Lexbase Social n°466 du 15 décembre 2011

Lexbase Social - Édition n°466

Ce qu'il faut retenir...

[A la une] Cette semaine dans Lexbase Hebdo - édition sociale...

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N9313BSQ

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par Grégory Singer, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale
Sous la Direction de Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 16 Novembre 2013


Co-employeur. Promis à une large publicité, l'arrêt rendu, le 30 novembre 2011 (Cass. soc., 30 novembre 2011, jonction, n° 10-22.964 à 10-22.985 et 10-22.994, FS-P+B+R), par la Chambre sociale de la Cour de cassation ne surprendra pourtant guère, en ce sens qu'il peut être rapproché de décisions antérieurement rendues par cette même Chambre sociale. Etait au coeur de l'affaire l'application de l'article 19 du Règlement "Bruxelles 1" (Règlement n° 44/2001/CE du Conseil du 22 décembre 2000), selon lequel l'employeur ayant son domicile dans le territoire d'un Etat membre peut être attrait dans un autre Etat membre, notamment devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail. Ainsi qu'elle l'avait décidé dans le fameux arrêt "Aspocomp" rendu le 19 juin 2007 (Cass. soc., 19 juin 2007, n° 05-42.551, FS-P+B), la Cour de cassation considère en substance que l'employeur visé par le texte précité doit également s'entendre du "co-employeur". S'agissant de la caractérisation de la situation de co-emploi, la Cour de cassation s'en tient, comme il est de coutume désormais, au constat d'une confusion d'activités, d'intérêts et de direction entre les sociétés en cause. Il faut surtout relever que, à l'instar de la position qu'elle avait adoptée dans une décision rendue le 18 janvier 2011, dans laquelle étaient déjà en cause les mêmes sociétés, la Cour de cassation procède à une mise en oeuvre rigoureuse de cette triple confusion pour Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV. Lire, Qualité de co-employeur et compétence juridictionnelle (N° Lexbase : N9205BSQ).
Egalité de traitement. Cadres et non-cadres : soumis à la même convention collective mais à des avantages différents. Ces différences de traitement sont-elles justifiées ou méconnaissent-elles le principe d'égalité de traitement ? La distinction entre ces deux catégories professionnelles, socle des conventions collectives françaises, n'a eu cesse d'être étudiée depuis de nombreuses années par la Chambre sociale de la Cour de cassation. En 2009, par l'arrêt "Pain", la Cour de cassation énonçait que "la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait, en elle-même, justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence". L'inquiétude gagnait la doctrine et les partenaires sociaux. Alertée par ces remous, la Chambre sociale a consulté, début 2011, les représentants des organisations patronales et syndicales. Et quelques mois plus tard, elle rendait plusieurs arrêts, le 8 juin 2011, où "sa volonté de compromis est perceptible", la Cour de cassation se contentant "d'une belle opération de communication" selon certains auteurs (5). La Haute juridiction énonce ainsi que "repose sur une raison objective et pertinente la stipulation d'un accord collectif qui fonde une différence de traitement sur une différence de catégorie professionnelle, dès lors que cette différence de traitement a pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d'une catégorie déterminée, tenant notamment aux conditions d'exercice des fonctions, à l'évolution de carrière ou aux modalités de rémunération". Le jugement du TGI de Paris, rendu le 29 novembre 2011, est au coeur de cette problématique revenant ainsi sur la licéité de dispositions de la Convention collective Syntec remises en cause par plusieurs syndicats. Sur les six dispositions contestées portant, notamment, sur la durée de préavis, l'indemnité de licenciement, le paiement du travail de nuit, du dimanche et des jours fériés, l'incapacité temporaire de travail, aucune n'est annulée. Lexbase Hebdo revient, cette semaine, avec Maître Marie-Hélène Bensadoun, Avocat Associé, August & Debouzy avocats, avocat de la Fédération des syndicats des sociétés d'études et de conseils (Syntec) et de la Chambre de l'ingénierie et du Conseil de France (CICF), sur ce jugement afin d'analyser la méthode employée par les juges du TGI. Lire (N° Lexbase : N9209BSU).

Les éditions juridiques Lexbase vous souhaitent d'agréables fêtes de fin d'année et vous retrouvent le jeudi 5 janvier 2012 pour de nouvelles publications.

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Contrat de travail

[Jurisprudence] Modification du contrat de travail résultant d'un reclassement pour inaptitude : le silence prolongé du salarié ne vaut pas acceptation

Réf. : Cass. soc., 29 novembre 2011, n° 10-19.435, FP-P+B, sur le 1er moyen du pourvoi principal (N° Lexbase : A4842H3Q)

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N9311BSN

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par Lise Casaux-Labrunée, Professeur à l'Université Toulouse 1 Capitole

Le 15 Décembre 2011

Dura lex, sed lex... Dura justitiae" en l'occurrence. L'arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 29 novembre 2011 montre, une fois de plus, l'écart qui peut parfois exister entre les jurisprudences les mieux établies et les pratiques des entreprises qui, du coup, peuvent se trouver sérieusement rappelées à l'ordre par les juges. La jurisprudence dont il s'agit ici est celle du fameux arrêt "Raquin" rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 8 octobre 1987 (Cass. soc., 8 octobre 1987, n° 84-41.902, publié N° Lexbase : A1981ABY) : lorsque l'employeur procède à une modification du contrat de travail, le fait que le salarié exécute son travail aux nouvelles conditions, sans protester, ne permet pas d'en déduire que ce dernier a tacitement consenti au changement (1). Le silence du salarié ne vaut pas acceptation des nouvelles conditions de travail. Dans cette hypothèse intermédiaire entre le oui et le non, délicate en pratique, c'est à l'employeur de provoquer une réponse claire et non équivoque du salarié : soit une acceptation (le contrat se poursuit alors aux nouvelles conditions), soit un refus (l'employeur doit alors renoncer à son projet de modification ou prendre le risque de la rupture du contrat de travail, avec la possibilité le cas échéant de prouver que le refus du salarié est abusif) (2). Tel est en tous cas son intérêt, au regard de l'arrêt.
La distinction doit cependant être faite selon le motif de la modification. S'il s'agit d'une modification pour motif économique, la procédure est réglée par l'article L. 1222-6 du Code du travail (N° Lexbase : L0818H98) qui impose à l'employeur un certain formalisme (proposition de modification faite au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception, délai de réponse imposé au salarié pour faire connaître son refus) mais l'autorise, à titre exceptionnel, à considérer que le silence du salarié dans le délai imparti vaut acceptation de la modification. En revanche, s'il s'agit d'une modification du contrat de travail pour motif personnel, aucune procédure particulière n'est prévue par le Code du travail. L'arrêt du 29 novembre 2011 concerne une modification de contrat de travail consécutive à un reclassement pour inaptitude (motif personnel). Il donne l'occasion de souligner les liens, souvent négligés, entre modification du contrat de travail et obligation de reclassement (I) et surtout, d'attirer l'attention des employeurs sur le fait que dans cette hypothèse, c'est bien la jurisprudence "Raquin" qui s'applique : aucune modification de contrat de travail consécutive à un reclassement n'est valable sans le consentement exprès du salarié, sauf à prendre le risque de voir le reclassement, même conforme aux préconisations du médecin du travail, et même plusieurs années plus tard... requalifié en déclassement abusif (II).
Résumé

La modification du contrat de travail consécutive au reclassement d'un salarié inapte doit faire l'objet d'un accord exprès de ce dernier. A défaut, le salarié qui n'a pas clairement accepté la modification de son contrat de travail, quand bien même il n'aurait pas réagi à sa nouvelle affectation pendant plusieurs années, peut se prévaloir d'un déclassement abusif.

Commentaire

Les raisons qui peuvent conduire un employeur à envisager la modification d'un contrat de travail sont diverses. Outre des raisons économiques (v. supra), elles peuvent notamment relever du domaine disciplinaire (une mutation ou une rétrogradation justifiée par une faute du salarié) ou, comme ici, être la conséquence directe de l'exécution des obligations de reclassement qui pèsent sur l'employeur, pour prévenir les licenciements économiques (C. trav., art. L. 1233-4 N° Lexbase : L3135IM3) ou pour maintenir au plus possible en emploi les salariés déclarés inaptes par le médecin du travail (C. trav., art. L. 1226-2 N° Lexbase : L1006H97 et L. 1226-8 N° Lexbase : L1022H9Q).

I - Obligation de reclassement et modification du contrat de travail

Obligation de reclassement et réaffectation. Dans l'arrêt du 29 novembre 2011, les magistrats de la Chambre sociale ont statué sur un pourvoi formé contre un arrêt rendu sur renvoi après cassation (Cass. soc., 17 septembre 2008, n° 07-42.366, FS-D N° Lexbase : A4083EAH)... une bien longue affaire mettant aux prises un agent de contrôle URSSAF avec son employeur. Ce dernier, à l'issue d'un arrêt de travail de quatre mois, est déclaré apte à reprendre le travail par le médecin du travail, mais uniquement sur un poste "sans relations avec la clientèle". En application de l'article L. 1226-2 du Code du travail, l'employeur propose au salarié déclaré inapte à son emploi "un autre emploi approprié à ses capacités" en prenant en compte les conclusions du médecin du travail et les indications formulées sur son aptitude à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Il l'affecte alors à un poste de gestionnaire de cotisants, à un coefficient inférieur à celui dont il bénéficiait dans son emploi précédent. Le schéma est somme toute assez classique et l'employeur en l'espèce semble bien avoir satisfait, sur le fond, à son obligation de reclassement telle que l'article L. 1226-2 du Code du travail la lui impose. En revanche, la modification du contrat de travail découlant de ce reclassement n'a pas été suffisamment considérée par l'employeur.

Obligation de reclassement et nécessité de modification. Le lien entre obligation de reclassement et modification du contrat de travail est une réalité déjà soulignée sous l'angle des possibilités pour le salarié de refuser les propositions de reclassement faites par l'employeur : "Plus l'inaptitude du salarié sera grande, plus son reclassement sera difficile dans l'entreprise (ou le cas échéant dans le groupe auquel celle-ci appartient). Pour ouvrir le champ des possibles en termes de reclassement, et augmenter les chances du salarié inapte d'être maintenu en emploi, l'employeur sera souvent contraint d'envisager des propositions qui modifient le contrat de travail. Comment suivre la recommandation d'un médecin du travail indiquant que tel salarié ne peut plus travailler à temps plein... sans modifier le contrat de travail ?" (3).

Nombre de propositions de reclassement impliquent nécessairement une modification de contrat de travail. En revanche, les employeurs n'en tirent peut être pas suffisamment les conséquences en termes de procédure... estimant certainement, à décharge, que la seule obligation de reclassement est déjà suffisamment lourde et complexe à respecter. Il n'empêche : les exigences du régime de la modification du contrat de travail viennent ici s'ajouter à celles de l'obligation de reclassement et à n'en pas tenir compte, un reclassement réussi sur le fond, peut se transformer en déclassement abusif si l'employeur néglige de faire acter l'accord du salarié à cette modification.

Obligations de reclassement et procédures de modification. Sur les modifications de contrat de travail proposées au salarié en exécution de l'obligation de reclassement prévue à l'article L. 1233-4 du Code du travail pour éviter les licenciements économiques, la Cour de cassation a déjà eu l'occasion de s'exprimer : la procédure exceptionnelle prévue par la loi pour les modifications de contrat pour motif économique (C. trav., art. L. 1222-6) qui autorise l'employeur à déduire l'accord du salarié de son silence pendant un délai imparti (v. supra), est inapplicable lorsque la proposition est faite en exécution de l'obligation de reclassement prévue à l'article L. 1233-4 du Code du travail (4). Dans cette hypothèse de reclassement, les juges imposent cependant aux employeurs un certain formalisme : les offres de reclassement adressées au salarié doivent être "écrites et précises" (5), pour favoriser l'information de ce dernier et permettre une prise de décision éclairée... communiquée ou non à l'employeur. En cas de silence, c'est la jurisprudence "Raquin" qui s'applique (le silence du salarié ne vaut pas acceptation).

En revanche, s'agissant des modifications de contrat de travail proposées au salarié en exécution des obligations de reclassement prévues aux articles L. 1226-2 du Code du travail (inaptitude d'origine non professionnelle) et L. 1226-8 du Code du travail (inaptitude d'origine professionnelle), aucune procédure particulière n'est prévue par la loi. L'arrêt du 29 novembre 2011 qui concerne un reclassement suite à une inaptitude d'origine non professionnelle, indique qu'il faut dans cette hypothèse aussi appliquer la jurisprudence "Raquin" ... et ne rien déduire du silence du salarié, même de longue durée.

II - Nécessité d'un accord exprès du salarié à la modification de son contrat de travail

Un bien long silence... qui ne vaut pas acceptation. Cinq années ont passé depuis la réaffectation du salarié inapte à son nouveau poste, sans la moindre protestation de ce dernier relative à ce reclassement... jusqu'au procès prud'homal où, estimant avoir fait l'objet d'un déclassement abusif, il formule des demandes de réintégration dans son nouveau poste ainsi qu'un rappel de salaires.

Un reclassement provisoire qui dure... L'explication de la décision, si ce n'est le noeud de l'affaire, est peut-être là : l'inaptitude du salarié à son poste de travail était seulement temporaire. Sollicité par l'employeur dès le premier avis d'inaptitude, un avis du médecin du travail indique en effet que la restriction d'aptitude du salarié n'était pas forcément définitive et qu'il pourrait certainement "bientôt reprendre des contacts avec la clientèle à l'intérieur de l'URSSAF". Le procès a semble-t-il démarré alors que le salarié tentait de retrouver son ancien emploi et son ancien niveau de rémunération... en vain. Peut-être alors y a-t-il eu négligence de l'employeur de laisser si longtemps dans un poste "déclassé" un salarié dont l'inaptitude à son emploi n'était que provisoire ? Peut-être y a-t-il là explication au fait que l'accord du salarié à la modification de son contrat de travail, si la réaffectation était seulement provisoire, n'ait pas été exigé... Le reste de l'affaire est glauque, fait de difficultés relationnelles entre l'intéressé et ses supérieurs hiérarchiques, de pratiques susceptibles de relever de harcèlement moral... jusqu'au second avis d'inaptitude, onze ans plus tard, où le salarié sera déclaré inapte définitif à tout poste dans l'entreprise.

