Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 7 octobre 2021, n° 434805, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A561448G)
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par Marie-Claire Sgarra
Le 26 Octobre 2021
► L'article 151 septies du CGI (N° Lexbase : L4192LI4), relatif à l'assiette de l'impôt sur le revenu, exonère de l'impôt les plus-values réalisées dans le cadre d'une activité artisanale, commerciale ou libérale dont les recettes n'excèdent pas un certain montant.
Les faits :
Pour remettre en cause l'exonération d'impôt dont le requérant s'était prévalu à l'occasion de la cession des parts qu'il détenait dans la SNC, l'administration fiscale s'est fondée sur des éléments recueillis à l'occasion de la vérification de la comptabilité de cette société, dont il ressortait que, compte tenu d'honoraires non facturés au titre de l'année 2006 et de produits comptabilisés à tort au titre d'un autre exercice, la moyenne des recettes que celle-ci avait réalisées au titre des années 2005 et 2006, et par suite, la quote-part de ces recettes perçue, excédait les seuils fixés par cet article pour bénéficier de l'exonération.
⚖️ Solution de la cour administrative d’appel :
⚖️ Solution du Conseil d’État. En jugeant, dans ces conditions, que l'irrégularité de la procédure d'imposition suivie à l'encontre de la SNC était demeurée sans incidence sur la régularité de la procédure distincte suivie à l'encontre du requérant et de son épouse, lesquels ont d'ailleurs eu la possibilité, dans le cadre de la procédure qui les concernait, de contester le bien-fondé du rehaussement des résultats de la société ayant conduit à la remise en cause de l'exonération de plus-value dont ils s'étaient prévalus, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
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par Virginie Pradel, Fiscaliste, Docteur en droit, Institut de recherche fiscale
Le 17 Janvier 2022
Mots-clés : CJIP • fraude fiscale • corruption
La convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) constitue l’une des deux procédures alternatives au procès pénal fiscal, aux côtés de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). Après une brève présentation de cette « nouvelle » procédure, nous reviendrons sur la récente CJIP conclue avec la banque JP Morgan.
I. Présentation de la CJIP
La CJIP a été introduite par la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique [1], dite loi « Sapin II » et son décret d’application du 27 avril 2017 [2]. Ses modalités ont été précisées par une circulaire en date du 31 janvier 2018 [3] et par une dépêche du 21 mars 2019 de la Direction des affaires criminelles et des Grâces (DACG) [4].
La CJIP a, en outre, fait l’objet de plusieurs modifications législatives. La première modification a été opérée par la loi du 23 octobre 2018, relative à la lutte contre la fraude [5], puis par la loi relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée du 24 décembre 2020 [6].
Par ailleurs, la CJIP est également régie par les « lignes directrices relatives à la mise en œuvre de la convention judiciaire d’intérêt public », adoptées conjointement le 27 juin 2019 par le Parquet national financier (PNF) et l’Agence française anticorruption (AFA) [en ligne].
Alors que la CRPC est ouverte non seulement aux personnes physiques et aux personnes morales, la CJIP ne peut s’appliquer qu’aux personnes morales ayant commis l’une ou plusieurs des infractions limitativement énumérées à l’article 41-1-2, I du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5527LZQ). Il s’agit notamment des délits de corruption et trafic d’influence ainsi que toute infraction connexe.
En matière de fiscalité, la loi Sapin II ne visait initialement que le blanchiment des infractions prévues aux articles 1741 (N° Lexbase : L6015LMQ) (fraude fiscale) et 1743 (N° Lexbase : L3888IZZ) du CGI (infractions assimilées à la fraude fiscale, relatives à la comptabilité, à l’entremise pour le dépôt de valeurs ou l'encaissement de coupons à l'étranger ainsi qu’à la fourniture de renseignements en vue de l'obtention d'agréments ou d'une autorisation dans le cadre de dispositifs d'investissements, notamment en outre-mer).
La loi du 23 octobre 2018, relative à la lutte contre la fraude fiscale, a élargi le champ d’application de ce dispositif aux délits de fraude fiscale et assimilés visés aux articles 1741 et 1743 du CGI, et non plus au seul blanchiment de ces délits.
💡 La première CJIP homologuée en 2017 portait sur un cas de blanchiment de fraude fiscale par la Banque HSBC Suisse, laquelle a reconnu les faits et accepté de payer une amende de 300 millions d’euros. Celle-ci représente près de 20 % des avoirs des clients soustraits à l’impôt (1,6 milliard d’euros). |
A. Les obligations pouvant résulter de la CJIP
Une CJIP est susceptible d'imposer trois sortes d'obligations à la personne morale :
Le montant de l’amende d'intérêt public versée au Trésor public est fixé de manière proportionnée aux avantages tirés des manquements constatés, dans la limite de 30 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date du constat de ces manquements.
La CJIP doit préciser la portée du principe non bis in idem en rappelant que le cumul des sanctions pénales et fiscales est admis sous réserve que le montant global des sanctions éventuellement appliquées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues.
Le versement de l’amende peut être échelonné, selon un échéancier fixé par le procureur de la République, sur une période qui ne peut être supérieure à un an.
La personne morale peut, en outre, être contrainte de se soumettre, pour une durée maximale de trois ans et sous le contrôle de l'AFA, à un programme de compliance destiné à s'assurer de l'existence et de la mise en ouvre en son sein des mesures et procédures énumérées au II de l'article 131-39-2 du Code pénal (N° Lexbase : L7402LBR).
B. Les étapes de la CJIP
C’est au procureur de la République qu’il revient de prendre l’initiative de la CJIP dans le cadre d’une enquête préliminaire [7] ou d’une information judiciaire [8].
Le procureur de la République doit informer par tout moyen la victime, lorsqu'elle est identifiée, de sa décision de proposer la conclusion d'une CJIP à la personne morale mise en cause. Il fixe alors le délai dans lequel elle peut lui transmettre tout élément de nature à établir la réalité et l'étendue de son préjudice.
Le procureur de la République doit indiquer à la personne morale mise en cause la possibilité de se faire assister par un avocat et doit adresser à la personne morale une proposition de CJIP comportant les éléments suivants :
La proposition de CJIP est signée par le procureur de la République et, si la personne morale accepte, par ses représentants légaux, assistés le cas échéant de son avocat.
