Lecture: 2 min
N7544BY3
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Marie-Claire Sgarra, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale
Le 20 Mai 2021
Depuis la réforme de la TVA immobilière intervenue en 2010, les conditions d’application de la TVA sur marge pose de nombreuses difficultés d’interprétation entrainant une grande insécurité.
La question des conditions d'application du régime de la TVA sur marge a donné lieu ces dernières années à un contentieux fourni, plus particulièrement sur le champ d’application du régime de la TVA sur marge en matière immobilière. En l’absence de précisions législatives, une divergence d'interprétation est apparue entre l'administration fiscale et les juges du fond. Et le moins que l’on puisse dire c’est que tout ce beau monde a eu du mal à accorder ses violons !
Un nouveau contentieux est porté devant la Cour de justice de l’Union européenne saisie deux fois par les juridictions administratives dont dernièrement par la cour administrative d’appel de Lyon le 18 mars 2021 dont l'issue pourrait être dommageable pour notre système actuel.
À la lumière de ce dernier jugement, Lexbase Fiscal vous propose de retrouver cette semaine :
|
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:477544
Lecture: 1 min
N7591BYS
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Marie-Claire Sgarra
Le 19 Mai 2021
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:477591
Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 27 mars 2020, n° 428234, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A42573KU)
Lecture: 17 min
N3279BY4
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Damien Falco, Maître de conférences à l’Université de Haute-Alsace
Le 19 Mai 2021
Après plusieurs années d’insécurité juridique au sujet de l’application du régime de la TVA sur la marge en matière immobilière, le Conseil d’État s’est prononcé le 27 mars 2020 en faveur d’une condition d’identité entre l’acquisition et la revente du bien.
La décision était attendue par les professionnels du droit. Dans un arrêt du 27 mars 2020, le Conseil d’État s’est prononcé sur le régime de la TVA sur la marge dans une affaire impliquant une société ayant une activité de marchand de biens et de lotisseurs. Cette société a réalisé plusieurs opérations :
La société a fait l’objet d’une vérification de comptabilité concernant la période située entre le 1er octobre 2010 et le 31 décembre 2013. À l’issue de celle-ci, des rappels de TVA ont été mis à sa charge procédant à la fois de la remise en cause du régime de la TVA sur la marge appliqué à la cession des sept parcelles, et de la mise en recouvrement de la différence entre la TVA calculée sur la totalité du prix de vente et celle qui a été effectivement reversée à l’administration au regard du régime de la marge pour les cessions de 2011 et 2012.
La société a contesté ces rappels devant le tribunal administratif de Grenoble qui a, dans un jugement du 29 juin 2017 [1], fait droit aux conclusions du premier chef de redressement tout en ayant rejeté celles relatives au second. Dans un arrêt du 20 décembre 2018 [2], la cour d’appel de Lyon a rejeté la requête de la société ainsi que l’appel incident du ministre portant sur le premier chef de redressement.
Le ministre s’est finalement pourvu en cassation contre cet arrêt et la société a formé, à son tour, un pourvoi incident. Toutefois, peu de temps après l’introduction du pourvoi incident de la société, le ministre a décidé de prononcer le dégrèvement des rappels de la TVA relatifs au second chef de redressement (acquisition des terrains à bâtir ayant fait seulement l’objet d’une division parcellaire avant la revente). Le pourvoi incident devenant sans objet, le Conseil d’Etat ne s’est pas prononcé sur la demande de la société.
Par conséquent, une seule question restait en suspend : le régime de la TVA sur la marge prévu à l’article 268 du Code général des impôts (N° Lexbase : L4910IQW) est-il applicable aux cessions de terrains à bâtir issus de l’acquisition d’une parcelle unique sur laquelle était édifiée un immeuble ? Autrement dit, est-ce qu’une condition d’identités physique et juridique du bien est requise entre l’acquisition et la revente ? La jurisprudence et les réponses ministérielles ont eu des positions divergentes sur les conditions d’application du régime de la marge (I). Le Conseil d’État était donc appelé à trancher le litige. Il a pris position en faveur de la condition d’identités physique et juridique entre l’acquisition et la revente du bien (II).
I - Les incertitudes entourant le régime de la TVA sur la marge en matière immobilière
Si les fondements législatifs et européens du régime de la TVA sur la marge ne laissent pas de doutes quant à ses conditions d’application (A), la doctrine administrative a ajouté une condition supplémentaire relative aux caractéristiques physique et juridique du bien (B).
A - Les fondements législatifs et européens du régime
Le régime de la TVA immobilière a fait l’objet d’une réforme en 2010 ayant conduit à une simplification de la réglementation tout en intégrant les opérations immobilières dans le champ d’application de la TVA de droit commun [3]. Ainsi, par principe, lorsqu’elles sont réalisées par un assujetti agissant en tant que tel dans le cadre de son activité économique, les livraisons à titre onéreux d’immeubles constituent des opérations entrant dans le champ d’application de la TVA. Autrement dit, l’opération se voit appliquer la TVA sur son prix total [4]. Malgré cette règle, l’article 392 de la Directive TVA offre une option aux États en leur permettant d’appliquer le régime de la TVA sur la marge pour certaines opérations immobilières et sous conditions. Le texte dispose que « Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat ».
La France a opté pour ce régime introduit en droit interne par l’article 268 du Code général des impôts. Il précise que « S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir, ou d'une opération mentionnée au 2° du 5 de l'article 261 pour laquelle a été formulée l'option prévue au 5° bis de l'article 260, si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre :
1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ;
2° D'autre part, selon le cas :
a) soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain ou de l'immeuble ;
b) soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués ».
Cette disposition implique que le régime de la marge s’applique aux cessions de terrains à bâtir ainsi qu’aux cessions d’immeubles achevés depuis plus de cinq ans (soumises à la TVA sur option) dès lors que l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe. Il s’agit de la seule condition requise par le texte.
L’application d’une TVA sur la marge est parfaitement justifiée au regard de l’esprit même de cet impôt. En effet, son objectif consiste à limiter l’assiette de la taxe afin d’imposer seulement la valeur ajoutée d’un bien. Dès lors qu’un opérateur procède à la revente de terrains à bâtir acquis sans droit à déduction, la taxation sur le prix intégral lors de la revente conduirait à imposer l’opérateur sur une assiette plus large que la seule valeur ajoutée.
Traditionnellement, lorsqu’un opérateur achète un bien 200 euros, il paie sur cette acquisition un montant de taxe de 40 euros (taux de TVA de 20 %) qui est déductible. Lorsque l’entreprise revend le bien pour un montant de 300 euros par exemple, l’entreprise collecte une TVA de 60 euros. La société ayant un rôle de collecteur d’impôt pour l’État, elle doit faire la différence entre la TVA collectée et la TVA déductible et reverser le solde à l’État (60 - 40 = 20 eurps à reverser). Autrement dit, la TVA au taux de 20 % s’applique sur une assiette constituée par la différence entre le prix d’achat et le prix de vente (300 - 200 = 100).
Pour revenir à la TVA immobilière, prenons l’exemple d’un opérateur qui achète un bien à un particulier pour 200 euros sans TVA et le revend 300 euros avec une TVA sur le prix intégral. La base d’imposition est de 300 euros et le montant de TVA est de 60 euros. L’opération d’achat n’ayant pas donné lieu au paiement de la taxe, l’opérateur doit reverser 60 euros à l’État. Par conséquent, dans cette situation, la TVA ne s’applique plus à la seule valeur ajoutée qui est la différence entre le prix d’achat et de revente (300 - 200 = 100), mais à l’intégralité du prix de revente (300 euros). Il est évident que ce mode de fonctionnement ne correspond pas à l’esprit de la TVA qui a vocation à s’appliquer à l’ensemble des transactions tout au long du circuit économique en permettant l’exercice du droit à déduction.
L’utilisation du régime de la marge permet de corriger ce problème puisqu’avec le même exemple l’opérateur qui revend le bien à 300 euros se verrait appliquer une TVA sur la marge qui est de 100 euros. Le montant de la TVA correspondant est bien de 20 euros. L’application du régime de la marge a également des effets sur le prix payé par le consommateur final. Ainsi, l’objectif du législateur a été de préserver le prix de vente de certains biens immobiliers en maintenant un montant de TVA équivalent à celui appliqué avant la réforme de 2010.
B - Une condition d’identité imposée par la doctrine administrative source d’insécurité
En pratique, la mise en œuvre du régime de la TVA sur la marge s’est toutefois avérée délicate. En effet, l’administration a ajouté dans sa doctrine une condition supplémentaire en réservant l’application du régime aux seules cessions d’immeubles acquis et revendus en gardant la même qualification juridique (un terrain à bâtir ou un immeuble conservant la même nature juridique) et la même caractéristique physique (le bien devant être strictement identique en ce qui concerne la superficie par exemple).
Cette condition d’identité paraissait toutefois contestable dans la mesure où elle trouvait sa source dans la doctrine administrative qui a une portée particulière en vertu de l’article L. 80 A du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L6958LLB). Ce texte pose le principe de l’opposabilité de la doctrine fiscale en permettant aux contribuables de s’en prévaloir. Néanmoins, cette règle trouve une application particulière lorsque la doctrine ne se contente pas d’apporter des précisions sur un texte mais ajoute des éléments nouveaux à ce qui est prévu par la loi. Dans cette situation, on parle de doctrine administrative illégale et deux régimes juridiques s’appliquent en fonction du caractère favorable ou défavorable du texte pour le contribuable. Pour ce qui nous intéresse, la doctrine administrative relative à la TVA sur marge pour les livraisons de terrains à bâtir et les immeubles achevés depuis plus de cinq ans est illégale et défavorable au contribuable puisqu’elle ajoute une condition non prévue par la loi. Or, une doctrine illégale et défavorable n’est pas opposable au contribuable. Elle demeure contestable devant le juge par le biais du recours pour excès de pouvoir.