Fondement de la solution : l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC). Sans l'acceptation expresse du salarié à la modification de son contrat de travail, une décision de reclassement a priori réussie peut basculer plusieurs années plus tard vers une condamnation pour déclassement abusif, alors même que l'employeur aura exécuté son obligation de reclassement convenablement. La solution est fondée sur (et l'arrêt rendu au visa de) l'article 1134 du Code civil. Le rappel ne peut être plus clair : le contrat de travail fait loi entre les parties et il ne peut pas être modifié par l'une unilatéralement, quelles qu'en soient les raisons, sans s'être préalablement assuré du consentement de l'autre à la modification. Il ne s'agit pas seulement d'exécution du contrat de travail de bonne foi (auquel cas l'article L. 1222-1 du Code du travail aurait pu être visé).

Modalités de l'acceptation. Le Code du travail ne prévoyant aucune procédure particulière pour la modification de contrat de travail pour motif personnel, l'employeur qui projette une modification de contrat de travail devra par conséquent s'assurer de la réponse du salarié avant de mettre en ouvre la modification (6). Faute d'accord formellement exprimé par ce dernier, la modification sera considérée comme n'étant pas intervenue.

Que la modification soit définitive ou provisoire, on conseillera par conséquent à l'employeur de formuler par écrit la proposition de modification, de l'adresser au salarié en lui demandant de répondre dans un délai raisonnable, et de considérer, faute de réponse favorable, qu'il y a refus de sa part. Cette façon de procéder s'inspire de la procédure applicable aux modifications de contrat pour motif économique (C. trav., art. L. 1222-6.) à l'importante différence près que le silence du salarié vaudra refus... et non acceptation.

Si acception il y a, elle ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de volonté et ne peut se déduire d'un acquiescement implicite (7). L'accord qui doit être clair et non équivoque, n'est pas nécessairement écrit (8), mais cela est évidemment préférable.


(1) Les grands arrêts du droit du travail, Dalloz, 4ème édition, n° 49-51.
(2) "Le seul refus d'accepter une modification de son contrat de travail ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement" (Cass. soc., 14 novembre 2007, n° 06-43.762, F-D N° Lexbase : A6033DZH).
(3) V. nos obs., Inaptitude, obligation de reclassement, modification du contrat de travail et refus du salarié : la quadrature du cercle ?, Lexbase Hebdo n° 427 du 10 février 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N3573BRR), Cass. soc., 26 janvier 2011, n° 09-43.193, FS-P+B (N° Lexbase : A8514GQE).
(4) Cass. soc. 13 avril 1999, n° 97-41.934, publié (N° Lexbase : A4732AGD), Dr. soc., 1999, 639, obs. G. Couturier ; Cass. soc. 17 mai 2006, n° 04-43.551, F-D (N° Lexbase : A4566DPS), RDT, 2006, 100, obs. Ph. Waquet ; Cass. soc. 16 novembre 2007, n° 06-41.405, F-D (N° Lexbase : A6021DZZ), JCP éd. S, 2008, 1030, note M. Del Sol.
(5) Cass. soc. 20 septembre 2006,n ° 04-45.703, publié (N° Lexbase : A2799DR4), RDT, 2006. 315, obs. Waquet ; Dr. soc., 2006, 1151, note G. Couturier.
(6) L'accord du salarié sur la modification de son contrat de travail doit être préalable à la mise en oeuvre de la modification : la modification n'est pas valable si l'employeur la met en oeuvre le jour même où il l'en a informé (Cass. soc. 31 octobre 2000, n° 98-44.988, publié N° Lexbase : A7881AHD).
(7) Cass. soc., 25 janvier 2011, n° 09-41.643, F-D (N° Lexbase : A8493GQM).
(8) L'accord oral d'un salarié à la modification du mode de rémunération prévu dans son contrat de travail permet de caractériser son acceptation (Cass. soc., 21 février 2007, n° 05-45.024, F-D N° Lexbase : A3004DUS).

Décision

Cass. soc., 29 novembre 2011, n° 10-19.435, FP-P+B, sur le 1er moyen du pourvoi principal (N° Lexbase : A4842H3Q)

Cassation partielle partiellement sans renvoi, CA Colmar, 4ème ch., sect. A, 21 avril 2010, n° 09/00729 (N° Lexbase : A3464EXL)

Texte visé : C. civ., art. 1134 (N° Lexbase : L1234ABC)

Mots-clés : inaptitude partielle, obligation de reclassement, modification du contrat de travail, acceptation claire et non équivoque

Liens base : (N° Lexbase : E8965EST)

newsid:429311

Contrat de travail

[Brèves] Statut de journaliste professionnel : obligation de tirer l'essentiel de ses ressources de cette activité

Réf. : Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 10-10.192, FS-P+B (N° Lexbase : A1878H4C)

Lecture: 2 min

N9290BSU

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Le 15 Décembre 2011

Ne peut avoir la qualité de journaliste professionnel et bénéficier de la présomption de salariat prévue à l'article L. 7112-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3080H9X) que celui qui apporte à l'entreprise de presse une collaboration constante et régulière et qui en tire l'essentiel de ses ressources. Telle est la solution d'un arrêt de la Chambre sociale en date du 7 décembre 2011 (Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 10-10.192, FS-P+B N° Lexbase : A1878H4C).
Dans cette affaire, la société E., éditrice du magazine A. comportant une rubrique juridique confiée à un avocat, a fait appel de juin 1996 à décembre 2003 à Me C., avocate. Ladite avocate a saisi le 11 décembre 2003 la juridiction prud'homale de demandes tendant à ce que sa collaboration soit requalifiée en contrat de travail et à ce que certaines sommes lui soient allouées. Cette dernière fait grief à l'arrêt (CA Paris, Pôle 6, 8ème ch., 5 novembre 2009, n° 08/01995 N° Lexbase : A1392ENU), rendu après renvoi de cassation (Cass. soc., 19 décembre 2007 n° 07-40.384 N° Lexbase : A2329H8R) de dire que la juridiction prud'homale était incompétente pour connaître du litige alors que "bénéficie de la présomption de salariat instaurée au profit du journaliste professionnel, le journaliste pigiste non professionnel qui, en raison de sa contribution permanente et régulière, doit être qualifié de collaborateur direct de la rédaction d'un magazine". Selon l'article L. 7111-4 du Code du travail (N° Lexbase : L3074H9Q), "sont assimilés aux journalistes professionnels les collaborateurs directs de la rédaction, rédacteurs-traducteurs, sténographes-rédacteurs, rédacteurs-réviseurs, reporters-dessinateurs, reporters-photographes, à l'exclusion des agents de publicité et de tous ceux qui n'apportent, à un titre quelconque, qu'une collaboration occasionnelle". La Haute juridiction rejette cependant le pourvoi, "la demanderesse, bien qu'apportant à la société éditrice E. une collaboration constante et régulière, ne tirait pas de cette collaboration l'essentiel de ses ressources, de sorte qu'elle ne pouvait prétendre au statut de journaliste professionnel et au bénéfice de la présomption de salariat prévue à l'article L. 7112-1 du Code du travail" (sur les éléments de la présomption d'existence d'un contrat de travail en faveur des journalistes, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E8384ESC).

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Discrimination et harcèlement

[Questions à...] Cadres et non-cadres : différence de catégorie professionnelle et avantages particuliers - Questions à Maître Marie-Hélène Bensadoun, Avocat Associé, August & Debouzy avocats

Lecture: 7 min

N9209BSU

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par Grégory Singer, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 15 Décembre 2011

Cadres et non-cadres : soumis à la même convention collective mais à des avantages différents. Ces différences de traitement sont-elles justifiées ou méconnaissent-elles le principe d'égalité de traitement ? La distinction entre ces deux catégories professionnelles, socle des conventions collectives françaises, n'a eu cesse d'être étudiée depuis de nombreuses années par la Chambre sociale de la Cour de cassation. En 2009, par l'arrêt "Pain", la Cour de cassation énonçait que "la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait, en elle-même, justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence" (1). L'inquiétude gagnait la doctrine et les partenaires sociaux (2). Alertée par ces remous, la Chambre sociale a consulté, début 2011, les représentants des organisations patronales et syndicales. Et quelques mois plus tard, elle rendait plusieurs arrêts, le 8 juin 2011 (3), où "sa volonté de compromis est perceptible" (4), la Cour de cassation se contentant "d'une belle opération de communication" selon certains auteurs (5). La Haute juridiction énonce ainsi que "repose sur une raison objective et pertinente la stipulation d'un accord collectif qui fonde une différence de traitement sur une différence de catégorie professionnelle, dès lors que cette différence de traitement a pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d'une catégorie déterminée, tenant notamment aux conditions d'exercice des fonctions, à l'évolution de carrière ou aux modalités de rémunération". Le jugement du TGI de Paris, rendu le 29 novembre 2011 (6), est au coeur de cette problématique revenant ainsi sur la licéité de dispositions de la Convention collective Syntec remises en cause par plusieurs syndicats. Sur les six dispositions contestées portant, notamment, sur la durée de préavis, l'indemnité de licenciement, le paiement du travail de nuit, du dimanche et des jours fériés, l'incapacité temporaire de travail, aucune n'est annulée. Lexbase Hebdo - édition sociale revient, cette semaine, avec Maître Marie-Hélène Bensadoun, avocat de la Fédération des syndicats des sociétés d'études et de conseils (Syntec), sur ce jugement afin d'analyser la méthode employée par les juges du TGI. Lexbase : Le TGI de Paris, dans un jugement rendu le 29 novembre 2011, a procédé à une analyse de la Convention collective Syntec et plus particulièrement de plusieurs dispositions prévoyant des avantages différentiels pour les cadres et non-cadres. Ce jugement semble être le premier à intervenir à la suite des arrêts du 8 juin 2011, où la Chambre sociale a précisé les raisons objectives et pertinentes permettant à une stipulation d'un accord collectif de fonder une différence de traitement sur une différence de catégorie professionnelle. Ces arrêts, prolongements de l'arrêt "Pain" rendu le 1er juillet 2009, modifient les justifications des différences de traitement. Qu'en pensez-vous ?

Marie-Hélène Bensadoun : Le jugement du TGI de Paris n'est pas la première décision rendue depuis les arrêts du 8 juin 2011. C'est, en revanche, la première fois qu'une juridiction prend position sur la licéité de dispositions conventionnelles remises en cause, sur le fondement de l'égalité de traitement, non par des salariés isolément, mais par des syndicats.

A mon sens, la jurisprudence n'a pas durci les justifications exigées pour opérer une différence de traitement.

Au contraire, comme le précise la Cour de cassation dans son communiqué publié à la suite des arrêts du 8 juin 2011, si le contrôle incombant au juge dans la mise en oeuvre du principe d'égalité de traitement n'est pas remis en cause, lorsque l'inégalité résulte de l'application de dispositions conventionnelles négociées, la jurisprudence admet désormais des différences de traitement dès lors qu'elles ont pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d'une catégorie déterminée, tenant notamment aux conditions d'exercice des fonctions, à l'évolution de carrière ou aux modalités de rémunération.

Le jugement du TGI de Paris s'inscrit pleinement dans cette évolution. Il rappelle qu'il "appartient au juge, non pas de contrôler l'opportunité des résultats de la négociation collective et des choix effectués par les partenaires sociaux, mais de s'assurer qu'à travers ces choix il n'a pas été porté au principe d'égalité de traitement des salariés placés dans des situations identiques" et que "le tribunal qui serait amené à considérer que les dispositions critiquées seraient contraires au principe d'égalité de traitement des salariés ne pourrait que les annuler".

Dans ce contexte, le TGI de Paris, avant de conclure à la parfaite licéité de l'ensemble des dispositions conventionnelles critiquées, s'est attaché à vérifier, pour chacun des avantages catégoriels mis en cause, l'existence d'éléments objectifs, propres à la situation de chaque catégorie professionnelle, qui permettent de justifier l'inégalité de traitement.

Lexbase : Dans son jugement, le tribunal estime que les différences entre les durées de préavis et de période d'essai sont justifiées compte tenu, notamment, de la nature des missions et des responsabilités confiées aux cadres. Pouvez-vous revenir un peu plus précisément sur cette justification ?

Marie-Hélène Bensadoun : Suivant en cela notre argumentation, le TGI a reconnu que, compte tenu de la nature des missions et des responsabilités confiées aux cadres, il était logique que ces derniers disposent d'une période de préavis plus long. Ce délai plus long, qui s'accompagne d'ailleurs d'une période d'essai plus longue, se justifie par le temps nécessairement plus long devant être consacré à la passation des dossiers et la recherche d'un successeur, compte tenu notamment du fait qu'il est très difficile pour les entreprises du secteur de l'informatique et de l'ingénierie de recruter du personnel qualifié.

Lexbase : Ce jugement n'est-il pas le prolongement de l'arrêt de la Chambre sociale rendu le 12 octobre 2011 (7) où la Cour estimait que le juge devait rechercher si la différence de traitement résultant de la convention collective entre les cadres et assimilés cadres en matière de préavis n'avait pas pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation de chacune de ces deux catégories professionnelles distinctes ?

Marie-Hélène Bensadoun : A l'occasion de l'arrêt du 12 octobre 2011, la Cour de cassation a censuré les juges du fond parce qu'ils n'avaient pas recherché si la différence de traitement en matière de préavis entre les cadres et les non-cadres avait pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de chaque catégorie professionnelle.

Dans cette espèce, pour refuser à un agent de maîtrise le bénéfice du préavis conventionnel prévu pour les cadres, la cour d'appel de Dijon s'était limitée à retenir que les cadres n'étaient pas dans une situation identique aux non-cadres au regard de cet avantage dans la mesure où, dans l'hypothèse d'une démission, ils devaient observer un préavis plus long que les non-cadres.

Le jugement du TGI de Paris constitue donc un prolongement de l'arrêt rendu par la Cour de cassation, le 12 octobre 2011, en ce qu'il s'est attaché à vérifier si la différence de traitement en matière de préavis était bien fondée sur des éléments objectifs, spécifiques à la catégorie des cadres. Le jugement, pour déclarer licite la disposition conventionnelle critiquée, a pris le soin d'énumérer les spécificités attachées à la catégorie de cadre comme, par exemple, le niveau des responsabilités confiées, la nécessité de finaliser les projets en cours ou encore les difficultés à recruter des profils qualifiés.

Lexbase : Le TGI est interrogé sur le versement d'une allocation en cas d'incapacité temporaire de travail. Pourquoi le tribunal a estimé cette différence justifiée ? Ne peut-on rapprocher son analyse de l'arrêt de la cour d'appel d'Angers rendu le 8 novembre 2011 (8) ?

Marie-Hélène Bensadoun : Le TGI de Paris s'est appuyé sur les modalités spécifiques de rémunération des cadres pour justifier le mécanisme de garantie de salaire conventionnel plus avantageux pour les cadres que pour les ETAM (employé technicien agent de maîtrise).