💡 Précisions : les représentants légaux de la personne morale mise en cause demeurent responsables en tant que personnes physiques. Ils sont informés, dès la proposition du procureur de la République, qu'ils peuvent se faire assister d'un avocat avant de donner leur accord à la proposition de convention. |
Le procureur de la République saisit ensuite par requête le président du tribunal judiciaire aux fins de validation en joignant la proposition de convention à la requête et informe de cette saisine la personne morale et, le cas échéant, la ou les victimes.
À l’issue de l'audition, en audience publique, de la personne morale mise en cause et de la victime assistées, le cas échéant, de leur avocat, le président du tribunal (ou le juge du tribunal judiciaire qu’il a lui-même désigné) prend la décision de valider ou non la proposition de convention, en vérifiant le bien-fondé du recours à cette procédure, la régularité de son déroulement, la conformité du montant de l'amende aux limites prévues par l’article 41-1-2 et la proportionnalité des mesures prévues aux avantages tirés des manquements.
La décision du président du tribunal, qui est notifiée à la personne morale mise en cause et, le cas échéant, à la victime, n'est pas susceptible de recours.
En cas de validation par le président du tribunal du recours à cette procédure, la personne morale mise en cause dispose, à compter du jour de la validation, d'un délai de dix jours pour exercer son droit de rétractation, ce qui a pour effet d’entraîner la caducité de la proposition. À défaut de rétractation, les obligations que la convention comporte sont mises à exécution.
C. Les avantages de la CJIP
La CJIP présente plusieurs avantages pour la personne morale mise en cause :
La CJIP présente également l’avantage pour l’État de défendre les intérêts des contribuables français face aux stratégies extraterritoriales d’autres pays tels que les États-Unis.
Le site de l’AFA recense pour l’heure moins d’une quinzaine de CJIP qui intéressent des entreprises françaises, mais également des entreprises étrangères telles que Bank of China, Google France et Google Ireland, HSBC private bank (Suisse) SA, etc.
III. Illustrations : la CJIP récemment conclue par la banque JP Morgan
Pour rappel, le 22 juin 2012, la DGFiP a déposé des plaintes pour fraude fiscale à l’encontre de plusieurs dirigeants de la société Wendel. Il leur était reproché une minoration de leurs déclarations à l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année 2007 dans la mesure où à partir de 2004, des cadres dirigeants du groupe Wendel ont procédé à une opération d’apport de titres suivi de leur rachat-annulation par la compagnie de l’Audon qui a dégagé une plus-value placée sous le régime du sursis d’imposition prévu aux articles 150-0 B (N° Lexbase : L3216LC4) et 150-0 D (N° Lexbase : L2206LYD) du CGI.
La banque JP Morgan a octroyé des prêts à certains cadres dirigeants leur permettant de disposer des liquidités nécessaires à l’acquisition des titres. L’administration fiscale a remis en cause I’opération d’apport et de rachat-annulation sur le fondement de l’abus de droit [9], estimant que cette opération avait eu pour seule finalité de permettre aux cadres dirigeants de Wendel, en interposant des sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés, de disposer effectivement des liquidités obtenues lors de la cession des titres tout en restant détenteurs des titres de la société reçus en échange de l’apport.
Le montant global des impositions éludées s’agissant des treize cadres dirigeants de la société Wendel s’élève à plus de 78 millions d’euros.
Selon l’administration fiscale, la banque JP Morgan, tout en étant écartée de la plupart des discussions relatives aux développements du schéma et du bénéfice fiscal de celle-ci, était informée de l’existence d’un risque de remise en cause par l’administration fiscale sur la base de l’abus de droit et avait d’ailleurs posé certaines conditions de nature à éviter la révélation des objectifs réels de l’opération.
Le PNF a saisi un juge d’instruction le 26 avril 2021 afin qu’il soit statué sur les faits de complicité de fraude fiscale susceptibles d’avoir été commis par la banque JP Morgan.
Sur requête du ministère public, le juge d’instruction a communiqué le 21 juillet 2021 la procédure au procureur national financier aux fins de mise en œuvre d’une CJIP.
La banque JP Morgan et le PNF ont signé une CJIP le 2 septembre 2021 qui prévoit que la banque doit s’acquitter d’une amende d’intérêt public de 25 millions d’euros dans un délai de trente jours calendaires.
Cette CJIP relative à un cas de complicité de fraude fiscale permet à l’administration fiscale d’obtenir une réparation substantielle tout en évitant une procédure longue et coûteuse.
Une autre CJIP en matière de fraude fiscale a été signée le 20 juin 2019 entre la société Carmignac Gestion et le PNF (consultable sur le site de l’AFA) [en ligne].
[1] Loi n° 2016-1691, du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (N° Lexbase : L6482LBP).
[2] Décret n° 2017-660, du 27 avril 2017, relatif à la convention judiciaire d'intérêt public et au cautionnement judiciaire (N° Lexbase : L0758LES).
[3] Circulaire du 31 janvier 2018, relative à la présentation et la mise en œuvre des dispositions pénales prévues par la loi n° 2016-1691, du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, n° NOR : JUSD1802971C (N° Lexbase : L4045LIN).
[4] Dépêche 2019/F/0419/FA1, du 21 mars 2019, de présentation et des modalités d'échanges entre les parquets et l’Agence française anticorruption.
[5] Loi n° 2018-898, du 23 octobre 2018, relative à la lutte contre la fraude (N° Lexbase : L5827LMR).
[6] Loi n° 2020-1672, du 24 décembre 2020, relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée (N° Lexbase : L2698LZX).
[7] L’article 41-1-2 du Code de procédure pénale prévoit que, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, le procureur de la République peut proposer à une personne morale ayant commis un ou plusieurs des délits susmentionnés ou des infractions connexes, de conclure une CJIP.
[8] L’article 180-2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5534LZY) offre au juge d’instruction qui serait saisi de faits qualifiés constituant un des délits mentionnés à l’article 41-1-2 la possibilité, à la demande ou avec l'accord du procureur de la République, de prononcer, par ordonnance, la transmission de la procédure au procureur de la République aux fins de conclure une CJIP.
[9] LPF, art. L. 64 ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 114498229, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-textedeloi", "_title": "L64", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: L9266LNI"}}).