En dépit de cela, cette condition d’identité créait une réelle insécurité juridique notamment pour les opérations en cours des aménageurs et lotisseurs dont l’activité consiste à réaliser des divisions parcellaires. D’autant que la position de l’administration a été confirmée dans quatre réponses ministérielles de 2016 [5].
Malgré la position de l’administration fiscale et les réponses ministérielles, le tribunal administratif de Grenoble a admis, dans un arrêt du 14 novembre 2016 [6], l’application de la TVA sur la marge à une opération de marchand de biens portant sur la vente de parcelles de terrain à bâtir extraits d’ensembles bâtis avec terrains acquis sans droit à déduction. Le tribunal administratif a donné gain de cause au contribuable en relevant, au visa de l’article 268 Code général des impôts, « que l’application de la TVA sur la marge […] est conditionnée au seul fait que l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la TVA ; que contrairement à ce que soutient l’administration il ne ressort pas de ces dispositions que les terrains revendus comme terrains à bâtir doivent nécessairement avoir été acquis comme terrain n’ayant pas le caractère d’immeuble bâti » [7]. Cette position a été confirmée à plusieurs reprises par les juges du fond [8].
Face aux divergences d’interprétation, le gouvernement a revu sa position en 2018 en précisant dans une réponse ministérielle que seule l’identité juridique devait être respectée [9]. C’est dans ce contexte que le Conseil d’État était amené à se prononcer sur la condition d’identité pour l’application de la TVA immobilière sur la marge.
II - Une prise de position du Conseil d’État en faveur de la condition d’identité
Si le Conseil d’État a pris position en faveur du respect de la condition d’identités physique et juridique du bien entre son acquisition et sa revente (A), les fondements de cette décision semblent surprenants au regard de l’esprit de la Directive TVA (B).
A - L’affirmation d’une double condition pour l’application du régime de la marge
Rappelons que postérieurement à l’introduction du pourvoi incident par la société, le ministre a accordé le dégrèvement des rappels de TVA relatifs à la cession des terrains à bâtir qui avaient simplement fait l’objet d’une division parcellaire après leur acquisition (identité physique non respectée / identité juridique respectée). La TVA sur la marge était bien applicable selon le ministre. Par conséquent, il convient de noter que l’arrêt nous enseigne d’ores et déjà que le ministre a retenu une position conforme à la réponse ministérielle dite « Vogel » de 2018 en considérant que l’identité physique n’était plus une condition d’application du régime de la marge.
Néanmoins, une autre question devait être tranchée pour le Conseil d’État. Elle concernait la cession des terrains à bâtir résultant de la division d’une parcelle unique sur laquelle était édifiée un immeuble qui a fait l’objet d’une démolition (identités physique et juridique non respectées). Le Conseil d’État vient ici trancher le débat en allant plus loin que la réponse dite « Vogel » puisqu’il impose le respect de la condition d’identité tant au niveau de la qualification juridique que des caractéristiques physiques. L’arrêt précise en effet que « la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en jugeant qu'il résultait des dispositions des articles 268 du Code général des impôts et 392 de la Directive du 28 novembre 2006 que le bénéfice du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge était subordonné à la seule condition que l'acquisition du bien cédé n'ait pas ouvert droit à déduction de la taxe et en jugeant sans incidence sur sa mise en œuvre la circonstance que les caractéristiques physiques et la qualification du bien en cause aient été modifiées entre son acquisition et sa vente ».
Le fondement de cette solution peut surprendre puisque la lecture de l’article 268 du Code général des impôts ne permet aucunement de retenir une telle position. Or, le Conseil d’État, après avoir cité les articles 268 du Code général des impôts et 392 de la Directive TVA, précise qu’ « il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la Directive dont elles ont pour objet d’assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti, quand le bâtiment qui y était édifié a fait l’objet d’une démolition de la part de l’acheteur-revendeur ».
Par conséquent, la position du Conseil d’État impose désormais la réunion de deux conditions :
B - Un position surprenante au regard de l’esprit de la Directive TVA
La prise de position du Conseil d’État résulte donc de la lecture de l’article 268 du Code général des impôts à la lumière de la Directive TVA. Il s’agit d’une situation, particulièrement connue en matière d’abus de droit, d’application d’un texte à travers son esprit. Or, la lecture d’un texte à travers ses finalités impose un raisonnement rigoureux conduisant à rechercher dans les travaux préparatoires quels ont été ses objectifs. L’arrêt reste flou sur ce point en précisant seulement que les dispositions des articles 268 du Code général des impôts et 392 de la Directive TVA ont été « lues à la lumière de celles de la Directive dont elles ont pour objet d'assurer la transposition ».
Rappelons tout d’abord, qu’à notre sens, la position du Conseil d’État ne peut se fonder sur l’article 392 de la Directive TVA qui précise : « Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat ». En effet, la lecture de cet article ne permet pas de retenir une condition d’identité malgré ce que soutient la rapporteure publique Madame Karin Ciavaldini qui considère que cette disposition « limite le champ de la disposition aux opérations d’achat-revente » [10].
Aucun élément n’est apporté par l’arrêt ou dans les conclusions de la rapporteure publique sur la lecture des dispositions des articles 268 du Code général des impôts et 392 de la Directive TVA à « la lumière de la Directive ». Seule une étude historique de l’article 268 du Code général des impôts dans les conclusions de cette dernière apporte des éléments de réponse, mais en se fondant sur le régime antérieur à la réforme de la TVA immobilière de 2010.
Si les professionnels doivent bien évidemment suivre la position de la haute juridiction dans leur activité de conseil, il semble que de nombreux arguments peuvent encore être mis en avant en ce qui concerne l’activité contentieuse. Il est en effet incontestable que l’esprit de la Directive fait de la neutralité de la taxe un principe essentiel. Comme cela a été évoqué, l’application du régime de la marge obéit à une finalité particulière permettant d’assurer la taxation de la véritable « valeur ajoutée » dès lors que l’acquisition du bien n’a pas ouvert droit à déduction. Soumettre la revente du bien à une TVA sur le prix total s’oppose au respect d’un tel principe, que celui-ci ait fait l’objet d’une évolution sur le plan juridique ou sur ses caractéristiques physiques. D’autant que l’administration, à travers les dégrèvements accordés par son ministre, semblait favorable au maintien de la seule condition juridique. Dans le doute, il aurait certainement été plus judicieux que la haute juridiction saisisse la CJUE d’une question préjudicielle.
[1] TA, Grenoble, 29 juin 2017, n° 1504042.
[2] CAA de Lyon, 28 décembre 2018, n° 17LY03359 (N° Lexbase : A4734YS7).
[3] Loi n° 2010-237 du 9 mars 2010, de finances rectificative pour 2010 (N° Lexbase : L6232IGW).
[4] CGI, art., 266 (N° Lexbase : L9106LNL).
[5] QE n° 94061 de Mme Laure de La Raudière, JOANQ 15 mars 2016, réponse publ. 30 août 2016 p. 7769, 14ème législature (N° Lexbase : L0979LAI) ; QE n° 91143 de M. Olivier Carré, JOANQ 17 novembre 2015, réponse publ. 30 août 2016 p. 7769, 14ème législature (N° Lexbase : L2184LA7) ; QE n° 96679 de M. Dominique Bussereau, JOANQ 14 juin 2016, réponse publ. 20 septembre 2016 p. 8522, 14ème législature (N° Lexbase : L2650LAE) ; QE n° 94538 de M. Gilles Savary, JOANQ 29 mars 2016, réponse publ. 20 septembre 2016 p. 8514, 14ème législature (N° Lexbase : L2410LAI).
[6] TA de Grenoble, 14 novembre 2016, n° 1403397 (N° Lexbase : A8072ULK).
[7] TA de Grenoble, 14 novembre 2016, n° 1403397, « SARL Gepim » : JurisData n° 2016-029563 ; Dr. fisc. 2017, n° 12, comm. 216, note R. Vogel.
[8] Dans le même sens, v. notamment : TA de Grenoble, 18 mai 2017, n° 1502588, « Sté Fimiron » : JurisData n° 2017-021845 : Dr. fisc. 2017, n° 48, étude 557, spéc. n° 11.
[9] Rép. min. n° 04171 : JO Sénat 17 mai 2018, p. 1439 (N° Lexbase : L2363LL4).
[10] Conclusions de Madame la rapporteure Publique Karin Ciavaldini.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:473279
Lecture: 15 min
N7588BYP
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par William Stemmer Avocat associé Cabinet Taj et David Colin Avocat associé Cabinet Reed Smith LLP à Paris
Le 31 Mai 2021
Le contentieux en TVA sur marge en matière immobilière est important et éparses de solutions diverses. Le principal rebondissement récent est, on le rappelle, une décision du Conseil d’État en date du 27 mars 2020 « Promialp » (CE 8° et 3° ch.-r., 27 mars 2020, n° 428234, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A42573KU).
