans d'ancienneté.
Autant le dire très simplement, les indemnités ainsi proposées sont relativement faibles par rapport à ce que pourrait espérer un salarié dont le licenciement serait dépourvu de cause réelle et sérieuse. Ainsi, par exemple, un salarié disposant de deux ans d'ancienneté pourrait percevoir une indemnité de licenciement (1/5ème de mois de salaire par année d'ancienneté), une indemnité de préavis (quelques mois de salaire en fonction des dispositions conventionnelles applicables) et une indemnité pour absence de cause réelle et sérieuse (minimum six mois de salaire) dont la somme devrait largement dépasser les quatre mois de salaire proposés. A l'exception peut être des salariés ayant des anciennetés très faibles, le calcul sera toujours défavorable à ceux dont le licenciement serait finalement jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse par le juge prud'homal. Si l'on ajoute à cela que la Chambre sociale de la Cour de cassation impose depuis 2000 au juge prud'homal d'adopter une démarche active lors de la conciliation consistant à informer les parties de leurs droits respectifs, on peut craindre que la mesure proposée n'ait pas les effets escomptés (42). Ce scepticisme peut tout de même être relativisé par un effet psychologique : mêmes informés, certains salariés préfèreront peut-être obtenir une indemnité immédiate et dépourvue de l'aléa judiciaire quand bien même celle-ci serait inférieure à l'indemnité potentielle. Si ce facteur psychologique venait à prendre le dessus, la mesure pourrait alors parvenir à ses fins et véritablement faciliter la conciliation prud'homale.
Une autre mesure pourrait, à défaut de faciliter la conciliation prud'homale, permettre une accélération sensible de la procédure prud'homale (43). En effet, l'accord entend imposer que les affaires présentées au conseil de prud'hommes soient impérativement portées au rôle du bureau de conciliation dans un délai de deux mois après son dépôt au greffe.
Enfin, l'accord précise qu'à défaut de conciliation, l'affaire devra être portée devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes qui "formera sa conviction au vu des éléments fournis par les parties" et qui devra "justifier du montant des condamnations qu'il prononce en réparation du préjudice subi par le demandeur". L'évaluation des préjudices subis par une victime relève du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond (44), ce qui ne signifie pas pour autant que cette mission du juge soit discrétionnaire. Ainsi, la Cour de cassation sanctionne généralement la contradiction de motifs (45) ou le défaut de réponse à conclusion (46). Ce contrôle reste néanmoins relativement réduit et n'impose pas en tous les cas que les arguments justifiant l'octroi de telle ou telle somme soient avancés par le juge.
L'appréciation d'une telle mesure donne un sentiment mitigé. D'un côté, en effet, il semble imposé par une idée de transparence afin que le défendeur condamné à verser des dommages et intérêts ait une meilleure compréhension de la décision de justice qu'il subit. Cela répond donc à une idée plus globale de respect des droits de la défense. D'un autre côté, on peut légitimement se demander si une telle disposition est véritablement praticable : à l'exception des préjudices matériels emportant, par exemple, la destruction d'un bien, l'évaluation des préjudices comporte nécessairement une part de subjectivité du juge. Le choix du montant des dommages et intérêts ne répond que rarement à des tableaux objectivement déterminés. Si l'ancienneté joue certainement un rôle dans le montant de l'indemnité, de nombreux autres caractères peuvent être pris en compte tels que le comportement léger ou malveillant de l'employeur à l'occasion du licenciement, les circonstances dans lesquelles le licenciement a été prononcé, la situation matérielle du salarié depuis son licenciement, etc.. A supposer que le législateur accepte d'imposer cette motivation aux juges du fond, cela ne signifierait pas, en outre, que la Chambre sociale de la Cour de cassation accepterait d'étendre son contrôle à cette motivation si bien qu'en définitive, les conseils de prud'hommes et les chambres sociales de cour d'appel demeureraient totalement maîtres de l'évaluation du préjudice.
(1) R. Vatinet, Négociation d'entreprise et négociation de groupe, JCP éd. S, 2012, 1238.
(2) Sur les accords compétitivité-emploi, v. M.-A. Souriac, Accords de compétitivité, quels engagements sur l'emploi ?, RDT, 2012, p. 194.
(3) Annexe dont la force obligatoire ne prête guère à discussion contrairement aux préambules des conventions et accords collectif, v. par ex. Cass. soc., 7 mai 2008, n° 06-43.989, FS-P+B (N° Lexbase : A7815D8X) et nos obs., Temps de travail choisi vs temps partiel imposé : 1-0, Lexbase Hebdo n° 308 du 12 mars 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N2423BGT).