En effet, partant du constat que la rémunération des cadres intègre des primes et gratifications dans des proportions plus importantes que celle des ETAM, et que les primes et gratifications ne sont pas prises en compte dans le calcul du salaire devant être maintenu en cas de maladie, le TGI de Paris a considéré que la différence de traitement entre les cadres et les ETAM permet de compenser la perte plus importante subie par les cadres au titre des primes et gratifications.

Sur ce point, le jugement du TGI de Paris peut, en effet, être rapproché de la décision prise par la cour d'appel d'Angers qui a jugé licite la disposition de la convention collective des établissements producteurs de graines de semences qui prévoit un calcul de l'indemnité de licenciement plus favorable pour les cadres que pour les non-cadres, en s'appuyant sur l'existence d'une spécificité conventionnelle de la catégorie cadre en termes d'évolution de carrière et de rémunération.

Cette disposition était néanmoins mise en cause par un seul salarié, non-cadre, qui demandait un rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement.

Le TGI de Paris, saisi par la CGT, a rendu un jugement qui va bien au-delà de l'arrêt de la cour d'appel d'Angers. En effet, le par jugement du 29 novembre 2011, il a validé l'ensemble des avantages catégoriels de la Convention collective Syntec (applicable à plus de 750 000 salariés) qui étaient mis en cause par la CGT.

Lexbase : Les arguments de la CGT ont également été rejetés sur le paiement du travail habituel de nuit, du dimanche et des jours fériés ainsi que sur les moyens de transport. Pourquoi ces différences de traitement étaient justifiées ?

Marie-Hélène Bensadoun : Le jugement du TGI de Paris est tout à fait logique. La convention collective ne prévoit le travail habituel de nuit, du dimanche et des jours fériés que pour les ETAM en raison du contenu même de leur emploi et de leur mission. Il n'y a donc aucune rupture d'égalité avec les cadres puisque ces derniers ne sont pas concernés par l'article 37 de la convention collective, mis en cause par la CGT.

S'agissant des moyens de transport, le TGI a reconnu qu'il n'était pas contestable que les déplacements professionnels des cadres étaient, en raison de leurs responsabilités et de la nature de leurs missions, plus fréquents et plus longs. Il a également reconnu qu'il n'était pas davantage discutable que cette catégorie de personnel est le plus souvent amenée à travailler durant les trajets ainsi effectués. La différence de traitement est donc, pour les juges, objectivement justifiée.

Lexbase : En conclusion, pensez-vous que ce type de contentieux va augmenter ? Que préconisez-vous (notamment au regard de l'importance du pouvoir du juge ?

Marie-Hélène Bensadoun : A la suite de l'arrêt du 1er juillet 2009, qui avait été très largement contesté par la doctrine, la Cour de cassation, par les arrêts rendus le 8 juin 2011, a réaffirmé la possibilité d'opérer, par la voie de la négociation collective, une distinction entre les cadres et les non-cadres, sous réserve de justification.

Soucieuse de ne pas remettre en cause tout l'édifice conventionnel, la Cour de cassation, dans son communiqué relatif aux arrêts du 8 juin 2011, a manifesté sa volonté de circonscrire le principe du contrôle du juge lorsque l'inégalité résulte de l'application de dispositions conventionnelles négociées.

Sur ce fondement, les juges du fond ont donc pu valider des avantages catégoriels prévus par des conventions collectives, ce qui devrait permettre d'éviter une multiplication de contentieux individuels sur le fondement de l'égalité de traitement entre catégories professionnelles.

A l'instar des déclarations de Madame le Conseiller Mazars dans la presse (9), on peut toutefois espérer que la jurisprudence de la Cour de cassation évolue encore et élargisse le cadre d'appréciation des raisons objectives permettant d'opérer une différence de traitement entre catégorie professionnelle. En effet, l'examen des raisons objectives ne devrait pas se faire avantage par avantage mais devrait prendre en compte l'économie globale de la convention collective. Cette approche plus réaliste reflèterait davantage le mécanisme même de la négociation collective qui est, par essence, génératrice de compromis.


(1) Cass. soc., 1er juillet 2009, n° 07 42.675, FS P+B (N° Lexbase : A5734EI9).
(2) P.-A. Antonmattéi, Avantage catégoriel d'origine conventionnelle et principe d'égalité de traitement : évitons la tempête !, Dr. soc., 2009, p. 1169 ; SSL, 28 septembre 2009, p. 16, chron. J. Barthélémy, p. 13, interview P. Bailly.. Pour Christophe Radé, "c'est sans doute l'arrêt "Pain", rendu le 1er juillet 2009, qui a cristallisé la tension très palpable entre une partie des acteurs sociaux et la Cour de cassation pour des raisons à la fois culturelles (les cadres ont de tous temps fait l'objet d'un traitement privilégié en droit du travail), juridiques (de nombreuses conventions collectives pratiquent les différences catégorielles) et économiques (singulièrement lorsque sont en cause les régimes de retraite)" in, La Cour de cassation et les avantages catégoriels : la montagne accouche d'une souris, Lexbase Hebdo n° 444 du 15 juin 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N4332BSA).
(3) Cass. soc., 8 juin 2011, deux arrêts, n° 10-14.725, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3807HT8) et jonction, n° 10-11.933 à n° 10-13.663, P+B+R+I (N° Lexbase : A3806HT7).
(4) Fr. Champeaux, Egalité de traitement : le tournant, SSL, 12 décembre 2011, n° 1517.
(5) V. les obs. de Ch. Radé, La Cour de cassation et les avantages catégoriels : la montagne accouche d'une souris, préc..
(6) TGI Paris, 29 novembre 2011, n° 10/05909 (N° Lexbase : A1185H4N).
(7) Cass. soc., 12 octobre 2011, n° 10-15.101, F-D (N° Lexbase : A7648HYW) et les obs. de Ch. Radé, L'égalité de traitement, les cadres et le préavis de licenciement, Lexbase Hebdo n° 459 du 26 octobre 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N8355BSA).
(8) CA Angers, ch. soc., 8 novembre 2011, n° 10/00514 (N° Lexbase : A7926H3X).
(9) Le Monde, 21 juin 2011.

newsid:429209

Discrimination et harcèlement

[Brèves] Différence de traitement cadres et non-cadres : dispositions de la Convention collective Syntec

Réf. : TGI Paris, 29 novembre 2011, n° 10/05909 (N° Lexbase : A1185H4N)

Lecture: 2 min

N9307BSI

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Le 15 Décembre 2011

La Haute juridiction a énoncé dans plusieurs arrêts du 8 juin 2011 (Cass. soc., 8 juin 2011, deux arrêts, n° 10-14.725, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3807HT8 et jonction, n° 10-11.933 à n° 10-13.663, P+B+R+I N° Lexbase : A3806HT7) que "repose sur une raison objective et pertinente la stipulation d'un accord collectif qui fonde une différence de traitement sur une différence de catégorie professionnelle, dès lors que cette différence de traitement a pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d'une catégorie déterminée, tenant notamment aux conditions d'exercice des fonctions, à l'évolution de carrière ou aux modalités de rémunération". Le jugement du TGI de Paris, rendu le 29 novembre 2011 (TGI Paris, 29 novembre 2011, n° 10/05909 N° Lexbase : A1185H4N), est au coeur de cette problématique revenant ainsi sur la licéité de dispositions de la Convention collective Syntec remises en cause par plusieurs syndicats. Sur les six dispositions contestées portant, notamment, sur la durée de préavis, l'indemnité de licenciement, le paiement du travail de nuit, du dimanche et des jours fériés, l'incapacité temporaire de travail, aucune n'est annulée. Le TGI a admis l'action de la Fédération CGT ne s'inscrit pas dans le cadre d'une demande en révision ou en dénonciation de la convention en application des dispositions L. 2261-7 (N° Lexbase : L2430H9U) et L. 2261-9 (N° Lexbase : L2434H9Z) du Code du travail mais tend à voir sanctionner des dispositions conventionnelles qu'elle juge contraires à l'égalité de traitement des salariés. Une organisation syndicale, signataire ou non, est ainsi recevable à invoquer, dans l'intérêt collectif de la profession, le caractère illicite des clauses d'une convention collective, celle-ci aurait-elle fait l'objet d'un arrêté d'extension, un tel arrêté n'ayant pas pour effet de conférer à la convention une validité. Après avoir procédé à l'analyse des différentes dispositions contestées, le TGI retient, notamment, pour la durée du préavis que compte tenu de la nature des missions et des responsabilités confiées aux cadres de la branche d'activité concernée, la nécessité de finaliser des projets en cours, d'en d'informer les autres collaborateurs ainsi que la difficulté plus grande pour l'employeur de remplacer un cadre et de vérifier l'adéquation d'un candidat au poste proposé, les difficultés à recruter du personnel qualifié, la durée supérieure du préavis applicable aux salariés cadres apparaît justifiée au regard de la spécificité de leurs fonctions. Concernant l'indemnité de licenciement, les cadres dont les fautes dans l'exercice de leurs missions sont appréciées différemment et plus sévèrement au regard des responsabilités qui leur sont confiées, ne sont pas placés dans une situation identique à celles des ETAM au regard du risque de licenciement.

newsid:429307

Égalité salariale hommes/femmes

[Brèves] Contrat pour la mixité des emplois et l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

Réf. : Décret n° 2011-1830 du 6 décembre 2011, relatif au contrat pour la mixité des emplois et l'égalité professionnelle (N° Lexbase : L3610IR7)

Lecture: 1 min

N9207BSS

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Le 15 Décembre 2011

A été publié au Journal officiel du 8 décembre 2011, le décret n° 2011-1830 du 6 décembre 2011, relatif au contrat pour la mixité des emplois et l'égalité professionnelle (N° Lexbase : L3610IR7), instituant un contrat pour la mixité des emplois et l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, fusionnant ainsi deux dispositifs existants : le contrat pour l'égalité professionnelle et le contrat pour la mixité des emplois. Le contrat pour la mixité des emplois et l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est ouvert aux entreprises sans condition de seuil d'effectif, pour aider au financement d'un plan d'actions exemplaires en faveur de l'égalité professionnelle ou de mesures permettant d'améliorer la mixité des emplois. Ce contrat peut, notamment, aider au financement d'actions de formation et d'adaptation au poste de travail dans des métiers majoritairement occupés par les hommes. Les salariées concernées doivent être recrutées en contrat à durée indéterminée. Selon l'article D. 1143-13 du Code du travail (N° Lexbase : L3600IRR), modifié par le présent décret, "les actions en faveur des salariés sous contrat à durée déterminée et des salariés intérimaires sont [également] prises en compte lorsque leur contrat, ou la durée de leur mission, est d'une durée supérieure ou égale à six mois". Le décret entre en vigueur le 9 décembre 2011 mais les contrats pour l'égalité professionnelle conclus avant la date d'entrée en vigueur continuent de produire leurs effets jusqu'à leur terme (sur les garanties du principe de non-discrimination entre homme et femme, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0710ETH).

newsid:429207

Procédure prud'homale

[Brèves] Non-renouvellement d'un CDD : procédure de conciliation contractuelle

Réf. : Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 10-16.425, FS-P+B (N° Lexbase : A1826H4E)

Lecture: 1 min

N9285BSP

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Le 05 Janvier 2012

Le non-respect d'une procédure de conciliation avant toute rupture du contrat de travail à durée déterminée, imposée par le contrat de travail, ne constitue pas une fin de non-recevoir à l'action engagée directement devant le juge prud'homal. Telle est la solution d'un arrêt de la Chambre sociale en date du 7 décembre 2011 (Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 10-16.425, FS-P+B N° Lexbase : A1826H4E).
Dans cette affaire, Mme V. a été engagée par l'association Handball N selon un contrat durée déterminée de deux années, en qualité de joueuse professionnelle. Le 3 mai 2005, un nouveau contrat à été conclu pour la période du 1er juillet 2005 au 30 juin 2007. Le contrat stipulait à l'article 16 que "la partie désireuse de mettre un terme au contrat devra le faire savoir par lettre recommandée, il en suivra une réunion de conciliation en présence du bureau directeur du club, de l'entraîneur et de la capitaine d'équipe, la joueuse pourra également se faire représenter ou être assistée par la personne de son choix", et, à l'article 18, que "tout litige devra faire l'objet d'une commission de conciliation telle que prévue à l'article 16". Par lettre du 29 avril 2006, l'association a notifié à la joueuse son intention de ne pas renouveler le contrat à compter du 30 juin 2006. La salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes. La cour d'appel (CA Nîmes, ch. soc., 23 février 2010, n° 08/03235 N° Lexbase : A0969GGY) déboute cette dernière, le contrat liant les parties prévoyant une procédure préalable de conciliation obligatoire en cas de litige, constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge si les parties l'invoquent. La Haute juridiction infirme l'arrêt pour une violation de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), la rupture du contrat de travail étant intervenue à l'initiative de l'employeur, il aurait dû mettre en oeuvre la procédure de conciliation contractuelle (sur la saisine de la juridiction prud'homale, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" (N° Lexbase : E3758ETD).

newsid:429285

QPC

[Jurisprudence] La Cour de cassation et l'affirmation de la constitutionnalité des conditions de mise en place de la section syndicale

Réf. : Cass. soc., 30 novembre 2011, n° 11-40.072, FS-P+B (N° Lexbase : A4887H3E)

Lecture: 13 min

N9215BS4

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 24 Octobre 2014

Qu'on se le dise, le contrôle de conformité des lois aux droits et libertés que garantit la Constitution s'exerce désormais Quai de l'Horloge, et non rue de Montpensier comme on avait pu le croire après la réforme constitutionnelle de 2008 ! Fidèle à ce qui apparaît désormais comme sa ligne de conduite, la Chambre sociale de la Cour de cassation, dans un nouvel arrêt en date du 30 novembre 2011, a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause les conditions exigées par l'article L. 2142-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3761IBW) pour la mise en place d'une section syndicale pour les syndicats non représentatifs et non affiliés (I). La solution méritera d'être commentée au regard des deux principes constitutionnels mis en cause, le principe de participation et la liberté syndicale (II), mais aussi au regard de l'esprit de la réforme de 2008 (III).
Résumé

La question portant sur la conformité des dispositions de l'article L. 2142-1 du Code du travail aux principes posés par les sixièmes et dix-huitièmes alinéas du préambule de la Constitution de 1946 (N° Lexbase : L1356A94), au principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme de 1789 (N° Lexbase : L1370A9M), au principe à valeur constitutionnelle de non-discrimination entre organisations syndicales légalement constituées, au principe à valeur constitutionnelle selon lequel "ce qui est nécessaire pour la sauvegarde des fins d'intérêt général", et au principe de proportionnalité à valeur constitutionnelle, n'est pas nouvelle en ce qu'elle ne porte pas sur une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application.