Un contentieux est né s’agissant des conditions d’application de la TVA sur marge dans la mesure où certains prétendaient qu’il suffisait que l’acquisition du terrain ou de l’immeuble bâti n’ait pas été soumise à la TVA (sur la base d’une lecture littérale de l’article 268 du CGI (N° Lexbase : L4910IQW) qui ne contient aucune autre condition) alors que d’autres (l’administration fiscale) considéraient qu’une condition supplémentaire devait être remplie tenant à une identité des caractéristiques du bien acquis avec le bien revendu.
Le Conseil d’État est venu valider cette seconde thèse en procédant à la lecture de l’article 268 du CGI « à la lumière » de l’article de la Directive TVA (N° Lexbase : L7664HTZ) qu’il transpose, à savoir l’article 392 de la Directive, et qui, selon le Conseil d’État, contient une condition d’identité :
« Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la Directive dont elles ont pour objet d’assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti, quand le bâtiment qui y était édifié a fait l’objet d’une démolition de la part de l’acheteur-revendeur ».
L’application du régime de la TVA sur marge requiert donc deux conditions cumulatives :
À la suite de cette décision, d’autres juridictions se sont prononcées.
📌 TVA sur marge – TAB – détachement de parcelles post acquisition – décision de CAA après PROMIALP
👉 CAA Bordeaux, 16 juin 2020, n° 18BX02231, J2D Invest (N° Lexbase : A13613P4)
Interprétant l’article 268 du CGI à la lumière de l’article 392 de la Directive TVA, à l’instar du Conseil d’État dans l’affaire PROMIALP, la CAA de Bordeaux vient de juger, dans une affaire SARL J2D Invest, que la TVA sur marge ne s’applique pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti, quand le terrain sur lequel le bâtiment qui y est édifié a fait l’objet d’une division en deux lots dont un terrain à bâtir.
Dans cette affaire, les terrains à bâtir vendus par la société J2D Invest provenaient d’un ensemble immobilier à usage d’habitation comprenant deux appartements avec dépendances bâties et non bâties qu’elle avait acquis, et dont la division parcellaire en deux lots, dont un terrain à bâtir qui lui-même avait été divisé en trois lots, a eu lieu postérieurement à cette acquisition. Cette situation apparaît donc différente de celle de l’affaire PROMIALP dans laquelle le bâtiment qui était édifié sur le terrain à bâtir revendu avait fait l’objet d’une démolition de la part de l’acheteur-revendeur. Si, comme nous le comprenons, le terrain objet du litige n’était pas construit lors de l’acquisition par la société J2D Invest, l’analyse retenue par la CAA de Bordeaux n’est pas évidente dans la mesure où elle repose sur le postulat que la qualification de terrain à bâtir au moment de l’acquisition dépend du timing de la division cadastrale. Une telle analyse qui n’est pas fondée sur les critères objectifs de qualification d’un terrain à bâtir au sens de la TVA, à savoir « de l’herbe dans une zone constructible du PLU » devra en effet être confirmée (voir sur ce point, nos précédents articles concernant l’affaire PROMIALP et l’état des lieux avant cette décision). On se souviendra également que la réponse aux questions préjudicielles qui viennent d’être renvoyées par le Conseil d’État dans l’affaire Icade Promotion Logement devra être également prise en considération si la présente affaire faisait l’objet d’un pourvoi devant le Conseil d’État. L’affaire tranchée par la CAA de Bordeaux est véritablement le point difficile de la condition d’identité. |
📌 TVA sur marge – prise en compte du terrain d’assiette des parties communes d’un lotissement
👉 CAA Bordeaux, 9 juillet 2020, n° 18BX02878, Soc Commerciale Industrielle Immobilière (N° Lexbase : A23843RQ)
👉 CAA Marseille, 17 décembre 2020, n° 20MA00636, SARL SAUL (N° Lexbase : A37264BM)
Le calcul de la TVA sur marge qui peut être résumé comme : prix de vente – prix d’achat – droits payés lors de l’achat, prend en compte le prix d’achat et la surface des terrains d’assiette des parties communes du lotissement qui sont cédées gratuitement à la collectivité publique. Ce principe a été rappelé par la CAA de Bordeaux et la CAA de Marseille à l’occasion de deux affaires issues de redressements soutenant des solutions différentes l’une de l’autre. |
📌 TVA – TAB – deux nouvelles décisions du CE
👉 CE 8° ch., 1er juillet 2020, n° 435463, inédit au recueil Lebon Immoxine (N° Lexbase : A29813QH). Immoxine, qui exerce une activité de marchand de biens, a procédé, les 5 juin 2012 et 16 mai 2014, à la cession de trois terrains à bâtir issus de la division parcellaire de deux ensembles immobiliers constitués, chacun, d’une maison à usage d’habitation et de son terrain d’assiette, acquis les 28 février 2012 et 24 octobre 2013.
Solution : la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit […] en jugeant sans incidence sur sa mise en œuvre la circonstance que les caractéristiques physiques et la qualification du bien en cause aient été modifiées entre son acquisition et sa vente.
👉 CE 8° ch., 1er juillet 2020, n° 431641, inédit au recueil Lebon, RGMB (N° Lexbase : A29763QB) : RGMB, qui exerce une activité de marchand de biens, a acquis le 19 juillet 2012 un ensemble immobilier constitué d’un terrain sur lequel était implantée une maison d’habitation. Cet ensemble immobilier a fait l’objet, après son acquisition, d’une division en neuf parcelles, l’une constituée d’un terrain supportant la construction et les huit autres de terrains nus. Ces neuf parcelles ont été cédées en six lots entre le 18 novembre 2012 et le 30 juillet 2014.
Solution : la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit […] en jugeant que ne faisait pas obstacle à la mise en œuvre de ce régime la circonstance que les biens cédés comme terrains à bâtir n’avaient pas été acquis comme tels.
Considérant de principe : « Il résulte de ces dernières dispositions [article 268 du CGI], lues à la lumière de celles de la directive [article 392 de la Directive TVA] dont elles ont pour objet d’assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti ». Dispositif : annulation et renvoi Remarque concernant l’affaire « RGMB » : la solution rendue dans la décision RGMB nous pose problème, car selon nous, ce n’est pas la parcelle qui fait la qualification TVA, mais les critères de qualification du TAB ou du bâtiment. En effet, dans cette affaire, un bâtiment « contamine » huit TAB. Lorsque nous avons à l’esprit la définition très large du bâtiment au regard de la TVA (BOI-TVA-IMM-10-10-10-20-20140929 point 30 : « construction incorporée au sol » […], ce qui inclut notamment les routes, voies ferrées, ponts, tunnels, digues, barrages, pylônes, lignes électriques, conduites d’eau ou de gaz, parcs de stationnement, murs de clôture, constructions industrielles diverses, etc. »), cela conduit à considérer, a contrario, comme immeuble bâti une parcelle comprenant un grand terrain qui supporterait une petite construction incorporée au sol, en état d’être utilisée (voir à cet égard les commentaires sous l’arrêt « J2D Invest »). |
💡 Suite de la décision « RGMB » : CAA de Marseille, 18 février 2021, n° 20MA02162 (N° Lexbase : A62484HU)
|
📌 TVA sur marge et « unité foncière » – position dure de la CAA de Nantes
👉 CAA Nantes, 24 septembre 2020, n° 18NT03770, SARL JLDE (N° Lexbase : A26203WX). LDE, qui exerce une activité de marchand de biens, a acquis, le 18 juin 2014, un ensemble immobilier composé d’une maison d’habitation et d’un terrain. Le 27 février 2014, soit avant l’acquisition de cet ensemble immobilier, JLDE avait obtenu un certificat de non-opposition à la division du terrain en lots. Après division de cet ensemble immobilier en trois lots, la société a revendu séparément chacun des lots : un premier lot supportant la maison d’habitation existante et les deux autres lots en tant que terrain à bâtir. Les deux terrains à bâtir ont été revendus en incluant de la TVA calculée sur la marge.
Solution : les deux terrains à bâtir cédés […] faisaient partie, au moment de leur acquisition, d’une seule et même unité foncière supportant une maison d’habitation. Ces terrains avaient donc, au moment de leur acquisition, la qualité d’immeuble bâti, et non de terrain à bâtir. La circonstance que ces terrains étaient déjà, au moment de la vente, constructibles au regard de la législation d’urbanisme en vigueur est à cet égard sans incidence. De même, le fait que la division de l’unité foncière a été autorisée préalablement à la vente est également sans incidence sur la qualification de ces terrains, dès lors que ceux-ci n’ont pas été acquis séparément […].
👉 CAA Nantes, 24 septembre 2020, n° 18NT03796, SASU Immoteli (N° Lexbase : A26223WZ). Immotelli, qui exerce une activité de marchand de biens, a acquis, le 15 septembre 2015, un ensemble immobilier composé d’une maison d’habitation et d’un terrain de 1 144 m². La société a revendu deux lots issus du « démembrement » de ce bien : un premier lot revendu en tant que terrain à bâtir dont la vente a été placée sous le régime de la TVA sur marge et le second lot composé de la maison existante et d’une partie du terrain initial.
Solution : le terrain à bâtir cédé […] faisait partie, au moment de son acquisition, d’une seule et même unité foncière supportant une maison d’habitation. […] Ce terrain avait donc, au moment de son acquisition, la qualité d’immeuble bâti, et non de terrain à bâtir. La circonstance que la maison d’habitation n’a pas été démolie est à cet égard sans incidence sur le changement de qualification juridique de ce terrain entre son acquisition et sa revente.