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Réf. : CJUE, 6 octobre 2021, aff. C‑50/19 P et affaires jointes (N° Lexbase : A8358483)
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par Marie-Claire Sgarra
Le 18 Octobre 2021
► La CJUE a, par plusieurs arrêts en date du 6 octobre 2021, rejeté les pourvois contre les arrêts du Tribunal confirmant la qualification du régime fiscal espagnol d’amortissement de la survaleur financière (goodwill) d’aide d’État incompatible avec le marché intérieur.
Les faits. La Commission a ouvert une procédure formelle d’examen de la compatibilité, avec les dispositions du traité FUE en matière d’aides d’État, de la législation fiscale espagnole relative à l’amortissement de la survaleur financière (goodwill) en cas de prises de participations par des sociétés résidentes dans d’autres entreprises.
🔎 En quoi consiste ce dispositif fiscal ? La survaleur financière résultant d’une prise de participations d’au moins 5 % d’une entreprise résidente dans une société étrangère peut être déduite, sous forme d’amortissement, de l’assiette de l’impôt sur les sociétés dû par l’entreprise résidente, à condition qu’elle détienne cette prise de participations de manière ininterrompue pendant au moins un an. En revanche, les prises de participations des entreprises imposables en Espagne dans d’autres entreprises résidentes ne donnent pas lieu à un amortissement de la survaleur financière, sauf en cas de regroupement d’entreprises.
👉 La Commission a déclaré que la mesure fiscale en cause constituait un régime d’aides incompatible avec le marché intérieur, et a imposé à l’Espagne de récupérer les aides accordées.
En ce qui concerne la sélectivité de la mesure fiscale en cause, la Cour précise que la seule circonstance que ladite mesure présente un caractère général, en ce qu’elle peut a priori bénéficier à l’ensemble des entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés, selon qu’elles réalisent ou non certaines opérations, n’exclut pas qu’elle puisse être de nature sélective.
Pour pouvoir qualifier une mesure fiscale nationale de sélective, la Commission doit suivre une méthode en trois étapes.
La Cour considère, d’abord, qu’il ressort clairement des décisions litigieuses que le système de référence retenu par la Commission est constitué des dispositions générales du régime de l’impôt sur les sociétés régissant la survaleur en général.
Ensuite, elle rejette l’argument des requérantes selon lequel, afin de déterminer le système de référence, le Tribunal se serait fondé sur la technique réglementaire choisie par le législateur national pour adopter la mesure fiscale en cause, à savoir l’introduction d’une dérogation à la règle générale.
Une mesure nationale peut être sélective même dans l’hypothèse où le bénéfice de l’avantage qu’elle prévoit dépend non pas des caractéristiques de l’entreprise bénéficiaire mais de l’opération que celle-ci décide ou non de réaliser.
La Cour constate que, dans toutes les affaires en cause, en identifiant, dans le cadre de la deuxième étape de l’analyse sur la sélectivité, le maintien d’une certaine cohérence entre le traitement fiscal et le traitement comptable de la survaleur en tant qu’objectif du système de référence, le Tribunal a substitué sa propre motivation à celle des décisions litigieuses et a commis, de ce fait, une erreur de droit.
Cette erreur n’est toutefois pas de nature à entraîner l’annulation des arrêts attaqués, dans la mesure où leurs dispositifs sont fondés sur d’autres motifs de droit. À cet égard, la Cour relève que le Tribunal s’est, à bon droit, référé à sa jurisprudence selon laquelle l’examen de comparabilité à effectuer lors de la deuxième étape de l’analyse de la sélectivité doit être réalisé au regard de l’objectif du système de référence, et non de celui de la mesure litigieuse. C’est ainsi à juste titre que le Tribunal a constaté que les entreprises qui prennent des participations dans des sociétés non-résidentes se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par le traitement fiscal de la survaleur, dans une situation juridique et factuelle comparable à celle des entreprises qui prennent des participations dans des sociétés résidentes. À cet égard, les requérantes n’avaient pas réussi, plus particulièrement, à établir que les entreprises effectuant des prises de participations dans des sociétés non-résidentes se trouvent dans une situation juridique et factuelle différente et, donc, non comparable à celle des entreprises effectuant des prises de participations en Espagne.
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Réf. : Parlement européen, actualité, 7 octobre 2021
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N9097BYL
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par Marie-Claire Sgarra
Le 14 Octobre 2021
► Le Parlement européen a présenté, jeudi 7 octobre 2021, ses priorités sur la réforme de la politique sur les pratiques fiscales dommageables ainsi qu’un projet de système d’évaluation des politiques fiscales nationales.
La concurrence fiscale féroce entre les pays évoluant sans cesse de manière inédite, les députés estiment que l’UE doit revoir et renforcer sa lutte contre les pratiques fiscales qui privent les États membres de recettes substantielles, entraînent une concurrence déloyale et sapent la confiance des citoyens.
Le Parlement affirme que si la concurrence fiscale entre pays n’est pas un problème en soi, des principes communs devraient régir la manière dont les pays utilisent leurs systèmes fiscaux et politiques fiscales pour attirer les entreprises et les profits. Les députés estiment que ce cadre est actuellement insuffisant compte tenu du fait que les politiques et les législations n’ont pas suivi l’évolution des régimes fiscaux innovants au cours des 20 dernières années.
Les députés font des propositions visant à améliorer rapidement la politique de lutte contre les pratiques dommageables, et demandent notamment :
Par ailleurs, les députés appellent à une réforme globale du Code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises, un outil utilisé pour lutter contre la concurrence fiscale dommageable. Les critères, la gouvernance et le champ d’application du Code de conduite devraient être mis à jour.
Les députés ont également présenté un projet détaillé de développement d’un « cadre sur les dispositifs fiscaux agressifs et les faibles taux » qui remplacerait in fine l’actuel Code de conduite.
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Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 4 octobre 2021, n° 443130, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A210548H)
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N9053BYX
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par Marie-Claire Sgarra
Le 09 Novembre 2021
► Le Conseil d’État est revenu, en matière de prix de transfert sur le cas d’une différence constatée par l’administration entre les prix pratiqués, qui peuvent ne pas constituer, pour l’entreprise française un avantage dépourvu de contrepartie si cet écart est justifié par les risques que l’entreprise a vocation à assumer et qui affectent sa rentabilité.