I - La conformité à la Constitution de l'article L. 2142-1 du Code du travail

Nouvelles règles relatives à la section syndicale. La loi du 20 août 2008 (loi n° 2008-789, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail N° Lexbase : L7392IAZ) a souhaité permettre à des syndicats non représentatifs de mettre en place une section syndicale, et d'y exercer les prérogatives jusque là réservées aux seuls syndicats représentatifs, et ce afin d'organiser les règles du nouveau jeu syndical dans l'entreprise (1). L'article L. 2142-1 du Code du travail dispose depuis cette date que, "dès lors qu'ils ont plusieurs adhérents dans l'entreprise ou dans l'établissement, chaque syndicat qui y est représentatif, chaque syndicat affilié à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel ou chaque organisation syndicale qui satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance et est légalement constituée depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l'entreprise concernée peut constituer au sein de l'entreprise ou de l'établissement une section syndicale qui assure la représentation des intérêts matériels et moraux de ses membres conformément à l'article L. 2131-1 (N° Lexbase : L2109H9Y)".

C'est la condition de deux ans exigée des syndicats non représentatifs non affiliés qui était ici remise en cause au regard des principes de participation et de liberté syndicale.

Question transmise. La question transmise est ainsi rédigée : "l'article L. 2142-1 du Code du travail, en sa rédaction actuellement applicable, porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et plus précisément au sixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, au dix-huitième alinéa de ce même Préambule, au principe d'égalité à valeur constitutionnelle garanti par l'article 6 de la Déclaration de 1789, au principe à valeur constitutionnelle de non-discrimination entre organisations syndicales légalement constituées, au principe à valeur constitutionnelle selon lequel 'ce qui est nécessaire pour la sauvegarde des fins d'intérêt général', et au principe de proportionnalité à valeur constitutionnelle " ?

Absence de caractère sérieux et refus de transmission. Pour la Chambre sociale de la Cour de cassation, "la question posée ne présente pas un caractère sérieux dans la mesure où l'exigence d'une ancienneté minimale de deux ans subordonnant la constitution par une organisation syndicale d'une section syndicale au sein de l'entreprise, laquelle ouvre un certain nombre de droits, constitue une condition raisonnable et proportionnée pour garantir la mise en oeuvre du droit de participation des travailleurs par l'intermédiaire de leurs représentants et l'exercice par le syndicat de prérogatives au sein de l'entreprise, sans priver le salarié de la liberté d'adhérer au syndicat de son choix, et ne porte atteinte à aucun des principes invoqués".

II - Appréciation au regard des principes constitutionnels mis en cause

A - Appréciation au regard du principe de participation

Caractères du principe de participation. Le principe de participation est consacré par l'alinéa 8 de la Constitution de 1946 aux termes duquel "tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises".

Le Conseil constitutionnel a eu à statuer sur le respect de ce principe à quelques reprises, notamment dernièrement dans le cadre de la procédure de QPC.

Il a ainsi considéré que le principe de participation a pour bénéficiaires, sinon la totalité des travailleurs employés à un moment donné dans une entreprise, du moins tous ceux qui sont intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail qu'elle constitue, même s'ils n'en sont pas les salariés, et que le législateur peut exclure du décompte des effectifs certaines catégories de travailleurs pour les règles relatives à la représentation du personnel pour alléger les contraintes susceptibles de peser sur les entreprises et ainsi favoriser l'insertion ou le retour de ces personnes sur le marché du travail (2).

Le Conseil constitutionnel a également considéré que "ni les dispositions du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ainsi invoqué par les requérants, ni aucune autre règle de valeur constitutionnelle n'obligent le Gouvernement à faire précéder la présentation au Parlement d'un projet de loi comportant des dispositions touchant aux principes fondamentaux du droit du travail d'une négociation entre les partenaires sociaux" (3), ou que "le principe de participation à la détermination des conditions de travail n'imposait pas au législateur de prévoir l'existence de collèges électoraux distincts pour la désignation des représentants des personnels des agences régionales de santé" (4). Dans cette même affaire, le Conseil a également considéré "qu'il était loisible au législateur de prévoir que les représentants des salariés de droit public et de droit privé des agences régionales de santé ne soient pas consultés de manière séparée lorsque les questions posées les concernent de manière exclusive" (5).

Le Conseil a, en revanche, censuré un dispositif qui, dans la mise en oeuvre du principe de participation, introduisait un critère illicite de nationalité (6).

Cette décision rendue cette fois-ci par la Cour de cassation ne fait toujours pas d'application contraignante du principe de participation dont le législateur assure ainsi la mise en oeuvre avec une très grande marge de liberté. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'instauration d'un critère de représentativité syndicale n'a pas été jugé contraire au principe de participation (7).

Principe de participation et jurisprudence constitutionnelle de la Cour de cassation. La Cour de cassation, qui a eu à connaître de la conventionalité de la loi du 20 août 2008 avant que ne se pose la question de sa conformité à la Constitution, n'a pas jugé autrement et considéré "que le fait pour les salariés, à l'occasion des élections professionnelles, de participer à la détermination des syndicats aptes à les représenter dans les négociations collectives n'a pas pour effet d'affaiblir les représentants syndicaux au profit des représentants élus, chacun conservant les attributions qui lui sont propres", ce qui démontre la non-contrariété avec le principe de participation (8).

La Cour a également été destinataire ces derniers mois de QPC assez fantaisistes, dont certaines fondées sur une prétendue violation du principe de participation, et qui n'ont pas été transmises. Un justiciable s'interrogeait ainsi sur le fait de savoir si "les dispositions de l'article L. 2324-15 (N° Lexbase : L9759H8X) auxquelles renvoie l'article L. 2324-2 (N° Lexbase : L3724IBK) permettent-elles en toutes circonstances un exercice serein par les salariés de leur droit à participation, par l'intermédiaire de leurs représentants, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ?". L'argument a été balayé et la question mise directement à la poubelle par la Haute juridiction qui a considéré que "la question posée ne présente pas un caractère sérieux en ce que, premièrement, les dispositions combinées des articles L. 2324-2, L. 2324-14 (N° Lexbase : L9758H8W) et L. 2324-15 du Code du travail font obstacle à ce qu'une organisation syndicale remplissant les conditions pour nommer un représentant au sein du comité d'entreprise, désigne, pour assurer ce mandat, un salarié de l'entreprise ayant fait l'objet d'une interdiction, déchéance ou incapacité relatives à ses droits civiques, deuxièmement que la désignation frauduleuse encourt la nullité et enfin que la mise en oeuvre de la protection dont bénéficie le salarié désigné comme représentant syndical est assortie de garanties procédurales et de fond suffisantes" (9).

B - Appréciation au regard du principe de liberté syndicale

Sources constitutionnelles du principe de liberté syndicale. Aux termes de l'alinéa 6 du Préambule de la Constitution de 1946, "tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix".

Conformité de la décision à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. La marge d'interprétation laissée au législateur en matière sociale a conduit le Conseil constitutionnel à affirmer que "la liberté d'adhérer au syndicat de son choix, prévue par le sixième alinéa du Préambule de 1946, n'impose pas que tous les syndicats soient reconnus comme étant représentatifs indépendamment de leur audience" (10).

Le Conseil constitutionnel a également considéré "qu'en imposant aux syndicats représentatifs de choisir, en priorité, le délégué syndical parmi les candidats ayant obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles, l'article L. 2143-3 (N° Lexbase : L3719IBD) associe les salariés à la désignation des personnes reconnues les plus aptes à défendre leurs intérêts dans l'entreprise et à conduire les négociations pour leur compte ; qu'en adoptant cet article, le législateur n'a pas méconnu le principe de la liberté syndicale énoncé par le sixième alinéa du Préambule de 1946" (11). L'argument tiré de la volonté d'éviter la dispersion de la représentation syndicale a été également utilisé pour valider le système de l'élection des médecins conventionnés aux unions régionales des professionnels de santé (12). La Cour de cassation a d'ailleurs repris en mars 2011 les mêmes arguments pour considérer que la réforme de la démocratie sociale n'était pas contraire aux articles 11 (N° Lexbase : L1358A98 liberté syndicale) et 14 (N° Lexbase : L1364A9B non-discrimination) de la CESDH (13).

Conformité à la jurisprudence conventionnelle de la Chambre sociale. La Chambre sociale de la Cour de cassation a eu, elle-aussi, à se pencher sur le respect par la loi du 20 août 2008 du principe de liberté syndicale au travers du contrôle de conventionnalité qu'elle en a fait et a d'ailleurs ici manifesté son désir de participer à un effort commun d'interprétation convergente des droits sociaux fondamentaux. Dans sa décision rendue le 14 avril 2010, elle a, en effet, également considéré que "si le droit de mener des négociations collectives est, en principe, devenu l'un des éléments essentiels du droit de fonder des syndicats et de s'affilier à des syndicats, pour la défense de ses intérêts, énoncé à l'article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, les Etats demeurent libres de réserver ce droit aux syndicats représentatifs, ce que ne prohibent ni les articles 5 et 6 de la Charte sociale européenne ni l'article 28 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (N° Lexbase : L8117ANX), ni les Conventions n° 98 et 135 de l'OIT" (14). La Haute juridiction a, par ailleurs, considéré que "l'obligation faite aux syndicats représentatifs de choisir, en priorité, le délégué syndical parmi les candidats ayant obtenu au moins 10 % des voix ne heurte aucune prérogative inhérente à la liberté syndicale et que, tendant à assurer la détermination par les salariés eux-mêmes des personnes les plus aptes à défendre leurs intérêts dans l'entreprise et à conduire les négociations pour leur compte, elle ne constitue pas une ingérence arbitraire dans le fonctionnement syndical".

En affirmant, dans ce nouvel arrêt, que "l'exercice par le syndicat de prérogatives au sein de l'entreprise, sans priver le salarié de la liberté d'adhérer au syndicat de son choix, [...] ne porte atteinte à aucun des principes invoqués" par le demandeur (15), la Cour de cassation s'inscrit donc dans cet ensemble en considérant que le législateur ne porte pas atteinte au principe de liberté syndicale dès lors que les salariés demeurent libres d'adhérer aux organisations de leur choix, le fait d'être incité à choisir les organisations représentatives ne pouvant être assimilé à une atteinte portée à la liberté syndicale.

Conformité à la jurisprudence constitutionnelle de la Chambre sociale. La particularité de la procédure de QPC qui s'applique depuis le 1er avril 2010 est de conférer aux juridictions de cassation (Cour de cassation et Conseil d'Etat) un rôle de filtrage des questions, au travers de la vérification du caractère nouveau et sérieux des motifs, qui se traduit nécessairement par la mise en oeuvre d'un pré-contrôle de constitutionnalité des lois. Certes, ce contrôle est sommaire et imparfait puisqu'il ne peut conduire qu'à la confortation des dispositions, par le refus de transmettre les questions, et non à leur censure puisque cette prérogative est réservée au Conseil constitutionnel qui n'en a jamais encore fait usage en droit du travail.

C'est dans ce contexte que la Cour de cassation, sans doute soucieuse de ne pas voir son appréciation de la conventionnalité des dispositions issues de la loi du 20 août 2008, admise en avril 2010, être remise en cause par une appréciation divergente de leur inconstitutionnalité, a refusé, dans un premier temps, de transmettre les questions remettant en cause la réforme de la représentativité syndicale au regard notamment du principe constitutionnel de liberté syndicale. Dans une série d'arrêts rendus le 18 juin 2010, la Chambre sociale a donc justifié son refus de transmission par le fait que "l'exigence d'un seuil raisonnable d'audience subordonnant la représentativité d'une organisation syndicale ne constitue pas une atteinte au principe de la liberté syndicale et où la représentation légitimée par le vote, loin de violer le principe de participation des salariés à la détermination collective de leurs conditions de travail par l'intermédiaire des syndicats, en assure au contraire l'effectivité" (16).

Une raison comparable a conduit la Haute juridiction à refuser de transmettre une question mettant en cause la redéfinition des conditions de la présence d'un représentant syndical au sein du comité d'entreprise des entreprises de 300 salariés et plus (17).

Dernièrement, la même Haute juridiction a également refusé de transmettre une autre question qui portait sur l'état du droit antérieur à la réforme de 2008, et qui mettait en cause "l'article L. 2324-22, alinéa 2, du Code du travail (N° Lexbase : L3748IBG) [en ce qu'il porterait] atteinte aux droits et libertés garantis par l'alinéa 6 du Préambule de la Constitution de 1946, faisant partie du bloc de constitutionnalité, ainsi qu'aux articles 1 de la Constitution (N° Lexbase : L1277A98) et 11 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789", car, pour le demandeur, "le fait de restreindre les candidatures, au premier tour des élections professionnelles, aux seuls salariés syndiqués, conduit à imposer aux salariés souhaitant se porter candidats à des fonctions de représentants du personnel de se syndiquer et qu'une telle contrainte est manifestement contraire à la liberté syndicale". Or, pour la Cour de cassation, "les dispositions légales qui réservent aux organisations syndicales le monopole de présentation des candidats au premier tour des élections professionnelles ne heurtent aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle" (18).

III - Appréciation au regard du rôle de la Cour de cassation dans la procédure de QPC

Bis repetita. Comme à chaque nouveau refus de transmission, désormais, la même question se pose avec entêtement : la Cour de cassation ne joue-t-elle pas son rôle de filtre avec un zèle excessif ? Et comme à chaque fois, ou presque, une réponse positive nous semble s'imposer dès lors que la Cour fait porter son jugement non pas sur l'existence même des atteintes alléguées aux droits et libertés, mais sur la justification ou la proportionnalité de celles-ci, lorsqu'elles sont avérées, au regard des principes constitutionnels invoqués par le demandeur (19).

L'arrêt du 30 novembre 2011 n'échappe pas à cette critique méthodologique.

S'agissant de l'atteinte alléguée à la liberté syndicale, la Cour a, en effet, considéré qu'un subordonnant la présence dans l'entreprise à deux années pour les syndicats non représentatifs non affiliés, l'article L. 2142-1 du Code du travail n'avait pas porté atteinte à la liberté d'adhésion syndicale. L'affirmation est exacte mais l'alinéa 6 du Préambule de la Constitution de 1946 vise également, aux côtés de cette première acception de la liberté syndicale, le droit à l'action syndicale ; or, la possibilité de constituer une section syndicale d'entreprise conditionne l'exercice de nombreuses prérogatives syndicale dans l'entreprise (RSS, cotisations, affichage et diffusion des communications syndicales, local syndical et réunions syndicales). En subordonnant le droit de constituer une section syndicale à une ancienneté de deux ans, le législateur restreint donc objectivement le droit à l'action syndicale ; reste ensuite à déterminer si cette atteinte est justifiée et proportionnée, mais c'est un autre débat.