👉 CAA Nantes, 24 septembre 2020, n° 18NT03811, SARL KLA Promotions (N° Lexbase : A26233W3). KLA promotions, qui exerce une activité de marchand de biens, a acquis en indivision avec la société AMB Habitat, le 10 juin 2011 et le 19 juillet 2011, à hauteur de 30 %, deux ensembles immobiliers composés chacun d’une maison d’habitation et d’un jardin. Après division de ces ensembles immobiliers en plusieurs lots, KLA Promotions a revendu dix terrains à bâtir dont les ventes ont été placées sous le régime de la TVA sur marge.
Solution : chaque terrain à bâtir cédé […] faisait partie, au moment de son acquisition, d’une seule et même unité foncière supportant une maison d’habitation. Ces terrains avaient donc, au moment de leur acquisition, la qualité d’immeuble bâti, et non de terrains à bâtir dès lors que ceux-ci n’ont pas été acquis séparément de la maison. De la même façon […], le fait qu’un document d’arpentage faisant apparaître les divisions parcellaires a été enregistré avant l’acquisition du bien est sans incidence sur la qualification des terrains au moment de leur acquisition.
👉 CAA Nantes, 24 septembre 2020, n° 18NT03820, EURL Boussard Michel (N° Lexbase : A26243W4). l’EURL, qui exerce une activité de marchand de biens, a acquis entre 2008 et 2011, trois ensembles immobiliers composés chacun d’une maison d’habitation et d’un terrain. La société a ensuite revendu onze terrains à bâtir issus du « démembrement » de ces biens et appliqué la TVA sur marge au titre de ces cessions.
Solution : les terrains à bâtir cédés […] faisaient partie, au moment de leur acquisition, d’une seule et même unité foncière supportant une maison d’habitation. Ces terrains avaient donc, au moment de leur acquisition, la qualité d’immeuble bâti et non de terrains à bâtir. La circonstance que les actes de vente de plusieurs de ces terrains faisaient état d’une condition suspensive liée à la division de ces terrains est sans incidence sur la qualification de ces terrains, dès lors que ceux-ci n’ont pas été acquis séparément par la société.
Considérant de principe : « Il résulte de ces dernières dispositions [article 268 du CGI], lues à la lumière de celles de la directive [article 392 de la Directive TVA] dont elles ont pour objet d’assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti ». Dispositif : annulation des jugements prononçant la décharge des rappels de TVA pour les sociétés visées. Remarque : par ces arrêts, la CAA de Nantes applique le considérant de principe dégagé par le Conseil d’État depuis sa décision « Promialp » du 27 mars 2020, en retenant un raisonnement basé sur la notion d’unité foncière. Ainsi, lorsque le terrain et la construction font partie d’une même unité foncière, la revente ultérieure du terrain ne peut pas être soumise à la TVA sur marge, la condition d’identité n’étant pas remplie. La TVA sur marge nécessiterait, selon la CAA de Nantes, une acquisition séparée du terrain. À noter que l’enregistrement d’un document d’arpentage (SARL KLA Promotions) ou l’obtention d’un certificat de non-opposition à la division du terrain en lots (SARL JLDE) n’a pas été pris en considération par la CAA de Nantes, contrairement aux réponses ministérielles, postérieures aux faits et dès lors non opposables au cas particulier. Nous continuons à penser que la notion d’identité doit uniquement s’apprécier au regard de notions de TVA. Nous rappelons à cet égard que depuis le 11 mars 2010, le terrain à bâtir se définit, objectivement, comme un terrain (ce qui nécessite de vérifier l’absence de constructions au sens de la TVA) sur lequel des constructions peuvent être autorisées en application des documents qui caractérisent leur situation au regard des règles d’urbanisme. Le chaînon manquant est effectivement la notion de sol attenant à un bâtiment. Cependant, la notion d’unité foncière n’apparaît pas adaptée dans la mesure où elle permet une contagion maximale du bâti. |
📌 TVA – division parcellaire post acquisition – cession séparée du bâti et du terrain – pas de TVA sur marge
👉 CE 8° ch., 6 novembre 2020, n° 439646, inédit au recueil Lebon, Société Aurépré (N° Lexbase : A010334L)
👉 CE 8° ch., 6 novembre 2020, n° 434022, inédit au recueil Lebon, SARL TK Immobilier (N° Lexbase : A0093349) :
👉 CE 8° ch., 6 novembre 2020, n° 439647, inédit au recueil Lebon, EURL Toutoune (N° Lexbase : A010434M) :
👉 CE 8° ch., 30 novembre 2020, n° 440137, inédit au recueil Lebon, SARL Les Aravis (N° Lexbase : A410338H) :
Considérant de principe : « Il résulte de ces dernières dispositions [article 268 du CGI], lues à la lumière de celles de la directive [article 392 de la Directive TVA] dont elles ont pour objet d’assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l’objet d’une démolition de la part de l’acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l’objet d’une division parcellaire en vue d’en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d’assiette du bâtiment ». Dispositif : annulation et renvoi Remarque : décisions dans le sillage de l’affaire « RGMB » du 1er juillet 2020 (voir ci-dessus) et à comparer avec les récents arrêts de la CAA de Nantes du 24 septembre 2020 (voir ci-dessus). On relève une modification du considérant de principe, que nous avons indiqué en gras, afin de viser précisément l’hypothèse de la cession du terrain entourant l’immeuble bâti. Le critère retenu est celui-ci de la parcelle. Ainsi, si l’immeuble bâti et le terrain appartiennent à la même parcelle, le tout est qualifié d’immeuble bâti lors de l’acquisition. Il s’agit de la confirmation de la solution rendue dans la décision RGMB. cette solution nous pose problème, car, à notre sens, ce n’est pas la parcelle qui fait la qualification TVA, mais les critères de qualification du TAB ou du bâtiment. |
➡️ Retrouvez toute l’actualité de la TVA immobilière sur TAXIMMO.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:477588
Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 25 juin 2020, n° 416727, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A34753PE)
Lecture: 20 min
N4177BYD
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Marie-Gabrielle Merloz, Rapporteur public au Conseil d’État
Le 18 Mai 2021
Par un arrêt du 25 juin 2020, le Conseil d’État a saisi la CJUE de deux questions préjudicielles portant sur l’application du régime de la TVA sur marge en cas de cession de terrain à bâtir. Lexbase Hebdo Édition Fiscale vous propose les conclusions du Rapporteur public, Marie-Gabrielle Merloz.
1. La société Icade Promotion Logement exerce une activité de promotion immobilière et de lotissement. À cette fin, elle acquiert auprès de particuliers des terrains non viabilisés qu’elle revend ensuite par lots à des personnes physiques en vue de la construction d’immeubles à usage d’habitation, après avoir réalisé des travaux de voieries et réseaux divers. Elle a soumis ces opérations, au titre des années 2007 et 2008, au régime de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur la marge alors prévu par les dispositions combinées du 6° de l’article 257 (N° Lexbase : L6267LUN) et de l’article 268 (N° Lexbase : L4910IQW) du Code général des impôts (CGI). Estimant que cette TVA avait été collectée en violation de la Directive 2006/112/CE, du Conseil du 28 novembre 2006, relative au système commun de TVA (N° Lexbase : L7664HTZ), elle s’est finalement ravisée. Elle en a sollicité la restitution auprès de l’administration fiscale par voie de réclamation sur le fondement de l’article L. 190 du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L3311LCM), puis devant le juge de l’impôt.
Elle n’a pas connu plus de succès devant les juges du fond que devant l’administration. Mais par une décision du 28 décembre 2016 (CE 3° et 8° ch.-r., 28 décembre 2016, n° 385232, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3671SYM, RJF, 3/17, n° 232, avec concl. E. Cortot-Boucher), vous avez annulé un premier arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles en tant qu’il portait sur la restitution de la TVA correspondant aux opérations réalisées par cette société et vous avez renvoyé, dans cette mesure, l’affaire à la cour. Vous n’avez pas eu à connaître du bien-fondé du litige à cette occasion. L’erreur de droit censurée ne portait en effet que sur l’appréciation de la recevabilité de la demande de restitution de la société requérante qui se trouvait en situation de crédit intermittent. La société Icade Promotion Logement conteste aujourd’hui devant vous l’arrêt du 19 octobre 2017 par lequel cette même cour, statuant sur renvoi, a rejeté à nouveau son appel mais en se prononçant au fond, sans examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre.
2. La société requérante conteste cet arrêt tant au regard du droit interne que du droit de l’Union européenne. Nous nous concentrerons sur la question de la conformité du régime de taxation sur la marge à l’article 392 de la Directive TVA qui est au cœur de ce litige et soulève, à nos yeux, une difficulté sérieuse d’interprétation qui justifie que vous en saisissiez la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur le fondement des dispositions de l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).
Avant d’entrer plus avant dans le détail de l’argumentation du pourvoi, nous dirons un mot rapide du cadre juridique dans lequel s’inscrit cette question.
Ainsi que l’a jugé la Cour de justice dans un arrêt du 17 janvier 2013, (CJUE, 17 janvier 2013, aff. C-543/11, Woningstichting Maasriel N° Lexbase : A2947I3K, RJF, 4/13, n° 450 s’agissant d’un terrain non bâti livré après la démolition du bâtiment qui s’y trouvait et destiné à être bâti à la date de sa livraison), la livraison des terrains à bâtir est une opération qui doit, en principe, être soumise à la TVA. Cela résulte des dispositions combinées du b) du 1 de l’article 12 de la Directive TVA, qui inclut ces opérations dans le champ des opérations soumises à la TVA, et du k du 1 de son article 135, qui les exclut expressément de l’exonération prévue en faveur des « livraisons de biens immeubles non bâtis ».