Les faits :
🔎 Principes :
⚖️ Solution du Conseil d’État
👉 L'administration peut, pour établir l'existence d'une majoration des prix d'achat ou d'une minoration des prix de vente facturés entre une entreprise établie en France et une entreprise étrangère qui lui est liée, ainsi d'ailleurs que le préconisent les Principes de l'OCDE applicables aux prix de transfert à l'intention des entreprises multinationales et des administrations publiques, se fonder sur la comparaison d'un ratio financier pertinent de l'une ou l'autre entreprise, tel que le taux de marge sur ces transactions, avec celui d'entreprises similaires exploitées normalement, c'est-à-dire dépourvues de lien de dépendance.
👉 Une différence ainsi constatée par l'administration entre les prix pratiqués par une entreprise française avec les entreprises qui lui sont liées et les prix pratiqués entre des entreprises similaires exploitées normalement peut être regardée comme ne constituant pas un avantage dépourvu de contrepartie susceptible d'être réintégré dans les résultats de cette entreprise si elle est justifiée par les risques que celle-ci a vocation à assumer et qui affectent sa rentabilité. Dans ce dernier cas, il lui incombe de justifier à la fois qu'elle avait, du fait des fonctions qu'elle exerçait au sein du groupe, vocation à assumer ces risques, et que l'écart entre les ratios financiers constatés et ceux d'entreprises similaires exploitées normalement s'explique par la réalisation de ces risques.
💡 Sur l’invocabilité de la présomption de transfert de bénéfices, le CE a jugé qu’il n’existait pas de présomption de transfert indirect de bénéfices sans preuve par l’administration d’un avantage. L’administration fiscale doit démontrer l’irrégularité des prix de vente pratiqués en examinant les prix pratiqués auprès de clients se trouvant dans une situation comparable (CE 9° et 10° ssr., 16 mars 2016, n° 372372, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2167Q8R). Lire en ce sens, F. Laffaille, À propos de l'article 57 du CGI et des transferts indirects de bénéfices, Lexbase Fiscal, avril 2016, n° 651 (N° Lexbase : N2268BWW). |
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Réf. : OCDE, communiqué de presse, 6 octobre 2021
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par Marie-Claire Sgarra
Le 13 Octobre 2021
► 136 juridictions ont adhéré, le 8 octobre 2021, à la Déclaration sur la Solution reposant sur deux piliers pour résoudre les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l'économie après plusieurs années de négociation.
Cette réforme majeure du système fiscal international permettra de garantir l’application d’un taux d’imposition minimum de 15 % aux entreprises multinationales (EMN) à compter de 2023.
L’accord permettra également de réattribuer à des pays du monde entier plus de 125 milliards USD de bénéfices d’environ 100 entreprises multinationales parmi les plus grandes et les plus rentables au monde, de sorte que ces entreprises acquittent leur juste part de l’impôt quelles que soient les juridictions où elles exercent leurs activités et réalisent des bénéfices.
La solution repose sur deux piliers.
Le Pilier Un garantira une répartition plus équitable entre les pays des bénéfices et des droits d’imposition concernant les entreprises multinationales les plus grandes et les plus profitables. Il permettra de réattribuer une partie des droits d’imposition sur les EMN de leurs pays d'origine aux marchés dans lesquels elles exercent des activités commerciales et réalisent des bénéfices, qu’elles y aient ou non une présence physique. Plus précisément, les entreprises multinationales dont le chiffre d’affaires mondial dépasse 20 milliards EUR et dont la rentabilité est supérieure à 10 % - qui peuvent être considérées comme les grandes gagnantes de la mondialisation - seront couvertes par les nouvelles règles, et 25 % des bénéfices au-delà du seuil de 10 % seront réattribués aux juridictions du marché.
Des droits d’imposition sur plus de 125 milliards USD de bénéfices devraient ainsi, au titre du Pilier Un, être réattribués chaque année aux juridictions du marché. Les pays en développement devraient bénéficier d’un surcroît de recettes supérieur à celui des économies plus avancées, en proportion des recettes existantes.
Le Pilier Deux introduit un impôt mondial minimum sur les sociétés, dont le taux a été fixé à 15 %. Ce nouveau taux d’imposition minimum s’appliquera aux entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires d’au moins 750 millions EUR et devrait générer chaque année environ 150 milliards USD de recettes fiscales supplémentaires à l’échelle mondiale. D’autres avantages découleront de la stabilisation du système fiscal international et de l’amélioration de la sécurité juridique en matière fiscale pour les contribuables comme pour les administrations fiscales.
Quatre pays – le Kenya, le Nigéria, le Pakistan et le Sri Lanka – n’ont pas joint la Déclaration.
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par Ludovic Lombard, Docteur en droit ; Consultant en gestion de services publics, Cabinet COGITE
Le 04 Janvier 2024
Mots-clés : tax rulings • rescrits fiscaux
Après sa décision contestée du 15 juillet 2020 [1], le Tribunal de l’Union européenne s’est à nouveau penché sur la qualification d’aides d’État retenue par la commission européenne à l’encontre des décisions fiscales anticipatives, les fameux « tax rulings » ou rescrits fiscaux.
Pour rappel, dans sa décision du 15 juillet 2020, le Tribunal de l’UE a censuré la décision de la Commission européenne de retenir d’une part qu’une décision fiscale anticipative prise par l’administration irlandaise au profit d’Apple était une aide d’État, et d’autre part que cette aide d’État était illégale au regard du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) et devait donc être remboursée. La décision fiscale anticipative portait sur une définition de l’assiette d’imposition sur les bénéfices, au regard de prix de transfert pratiqués par le groupe Apple. La Commission a fait appel de cette décision et l’affaire est pendante devant la Cour de justice de l’Union européenne (aff. C-465/20 P).
Le Tribunal de l’UE a eu l’occasion de poursuivre son contentieux en matière de « Tax Ruling » par deux arrêts du 12 mai 2021, concernant deux décisions fiscales anticipatives émises par l’administration luxembourgeoise, au bénéfice d’Engie [2] et d’Amazon [3], pour lesquelles la commission européenne avait retenu l’illégalité d’une aide d’État.