S'agissant de l'atteinte au principe de participation, le franchissement de la ligne qui sépare le rôle de filtre de celui de chambre des requêtes est patent puisque la Cour de cassation affirme qu'il s'agit là d'une "condition raisonnable et proportionnée pour garantir la mise en oeuvre du droit de participation", alors que la confrontation de ces dispositions avec les principes sociaux du Préambule de 1946 devrait être systématiquement de la compétence du Conseil Constitutionnel, et non de celle de la Cour de cassation.

Et maintenant ? Qu'on ne se méprenne pas sur le sens de notre propos. Il ne s'agit pas ici de douter des compétences de la Cour de cassation pour statuer sur des questions de constitutionnalité, car celle-ci, composée des meilleurs des magistrats français et rompue au contrôle de conventionnalité, nous semble au moins aussi bien armée que le Conseil constitutionnel dont il n'est pas inutile de rappeler qu'il a été conçu sur un tout autre modèle et qui se trouve composé d'hommes et de femmes choisis pour des raisons souvent politiques et dont on nous explique d'ailleurs que certains ne seraient même plus en état physiquement et mentalement d'être jugés...

Il s'agit ici de mettre le législateur face à ses responsabilités et de prendre conscience que la procédure actuelle de la QPC est dans une impasse, enfermée dans une spirale qui ne pourra conduire, à tout le moins en matière sociale, qu'à la mort par asphyxie du dispositif, puisque moins le Conseil censure et plus la Cour de cassation renforce son filtrage, privant ainsi le Conseil de la possibilité de faire évoluer sa propre doctrine.

Dans ces conditions, une ligne de partage plus claire devrait être définie, par le dialogue des juridictions, et des directives devraient être données pour que les compétences soient clairement partagées : à la Cour de cassation la mise à l'écart des QPC mal fondées, et au Conseil constitutionnel l'appréciation du caractère justifié et proportionné des atteintes constatées ...


(1) Sur ce jeu, notre chron., L'exercice du droit syndical après la loi du 20 août 2008 : Liberté, égalité, représentativité, ou la nouvelle devise de la démocratie sociale, Dr. soc., 2011, p. 1229.
(2) Cons. const., 29 avril 2011, n° 2011-122 QPC (N° Lexbase : A2798HPC), v. nos obs., Le Conseil constitutionnel valide l'exclusion de certaines catégories de travailleurs du décompte des effectifs, Lexbase Hebdo n°438 du 4 mai 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N0702BSS).
(3) Cons. const., 10 juin 1998, n° 98-401 DC, Loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail (N° Lexbase : A8747ACX), cons. 6.
(4) Cons. const., 28 janvier 2011, n° 2010-91 QPC (N° Lexbase : A7408GQG), cons. 4.
(5) Cons. 5.
(6) Cons. const., 6 mai 2011, n° 2011-128 QPC (N° Lexbase : A7887HPS).
(7) Cons. const., 7 octobre 2010, n° 2010-42 QPC (N° Lexbase : A2099GBD), cons. 6 : "il était loisible au législateur, pour fixer les conditions de mise en oeuvre du droit des travailleurs de participer par l'intermédiaire de leurs délégués à la détermination des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises, de définir des critères de représentativité des organisations syndicales".
(8) Cass. soc., 14 avril 2010, n° 09-60.426, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9981EU9) ; Dr. soc., 2010, p. 647, chron. L. Pécaut-Rivolier.
(9) Cass. soc., 18 novembre 2011, n° 11-40.068, P+B (N° Lexbase : A9519HZL) ; v. notre chron., L'interprétation des décisions QPC de la Chambre sociale de la Cour de cassation, Lexbase Hebdo n° 464 du 30 novembre 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N9005BSC).
(10) Cons. const., 7 octobre 2010, n° 2010-42 QPC (N° Lexbase : A2099GBD), cons. 6 ; Cons. const., 12 novembre 2010, n° 2010-63/64/65 QPC (N° Lexbase : A4181GGX), cons. 7.
(11) Cons. const., 12 novembre 2010, n° 2010-63/64/65 QPC, consid. 9.
(12) Cons. const., 19 novembre 2010, n° 2010-68 QPC (N° Lexbase : A9735GIE).
(13) Cass. soc., 2 mars 2011, n° 10-60.214, FS-D (N° Lexbase : A3527G4E), "les organisations syndicales qui, selon leurs statuts, ont vocation à représenter certaines catégories de travailleurs et qui sont affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale ne se trouvent pas dans la même situation que les autres organisations syndicales ; que dès lors constitue une justification objective et raisonnable à la différence de traitement instituée par le législateur la volonté de prendre en compte la différence de champ statutaire d'intervention des syndicats catégoriels affiliés à une confédération catégorielle nationale pour leur permettre de participer à la négociation collective pour les catégories qu'ils ont vocation à représenter".
(14) Cass. soc., 14 avril 2010, n° 09-60.426, FS-P+B+R, préc..
(15) Ce dernier invoquait des principes connus (le sixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, le dix-huitième alinéa de ce même Préambule, peu opérationnel, le principe d'égalité à valeur constitutionnelle garanti par l'article 6 de la Déclaration de 1789, le principe à valeur constitutionnelle de non-discrimination entre organisations syndicales légalement constituées) et d'autres qui l'étaient moins (le "principe à valeur constitutionnelle selon lequel 'ce qui est nécessaire pour la sauvegarde des fins d'intérêt général'" et le "principe de proportionnalité à valeur constitutionnelle").
(16) Cass. QPC, trois arrêts, 18 juin 2010, n° 10-40.005, P+B (N° Lexbase : A4056E3M) ; n° 10-40.006, P+B (N° Lexbase : A4057E3N) ; n° 10-40.007, P+B (N° Lexbase : A4058E3P).
(17) Cass. QPC, 18 juin 2010, n° 10-14.749, P+B (N° Lexbase : A4055E3L).
(18) Cass. soc., 18 janvier 2011, n° 10-40.054, FS-D (N° Lexbase : A3455GQZ).
(19) V. notre dernière chronique, L'interprétation des décisions QPC de la Chambre sociale de la Cour de cassation, préc..

Décision

Cass. soc., 30 novembre 2011, n° 11-40.072, FS-P+B (N° Lexbase : A4887H3E)

Non-lieu à renvoi

Texte concerné : C. trav., art. L. 2142-1 (N° Lexbase : L3761IBW)

Mots-clés : QPC, principe de participation, liberté syndicale, section syndicale

Liens base : (N° Lexbase : E1824ETQ)

newsid:429215

Rel. collectives de travail

[Brèves] Travail dissimulé : préjudice causé à la profession

Réf. : Cass. crim., 6 décembre 2011, n° 10-86.829, FS-P+B (N° Lexbase : A1940H4M)

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N9282BSL

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Le 27 Décembre 2011

L'exercice d'un travail dissimulé est de nature à causer à la profession représentée par le syndicat demandeur un préjudice distinct de celui subi personnellement par les salariés concernés. Telle est la solution d'un arrêt de la Chambre criminelle en date du 6 décembre 2011 (Cass. crim., 6 décembre 2011, n° 10-86.829, FS-P+B N° Lexbase : A1940H4M).
Dans cette affaire, M. P. et Mme C. ont été déclarés coupables, le premier, notamment, de travail dissimulé par dissimulation d'activité et dissimulation d'emplois salariés, la seconde, du chef de travail dissimulé par dissimulation d'activité. Pour déclarer irrecevable l'action civile du syndicat CFDT construction et bois de Loire-Atlantique, l'arrêt retient que "le syndicat n'établit l'existence d'aucun préjudice même indirect porté à l'intérêt collectif de la profession, distinct de l'intérêt général et du préjudice individuel subi par les salariés". Après avoir énoncé que "les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent, la Chambre criminelle infirme l'arrêt pour une violation de l'article L. 2132-3 du Code du travail (N° Lexbase : L2122H9H) (sur les actions exercées dans l'intérêt collectif de la profession par les organisations syndicales, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3755ETA).

newsid:429282

Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Qualité de co-employeur et compétence juridictionnelle

Réf. : Cass. soc., 30 novembre 2011, jonction, n° 10-22.964 à 10-22.985 et 10-22.994, FS-P+B+R (N° Lexbase : A4638H38)

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N9205BSQ

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

Le 15 Décembre 2011

Promis à une large publicité, l'arrêt rendu, le 30 novembre 2011, par la Chambre sociale de la Cour de cassation ne surprendra pourtant guère, en ce sens qu'il peut être rapproché de décisions antérieurement rendues par cette même Chambre sociale. Etait au coeur de l'affaire l'application de l'article 19 du Règlement "Bruxelles 1" (Règlement n° 44/2001/CE du Conseil du 22 décembre 2000 N° Lexbase : L7541A8S), selon lequel l'employeur ayant son domicile dans le territoire d'un Etat membre peut être attrait dans un autre Etat membre, notamment devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail. Ainsi qu'elle l'avait décidé dans le fameux arrêt "Aspocomp" rendu le 19 juin 2007 (Cass. soc., 19 juin 2007, n° 05-42.551, FS-P+B N° Lexbase : A8680DWE), la Cour de cassation considère en substance que l'employeur visé par le texte précité doit également s'entendre du "co-employeur". S'agissant de la caractérisation de la situation de co-emploi, la Cour de cassation s'en tient, comme il est de coutume désormais, au constat d'une confusion d'activités, d'intérêts et de direction entre les sociétés en cause. Il faut surtout relever que, à l'instar de la position qu'elle avait adoptée dans une décision rendue le 18 janvier 2011, dans laquelle étaient déjà en cause les mêmes sociétés, la Cour de cassation procède à une mise en oeuvre rigoureuse de cette triple confusion.
Résumé

Il résulte de l'article 19 du Règlement n° 44/2001/CE du Conseil du 22 décembre 2000 que l'employeur ayant son domicile dans le territoire d'un Etat membre peut être attrait dans un autre Etat membre, notamment devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail. Selon l'interprétation faite par la Cour de justice des Communautés européennes des dispositions de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, qui est transposable pour l'application de l'article 19 du Règlement n° 44/2001/CE, l'employeur est défini comme la personne pour le compte de laquelle le travailleur accomplit pendant un certain temps, en sa faveur et sous sa direction, des prestations en contrepartie desquelles elle verse une rémunération.

Observations

I - Les règles de compétence juridictionnelle

Présentation. Le Règlement n° 44/2001/ CE du Conseil du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (1) consacre une section particulière et autonome au contrat de travail (2), qui prime sur les règles de droit commun.

L'article 19 du Règlement précité offre une option aux salariés, qui peuvent attraire leur employeur, soit devant les tribunaux de l'Etat membre où il a son domicile, soit devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant le tribunal du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail (3). Bien que le texte n'était pas applicable dans l'affaire ayant conduit à l'arrêt sous examen, il est intéressant de relever que l'article 18 du Règlement "Bruxelles 1" dispose que "lorsqu'un travailleur conclut un contrat individuel de travail avec un employeur qui n'est pas domicilié dans un Etat membre mais possède une succursale, une agence ou tout autre établissement dans un Etat membre, l'employeur est considéré, pour les contestations relatives à leur exploitation comme ayant son domicile dans cet Etat membre". Ainsi qu'il a été à très juste titre relevé, "cette disposition conduit à étendre le champ d'application du Règlement et permet d'attraire les multinationales devant les juridictions d'un Etat membre dès lors qu'elles y ont une activité, et ce quelle que soit leur organisation (groupes de sociétés ou succursales)" (4).

Pour en revenir à l'article 19 du Règlement, qui seul nous intéresse ici, on aura compris qu'il permet à des salariés travaillant en France, tout en étant lié à un employeur domicilié dans un autre état membre, d'attraire ce dernier devant le juge français. Mais il reste alors à déterminer ce que l'on entend par employeur, question qui était au coeur de l'arrêt rapporté.

Les faits de l'espèce. La société M., qui produisait des appareils de manutention manuelle dans son usine d'Argentan et avait à Rungis un service administratif et commercial, est devenue en 1974 une filiale de la société J. Holding, qui contrôlait également la société J. France, distribuant en France les produits du groupe du même nom, et qui était elle-même contrôlée par la société de droit allemand J. A., à travers la société J. B..

En octobre 2002, la société M. a cédé à la société J. France l'ensemble des services implantés à Rungis, le personnel qui était attaché passant alors sous la direction du cessionnaire. Un jugement rendu en avril 2003 par le TGI de Créteil ayant retenu que les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0840H9Y) n'étaient pas remplies, la société M. a proposé aux salariés rattachés au siège de Rungis d'accepter un changement volontaire d'employeur. Des salariés ayant refusé cette modification sont restés au service de la société M. qui a continué à payer leurs salaires sans leur fournir de travail. En 2004, après avoir conclu un accord de méthode portant sur le plan de sauvegarde de l'emploi, la société M. a licencié la totalité de son personnel à Argentan et à Rungis pour motif économique. Des salariés de l'établissement d'Argentan ont contesté la rupture de leurs contrats et demandé le paiement d'indemnités en dirigeant leurs demandes à la fois contre la société M., ensuite placée en liquidation judiciaire en décembre 2005, et contre la société J. A., en tant que co-employeur.

Tels qu'ils viennent d'être décrits, les faits de l'espèce rappellent nécessairement un précédent arrêt de la Cour de cassation rendu dans la même affaire (5). Dans ce dernier toutefois, les salariés avaient agi, outre contre la société M., contre la société J. Holding en tant que co-employeur. Cette différence explique pourquoi la société J. A. reprochait à l'arrêt attaqué d'avoir retenu sa qualité de co-employeur, mais aussi d'avoir rejeté l'exception d'incompétence qu'elle avait opposée.

L'exception d'incompétence. A l'appui de son pourvoi, la société demanderesse soutenait que les règles spéciales de compétence prévues par le Règlement n° 44/2001 en faveur des travailleurs salariés ne s'appliquent que dans le cas où se trouve établie l'existence d'une relation de travail subordonnée. Elle arguait également que seul constitue un employeur, au sens de l'article 19 dudit Règlement, la personne en faveur et sous la direction de laquelle le travailleur accomplit pendant un certain temps une prestation de travail en contrepartie de laquelle il touche une rémunération. Il était enfin soutenu, sur le fondement de l'exception d'incompétence, que le point de savoir si et à quelles conditions la société holding d'un groupe international de sociétés, qui a son siège social sur le territoire d'un des Etats membres de l'UE, peut, en raison des rapports qu'elle entretient avec ses filiales établies sur le territoire d'autres Etats membres, être considérée comme un "employeur" au sens de l'article 19 du Règlement "Bruxelles 1" et ce, alors qu'elle n'a ni recruté, ni payé, ni dirigé les salariés avec lesquels elle n'a jamais eu aucun rapport direct, pose une question d'interprétation du Règlement précité que la Cour de cassation est tenue de renvoyer à la Cour de justice de l'UE en application de l'article 267 du Traité UE (N° Lexbase : L2581IPB).