Dans l’attente de l’introduction du régime définitif, les États membres ont toutefois été autorisés, à titre transitoire, à maintenir les exonérations prévues par leur législation, leur interdisant seulement d’en créer de nouvelles. Et vous savez que l’harmonisation complète des règles en la matière tardant à voir le jour, cette période transitoire n’a pas encore pris fin. En vertu de cette clause dite de gel, l’article 392 de la Directive TVA, qui reprend précisément les dispositions du f) du paragraphe 3 de l’article 28 de la sixième Directive [1], permet aux États membres de prévoir, par dérogation, « que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ».
En droit interne, le régime applicable au litige résultait de la combinaison des articles 257 et 268 du Code général des impôts, dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la réforme opérée par la loi de finances rectificative pour 2010 [2]. Les opérations portant sur des immeubles étaient alors soumises à deux régimes distincts d’imposition à la TVA.
Les opérations « concourant à la production ou à la livraison d’immeubles » relevaient de la TVA dite immobilière dont le champ était défini au 7° de l’article 257. À l’époque du litige, ce régime de droit commun ne s’appliquait pas aux acquisitions de terrains réalisées par des particuliers en vue de la construction d'immeubles à un usage d'habitation. Ces dernières avaient en effet été exclues du champ d’application de la TVA immobilière par la loi de finances pour 1999 [3] afin de relancer le secteur de la construction.
Les opérations « dont les résultats doivent être compris dans les bases de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux », autrement dit celles réalisées par des marchands de biens, visées au 6° de ce même article 257, relevaient pour leur part de la TVA dite sur la marge. Comme ce nom l’indique, la taxe était assise non sur l’intégralité du prix de cession de l’immeuble mais de la marge réalisée par le cédant conformément aux dispositions de l’article 268, dans sa rédaction alors applicable [4].
Ces dernières dispositions ne s’appliquaient que « sous réserve du 7° » et revêtaient donc un caractère subsidiaire, ainsi que vous l’avez jugé dans vos décisions du 16 décembre 1991, « Tricoire » (CE 7° et 8° ssr., 16 décembre 1991, n° 110623, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9764AQP, RJF, 2/92, n° 198, concl. O. Fouquet p. 109) et du 21 décembre 2006, « Vielmon » (CE 3° et 8° ssr., 21 décembre 2006, n° 290092, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1468DTK, RJF, 3/07, n° 268, concl. P. Collin, BDCF, 3/07, n° 26). Autrement dit, les ventes de terrains à bâtir étaient en principe soumises à la TVA dans les conditions fixées au 7° et ce n’est que si elles ne relevaient pas de ce régime que les dispositions du 6° pouvaient trouver à s’appliquer.
La position de la société requérante peut paraître de prime abord contre-intuitive. Elle conteste l’application du régime de la taxation sur la marge, pourtant plus favorable, pour revendiquer le bénéfice de la TVA immobilière. Mais ce paradoxe n’est qu’apparent : la société requérante, qui cède ses terrains à des particuliers en vue de la construction d'immeubles à un usage d'habitation, estime de ce fait être exclue du champ d’application de la TVA immobilière et échapper entièrement à l’imposition.
3. Si nous lisons correctement les écritures, la société requérante soulève une double critique pour démontrer que le régime de taxation sur la marge est incompatible avec l’article 392 de la Directive TVA.
En premier lieu, et c’est sa principale ligne de défense, elle estime que cet article n’autorise les États membres à soumettre à ce régime que les reventes de terrains à bâtir dont l’acquisition a été effectivement grevée de TVA, sans que l’acquéreur n’ait eu le droit d’en opérer la déduction. En revanche, et à l’inverse de ce qu’a jugé la cour, ce régime ne trouverait pas à s’appliquer en l’absence de tout paiement de taxe lors de l’achat des terrains à bâtir, comme ce fut le cas en l’espèce. Ce dernier point n’est pas complètement évident mais la cour le tient pour acquis et le ministre ne le conteste pas plus devant vous que devant les juges du fond.
La première question posée par le litige porte donc sur l’interprétation du membre de phrase de l’article 392 qui prévoit que l’assujetti « n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition ». Elle porte sur le point de savoir s’il ne vise que l’hypothèse stricte où l’assujetti a été privé d’un droit à déduction lors de l’acquisition de l’immeuble ou si elle englobe, plus largement, l’ensemble des hypothèses dans lesquelles l’opération n’a pas pu ouvrir droit à déduction, y compris celles d’une opération qui n’a pas supporté de TVA, soit qu’elle en ait été exonérée, soit qu’elle ait été placée hors de son champ d’application.
Votre jurisprudence n’est pas totalement vierge sur ce point. Vous avez admis la conformité du régime dérogatoire de la TVA sur la marge prévu par le 6° de l’article 257 et l’article 268 du Code général des impôts avec la sixième Directive et la Directive TVA au moins à deux reprises, dans vos décisions du 30 septembre 1992, « Min. du budget c/ SARL Véfrance Foncier » (CE 8° et 9° ssr., 30 septembre 1992, n° 74640, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7657ARZ, sur un autre point, RJF, 11/92, n° 1491 s’agissant d’un litige portant sur la détermination de la base d’imposition alors prévue à l’article 268) et du 27 mars 2015, « Société Compagnie immobilière d’aménagement (CIA) et Sté S2J » (CE 8° et 3° ssr., 27 mars 2015 n°s 372382 N° Lexbase : A6848NED et 374159 N° Lexbase : A6853NEK, inédits au recueil Lebon, RJF, 6/15, n° 477, concl. N. Escaut, BDCF, 6/15, n° 67 s’agissant des régimes alors prévus au 6° et 7° de l’article 257 [5]). Ces précédents, spécifiquement ces deux dernières décisions dont la portée très générale paraît dépasser le cadre du litige dont vous étiez saisis, peuvent légitimement faire hésiter à rouvrir un débat qui semble clôt.
C’est toutefois la première fois que vous êtes spécifiquement saisis de la question posée par le pourvoi et l’argumentation défendue devant vous mérite qu’on s’y arrête.
La société requérante se prévaut principalement de la version anglaise de l’article 392 de la Directive TVA, semblable à celle adoptée par dix autres pays [6], qui prévoit que le régime de la TVA sur la marge s’applique non, comme dans la version française ou les versions allemande, italienne et espagnole, lorsque l’assujetti-revendeur « n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition », mais lorsque la TVA sur l’achat n’était pas déductible. Ces deux types de rédaction peuvent faire douter sur l’interprétation à donner de ces dispositions.
La société requérante n’ignore pas que ces divergences linguistiques ne justifient pas, à elles-seules, de saisir la Cour de justice d’une question préjudicielle. Selon une jurisprudence constante, il y a lieu, dans un tel cas, d’opter pour l’interprétation qui est la plus à même de sauvegarder l’effet utile de la disposition en cause et de se prononcer en fonction de l’économie générale et de la finalité de la règlementation dont elle constitue un élément. La nécessité d’une application et, dès lors, d’une interprétation uniformes d’un acte de l’Union exclut en effet que celui-ci soit considéré isolément dans l’une de ses versions, mais exige qu’il soit interprété en fonction tant de la volonté réelle de son auteur que du but poursuivi par ce dernier, à la lumière, notamment, des versions établies dans toutes les langues (voyez entre autres : CJCE, 9 mars 2000, aff. C-437/97, EKW et Wein & Co N° Lexbase : A1940AWR, RJF, 7-8/00, n° 1038, points 41 et 42 ; CJCE, 14 septembre 2000, aff. C-384/98, D. et W. N° Lexbase : A2011AIC, RJF, 1/01, n° 124, point 16 ; CJCE, 1er avril 2004, aff. C-1/02, Borgmann N° Lexbase : A6535DBN, point 25 ; CJCE, 15 mai 2014, aff. C-359/12, Timmel N° Lexbase : A1104MLH, points 62 et 63).
Si l’on suit cette démarche, le doute quant au bien-fondé de l’interprétation retenue par la cour paraît renforcé. Tout d’abord, il est à peine besoin de rappeler que l’article 392 présente un caractère tout à fait dérogatoire par rapport aux règles de droit commun et que les dérogations sont en principe d’interprétation stricte.
Ensuite et plus fondamentalement, il est permis de s’interroger sur l’objectif poursuivi par ces dispositions. Le pourvoi prend appui sur la jurisprudence de la Cour de justice relative au régime des biens d’occasion prévu aux articles 311 et suivants de la directive TVA (CJCE, 8 décembre 2005, aff. C-280/04, Jyske Finans A/S N° Lexbase : A8946DLW, RJF, 4/07, n° 523 ; CJUE, 3 mars 2011, aff. C-203/10, Direktsia « Obzhalvane i upravlenie na izpalnenieto » - Varna c/ Auto Nikolovi ODD N° Lexbase : A8046G3E, RJF, 5/11, n° 667). Il en déduit que la logique des cas de taxation à la TVA sur la marge est d’éviter une seconde imposition sur le prix total de vente lorsque la TVA n’a pas pu être déduite lors de l’acquisition et ainsi de limiter l’impact des rémanences de TVA. Ce régime serait ainsi justifié par la volonté de préserver la neutralité de la TVA. Cette interprétation est envisageable. Mais en l’absence de jurisprudence topique de la Cour de justice sur l’objectif poursuivi par l’article 392 ici en litige, il serait sans doute préférable de lui laisser le soin d’éclairer elle-même la portée de ces dispositions.