Dans la première affaire concernant Engie, la société avait obtenu auprès de l’administration fiscale luxembourgeoise un ruling lui permettant, par le biais d’un montage concernant plusieurs sociétés du groupe, d’exonérer les revenus de participations de sociétés holding, alors que les bénéfices des filiales de ces sociétés holding n’ont pas été imposés.
Plus précisément, la société holding transférait des actifs à une filiale. Cette dernière souscrivait un emprunt sans intérêt obligatoirement convertible en actions (ZORA) auprès d’une société intermédiaire. Le remboursement du prêt était réalisé par la filiale par le biais d’une émission d’actions pour un montant représentant le montant nominal du prêt, majoré d’une prime représentant, en réalité, les bénéfices réalisés par la filiale pendant la durée du prêt. La société intermédiaire finançait le prêt en concluant avec la société holding un contrat de vente à terme prépayé. Comme le rappelle la décision de la Commission, « la société holding paie à la société intermédiaire un montant égal au montant nominal du ZORA en échange de l’acquisition des droits sur les actions que la filiale émettra », qui incluront les bénéfices réalisés par la filiale.
La décision fiscale anticipative confirme que la filiale peut constituer des provisions sur les accrétions sur les ZORA. Elle ne sera donc pas imposée « sauf sur une marge limitée », également convenue avec l’administration fiscale. Par ailleurs, la société holding est exonérée lors de la réalisation des accrétions sur les ZORA en vertu de l’application du droit luxembourgeois relatif au régime des sociétés mère et filiales.
Ce système a été validé par deux décisions fiscales anticipatives. Ces positions de l’administration fiscale luxembourgeoise ont fait l’objet d’une décision de la Commission européenne, retenant qu’il s’agit là d’une aide d’État illégale devant être remboursée par l’entreprise Engie. Le Tribunal de l’UE rejette le recours formé contre cette décision de la Commission.
La seconde affaire se rapproche de l’affaire « Apple ». L’administration fiscale luxembourgeoise a émis une décision fiscale anticipée au bénéfice d’Amazon sur la validité des prix de transfert pratiqué dans le groupe, et particulièrement au sujet du calcul de la redevance versée en contrepartie d’un accord de licence. La commission contestait la méthode choisie par le groupe Amazon, et validé par l’administration fiscale. Elle estimait que la validation de la méthode de fixation des prix de redevance aboutissait à minorer la charge d’imposition et était constitutive d’une aide d’État. Le Tribunal de l’UE a annulé la décision de la commission européenne. Selon lui, la Commission n’a pas démontré qu’une autre méthode de fixation des prix de redevance aurait dû être choisie
Les deux décisions du Tribunal de l’UE sont révélatrices de la méthode du juge pour apprécier l’existence d’une aide d’État illégale. Il rappelle le bien-fondé de la Commission à intervenir, par le biais de la notion d’aide d’État, dans le domaine fiscal (I). Si ce point ne pose pas de difficultés particulières et fait l’objet d’une jurisprudence constante. En revanche, l’identification de l’aide d’État en elle-même est plus délicate. L’article 107 du TFUE impose qu’une aide d’État, ou une aide accordée par les États, est considérée comme illégale dès lors qu’elle affecte les échanges entre États membres, qu’elle fausse la concurrence et qu’elle octroie au bénéficiaire un avantage sélectif injustifié. L’identification de ce dernier point est délicate à opérer, et fait l’objet des plus importantes contestations. Les dernières positions du Tribunal de l’UE, particulièrement concernant les prix de transfert, contraignent largement les décisions de la Commission, moins permissive (II).
I. Le rappel constant de l’applicabilité de la règlementation en matière d’aide d’État en matière fiscale
La question de la souveraineté est au cœur des débats relatifs à la fiscalité. C’est bien entendu ce que confirme le Tribunal de l’UE, dans ses deux décisions du 12 mai 2021.
En revanche, et comme toute mesure adoptée par les États membres, la fiscalité n’échappe pas au droit de l’Union Européenne, et en particulier au TFUE. S’inscrivant dans la continuité de la jurisprudence antérieure, le Tribunal de l’UE précise logiquement que « même si la fiscalité directe relève, en l'état actuel du développement du droit de l'Union, de la compétence des États membres, ces derniers doivent néanmoins exercer cette compétence dans le respect du droit de l'Union » [4]. C’est déjà ce qui ressortait d’une décision de la CJCE du 14 février 1995 [5], et qui fait l’objet d’une jurisprudence constante depuis [6].
La matière fiscale ne pouvait donc échapper aux règles générales des traités et particulièrement celles issues de l’article 107 du TFUE, portant sur les aides accordées par les États.
Il est à ce titre constamment admis que des exonérations, des dégrèvements ou des minorations d’impôt peuvent caractériser une aide « accordées par les États ou au moyen de ressources d’État » [7].
Il est ainsi retenu qu’une exonération fiscale est assimilée à l’utilisation d’une ressource d’État [8]. C’est ce que rappelle le Tribunal de l’UE dans sa décision relative à l’affaire Amazon, en rappelant qu’ « une mesure par laquelle les autorités publiques accordent à certaines entreprises un traitement fiscal avantageux qui, bien que ne comportant pas un transfert de ressources d'État, place les bénéficiaires dans une situation financière plus favorable que celle des autres contribuables constitue une aide d'État » [9].
Dans sa communication relative aux aides d’État, la Commission rappelle que les rescrits fiscaux doivent respecter les règles en matière d’aides d’État. Ainsi, selon elle, « lorsqu’un rescrit fiscal avalise un résultat qui ne reflète pas de manière fiable le résultat qui aurait été obtenu en appliquant le régime de droit commune, ce rescrit pourrait conférer un avantage sélectif à son destinataire, dans la mesure où ce traitement entraîne une diminution de l’impôt dû par le destinataire dans l’État membre par comparaison avec les entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique similaire » [10].
La possibilité de reconnaître qu’une mesure fiscale puisse faire l’objet d’une aide d’État ne pose pas vraiment de questions. La difficulté porte essentiellement sur l’identification d’une telle aide au regard des critères prévus dans le TFUE. Plus particulièrement, l’attention se porte sur l’avantage octroyé par une telle mesure, qui doit être sélectif. La multiplication des décisions de la Commission à l’encontre de rulings renouvelle le débat. Face aux différents recours, le Tribunal de l’UE oscille entre audace et prudence, dans l’attente d’une clarification que devra apporter la CJUE.