La société J. A. contestait, par ailleurs, le fait que les juges du fond aient retenu à son encontre la qualité de co-employeur. A cette fin, et de manière classique dans ce type de litige, elle avançait qu'en vertu du principe de l'autonomie des personnes morales, une société mère demeure une entité juridiquement distincte à l'encontre de laquelle les créanciers de ses filiales ou des sociétés qui sont sous contrôle, ne peuvent prétendre disposer d'un droit de créance. Elle soutenait également, que le simple fait, pour la société holding d'un groupe international de sociétés, de posséder la presque totalité du capital des sociétés du groupe soit directement, soit indirectement par l'intermédiaire d'autres sociétés appartenant elles aussi au même groupe, d'exercer sur celles-ci et leur activité un certain contrôlé lié à sa qualité d'actionnaire majoritaire et de prendre, toujours en sa qualité de principale actionnaire et de société dominante du groupe, des décisions qui, relatives à la stratégie du groupe dans son ensemble, sont susceptibles de produire certaines conséquences sur les contrats de travail conclus par sa filiale, ne saurait être en soi de nature à lui conférer la qualité d'employeur des salariés de cette dernière.

Ces différents arguments, qui avaient déjà été en grande partie développés devant la Cour de cassation lors de la fameuse affaire "Aspocomp" en 2007 (6), ne l'auront pas plus convaincu et le pourvoi est rejeté en des termes grandement similaires.

II - La qualité de co-employeur appliquée à une société mère de droit étranger

Une solution classique. Reprenant la solution de principe qu'elle avait retenue dans l'arrêt "Aspocomp", la Cour de cassation affirme d'abord "qu'il résulte de l'article 19 du Règlement n° 44/2001/CE du Conseil du 22 décembre 2000 que l'employeur ayant son domicile dans le territoire d'un Etat membre peut être attrait dans un autre Etat membre, notamment devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ; que selon l'interprétation faite par la Cour de justice des Communautés européennes des dispositions de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, qui est transposable pour l'application de l'article 19 du Règlement n° 44/2001/CE, l'employeur est défini comme la personne pour le compte de laquelle le travailleur accomplit pendant un certain temps, en sa faveur et sous sa direction, des prestations en contrepartie desquelles elle verse une rémunération".

La Chambre sociale souligne ensuite que "par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a constaté qu'il existait entre les sociétés composant le groupe J. une unité de direction sous la conduite de la société J. A., que les décisions prises par cette dernière avaient privé la société M. de toute autonomie industrielle, commerciale et administrative, au seul profit de la société mère du groupe, que celle-ci avait repris tous les brevets, marques et modèles de la société M. et bénéficié de licences d'exploitation, que les choix stratégiques et de gestion de la société d'Argentan étaient décidés par la société J. A., laquelle assurait également la gestion des ressources humaines de la filiale et avait imposé la cessation d'activité, en organisant le licenciement des salariés et en attribuant elle-même une prime aux salariés de la société M. ; que le dirigeant de la société M. ne disposait plus d'aucun pouvoir effectif et était entièrement soumis aux instructions et directives de la direction du groupe, au seul profit de celui-ci ; qu'elle a pu en déduire qu'il existait ainsi, entre la société M. et la société J. une confusion d'activités, d'intérêts et de direction conduisant cette dernière à s'immiscer directement dans la gestion de la société M. et dans la direction de son personnel".

La Cour de cassation en conclut, comme dans l'arrêt "Aspocomp", qu'il n'y a pas lieu de poser une question préjudicielle et rejette le pourvoi.

Une solution justifiée. L'application de l'article 19 du Règlement "Bruxelles 1" et, par suite, la possibilité d'attraire devant le juge français la société J. A., société de droit allemand, dépendait du fait de savoir si celle-ci pouvait être qualifiée d'employeur. Se référant à la jurisprudence adoptée par la CJUE pour l'interprétation de la Convention de Bruxelles, qui serait transposable au Règlement, la Cour de cassation indique que "l'employeur est défini comme la personne pour le compte de laquelle le travailleur accomplit pendant un certain temps, en sa faveur et sous sa direction, des prestations en contrepartie desquelles elle verse une rémunération".

Ainsi que l'avait relevé le Professeur Jault-Seseke à propos de l'arrêt "Aspocomp", "il ne semble pas que la Cour de justice ait été amenée à préciser la notion d'employeur au sens de la Convention de Bruxelles. Elle n'a pas davantage, au regard de ce texte, défini le contrat de travail, la question ne lui ayant pas été posée" (7). Cela étant, cette même Cour de justice a, pour l'application d'autres textes communautaires, été amenée à définir la notion de relation de travail en des termes similaires à ceux repris dans l'arrêt "Aspocomp" et dans celui ici commenté (8). Il n'est par conséquent par surprenant, ni véritablement critiquable, que la Cour de cassation transpose cette définition dans le cadre d'un litige relatif à l'application du Règlement "Bruxelles 1" (9).Cela lui permet à tout le moins de juger inutile de poser une question préjudicielle à la CJUE (10). Ne l'ayant pas fait en 2007, il aurait été curieux qu'elle le fasse aujourd'hui.

C'est donc sur le fondement de cette définition de l'employeur, que la Cour de cassation reconnaît cette qualité à la société J. A.. A dire vrai, on ne saurait véritablement dire que la Chambre sociale met en oeuvre les critères regroupés dans cette définition ; ce qui était d'ailleurs reproché aux juges du fond dans le pourvoi. Ces critères, et au premier chef le lien de subordination, permettent certainement d'attribuer la qualité d'employeur ou, plus exactement de constater l'existence d'un contrat de travail entre deux personnes. On sait toutefois que, pour caractériser une situation de co-emploi, la Cour de cassation s'attache uniquement aux relations unissant la société partie au contrat de travail et la société qui lui est liée ou, mieux, qui la domine (11). Elle exige plus précisément une confusion d'activités, d'intérêts et de direction entre les deux sociétés.

L'arrêt rapporté témoigne à nouveau de la rigueur avec laquelle la Cour de cassation met en oeuvre cette triple confusion, qui doit conduire à démontrer que la société partie au contrat de travail a perdu toute autonomie de gestion, le pouvoir étant en quelque sorte aux mains de la société dominante (12). Remarquons que si tel est le cas, les salariés travaillent alors au moins pour partie pour le compte de la société dominante. On peut ajouter que dans la mesure où le pouvoir de direction appartient d'abord à la personne morale employeur, avant que d'être exercé par une personne physique, il y a lieu de considérer que l'abolition de l'autonomie de la filiale conduit à ce que ses organes sociaux exercent en fait, pour partie également, les pouvoirs appartenant à la société mère. La Cour de cassation ne dit pas autre chose dans l'arrêt rapporté lorsqu'elle relève que "le dirigeant de la société M. ne disposait plus d'aucun pouvoir effectif et était entièrement soumis aux instructions et directives de la direction du groupe, au seul profit de celui-ci".

Pour s'être trop immiscée dans la gestion de sa filiale, la société J. A. est ainsi devenue l'employeur de ses salariés. Cette qualité lui ayant été attribuée, plus rien ne s'opposait à ce qu'elle soit attraite devant les juridictions françaises, en application de l'article 19 de Règlement "Bruxelles 1".

On peut, pour conclure, relever un élément intéressant. Dans le "premier" arrêt J., c'est la société J. Holding qui avait été déclarée co-employeur des salariés de la société M., tandis que, dans le "second" arrêt J., c'est la société J. A. qui se voir reconnaître une qualité identique à l'égard des mêmes salariés. En d'autres termes, les salariés de la société M. n'avaient pas, au final, deux, mais trois employeurs ! Cela n'est pas en soi choquant, car il est possible d'admettre que deux sociétés puissent s'immiscer à l'excès dans la gestion d'une troisième. Pour autant, la lecture combinée des deux arrêts précités peut troubler, dans la mesure où, à chaque fois, on a la nette impression que c'est la société en cause qui avait en quelque sorte pris les commandes de la filiale. Mais sans doute cette impression est-elle due à la formulation des pourvois.


(1) Communément appelé Règlement "Bruxelles 1".
(2) Section 5, art. 18 et s..
(3) Il est encore précisé que lorsque le travailleur n'accomplit pas ou n'a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, il peut attraire son employeur devant le tribunal du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur.
(4) F. Jault-Seseke, obs. ss. Cass. soc., 19 juin 2007, n° 05-42.551, préc. ; RDT, 2007, p. 543.
(5) Cass. soc., 18 janvier 2011, n° 09-69.199, FS-P+B+R (N° Lexbase : A2851GQN). Lire nos obs., Coemployeurs : qualification et effets sur la validité des licenciements économiques, Lexbase Hebdo n° 426 du Jeudi 3 février 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N3365BR3).
(6) Cass. soc., 19 juin 2007, n° 05-42.551, préc. ; RDT, 2007, p. 543, note F. Jault-Seseke. V. aussi sur la question, E. Pataut, Le licenciement dans les groupes internationaux de sociétés. Aspects de droit international privé et de droit de l'Union européenne, RDT, 2011, p. 14 ; P. Morvan, Le licenciement des salariés d'une filiale (action Aspocomp) : garantie AGS et autres, JCP éd. S, 2010, 1424.
(7) F. Jault-Seseke, obs. préc..
(8) V. notamment, CJCE 3 juillet 1986, aff. C-66/85 (N° Lexbase : A8251AU7).
(9) V. aussi en ce sens les obs. préc. de F. Jault-Seseke.
(10) Ainsi que le relève le Professeur Jault-Seseke, la CJUE semble elle aussi encline à admettre l'existence de co-employeurs (art. préc. et la jurisprudence citée).
(11) V. notre art., Les co-employeurs, in Les concepts émergents en Droit des affaires, sous la direction d'E. Le Dolley, LGDJ, 2010, p. 43.
(12) V. aussi en ce sens, Cass. soc., 22 juin 2011, n° 09-69.021, F-D (N° Lexbase : A5285HUB), RDT, 2011, p. 634, avec nos obs.. Il faut donc se rendre à l'évidence et admettre que la Cour de cassation ne s'en tient pas aux relations qui unissent normalement un actionnaire majoritaire et sa filiale pour caractériser une situation de co-emploi. Au contraire, celle-ci nous paraît être la sanction d'une anormalité, c'est-à-dire de l'immixtion excessive, pour ne pas dire abusive, de la mère dans la gestion de sa fille (v. en ce sens nos obs. préc.). Cela ne remet donc nullement en cause le fonctionnement d'un groupe de sociétés, dès lors que l'actionnaire majoritaire ne sort pas du rôle qui lui est normalement dévolu.

Décision

Cass. soc., 30 novembre 2011, jonction, n° 10-22.964 à 10-22.985 et 10-22.994, FS-P+B+R (N° Lexbase : A4638H38)

Rejet, CA Caen, 3ème ch., sect. soc., 18 juin 2010

Texte concerné : Règlement n° 44/2001/CE du 22 décembre 2000 (N° Lexbase : L7541A8S), art. 19

Mots-clés : licenciements économiques, société de droit étranger, compétence juridictionnelle, co-employeur

Liens base : (N° Lexbase : E2884ETY)

newsid:429205

Rel. individuelles de travail

[Brèves] Détachement d'un salarié : obligation de rapatriement même en l'absence d'exercice de fonctions effectives au sein de la société mère

Réf. : Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 09-67.367, FS-P+B, sur la première branche du premier moyen (N° Lexbase : A2019H4K)

Lecture: 1 min

N9289BST

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Le 20 Décembre 2011

Le seul fait que le salarié n'ait pas, avant son détachement, exercé des fonctions effectives au service de l'employeur qui l'a détaché ne dispense pas celui-ci de son obligation d'assurer son rapatriement à la fin du détachement et de le reclasser dans un autre emploi en rapport avec ses compétences. Telle est la solution d'un arrêt de la Chambre sociale en date du 7 décembre 2011 (Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 09-67.367, FS-P+B, sur la première branche du premier moyen N° Lexbase : A2019H4K).
Dans cette affaire, M. Y. a été engagé par la société G. en vue d'une affectation prochaine en qualité de chef de centre au sein de sa filiale tchèque à Kolin. Le salarié a signé un contrat de travail le 1er septembre 2004 en qualité de responsable du centre automobile de Kolin avec la société G. Ceska Républika. Celle-ci a résilié à effet immédiat ce contrat de travail pour un motif de violation particulièrement grave de la discipline du travail tiré de faits de harcèlement sexuel. La société G. l'a mis à pied à titre conservatoire et l'a licencié pour faute grave en lui reprochant les mêmes faits, en invoquant leur nature et "leur résonance quel que soit le lieu d'affectation". Le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes contre la société mère. La société fait, notamment, grief à l'arrêt (CA Versailles, 6ème ch., 28 avril 2009, n° 08/01885 N° Lexbase : A5216GNI) de la condamner à payer au salarié diverses sommes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse alors que l'article L. 1231-5 du Code du travail (N° Lexbase : L1069H9H), prévoyant le rapatriement du salarié par la société mère en cas de licenciement par la filiale "n'est pas applicable lorsque le salarié n'a jamais exercé de fonctions au sein de la société mère". La Haute juridiction rejette le pourvoi (sur le cas du reclassement à l'issue du détachement dans une filiale étrangère, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9303ESD).

newsid:429289

Rel. individuelles de travail

[Brèves] Garantie d'emploi : obligation d'informer les salariés par l'entreprise sortante

Réf. : Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 10-19.434, FS-P+B (N° Lexbase : A2022H4N)