4. La société requérante soutient, en second lieu, que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que l’article 392 de la Directive TVA n’a ni pour objet ni pour effet d’exclure du régime de la TVA sur la marge les achats de terrains nus suivis d’une revente en tant que terrains à bâtir. Elle soutenait à l’inverse devant les juges d’appel que cet article ne s’appliquait qu’à des reventes en l’état de terrains à bâtir et que tel n’était pas le cas en l’espèce puisqu’elle avait procédé à d’importants travaux de viabilisation entre leur acquisition et leur revente.
Cette critique nous semble sérieuse au vu de la lettre de l’article 392 qui ne vise que « les livraisons […] de terrains à bâtir achetés en vue de la revente », formulation qui semble réserver le régime dérogatoire de la taxation sur la marge aux reventes d’immeubles en l’état. Bien que vous n’ayez jamais interprété la portée de ces dispositions, votre jurisprudence peut paraître hésitante sur cette question.
Par votre décision du 13 mars 1996, « Min. c/ SCI « Le Mallory » (CE 8° et 9° ssr., 13 mars 1996, n° 112391, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7974ANN, RJF, 5/96, n° 571, concl. J. Arrighi de Casanova, BDCF, 3/96, p. 20), vous avez opéré, contre la lettre du texte mais conformément à l’intention du législateur de 1966, un recentrage du champ d’application de la TVA sur la marge sur les marchands de biens stricto sensu. Si votre décision justifie cette solution au regard du seul droit interne, il n’est toutefois pas complètement exclu, à la lumière des conclusions du président Arrighi de Casanova sur cette affaire, que cette solution ait également été guidée par la préoccupation de faire une lecture du 6° de l’article 257 du Code général des impôts conforme aux anciennes dispositions du f du 3 de l’article 28 de la sixième Directive, aujourd’hui reprises à l’article 392, entendues dans une acception stricte.
Vous vous êtes toutefois éloignés de cette interprétation. Par vos décisions déjà mentionnées du 27 mars 2015, vous avez jugé que le 6° de l’article 257 s’applique non seulement aux marchands de biens mais également aux opérations réalisées par des lotisseurs. Et vous avez repris cette solution dans une décision de chambre jugeant seule du 10 mars 2017, « Sociétés Les terres à maisons Normandie et Les terres à maisons Ile-de-France » (CE 8° ch., 10 mars 2017, n° 392946, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A4836T3I, RJF, 7/17, n° 672, avec concl. B. Bohnert) dans une hypothèse qui paraît proche du cas d’espèce, s’agissant d’une activité d’aménageur-lotisseur. Mais la question de la conformité de ce régime à l’article 392 ne se posait pas en des termes aussi précis que dans le présent litige.
Si vous nous suivez dans la première partie de notre raisonnement, vous pourriez également interroger utilement la Cour de justice sur ce point.
5. Ajoutons avant de conclure que ces questions restent intéressantes dans le cadre juridique actuel.
Certes, la loi de finances rectificative pour 2010 a modifié le régime de la TVA applicable aux opérations immobilières afin de le simplifier et d’en assurer la conformité avec le droit de l'Union européenne. Le législateur a notamment objectivé la définition du « terrain à bâtir ». Cette qualification dépend, non plus de la manifestation par l’acquéreur de son engagement de construire sur la parcelle, mais de la situation du terrain au regard des règles d’urbanisme, c’est-à-dire de sa constructibilité au regard du plan local d’urbanisme [7]. Le régime applicable aux marchands de biens a par ailleurs été refondu afin de leur offrir la possibilité d’opter pour être soumis à la TVA [8]. L’application de la taxation sur la marge, régime désormais défini par le seul article 268 du Code général des impôts, a par conséquent été limitée à certaines opérations. Le législateur a en outre supprimé l'exonération de taxe dont bénéficiaient les opérations de cessions de terrains acquis par des particuliers en vue de la construction d'immeubles affectés à un usage d'habitation qui était dans le collimateur de la Commission européenne.
Toutefois, d’une part, l’article 268 prévoit toujours l’application du régime de TVA sur la marge pour les livraisons d’un terrain à bâtir « si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée », formulation directement empruntée à la version française l’article 392 de la Directive TVA et dont ces dispositions ont pour objet d’assurer la transposition, ainsi que vous l’avez relevé dans votre décision du 27 mars dernier, « Min c/ Société Promialp » (CE 8° et 3° ch.-r., 27 mars 2020, n° 428234, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A42573KU, RJF, 6/20, n° 524, avec concl. K. Ciavaldini). Soulignons encore que l’administration interprète ces dispositions comme comprenant l’hypothèse d’une acquisition non soumise à la TVA [9].
D’autre part, la notion de terrain à bâtir conserve, sous l’empire de ces nouvelles dispositions, une part d’ombre, comme en atteste votre décision « Min. c/ Société Promialp », par laquelle vous avez jugé que le régime de la TVA sur la marge ne s’appliquait pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti et dont le bâtiment qui y était édifié a ensuite fait l'objet d'une démolition de la part de l'acheteur-revendeur.
La difficulté d’interprétation de l’article 392 de la Directive TVA nous paraissant sérieuse, nous vous proposons donc de saisir la Cour de justice d’une double question préjudicielle qui pourrait être formulée comme suit :
1) l’article 392 de la Directive TVA, qui est d’application stricte en tant que dérogation, doit-il être interprété en ce sens qu’il réserve l’application du régime de taxation sur la marge à des opérations de livraisons d’immeubles dont l’acquisition a été soumise à la TVA sans que l’assujetti qui les revend ait eu le droit d’opérer la déduction de cette taxe ou permet-il au contraire, comme sa version en langue française le suggère, d’appliquer ce régime à des opérations de livraisons d’immeubles dont l’acquisition n’a pas été soumise à cette taxe, soit parce que cette acquisition ne relève pas du champ d’application de celle-ci, soit parce que, tout en relevant de son champ, elle s’en trouve exonérée ?
2) ce même article doit-il être interprété en ce sens qu’il exclut l’application du régime de taxation sur la marge à des opérations de livraisons d’immeubles qualifiés, en droit interne, de terrains à bâtir lorsque ces immeubles ont, entre leur acquisition et leur revente, acquis cette qualification ou ont, à tout le moins, fait l’objet de modifications de leurs caractéristiques telles que leur division en lots ou la réalisation de travaux permettant leur desserte par divers réseaux (voirie, eau potable, électricité, gaz, assainissement, télécommunications) ?
Par ces moyens nous concluons au renvoi de ces deux questions à titre préjudiciel à la CJUE et à ce que, dans l’attente de sa décision, il soit sursis à statuer sur le pourvoi de la société Icade Promotion logement.
[1] Directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires.
[2] Loi n° 2010-237 du 9 mars 2010, de finances rectificative pour 2010, art. 16 (N° Lexbase : L6232IGW).
[3] Loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998, de finances pour 1999, art. 40 I 1 (N° Lexbase : L1137ATB).
[4] « […] la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée par la différence entre : / a. D'une part, le prix exprimé et les charges qui viennent s'y ajouter, ou la valeur vénale du bien si elle est supérieure au prix majoré des charges ; / b. D'autre part, […] les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du bien ; […] ».
[5] Solution reprise par : CE 8ème ch. 10 mars 2017, n°s 392946, 392947, inédite au Recueil (N° Lexbase : A4836T3I), Société Les terres à maisons Normandie et Société Les terres à maisons Ile-de-France RJF, 7/17, n° 672, avec concl. B. Bohnert.
[6] Cf les versions bulgare, estonienne, croate, lettone, maltaise, polonaise, roumaine, slovène, finnoise, suédoise.
[7] Cf. art. 257 : « I. Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions qui suivent. […] 2. Sont considérés : / 1° Comme terrains à bâtir, les terrains sur lesquels des constructions peuvent être autorisées en application d'un plan local d'urbanisme, d'un autre document d'urbanisme en tenant lieu, d'une carte communale ou de l'article L. 111-1-2 [aujourd’hui L. 111-3] du Code de l'urbanisme » (1° du 2 du I de l’art. 257).
[8] Cf. 5° bis de l’art. 260.
[9] BOI-TVA-IMM-10-20-10, notamment n° 30 (N° Lexbase : X5340ALD).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:474177
Réf. : CAA Lyon, 18 mars 2021, n° 19LY00501 (N° Lexbase : A01154M9)
Lecture: 15 min
N7513BYW
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Sabrina Le Normand-Caillère, Maître de conférences en droit privé à l'Université d'Orléans, Co-directrice du Master 2 Droit des affaires et fiscalité, Membre de l'Observatoire de l'éthique publique - titulaire de la chaire « Éthique fiscale »
Le 19 Mai 2021
Mots-clés : TVA sur la marge • marchands de biens • parcelles bâties • renvoi CJUE
Dans une décision du 18 mars 2021, la cour administrative d’appel de Lyon est revenue sur la délicate question de la TVA sur marge applicable en matière immobilière depuis la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010, de finances rectificative pour 2010. Par cette décision, les juges d’appel ont décidé de surseoir à statuer afin de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’une nouvelle question préjudicielle relative à la portée de l’article 392 de la Directive TVA. Ce texte offre aux États membres la faculté d’appliquer le régime de la TVA sur marge à certaines opérations immobilières. Cette décision mérite donc attention.