II. La sélectivité des tax ruling au révélateur du Tribunal de l’UE, entre audace et prudence
La décision du Tribunal dans l’affaire Engie apporte une relative nouveauté dans le contrôle opéré par le juge. Signe de l’attractivité de la notion d’aide d’État, il admet le contrôle des aides d’État au regard d’éventuels abus de droit commis par un contribuable et validé par une décision fiscale anticipative (A). Cette audace est à nuancer dans la mesure où il avait rejeté le recours contre la décision de la Commission avant d’avoir à s’interroger sur la question l’abus de droit. Le juge se montre plus prudent, en revanche, sur la difficile appréciation des méthodes de détermination des prix de transfert (B).
A. Rescrit fiscal, aides d’État et abus de droit, une marque d’audace du Tribunal
La décision relative à la décision fiscale anticipative émise par l’administration luxembourgeoise et dont a bénéficié Engie offre une illustration du raisonnement opéré par la Commission d’abord, par le Tribunal de l’UE ensuite, sur l’appréciation de l’avantage sélectif, ce dernier relevant d’ailleurs qu’en matière fiscale, avantage et sélectivité sont deux éléments qui coïncident.
Comme le relève le Tribunal de l’UE, « il ressort de la jurisprudence de la Cour que ces deux critères peuvent être examinés conjointement, en tant que « troisième condition » prévue par l'article 107, paragraphe 1, TFUE, portant sur l'existence d'un « avantage sélectif.
Le Tribunal de l’UE examine ensuite le cadre de référence au sein duquel doit s’apprécier l’avantage sélectif. Il est en effet de jurisprudence constante que l’existence d’un avantage doit s’apprécier au regard d’une imposition normale. Comme le précise la décision de la CJUE du 6 septembre 2006, « la détermination du cadre de référence revêt une importance accrue dans le cas de mesures fiscales puisque l’existence même d’un avantage ne peut être établie que par rapport à une imposition dite "normale" » [11]. Le Tribunal a ici validé la position de la Commission en retenant un cadre de référence restreint excluant le bénéfice de la directive mère-filiale, qui ne trouve à s’appliquer que dans le cadre d’opérations transfrontalières.
Puis il opère un examen de la sélectivité de l’avantage obtenu par le biais du rescrit fiscal. Il ne fait ici aucun doute que le critère est rempli. La décision fiscale anticipative permettait à la société holding de bénéficier d’un traitement fiscal préférentiel par rapport aux autres sociétés mère.
La décision du Tribunal de l’UE paraît logique, suivant un raisonnement classique au regard de l’analyse d’une aide d’Etat en matière fiscale. Elle est toutefois également novatrice en ce qu’elle s’appuie, in fine, sur la notion d’abus de droit pour étayer son argumentaire. Comme le révèle elle-même la décision, « eu égard au caractère inédit du raisonnement visant à démontrer la sélectivité des DFA en cause par rapport au cadre de référence comprenant la disposition relative à l'abus de droit, le Tribunal estime opportun d'examiner également le bien-fondé des arguments avancés contre celui-ci » [12].
Par cette décision, le Tribunal opère un rapprochement, semble-t-il inédit, entre la notion d’aide d’État et la question de l’abus de droit. La notion d’abus de droit est examinée au regard des dispositions nationales. Dans un second temps du raisonnement, l’octroi d’un avantage par la validation d’un dispositif relevant de l’abus de droit est analysé au regard de sa sélectivité. Par le rapprochement entre l’abus de droit et la notion d’aide d’État, le Tribunal de l’UE étend son périmètre de contrôle pour assurer pleinement l’effectivité de la règlementation en la matière. Une telle approche, qui pourrait paraître audacieuse tant la matière fiscale est un sujet sensible en termes de souveraineté, permettrait, si elle se confirme, de moraliser certaines pratiques, favoriser par des décisions fiscales anticipatives telles que celle visée par la décision dans l’affaire Engie.
Le Tribunal est en revanche moins audacieux en matière de contrôle des prix de transfert.
B. Rescrit fiscal, prix de transfert et aides d’Etat, une démonstration de prudence de la part du Tribunal de l’UE
Face aux rescrits fiscaux en matière de prix de transfert, le Tribunal de l’UE se montre particulièrement prudent au moment d’analyser les mesures au regard du droit des aides d’État.
En application d’une jurisprudence désormais bien établie, la sélectivité de l’avantage procuré par le ruling en matière de prix de transfert doit s’analyser à l’aune du principe de pleine concurrence. Ainsi, dans une décision du 22 juin 2006, la Cour de Justice avait précisé que l’estimation des prix de transfert doit s’approcher de « ceux qui seraient pratiqués dans des conditions de libre concurrence » [13].
C’est ce que retient également la Commission dans sa communication relative aux aides d’État. Ainsi, elle précise que « tout rescrit fiscal avalisant une méthode de fixation des prix de transfert servant à déterminer le bénéfice imposable d'une entité appartenant à un groupe d'entreprises qui aboutit à un résultat s'écartant d'une approximation fiable d'un résultat fondé sur le marché conforme au principe de pleine concurrence, confère un avantage sélectif à son bénéficiaire » [14].
Encore convient-il d’apprécier le niveau des prix dans un contexte de pleine concurrence. Il apparaît alors que la Commission est beaucoup plus offensive sur ce terrain que ne l’est le Tribunal de l’UE.
L’administration luxembourgeoise avait validé la méthode de détermination des prix proposée par Amazon. Il s’agissait alors de retenir la méthode transactionnelle de la marge nette avec la société filiale. Pour la Commission, si cette méthode, l’une des méthodes préconisées par l’OCDE, pouvait être retenue, il apparaît que son application est erronée et conduit à majorer le montant de la redevance [15]. Or, le Tribunal, à l’instar de sa décision dans l’affaire Apple annule la décision de la Commission. Il précise que cette dernière n’a pas suffisamment démontré les erreurs méthodologiques dans la détermination des prix de transfert. Ce faisant, le tribunal insiste, comme il l’avait fait dans l’affaire Apple, que c’est à la Commission de prouver l’avantage sélectif. En n’accueillant pas les arguments de la Commission, le Tribunal continue de rendre le contrôle des rescrits au regard des aides d’État plus contraignant.