(4) On se souviendra de quelques expériences peu convaincantes chez Sogerma, Michelin ou Continental.
(5) La Chambre sociale tente tout de même de distinguer la "nécessité" de sauvegarder la compétitivité menacée de la "volonté" de l'employeur d'améliorer la compétitivité de l'entreprise, v. Cass. soc. 20 mars 2007, n° 04-48.332, F-D (N° Lexbase : A7373DUM). Cass. soc. 29 janvier 2008, n° 06-42.652, F-D (N° Lexbase : A6057D44), RDT, 2007, p. 654, obs. Ph. Waquet.
(6) Sur ces dispositions, v. l'article de G. Auzero, Commentaire du Titre II de l'Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l'emploi et des parcours professionnels des salariés, dans le présent numéro spécial de l'Hebdo social (N° Lexbase : N5518BTK).
(7) Cass. soc., 28 septembre 2010, n° 08-43.161, FS-P+B (N° Lexbase : A7542GAL) et les obs. de Ch. Radé, Modulation de la durée du travail et modification du contrat de travail, Lexbase Hebdo n° 412 du 14 octobre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N2719BQR) ; RDT, 2010, p. 725, obs. F. Canut ; D., 2011 p. 219, note S. Frossard.
(8) Loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives (N° Lexbase : L5099ISN) et nos obs., Modulation du temps de travail et contrat de travail (article 45 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives), Lexbase Hebdo n° 479 du 29 mars 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N0990BTT).
(9) Convention internationale OIT n° 158, 22 juin 1982, art. 8 (N° Lexbase : L0963AII).
(10) Par ex., Cass. soc., 13 octobre 2004, n° 02-45.285, publié (N° Lexbase : A6097DD8) et les obs. de G. Auzero, Inopposabilité au juge des clauses conventionnelles déterminant une cause de licenciement, Lexbase Hebdo n° 140 du 28 octobre 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N3253AB4).
(11) C. trav., art. L. 1231-4 (N° Lexbase : L1068H9G).
(12) M.-A. Souriac, Engagements et arrangements sur l'emploi : quelle efficacité juridique ?, Dr. soc., 1997, p. 1061.
(13) Cass. soc., 11 février 1998, n° 95-44.839, inédit (N° Lexbase : A0083AUM).
(14) C. civ., art. 1152 (N° Lexbase : L1253ABZ).
(15) Sur cette question, v. M. Morand, Les accords compétitivité-emploi : du mieux pour les salariés ?, RDT, 2012, p. 192.
(16) A. Fabre, La négociation des plans de restructuration, Dr. ouvr., 2010, p. 331.
(17) Le monde, Hausse de salaires record depuis 1992 dans la métallurgie allemande, 21 mai 2012.
(18) P. Rémy, Les accords collectifs sur l'emploi en Allemagne : un "modèle" pour le droit français ?, RDT, 2012, p. 133.
(19) C. trav., art. L. 2232-12 (N° Lexbase : L3770IBA) : la validité des accords d'entreprise est soumise à la double condition que l'accord soit conclu par des syndicats ayant recueilli au moins 30 % des suffrages au premier tour des dernières élections des membres titulaires du comité d'entreprise et que les syndicats non signataires ayant recueilli plus de 50 % des suffrages aux mêmes élections ne s'opposent pas à l'entrée en vigueur de l'accord..
(20) Diverses dispositions issues de la loi du 20 août 2008 (loi n° 2008-78 N° Lexbase : L7392IAZ) semble relever du domaine de l'ordre public absolu, v. sur cette question, v. Cass. soc., 6 janvier 2011, n° 10-18.205, FS-P+B+R (N° Lexbase : A7521GNU) et nos obs., Vers une intégration des règles de la représentativité syndicale au sein de l'ordre public absolu, Lexbase Hebdo n° 424 du 20 janvier 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N1580BRX).
(21) Tel que cela résultait de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (N° Lexbase : L1877DY8), v. les obs. de Ch. Radé, La réforme de la négociation collective après la loi du 4 mai 2004 : le changement dans la continuité, Lexbase Hebdo n° 120 du 13 mai 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N1573ABU).
(22) C. trav., art. L. 2232-21 (N° Lexbase : L5837IEW).
(23) C. trav., art. L. 2232-24 (N° Lexbase : L5833IER).
(24) Sont habilités par le texte "les" élus du comité d'entreprise ou "les" délégués du personnel.
(25) C. trav., art. L. 2261-14 (N° Lexbase : L2442H9C).