En l’espèce, plusieurs requêtes présentant en l’état de l’instruction la même question ont été jointes pour statuer par un seul arrêt [1]. Toutes les sociétés concernées exercent une activité de marchands de biens. Elles ont acquis par acte notarié des parcelles bâties comprenant des maisons d’habitation avec des terrains attenants et des dépendances. Après avoir procédé à une division parcellaire, elles ont cédé en plusieurs lots comme terrain à bâtir à différents acquéreurs en assujettissant chacune de ces opérations à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) selon le régime de la marge permettant ainsi au marchand de biens de ne collecter la TVA que sur la marge qu’elles réalisent sur leurs opérations d’achat-revente.
À la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a remis en cause l’application de la TVA sur la marge aux opérations et partant, a procédé à des rappels de TVA. Pour chacune de ces affaires, le ministre de l’Économie, des Finances et de la relance a sollicité la cour administrative d’appel de Lyon afin d’annuler les différents jugements administratifs intervenus ayant prononcé la décharge totale des rappels sollicités par l’administration fiscale ainsi que des intérêts de retard correspondant.
Saisie de ces différents litiges, la cour administrative d’appel de Lyon a dû s’interroger sur la conformité de l’interprétation tenue par l’administration fiscale au regard de l’article 392 de la Directive TVA réglementant l’accès à la TVA sur marge.
Avant de dégager le sens et la portée de cette décision (II), encore faut-il revenir sur les éléments essentiels du débat pour bien comprendre les enjeux juridiques et fiscaux (I).
I - Enjeux de l’application de la TVA sur la marge aux cessions de terrains à bâtir
Des difficultés d’interprétation de l’article 268 du Code général des impôts (N° Lexbase : L4910IQW), se sont cristallisés autour du sort particulier de la vente de terrain à bâtir issus de la division d’un ensemble immobilier, comportant du bâti, acquis par le professionnel de l’immobilier auprès d’une personne n’agissant pas en tant qu’assujettie et partant située hors du champ d’application de la TVA.
En application de l’article 268 du Code général des impôts (N° Lexbase : L4910IQW), sont concernées par la TVA sur marge, les livraisons « d'un terrain à bâtir, ou d'une opération mentionnée au 2° du 5 de l'article 261 (N° Lexbase : L9102LNG) pour laquelle a été formulée l'option prévue au 5° bis de l'article 260 (N° Lexbase : L6023ISU), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ». Deux conditions sont exigées par le texte. La première tient au bien immobilier ; se trouvent visés par la TVA sur marge les terrains à bâtir et les immeubles achevés depuis plus de cinq ans. La seconde tient à l’ouverture du droit à déduction lors de l’acquisition du bien ; cette condition est superfétatoire dans notre hypothèse dans la mesure où le bien a été acquis à des particuliers.
Dans son interprétation des textes, l’administration fiscale a rajouté un critère supplémentaire aux conditions exigées expressément par l’article 268 du Code général des impôts (N° Lexbase : L4910IQW). Elle exige également une identité de qualification entre le bien acquis et le bien vendu. Ainsi, elle refuse toute TVA sur marge pour les cessions de biens ayant changé de qualification juridique entre la date de leur acquisition et celle de leur livraison par l’assujetti. Se trouve ainsi exclue du champ d’application de la TVA sur marge la vente d’un terrain à bâtir issu de la démolition d’un immeuble. Il en est de même de la cession d’un immeuble, plus de cinq années après son achèvement, par un investisseur qui en a assuré la maîtrise d’ouvrage. Une telle cession doit donc selon l’administration fiscale être soumise à la TVA sur le prix total de la vente [2]. Des réponses ministérielles vont même plus loin. À les lire, « la mise en œuvre de ce régime dérogatoire prévu à l’article 268 du Code général des impôts suppose nécessairement que le bien revendu soit identique au bien acquis quant à ses caractéristiques physiques et sa qualification juridique » [3]. En conséquence, au critère de l’identité de qualification juridique et fiscale serait adjoint un autre critère, celui de l’identité physique des immeubles concernés. Cette position peut surprendre dans la mesure où ces exigences n’apparaissent pas expressément à l’article 268 du Code général des impôts (N° Lexbase : L4910IQW). Pour l’administration fiscale, l’absence de mention dans le texte ne serait pas déterminante dans la mesure où cette exigence serait implicite, résultant de l’essence même du texte.
Les juridictions administratives ont toutefois opté pour une position divergente. Dans une autre affaire que celle commentée, le tribunal administratif de Grenoble a expressément condamné cette interprétation [4]. Selon les juges, « l’application de la taxe sur la valeur ajoutée en matière de livraison de terrains à bâtir est conditionnée au seul fait que l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée » et « que contrairement à ce que soutient l’administration, il ne ressort pas de ces dispositions que les terrains revendus comme terrains à bâtir doivent nécessairement avoir été acquis comme terrain n’ayant pas le caractère d’immeuble bâti ; que, dès lors le fait pour la société requérante de procéder à la vente de terrains à bâtir issus d’acquisition portant sur des immeubles bâtis et leurs terrains d’assiette ne fait pas obstacle à l’application des dispositions de l’article 268 précitées ».
Malgré ce jugement, une réponse ministérielle du 7 septembre 2017 [5] exclut publiquement tout réexamen de la question. Elle maintient la position de l’administration fiscale. De cette réponse, il résulte que « la mise en œuvre de ce régime dérogatoire au principe selon lequel la TVA est calculée sur le prix total suppose ainsi nécessairement que le bien revendu soit identique au bien acquis quant à ses caractéristiques physiques et sa qualification juridique ». En conséquence, toute modification du bien intervenue entre l’acquisition et la revente obligerait à liquider la TVA sur le prix de vente et non sur la marge. Le 20 novembre 2017 [6], le tribunal administratif de Marseille a sanctionné à nouveau la position de l’administration fiscale.
Pour mettre fin au débat sur la TVA sur marge, une réponse ministérielle a de nouveau été adoptée le 17 mai 2018 [7] afin d’assurer la sécurité juridique des professionnels de l’immobilier et notamment des opérations conclues par les lotisseurs. Elle renonce expressément au critère de l’identité physique imposé par les réponses ministérielles antérieures mais maintient l’exigence de qualification juridique. Elle énonce ainsi que « compte tenu des difficultés d'application suscitées par la publication de ces commentaires sur l'identité physique et afin de rétablir la sécurité juridique des opérations d'aménagement foncier, il est admis, y compris pour les opérations en cours, dans le cas de l'acquisition d'un terrain ou d'un immeuble répondant aux conditions de l'article 268 du Code général des impôts qui n'a pas ouvert droit à déduction par un lotisseur ou un aménageur qui procède ensuite à sa division en vue de la revente en plusieurs lots, que ces ventes puissent bénéficier du régime de la marge dès lors que seule la condition d'identité juridique est respectée ».
C’est dans ce contexte que le Conseil d’État est intervenu afin de se prononcer sur la condition d’identité exigée par l’administration fiscale pour l’application de la TVA sur marge en matière immobilière. Dans une décision du 27 mars 2020 [8], le Conseil d’État a été saisi pour trancher définitivement la controverse. Aux termes d’un arrêt de cassation, les hauts magistrats retiennent que l’article 268 du Code général des impôts interprété à la lumière de l’article 392 de la Directive TVA « s’applique aux opérations de cession de terrain à bâtir qui ont été acquis en vue de la revente et ne s’applique donc pas à une cession de terrain à bâtir qui, lors de leur acquisition, avait le caractère d’un terrain bâti, quand le bâtiment qui était édifié a fait l’objet d’une démolition de la part de l’acheteur-revendeur ». Les hauts magistrats se prononcent en faveur d’une condition d’identité entre l’acquisition et la revente du bien mais vont plus loin que la réponse ministérielle de 2018. Ils imposent le respect de la condition d’identité tant au niveau de la qualification juridique que des caractéristiques physiques. Ils sanctionnent ainsi la cour administrative d’appel en au regard de l’article 268 du Code général des impôts et de l’article 392 de la Directive TVA. Selon les hauts magistrats, les juges d’appel ont ainsi commis une erreur de droit pour avoir subordonné à la seule condition que « l’acquisition du bien cédé n’ait ouvert droit à déduction de la taxe et en jugeant que sans incidence sur sa mise en œuvre la circonstance que les caractéristiques physiques et la qualification du bien en cause aient été modifiées entre son acquisition et sa vente ».
Depuis lors, le Conseil d’État a eu l’occasion de confirmer sa position par des décisions en date du 1er juillet 2020 [9]. Il rappelle que « les règles de calcul dérogatoires de la TVA s’appliquent aux opérations de cession de terrain à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrain à bâtir qui, lors de son acquisition, avait le caractère d’un terrain bâti ».
Après cette confirmation du maintien de la condition d’identité entre le bien vendu et le bien acquis pour l’application de la TVA sur marge, le Conseil d’État a saisi, le 25 juin 2020 [10], à titre préjudiciel la Cour de justice de l’Union européenne de l’hypothèse d’un lotisseur qui a fait l’acquisition d’un terrain non bâti revendu en qualité de terrain à bâtir, après avoir réalisé des travaux de viabilisation et de division en lots. Les hauts magistrats s’interrogent notamment sur le point de savoir si l’article 392 de la Directive TVA doit être interprété comme excluant l’application du régime de taxation sur la marge à des opérations de livraison de terrain à bâtir dans les deux hypothèses suivantes : d’une part, lorsque les terrains, acquis non bâtis, sont devenus entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l’assujetti, des terrains à bâtir ; d’autre part, lorsqu'ils ont fait l'objet, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l’assujetti, de modifications de leurs caractéristiques telles que leur division en lots ou la réalisation de travaux permettant leur desserte par divers réseaux.