Les deux décisions du Tribunal de l’UE du 12 mai 2021 laissent apparaître un clair-obscur, difficilement lisible pour les États. L’attractivité du contrôle des aides d’Etat est prolongée en matière fiscale, via le contrôle sur ce fondement des abus de droit. Mais en contrepartie, l’analyse des rescrits, ici sur les prix des transferts, est largement contraint et la marge de manœuvre de la Commission est strictement encadrée. Cela ne permet pas d’assurer la sécurité juridique des décisions prises par l’État. Les différents recours exercés contre les décisions du Tribunal par la Commission devront permettre à la CJUE d’intervenir et de clarifier le débat. |
[1] Trib. UE, 15 juillet 2020, aff. T-778/16, Trib. UE, Irlande c/ Commission européenne (N° Lexbase : A18323RB).
[2] Trib. UE, 12 mai 2021, aff. T-516/18, Grand-Duché de Luxembourg c/ Commission européenne (N° Lexbase : A88794RB).
[3] Trib. UE, 12 mai 2021, aff. T-816/17, Grand-Duché de Luxembourg c/ Commission européenne (N° Lexbase : A88834RG).
[4] Trib. UE, 12 mai 2021, aff. T-816/17, Grand-Duché de Luxembourg c/ Commission européenne (N° Lexbase : A88834RG).
[5] CJCE, 14 février 1995, aff. C-279/93, Finanzamt Köln-Altstadt c/ Roland Schumacker (N° Lexbase : A1803AWP).
[6] CJCE, 14 février 1995, aff. C-279/93, Finanzamt Köln-Altstadt c/ Roland Schumacker (N° Lexbase : A1803AWP).
[7] Pour une décision antérieure au TFUE, voir CJCE, 2 juillet 1974, aff. C-173/73, République italienne c/ Commission des Communautés européennes, quest. préj. (N° Lexbase : A6890AUQ).
[8] CJCE, 15 mars 1994, aff. C-387/92, Banco de Crédito Industrial SA, devenue Banco Exterior de España SA c/ Ayuntamiento de Valencia (N° Lexbase : A9488AUX).
[9] Trib. UE, 12-05-2021, aff. T-816/17, Grand-Duché de Luxembourg c/ Commission européenne (N° Lexbase : A88834RG).
[10] Communication de la Commission relative à la notion d’aide d’État visée à l’article 107, paragraphe 1 du TFUE, C 262/1, 19 juillet 2016, n° 170.
[11] CJUE, 6 septembre 2006, aff. C-88/03, République portugaise c/ Commission des Communautés européennes (N° Lexbase : A9475DQY).
[12] Trib. UE, 12 mai 2021, aff. T-516/18, Grand-Duché de Luxembourg c/ Commission européenne, n° 128 (N° Lexbase : A88794RB).
[13] CJUE, 22 juin 2006, C-182/03, Royaume de Belgique c/ Commission des Communautés européennes, n° 96 (N° Lexbase : A9603DPD).
[14] Communication de la Commission relative à la notion d’aide d’État visée à l’article 107, paragraphe 1 du TFUE, C 262/1, 19 juillet 2016, n° 171.
[15] Décision 2018/859 de la Commission concernant l’aide d’État SA.38944 mise en exécution par le Luxembourg en faveur d’Amazon, du 4 octobre 2017, n° 579.
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Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 4 octobre 2021, n° 453368, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A211148P)
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N9048BYR
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par Marie-Claire Sgarra
Le 19 Octobre 2021
► Les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association sont exonérées de la CVAE dès lors que :
► La seule forme juridique d'une entité, indépendamment des conditions dans lesquelles elle exerce sa propre activité, ne permet pas de déterminer si elle doit être regardée comme une entreprise commerciale.
Les faits. À l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration a notifié, selon la procédure de taxation d'office, à une association, dont l'objet statutaire est l'enseignement supérieur et la recherche en gestion et en management des organisations, des rappels de CVAE. Le tribunal administratif de Grenoble rejette la demande en décharge de ces impositions. La cour administrative d’appel de Lyon a prononcé la décharge partielle (CAA Lyon, 8 avril 2021, n° 18LY04681 N° Lexbase : A69294WK).
🔎 Principe. Ne sont pas passibles de l'impôt sur les sociétés les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 dont la gestion est désintéressée, lorsque leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes et le montant de leurs recettes d'exploitation encaissées au cours de l'année civile au titre de leurs activités lucratives n'excède pas 60 000 euros (CGI, art. 206 N° Lexbase : L8677L47).
⚖️ Solution du Conseil d’État
👉 Même dans le cas où l'association intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, elle continue de bénéficier de l'exonération de CVAE si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales :
👉 « Pour juger que les services rendus par l'association requérante n'étaient pas offerts en concurrence avec le secteur commercial, sur la seule forme juridique des organismes fournissant des prestations similaires dans la même zone d'attraction géographique, sans rechercher si, eu égard aux conditions dans lesquelles elles exerçaient leur propre activité, ces entités devaient être regardées comme des entreprises commerciales, la cour a commis une erreur de droit ».
💡 S'agissant du renvoi, pour la définition des redevables de la CVAE, à celle des redevables de la cotisation foncière des entreprises, le CE a rappelé que pour apprécier la qualité de redevable de la CVAE, l’article 1447 du CGI (N° Lexbase : L0819IPZ) renvoi à la définition du redevable de la CFE, laquelle exclue les organismes sans but lucratif (CE 9° et 10° ch.-r., 12 février 2020, n° 420605, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A72893EP). |
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Réf. : CE 9° et 10° ch.-r. 7 octobre 2021, n° 427999, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A560948A)
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N9063BYC
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par Marie-Claire Sgarra
Le 14 Octobre 2021
► Eu égard au principe de non-compensation des créances publiques, un contribuable n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article 1290 du Code civil, de sa qualité de créancier de l'État ou d'une autre personne publique pour s'exonérer de ses obligations fiscales ou en différer le paiement ;
► Le refus d'opérer une compensation entre des dettes fiscales et des créances détenues sur des personnes publiques ne porte, par elle-même, aucune atteinte au droit au respect des biens garanti par l'article 1er du protocole additionnel (1P1) à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CESDH).