Lecture: 2 min

N9286BSQ

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Le 24 Décembre 2011

Le manquement de l'entreprise entrante à son obligation de se faire connaître auprès de l'entreprise sortante n'exonère pas celle-ci de son obligation d'informer les salariés, bénéficiaires de la garantie d'emploi, de ce qu'ils sont tenus de se présenter au lieu de la prise de service. Telle est la solution d'un arrêt de la Chambre sociale en date du 7 décembre 2011 (Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 10-19.434, FS-P+B N° Lexbase : A2022H4N).
Dans cette affaire, M. G. a été engagé en qualité de chauffeur par la société S., aux droits de laquelle se trouve la société L.. Par lettre du 2 mars 2009, la société L. a informé M. G. qu'à la suite de la perte du marché de lignes de courrier de la Poste dont elle était attributaire et sur lequel le salarié était affecté, elle lui proposait une affectation sur le site du Plan d'Orgon avec d'autres horaires, en partie de nuit, et que cette affectation s'analysant en une modification du contrat de travail, elle sollicitait l'accord du salarié. M. G. a refusé cette nouvelle affectation et a été licencié. Il a saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'une provision sur indemnité en réparation de son préjudice causé par la violation par la société L. de l'article 28 de l'accord du 18 avril 2002, annexé à la Convention collective nationale des transports routiers , fixant les conditions de la garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire. Pour débouter le salarié de cette demande, l'arrêt (CA Aix-en-Provence, 17ème ch., 29 mars 2010, n° 09/16759 N° Lexbase : A6229EZQ) retient "que les obligations faites par l'accord du 18 avril 2002 à l'entreprise entrante et à l'entreprise sortante sont interdépendantes ; que celles de l'entreprise sortante ne peuvent être exécutées sans que l'entreprise entrante ait satisfait aux siennes, l'information à laquelle est tenue l'entreprise sortante à l'égard des salariés devant préciser le nom de l'entreprise entrante et le lieu de prise de service [...] qu'il ne peut donc être reproché à la société L. de ne pas avoir fourni une information qui ne lui avait pas été donnée et qu'elle n'avait pas l'obligation de rechercher". La Haute juridiction infirme l'arrêt, l'entreprise sortante devant informer par écrit chacun des salariés bénéficiant de la garantie d'emploi de son obligation de se présenter au lieu de prise de service, qu'elle précisera le jour du changement de prestataire bien que l'entreprise entrante manque à son obligation de se faire connaître auprès de l'entreprise sortante (sur le transfert conventionnel des contrats de travail, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E8882ESR).

newsid:429286

Rémunération

[Brèves] Prime de partage des profits : pas de mesure d'urgence

Réf. : TGI Le Havre, 28 octobre 2011, n° 11/00489 (N° Lexbase : A0518H3L)

Lecture: 1 min

N9308BSK

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Le 15 Décembre 2011

L'injonction d'ouvrir des négociations sur le principe du versement et du montant de la prime de partage des profits n'est pas de nature à prévenir le dommage imminent dès lors que l'obligation de négocier est subordonnée à la reconnaissance préalable de la qualité de débiteur de l'employeur au versement de ladite prime. L'obligation de négocier n'a pas un caractère autonome puisque l'accord a pour objet le quantum de la prime et non le principe de l'assujettissement de l'employeur à celle-ci. Telle est la solution d'un jugement du TGI rendu le 28 octobre 2011 (TGI Le Havre, 28 octobre 2011, n° 11/00489 N° Lexbase : A0518H3L).
Dans cette affaire le syndicat CGT demande au juge des référés au visa de la loi n° 2011-894 du 28 juillet 2011 (N° Lexbase : L8284IQU), d'ordonner sous astreinte de 100000 euros par jour de retard à la SAS B., tenue de verser au bénéfice de ses salariés une prime de partage des profits, d'ouvrir des négociations avec les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise et/ou les délégués syndicaux sur le principe de versement et le montant de la prime de partage des profits aux fins de conclusion d'un accord collectif afférent à ce sujet. A défaut, et si la négociation échoue, de lui ordonner de dresser un procès-verbal de désaccord dans lequel devront être consignées d'une part les propositions initiales de l'employeur et, d'autre part, en leur dernier état les propositions respectives des parties. Le syndicat fait valoir que l'urgence est caractérisée par l'obligation pour les parties de conclure un accord avant le 31 octobre 2011 alors que la SAS B. a procédé à une distribution de dividendes de 22 millions d'euros et qu'ainsi les conditions exigées par la loi sont remplies. Pour le TGI, l'impossibilité de percevoir la prime en cas d'absence d'accord avant le 31 octobre 2011 ne relève pas en tout état de cause de la compétence du Juge des référés .

newsid:429308

Rupture du contrat de travail

[Jurisprudence] CRP : l'adhérant bénéficie d'une priorité de réembauche ; l'employeur doit l'en informer

Réf. : Cass. soc., deux arrêts, 30 novembre 2011, n° 10-21.678, FS-P+B, sur le second moyen (N° Lexbase : A4906H34) et jonction, n° 09-43.183 et n° 09-43.184, FS-P+B (N° Lexbase : A4803H3B)

Lecture: 10 min

N9233BSR

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Protection sociale"

Le 15 Décembre 2011

La Cour de cassation poursuit son oeuvre de participation au régime juridique de la convention de reclassement personnalisé, aux côtés du législateur et des partenaires sociaux, par deux arrêts du 30 novembre 2011 (1) : la Cour de cassation reconnaît à tout salarié ayant adhéré à une CRP la possibilité de bénéficier de la priorité de réembauche prévue par la législation sur le licenciement économique. La question posée à la Cour de cassation, inédite, porte sur la priorité de réembauchage, sa connaissance par le salarié, et le moment où l'employeur doit porter à la connaissance du salarié un tel droit. Il faut rappeler que la CRP permettait aux salariés visés par une procédure de licenciement pour motif économique, dans les entreprises non-soumises au congé de reclassement (celles dont l'effectif est inférieur à 1 000 salariés et qui n'appartiennent pas à un groupe dont l'effectif atteint ce seuil) ou qui sont soumises à une procédure collective quel que soit leur effectif, de bénéficier, après la rupture de leur contrat de travail, d'un ensemble de mesures favorisant un reclassement accéléré (2). La loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011, pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels (N° Lexbase : L8283IQT) (3), a remplacé la CRP (et le contrat de transition professionnelle) par le contrat de sécurisation professionnelle (4). A cet égard, la question reste de savoir si la solution retenue par la Cour de cassation (arrêts rapportés) est transposable au nouveau contrat de sécurisation professionnelle, solution qu'il serait raisonnable d'admettre, au vu du régime juridique très proche des deux dispositifs, CRP et CTP. L'intérêt des deux arrêts rapportés est double : faire le point sur l'appréciation par le juge du motif économique de la rupture du contrat de travail, dans le cadre d'une CRP, d'une part, et sur le droit au bénéfice d'une priorité de réembauche, dans le cadre d'une CRP, d'autre part.
Résumés

Cass. soc., 30 novembre 2011, n° 10-21.678, FS-P+B, sur le second moyen

La cour d'appel, qui a constaté que l'employeur n'a adressé au salarié une lettre énonçant le motif économique de la rupture que postérieurement à son acceptation de la convention de reclassement personnalisé, en a justement déduit qu'elle n'avait pas à en apprécier le caractère réel et sérieux.

Lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé (CRP), la priorité de réembauche dont il bénéficie doit être mentionnée dans le document écrit énonçant le motif économique de la rupture du contrat de travail, et donc être portée à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation. La cour d'appel ayant constaté que ce document n'avait été adressé au salarié que postérieurement à son acceptation de la convention de reclassement personnalisé, le moyen n'est pas fondé.

Cass. soc., 30 novembre 2011, jonction, n° 09-43.183, n° 09-43184, FS-P+B

Il résulte de la combinaison des articles L. 1233-3 (N° Lexbase : L8772IA7), L. 1233-45 (N° Lexbase : L1205H9I) et L. 1233-67 (N° Lexbase : L8853IQX) du Code du travail que le salarié ayant adhéré à une convention de reclassement personnalisé bénéficie de la priorité de réembauche.

I - Appréciation du motif économique de la rupture du contrat de travail dans le cadre d'une CRP

Depuis 2008, la jurisprudence reconnaît au salarié adhérant d'une CRP, la possibilité de contester le motif économique de la rupture du contrat de travail (résultant de l'adhésion en elle-même de la CRP) ; sous certaines conditions, le juge peut refuser d'apprécier le motif économique de la rupture du contrat de travail consécutive à l'adhésion d'une CRP. Tel est le cas, en l'espèce.

A - Appréciation par le juge du motif économique de la rupture du contrat de travail, dans le cadre d'une CRP : une obligation

1 - Appréciation du motif économique

En 2008, la Cour de cassation a admis que si l'adhésion du salarié à une CRP entraîne une rupture qui est réputée intervenir d'un commun accord, elle ne le prive pas de la possibilité d'en contester le motif économique (5), confirmant une solution préconisée par une cour d'appel en 2007 (6). La solution avait déjà admise à propos d'un dispositif très proche de la CRP et qui lui était antérieur, la convention de conversion (7). La convention de conversion entraînait la rupture du contrat de travail d'un commun accord des parties, ce qui, pour la Cour de cassation, implique l'existence d'un motif économique de licenciement qu'il appartenait au juge de rechercher en cas de contestation.

L'adhésion du salarié à une CRP ne le prive pas de la possibilité d'en contester le motif économique : en effet, la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'une CRP doit avoir une cause économique réelle et sérieuse. D'ailleurs, l'appréciation de cette cause ne peut résulter que des motifs énoncés par l'employeur (8).

2 - Conséquences de l'absence de motif économique

En 2010, la Cour de cassation a estimé qu'en l'absence de motif économique de licenciement, la CRP devient sans cause. L'employeur est alors tenu à l'obligation du préavis et des congés payés, sauf à tenir compte des sommes déjà versées à ce titre en vertu de la convention CRP (9). En l'espèce, un salarié a été convoqué à un entretien préalable le 16 décembre 2005, l'employeur lui proposant une CRP, acceptée le 30 décembre 2005. La rupture du contrat de travail est intervenue dans le cadre de la CRP le 31 décembre 2005. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour contester le motif économique de son licenciement. La cour d'appel de Montpellier a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné à payer certaines sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par l'employeur : en l'absence de motif économique de licenciement, la CRP devient sans cause. L'employeur est alors tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées à ce titre en vertu de la convention CRP. La solution a été réaffirmée en 2011 (10).

B - Appréciation par le juge du motif économique de la rupture du contrat de travail, dans le cadre d'une CRP : une faculté

En l'espèce (n° 10-21.678), le salarié M. F. a été convoqué à un entretien préalable au titre d'un licenciement pour motif économique par la société d'exploitation C., sans autres précisions quant à la motivation de ce licenciement. Lors de cet entretien préalable, l'employeur a remis au salarié, en application de l'article L. 321-4-2, ancien du Code du travail (N° Lexbase : L6081H94), les documents nécessaires à la conclusion d'une CRP à régulariser dans un délai de quatorze jours à compter de la date de cet entretien soit le 28 juillet 2005. Après envoi d'un courrier de relance en date du 4 août 2005, ne comportant aucune motivation du licenciement, expliquant à M. F. qu'il ne lui restait plus que sept jours pour répondre à la proposition de CRP, ce dernier va donner son accord sur ce point en signant son acceptation de la CRP à la date du 10 août 2005. Mais ce n'est que par un courrier recommandé avec avis de réception du 1er septembre 2005 que l'employeur a notifié à M. F. les causes économiques de son licenciement, soit postérieurement à la rupture du contrat (10 août 2005) par l'effet de l'accord donné à cette date par le salarié quant à la CRP.

La cour d'appel en a tiré la conclusion que cette lettre de licenciement est non avenue et ne doit pas être examinée en ce qu'elle était destinée à donner une motivation au licenciement de nature économique initié par la société d'exploitation C. : en effet, il appartenait à l'employeur (C. trav., anc. art. L. 122-14-2 N° Lexbase : L5567AC8 ; recod., art. L. 1233-16 N° Lexbase : L1135H9W et anc. art. L. 321-1 N° Lexbase : L8921G7K ; recod. art. L. 1233-4 N° Lexbase : L3135IM3) de porter à la connaissance du salarié, sous réserve de la conclusion éventuelle d'une CRP, les raisons d'ordre économique qui l'ont conduit à prononcer son licenciement et cela antérieurement à la mise en place de la CRP.

Pour la cour d'appel, sans énoncé des motifs, la contestation demeurant ouverte par le droit positif au salarié sur le fond du licenciement, même dans le cadre de son adhésion à une CRP, ne peut avoir lieu. La notification de la lettre de licenciement motivée postérieurement à la conclusion de la CRP a privé M. F. de son droit de soumettre au juge prud'homal la discussion de la motivation de son licenciement de nature économique. Dès lors la lettre de licenciement tardive n'a pas été examinée par la cour d'appel en ce que la rupture doit être déclarée dépourvue de cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par l'employeur. En effet, lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'une CRP, l'employeur doit en énoncer le motif économique :

- soit dans le document écrit d'information sur la CRP remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement ;

- soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement (imposé par les articles L. 1233-15 N° Lexbase : L1131H9R et L. 1233-39 N° Lexbase : L1189H9W du Code du travail) ;

- soit encore, lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié de la proposition de CRP, dans tout autre document écrit, remis ou adressé à celui-ci au plus tard au moment de son acceptation (11).

La cour d'appel a constaté que l'employeur n'a adressé au salarié une lettre énonçant le motif économique de la rupture que postérieurement à son acceptation de la CRP, en a justement déduit, pour la Cour de cassation, qu'elle n'avait pas à en apprécier le caractère réel et sérieux.

II - Droit au bénéfice d'une priorité de réembauche dans le cadre d'une CRP

Le législateur a prévu que tout salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche pendant un délai d'un an à compter de la date de la rupture de son contrat, pour autant qu'il en fasse la demande au cours de ce même délai (C. trav., art. L. 1233-45). La priorité doit être mentionnée dans la lettre de licenciement (C. trav., art. L. 1233-16, al. 2 et L. 1233-42 N° Lexbase : L1198H9A). Les dispositifs fixant le régime juridique de la CRP, qu'ils soient législatifs, réglementaires (12) ou conventionnels (13), n'ont pas fixé le régime de la priorité de réembauche.

A- Bénéfice de la priorité de réembauchage dans le cadre d'une CRP

A première lecture, le Code du travail ne prévoit le bénéfice d'une priorité de réembauche qu'au profit des salariés licenciés pour motif économique. Ni les articles L. 1233-45, L. 1233-16, alinéa 2 ou L. 1233-42 ne mentionnent l'hypothèse de l'adhésion à une CRP (14). La Cour de cassation a tiré profit de cette lacune des textes pour retenir la solution du bénéfice de la priorité de réembauche au profit des salariés qui adhèrent à une CRP.