C’est dans ce contexte qu’est intervenue une nouvelle saisine de la Cour de justice de l’Union européenne par la cour administrative d’appel de Lyon.
II - Nouvelle saisine à titre préjudiciel de la Cour de justice de l’Union européenne
Dans cette décision du 18 mars 2021, la cour administrative d’appel de Lyon vient à nouveau de saisir à titre préjudiciel la Cour de justice de l’Union européenne s’agissant de l’application de la TVA sur marge. Les faits de l’espèce n’étaient pas semblables à ceux de l’affaire du 25 juin 2020. Il s’agissait ici de l’hypothèse d’un marchand de biens et non d’un lotisseur.
En l’espèce, les sociétés ont, dans le cadre de leur activité de marchands de biens, procédé auprès de particuliers à des acquisitions de terrains bâtis constitués de vastes parcelles supportant une construction, puis ont détaché et divisé les terrains nus attenants aux constructions d’origine en vue de les revendre en qualité de terrain à bâtir. À ces opérations, elles ont appliqué la TVA sur la marge en dépit des évolutions, notamment juridiques, des biens depuis leur acquisition en vue de la revente.
Après avoir visé les articles 12 et 392 de la Directive TVA, la cour administrative d’appel de Lyon s’appuie sur les décisions récentes rendues par le Conseil d’État et notamment celle du 27 mars 2020 dite « Promialp » [11]. Elle rappelle la position de la haute juridiction à savoir que « les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l’objet d’une démolition de la part de l’acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l’objet d’une division parcellaire en vue d’en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d’assiette du bâtiment ». Dans cette affaire, le Conseil d’État avait jugé que la cour administrative d’appel de Lyon avait commis une erreur de droit en jugeant que le régime de la TVA sur marge n’était pas subordonné à une condition d’identité du bien acquis puis revendu dans de telles conditions.
Elle rapproche par la suite la situation du marchand de biens au lotisseur qui agissent tous deux en qualité d’acheteur-revendeur. Tous deux réalisent une opération de livraison d’un terrain à bâtir effectuée après avoir opéré certaines transformations d’un terrain acquis alors qu’il n’avait pas la qualification de terrain à bâtir. Toutefois, ces deux professionnels diffèrent dans la mesure où dans un cas, le terrain a initialement été acquis bâti alors que dans l’autre cas, il a été acquis non bâti.
À son tour, la cour administrative d’appel de Lyon a décidé de surseoir à statuer afin de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne. Elle a estimé que la réponse aux moyens soulevés par les parties pose des questions complémentaires à celles de dont la Cour de justice de l’Union européenne a été saisie lors de l’affaire « Icade promotion » par le Conseil d’État. En dépit de la similitude des faits avec celle de l’affaire « Promialp », elle décide de surseoir à statuer afin de poser la question suivante : l’article 392 de la Directive TVA, d’application stricte, doit-il être interprété comme excluant l’application du régime de taxation sur la marge et des opérations de livraison de terrain à bâtir dans les deux hypothèses suivantes : d’une part, lorsque ces terrains, acquis bâtis, sont devenus, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par les assujettis des terrains à bâtir ; d’autre part, lorsqu’ils ont fait l’objet, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l’assujetti, de modifications de leurs caractéristiques telles que leur division en lots ?
En adoptant cette position, il semble que les juges administratifs d’appel ont estimé que l’arrêt« Icade promotion » avait fragilisé la position adoptée par les hauts magistrats apportée dans la décision « Promialp ». Afin de connaître l’interprétation de la Cour de justice de l’Union européenne, elle sollicite un nouvel éclairage européen quant au champ d’application du régime de la TVA sur marge.
Dans l’attente de la réponse à cette question préjudicielle, il conviendra d’être vigilant à celle qui sera apportée par la Cour de justice de l’Union européenne à la décision du 25 juin 2020, toujours pendante. Cette réponse devrait déjà permettre de lever un certain nombre d’interrogations soulevées par l’application du régime de la TVA sur la marge en matière immobilière. Pour l’instant, le Gouvernement reste dans l’attente de la prise de position de la Cour de justice de l’Union européenne et n’envisage pas dans l’immédiat de faire évoluer le dispositif actuel dans l’intervalle. Selon une réponse ministérielle en date du 2 mars 2021 [12], le ministre de l’Économie considère qu’étendre le régime de taxation sur la marge à des opérations immobilières qui n’y sont pas éligibles entraînerait une érosion substantielle de l’assiette de la TVA et par voie de conséquence, une perte de recettes pour l’État.
[1] Requêtes visées sous les numéros 19LY00501, 19LY00541, 19LY00240.
[2] BOI 3 A-9-10, n° 68, reprise au BOFIP : BOI-TVA-IMM-10-20-10, n° 20 (N° Lexbase : X5340ALD).
[3] QE n° 94538 de M. Gilles Savary, JOANQ 29 mars 2016, réponse publ. 20 septembre 2016 p. 8514, 14ème législature (N° Lexbase : L2410LAI) et celle rédigée en termes identiques : QE n° 96679 de M. Dominique Bussereau, JOANQ 14 juin 2016, réponse publ. 20 septembre 2016 p. 8522, 14ème législature (N° Lexbase : L2650LAE). N. Gonzalez Gharbi, Le glas de la TVA sur marge a-t-il déjà sonné ? : Constr.-Urb. 2016, comm. 152.
[4] TA Grenoble, 14 novembre 2016, n° 140-3397, SARL G : N. Gonzalez Gharbi, Vente de terrains à bâtir issus de la division d’un ensemble immobilier : le juge applique la loi et infirme la doctrine administrative, Const.-Urb. 2017, comm. 45 ; R. Vogel, Une première décision favorable aux marchands de biens : Dr. fisc. 2017, comm. 216.
[5] Rép. min. n° 00904 : JO Sénat 7 septembre 2017, p. 2809 (N° Lexbase : L7189LGD). Vente de terrain à bâtir après division : Bercy campe sur ses positions : Constr.-Urb. 2017, comm. 141.
[6] TA Marseille, 4 décembre 2017, n° 1602770, SARL R.
[7] QE n° 04171 de M. Jean Pierre Vogel, JO Sénat 29 mars 2018 p. 1439, réponse publ. 17 mai 2018, p. 2361, 15ème législature (N° Lexbase : L2363LL4).
[8] CE 8° et 3° ch.-r., 27 mars 2020, n° 428234, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A42573KU). Lire en ce sens, D. Falco, TVA sur marge en matière immobilière : la condition d’identité validée par le Conseil d’État, Lexbase Fiscal, mai 2020, n° 824 (N° Lexbase : N3279BY4).
[9] CE 8° ch., 1er juillet 2020, n° 435463, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A29813QH) ; CE 8° ch., 1er juillet 2020, n° 431641, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A29763QB).
[10] CE 3° et 8° ch.-r., 25 juin 2020, n° 416727, inédit au recueil Lebon ((LXB=A34753PE]).
[11] CE 8° et 3° ch.-r., 27 mars 2020, n° 428234, mentionné aux tables du recueil Lebon précité.
[12] QE n° 35380 de M. Michel Vialay, JOANQ 29 décembre 2020, réponse publ. 02 mars 2021 p. 1870, 15ème législature (N° Lexbase : L4926L49).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:477513
Réf. : QE n° 35554 de M. Romain Grau, JOANQ 12 janvier 2021 , réponse publ. 27 avril 2021 p. 3651, 15ème législature (N° Lexbase : L4927L4A)
Lecture: 2 min
N7559BYM
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par William Stemmer, Avocat associé, Cabinet Taj et David Colin, Avocat associé, Cabinet Reed Smith LLP
Le 19 Mai 2021
► La réponse à la question écrite déposée par le député Romain Grau a été publiée le 27 avril 2021. L’objectif était d’obtenir un mode d’emploi précis de la TVA sur marge en attendant la position de la CJUE qui a récemment été saisie une deuxième fois sur le sujet par la CAA de Lyon.
Les points importants sont les suivants.
Dans l’attente de l’arrêt de la CJUE qui sera rendu à la suite de la question préjudicielle renvoyée dans l’affaire « Icade Promotion Logement », il est confirmé que :
➡️ Retrouvez toute l’actualité de la TVA immobilière sur TAXIMMO. |
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:477559
Lecture: 1 min
N7553BYE
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par William Stemmer - Avocat Cabinet Taj et David Colin - Avocat Cabinet Reed Smith LLP à Paris
Le 01 Juin 2021
➡️ Retrouvez toute l’actualité de la TVA immobilière sur TAXIMMO.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:477553
Lecture: 1 min
N7540BYW
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Marie-Claire Sgarra
Le 19 Mai 2021
Dans le cadre du dossier spécial de la revue Lexbase Fiscal « TVA sur marge : un sujet aux frontières mouvantes » nous vous proposons de tester vos connaissances sur le sujet.
Base d'imposition à la TVA, condition d'identité, déclaration pour les assujetis-vendeurs... à vous de jouer !
Pour commencer le quiz, cliquez ici.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:477540