🔎 Principe. La compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs ; les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives (C. civ., art. 1290 N° Lexbase : L1400ABH).
⚖️ Solution du Conseil d’État
👉 Les requérants soutiennent que dès lors que l'État ne peut être contraint à payer ses dettes par aucune mesure d'exécution, le refus de faire bénéficier ses créanciers de la compensation légale aboutit à une expropriation contraire aux stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la CESDH.
👉 Le refus d'opérer une compensation entre des dettes fiscales et des créances détenues sur des personnes publiques ne porte, par elle-même, aucune atteinte au droit au respect des biens garantis par les stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la CESDH.
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Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 4 octobre 2021, n° 448651, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A210748K)
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N9047BYQ
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par Marie-Claire Sgarra
Le 22 Octobre 2021
► Dans l'hypothèse où l'illégalité d'un acte règlementaire a cessé, du fait d'un changement de circonstances, à la date à laquelle le juge doit se placer pour apprécier la légalité d'un acte pris pour son application ou dont il constitue la base légale, il incombe au juge, saisi d'une exception d'illégalité de cet acte réglementaire soulevée à l'appui de la contestation de ce second acte, de l'écarter ;
► De la même façon, lorsque le juge de l'impôt est saisi, au soutien d'une contestation du bien-fondé de l'impôt, d'une exception d'illégalité de l'acte réglementaire sur la base duquel a été prise une décision individuelle d'imposition, il lui appartient de l'écarter lorsque cet acte réglementaire est, par l'effet d'un changement de circonstances, devenu légal à la date du fait générateur de l'imposition.
Les faits. Une société a demandé la décharge de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2016 à raison de locaux dont elle est propriétaire en excipant de l'illégalité de la délibération du 16 décembre 2015 par laquelle la communauté d'agglomération a fixé le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. Le tribunal administratif d'Orléans a fait droit à cette demande.
🔎 Principes :
⚖️ Solution du Conseil d’État :
👉 À la date du fait générateur de la TEOM en litige, soit le 1er janvier 2016, cette imposition avait pour objet de couvrir les dépenses exposées par les collectivités territoriales pour assurer l'enlèvement et le traitement tant des ordures ménagères que des déchets non ménagers, dès lors qu'elles ne sont pas couvertes par des recettes non fiscales.
👉 En se bornant à constater qu'à la date du 16 décembre 2015, à laquelle l'assemblée délibérante de la communauté d'agglomération Tour(s)plus a fixé le taux de la TEOM pour l'année 2016, les dispositions alors applicables de l'article 1520 du CGI ne permettaient de couvrir que la collecte et le traitement des seules ordures ménagères, pour en déduire que le taux ainsi fixé était entaché d'illégalité en ce qu'il aboutissait à une disproportion manifeste entre le produit de cette imposition et les dépenses exposées par la communauté d'agglomération pour l'enlèvement et le traitement des ordures ménagères non couvertes par des recettes non fiscales, alors qu'il lui appartenait de rechercher si cette illégalité subsistait à la date du fait générateur de l'imposition, eu égard au périmètre des dépenses pouvant être couvertes par le produit de cette taxe à compter du 1er janvier 2016, le tribunal administratif d'Orléans a commis une erreur de droit.
💡 S'agissant des conditions d'opérance de l'exception d'illégalité, le CE a jugé que « l’illégalité d’un acte administratif, qu’il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l’appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s’il en constitue la base légale ; que les actes, [DUP] et arrêtés de cessibilité, tendant à l’acquisition par voie d’expropriation des terrains nécessaires à la réalisation d’une [ZAC] ne sont pas des actes pris pour l’application de la délibération approuvant la convention par laquelle la commune a confié à une société l’aménagement de cette zone, laquelle ne constitue pas davantage leur base légale » (CE Contentieux, 11 juillet 2011, n° 320735, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0245HWY). 💡 S'agissant de l'impossibilité d'invoquer, à l'appui d'une telle exception d'illégalité, des vices de forme et de procédure, le CE a jugé que « les actes, déclarations d'utilité publique et arrêtés de cessibilité, tendant à l'acquisition par voie d'expropriation des terrains nécessaires à la réalisation d'une zone d'aménagement concerté ne sont pas des actes pris pour l'application de la délibération approuvant la convention par laquelle la commune a confié à une société l'aménagement de cette zone, laquelle ne constitue pas davantage leur base légale » (CE Contentieux, 18 mai 2018, n° 414583, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4722XN9). 🖊️ Lire en ce sens, C. De Bernardinis, Les vices de forme et de procédure qui entachent un acte réglementaire ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d'un REP contre la décision refusant d'abroger l’acte ou par voie d'exception, Lexbase Public, juin 2018, n° 505 (N° Lexbase : N4350BXE). |
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Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 7 octobre 2021, n° 430136, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A561048B)
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N9059BY8
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par Marie-Claire Sgarra
Le 21 Octobre 2021
► Le Conseil d’État a jugé, dans un arrêt du 7 octobre 2021, que l’exercice de la faculté de rachat dans le cadre d’une vente à réméré constitue une prestation de services.
Les faits :
🔎 Principes :
⚖️ Solution du Conseil d’État
👉 La vente avec faculté de rachat entraîne le transfert de propriété du bien, en ce que tous les droits attachés à la propriété du vendeur sont transférés à l'acheteur qui peut ainsi disposer de l'immeuble vendu, notamment pour le revendre, et qu'elle constitue par suite une livraison de biens au sens de l'article 256 du CGI (N° Lexbase : L7687LUA).
👉 Toutefois, cette qualification ne saurait être retenue lors de l'exercice, par le vendeur initial, de la faculté de rachat, laquelle s'analyse comme une condition résolutoire replaçant les parties en l'état où elles se trouvaient avant la vente.
👉 Par suite, en jugeant que l'exercice de la faculté de rachat était constitutif d'une livraison de bien au sens et pour l'application des dispositions applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée, la cour a commis une erreur de droit et inexactement qualifié les faits en litige.
Le ministre est donc fondé pour ce motif et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
💡 Renvois jurisprudentiels Le droit du vendeur se résume à un droit de créance lui permettant d'exiger la restitution du bien en conséquence de la résolution de la vente (Cass. com., 20 novembre 2007, n° 06-13.055, F-P+B N° Lexbase : A7092DZP). |
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