(26) La terminologie "activité partielle" a remplacé celle de "chômage partiel" depuis 2009.
(27) A. Fabre, Le chômage partiel ne connaît pas la crise ! Retour sur une réforme au long cours, RDT 2012, p. 286.
(28) Décret n° 2012-1271 du 19 novembre 2012, relatif aux conditions d'attribution de l'allocation spécifique de chômage partiel (N° Lexbase : L4862IUM).
(29) Pour un point sur cette question, v. Ch. Willmann, Trois décrets, un arrêté et deux ANI pour une réforme du chômage partiel et de l'activité partielle de longue durée, Lexbase Hebdo n° 480 du 5 avril 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N1297BT9).
(30) A propos de cette banalisation, v. A. Fabre, préc..
(31) C. trav., art. L. 1233-21 (N° Lexbase : L6241ISX) et L. 1233-22 (N° Lexbase : L1147H9D).
(32) V. déjà, Accords de méthode : vers des licenciements économiques négociés ?, Lexbase Hebdo n° 168 du 18 mai 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N4282AIG). V. également F. Gaudu, Les accords de méthode, Dr. soc., 2008, p. 915 ; R. Vatinet, L'accord de méthode en quête de cohérence, Gaz. Pal. 12-14 août 2007, p. 10 ; P.-H. Antonmattéi, Accord de méthode, génération 2005 : la positive attitude, Dr. soc., 2005, p. 399 ; S. Nadal, Négociation collective et licenciement économique : propos introductifs sur le nouvel article L. 320-2 du Code du travail, Dr. ouvr., 2005, p. 303.
(33) Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile (N° Lexbase : L9102H3I) et nos obs., Les incidences en droit du travail de la loi du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription civile, Lexbase Hebdo n° 310 du 26 juin 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N3769BGP). Sur l'aménagement de la prescription, voir également l'article 26 de l'ANI et le commentaire de Ch. Radé dans ce numéro spécial (Commentaire des articles 11, 26 et 27 de l'Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l'emploi et des parcours professionnels des salariés N° Lexbase : N5534BT7).
(34) Jusqu'à aujourd'hui, il existait deux délais de prescription, l'un de douze mois concernant les mesures relevant du plan de sauvegarde de l'emploi, l'un de trois mois pour les autres dispositions, v. C. trav., art. L. 1233-24 (N° Lexbase : L1151H9I).
(35) Comp. C. trav. art. L. 1235-7, alinéa 2 (N° Lexbase : L1351H9W).
(36) Cass. soc., 15 juin 2010, n° 09-65.062, FS-P+B+R (N° Lexbase : A2884EZT) et nos obs., La prescription de l'action en contestation du licenciement économique, Lexbase Hebdo n° 400 du 24 juin 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N4275BPZ).
(37) "Le nombre et le calendrier des réunions des instances représentatives du personnel, les délais de convocation, la liste des documents à produire ainsi que le projet de PSE".
(38) Loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011, pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels (N° Lexbase : L8283IQT) et les obs. de Ch. Willmann, Réforme des groupements d'employeurs et consécration du "contrat de sécurisation professionnelle" mis en place par les partenaires sociaux, Lexbase Hebdo n° 453 du 15 septembre 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N7621BS3).
(39) V. également le rapport de la CCI de Paris intitulé Pour une justice prud'homale plus efficiente - Comment développer conciliation et médiation en matière sociale, 25 octobre 2012.
(40) Conciliation par les avocats des parties, transactions, etc.
(41) Là encore, les règles de compétence et de fonctionnement du conseil de prud'hommes relèvent de l'ordre public absolu et ne peuvent donc faire l'objet d'un aménagement conventionnel.
(42) Cass. soc., 28 mars 2000, n° 97-42.419, publié (N° Lexbase : A6373AG7), D., 2000, p. 537, obs. J. Savatier ; Dr. soc., 2000, p. 661, obs. Keller.
(43) La France et, en particulier, le contentieux prud'homal français fait partie des mauvais élèves du Conseil de l'Europe et est régulièrement condamnée pour durée excessive des procédures, v. par ex. CEDH, 27 juillet 2006, n° 16616/02 (N° Lexbase : A5766DQM).
(44) T. Ivainer, Le pouvoir souverain du juge dans l'appréciation des indemnités réparatrices, D., 1972, chron. p. 7.
(45) Cass. civ. 2, 20 juin 2002, n° 00-15.590, inédit (N° Lexbase : A9530AYM).
(46) Cass. civ. 2, 11 septembre 2003, n° 01-10.663, FP-P+B (N° Lexbase : A5207C9Q).
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