En l'espèce (n° 09-43.183 et n° 09-43.184), l'employeur a tenté de convaincre les juges de la solution inverse. En effet, selon l'employeur, l'adhésion du salarié à une CRP entraîne une rupture qui est réputée intervenir d'un commun accord : le salarié ayant accepté une CRP ne peut prétendre bénéficier de la priorité de réembauchage réservée au salarié licencié pour motif économique. La Cour de cassation (arrêt rapporté) a au contraire décidé qu'il résulte de la combinaison des articles L. 1233-3, L. 1233-45 et L. 1233-67 du Code du travail que le salarié ayant adhéré à une CRP bénéficie de la priorité de réembauche.

La solution est en cohérence avec :

- un argument de texte. L'article L. 1233-3 du Code du travail soumet à la législation sur le licenciement économique toute rupture du contrat de travail dès lors qu'elle résulte d'une cause économique. Tel est le cas de la rupture du contrat de travail résultant de l'adhésion d'une CRP. L'ancien article L. 321-4-2 (fixant le régime de la CRP) se situait bien dans un chapitre du Code du travail portant sur le licenciement économique ;

- un argument jurisprudentiel. La Cour de cassation a reconnu le droit à la priorité de réembauche en cas de départ volontaire négocié dans le cadre d'un accord collectif (15). En vertu de l'article L. 321-1, alinéa 2, ancien du Code du travail (recod., art. L. 1233-1 N° Lexbase : L1100H9M), les dispositions d'ordre public des articles L. 321-1 à L. 321-15 ancien (N° Lexbase : L9593GQD ; recod. art. L. 1235-8 N° Lexbase : L1352H9X) du Code du travail sont applicables à toute rupture du contrat de travail pour motif économique. Dès lors, une cour d'appel qui retient que le départ volontaire d'un salarié négocié dans le cadre d'un accord collectif constitue une rupture du contrat de travail pour motif économique, a pu décider que l'intéressé bénéficiait d'une priorité de réembauche.

De même, dans le cadre de la convention de conversion, la Cour de cassation s'était prononcée, en 1997, déjà en ce sens : la priorité de réembauchage s'applicable au salarié adhérant à une convention de conversion (16). Pour la Cour de cassation, il résulte des articles L. 321-14 et L. 122-14-4, dernier alinéa, ancien du Code du travail, que le salarié, qui a adhéré à une convention de conversion, bénéficie d'une priorité de réembauchage durant un délai d'un an à compter de la date de la rupture de son contrat s'il manifeste le désir d'user de cette priorité de réembauche dans un délai de quatre mois à partir de cette date. Le salarié, en cas de violation de la priorité de réembauche, peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure à deux mois de salaire.

B - Information sur la priorité de réembauche dans le cadre d'une CRP

Par l'arrêt rapporté (n° 10-21.678), la Cour de cassation s'est prononcée sur une importante et intéressante question relative à l'information du salarié du bénéficie de la priorité de réembauche, alors même qu'il a adhéré à une CRP. Là encore, la matière n'est pas visée par le législateur, dans le Code du travail, ni par les partenaires sociaux. La cour d'appel avait condamné l'employeur au paiement de dommages-intérêts pour non-respect de la mention de priorité de réembauchage. L'employeur invoquait au contraire que le motif économique de la rupture résultant de l'acceptation, par le salarié, d'une CRP, doit être notifié par un document écrit, qui peut être constitué par une lettre de rupture, et qui doit comporter la mention de la priorité de réembauche. Aussi, la cour d'appel, en jugeant que l'employeur a méconnu l'obligation de porter la priorité de réembauchage à la connaissance du salarié, au seul motif qu'elle figurait dans la lettre de rupture qu'elle a, à tort, jugée non avenue, a violé les articles L. 1233-15 et L. 1233-16, alinéa 2, du Code du travail.

La Cour de cassation ne s'est pas rangée à cette argumentation. Lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'une CRP, la priorité de réembauche dont il bénéficie doit être mentionnée dans le document écrit énonçant le motif économique de la rupture du contrat de travail, et donc être portée à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation. En l'espèce, la cour d'appel a constaté que ce document n'a été adressé au salarié que postérieurement à son acceptation de la CRP. Aussi, le moyen n'est pas fondé.

Le Code du travail prévoit déjà l'obligation, pour l'employeur, d'informer le salarié, dans la lettre de licenciement, de la possibilité de faire valoir la priorité de réembauche (C. trav., art. L. 1233-16 al. 2 et L. 1233-42). En cas de non-respect de la priorité de réembauche (prévue à l'article L. 1233-45), le juge accorde au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à deux mois de salaire (C. trav., art. L. 1235-13).


(1) Cass. soc., 30 novembre 2011, n° 10-21.678, FS-P+B, sur le second moyen ; la société d'exploitation C. s'est pourvu contre l'arrêt rendu le 8 mars 2010 par la cour d'appel de Basse-Terre, dans le litige l'opposant à M. F.. Engagé le 21 octobre 2002 par la SNC C. en qualité de directeur administratif, le salarié a accepté, le 10 août 2005, la CRP qui lui avait été proposée par l'employeur le 28 juillet à l'occasion d'un entretien préalable à un licenciement pour motif économique. Une lettre de licenciement lui a été adressée le 1er septembre 2005. Cass. soc., 30 novembre 2011, jonction, n° 09-43.183, n° 09-43184, FS-P+B ; Mme X et M. Y ont été engagés par la société C., en qualité de cadre commercial, le 31 décembre 2003. Ils ont refusé la proposition de modification de leur rémunération qui leur avait été faite dans le cadre de la réorganisation du service commercial, intervenue à la suite de la cession de la société au groupe A.. Après avoir décliné les offres de reclassement et adhéré à la CRP, les salariés ont été licenciés pour motif économique le 22 mai 2006.
(2) L'objet de la CRP est d'offrir aux salariés, pendant douze mois, un accompagnement personnalisé dans la perspective d'un reclassement rapide. Le bénéficiaire de la CRP a le statut de stagiaire de la formation professionnelle pendant toute la durée de la convention et perçoit une allocation spécifique de reclassement .
(3) G. Cherpion, Rapport, Assemblée nationale, n° 3519, 8 juin 2011 ; J.-C. Taugourdeau, Avis, Assemblée nationale, n° 3512, 7 juin 2011 ; S. Desmarescaux, Rapport, Sénat, n° 659, 22 juin 2011 ; G. Cherpion, Rapport, Assemblée nationale, n° 3630 et M. Dini, Rapport, Sénat, n° 735, 6 juillet 2011 ; LSQ, n° 15923 du 29 août 2011 et LSQ, n° 15899 du 19 juillet 2011.
(4) La convention du 19 juillet 2011 relative au contrat de sécurisation professionnelle a été agréée (arrêté du 6 octobre 2011 N° Lexbase : L1987IRZ). V. Dole, Le contrat de transition professionnelle et la convention de reclassement personnalisée : évaluation d'une approche systémique de l'accompagnement pour le retour durable à l'emploi des personnes licenciées pour motif économique, IGAS, mai 2010 ; v. nos obs., Réforme des groupements d'employeur et consécration du "contrat de sécurisation professionnelle" mis en place par les partenaires sociaux, Lexbase Hebdo n° 453 du 15 septembre 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N7621BS3).
(5) Cass. soc., 5 mars 2008, n° 07-41.964, FS P+B+R (N° Lexbase : A3379D7B) et nos obs., Convention de reclassement personnalisé et contestation du motif économique de la rupture du contrat de travail, Lexbase Hebdo n° 297 du 19 mars 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N4460BEW).
(6) CA Paris, 18ème ch., sect. C, 22 mars 2007, n° 06/09060 (N° Lexbase : A9970DXK).
(7) Cass. soc., 27 janvier 1994, n° 90-46.034, publié (N° Lexbase : A0469ABY) ; Cass. soc., 14 octobre 1997, n° 95-40.599, inédit (N° Lexbase : A8367AYK) ; Cass. soc., 24 septembre 2002, n° 00-42.636, FS-P+B (N° Lexbase : A4890AZ7).
(8) Cass. soc., 27 mai 2009, n° 08-43.137, F-P (N° Lexbase : A3982EHX) ; Cass. soc., 29 janvier 1992, n° 90-43.229, publié (N° Lexbase : A3748AA3).
(9) Cass. soc., 5 mai 2010, n° 08-43.652, FS-P+B (N° Lexbase : A0686EXP) et v. nos obs., CRP et conséquences du défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement, Lexbase Hebdo n° 396 du 26 mai 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N2177BPC) ; JSL, n° 280, 30 juin 2010.
(10) Cass. soc., 5 juillet 2011, n° 09-43.216, F-D (N° Lexbase : A9533HUM) ; en l'absence de motif économique de licenciement, la CRP devient sans cause de sorte que l'employeur est alors tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées à ce titre en vertu de la CRP.
(11) Lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer la lettre de licenciement avant l'acceptation par le salarié de la proposition de CRP, il suffit que le motif économique soit énoncé dans tout autre document écrit remis ou adressé à celui-ci au plus tard au moment de son acceptation (Cass. soc., 14 avril 2010, n° 08-45.399, FS-P+B (N° Lexbase : A0524EWC). Dès lors, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur dans le protocole d'accord remis au salarié concomitamment à son acceptation de la convention (Cass. soc., 14 avril 2010, n° 09-40.987, FS-P+B N° Lexbase : A0682EW8). V. aussi F. Dumont, Quel support d'information pour le motif économique de licenciement quand le salarié accepte une CRP ?, JCP éd. S, 13 juillet 2010, n° 1299 (note sous Cass. soc., 14 avril 2010, n° 08-45.399, FS-P+B N° Lexbase : A0524EWC) ; F. Millet, CRP : la Cour de cassation apporte des précisions utiles sur les modalités d'énonciation du motif économique, JSL, n° 287, 18 novembre 2010 ; J.-E. Tourreil, Le salarié doit être informé du motif économique au plus tard lors de l'adhésion à la CRP, JSL, n° 278, 3 juin 2010 ; La CRP et l'énonciation du motif économique, avis de J. Duplat, Premier avocat général à la Cour de cassation, SSL, n° 1443, 26 avril 2010.
(12) C. trav., art. L. 321-4-2 anc. ; recod. art. L. 1233-65 à L. 1233-69 (N° Lexbase : L8851IQU), L. 5421-1 (N° Lexbase : L8792IAU) et s., L. 5422-21 N° Lexbase : L2795H9E), L. 5422-23 (N° Lexbase : L2801H9M), L. 5427-9 (N° Lexbase : L3024H9U), L. 5427-10 (N° Lexbase : L3026H9X), L. 6341-1 (N° Lexbase : L8810IQD) et L. 6341-10 (N° Lexbase : L2766H9C).
(13) ANI du 23 décembre 2008 portant reconduction du dispositif des CRP ; ANI du 8 juillet 2009 sur la gestion sociale des conséquences de la crise économique sur l'emploi ; Arrêté du 30 mars 2009 portant agrément de la convention du 19 février 2009 relative à la CRP ; Circ. Unedic n° 2009-13 du 6 mai 2009 (N° Lexbase : L1954IE4) ; convention du 20 février 2010, portant reconduction du dispositif des conventions de reclassement personnalisé ; ANI de sécurisation de la CRP du 3 mars 2011 ; ANI de sécurisation de la CRP du 29 avril 2011 ; ANI de sécurisation de la CRP du 4 juillet 2011.
(14) LSQ, n° 15991, préc..
(15) Cass. soc., 13 septembre 2005, n° 04-40.135 , FS-P+B (N° Lexbase : A4536DK9), Bull. civ. V, n° 252.
(16) Cass. soc., 2 octobre 1997, n° 95-43.470, inédit (N° Lexbase : A2918AG8).

Décisions

Cass. soc., 30 novembre 2011, n° 10-21.678, FS-P+B, sur le second moyen (N° Lexbase : A4906H34)

Textes concernés : C. trav., art. L. 1233-15 (N° Lexbase : L1131H9R) et L. 1233-16 (N° Lexbase : L1135H9W)

Cass. soc., 30 novembre 2011, jonction, n° 09-43.183 et n° 09-43.184, FS-P+B (N° Lexbase : A4803H3B)

Textes concernés : C. trav., art. L. 1233-3 (N° Lexbase : L8772IA7), L. 1233-45 (N° Lexbase : L1205H9I) et L. 1233-67 (N° Lexbase : L8853IQX)

Mots-clés : convention de reclassement personnalisé, priorité de réembauche, bénéfice (oui), date d'effet, connaissance du salarié.

Liens base : (N° Lexbase : E9365ESN)

newsid:429233

Rupture du contrat de travail

[Brèves] Procédure de licenciement conduite par un cabinet comptable : licenciement sans cause réelle et sérieuse

Réf. : Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 10-30.222, FS-P+B (N° Lexbase : A2024H4Q)

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N9258BSP

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Le 15 Décembre 2011

Lorsque la procédure de licenciement a été conduite par le cabinet comptable de l'employeur, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Telle est la solution d'un arrêt de la Chambre sociale en date du 7 décembre 2011 (Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 10-30.222, FS-P+B N° Lexbase : A2024H4Q).
Dans cette affaire, M. D. a été engagé par la société A. en qualité d'ouvrier carreleur. Il a été licencié pour insuffisance professionnelle. Contestant ledit licenciement, M. D. a saisi la juridiction prud'homale. Pour débouter le salarié de ses demandes tendant à voir déclarer nul et, subsidiairement, dépourvu de cause réelle et sérieuse, son licenciement, la cour d'appel "énonce que si les parties ne contestent pas que les lettres de convocation à l'entretien préalable et de notification du licenciement ont été signées par le cabinet comptable de l'employeur, il n'en reste pas moins que le salarié a bien été reçu en entretien préalable par le gérant de la société". Pour la cour d'appel, bien que le licenciement ait été notifié par une personne incompétente pour le faire, l'irrégularité de la procédure ne rend pas le licenciement sans cause réelle et sérieuse. La finalité même de l'entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisant à l'employeur de donner mandat à une personne étrangère à l'entreprise pour conduire la procédure de licenciement jusqu'à son terme, la Haute juridiction infirme l'arrêt pour une violation de l'article L. 1232-6 du Code du travail (N° Lexbase : L1084H9Z) .

newsid:429258

Rupture du contrat de travail

[Brèves] Transfert du contrat de travail : conséquence d'une demande de résiliation judiciaire contre l'ancien employeur

Réf. : Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 07-45.689, FS-P+B (N° Lexbase : A1936H4H)

Lecture: 2 min

N9284BSN

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Le 17 Décembre 2011

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service ou au service d'un nouvel employeur dans le cas d'un transfert de son contrat de travail et qu'il est licencié ultérieurement, le juge qui considère la demande comme justifiée fixe la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement. Telle est la solution d'un arrêt de la Chambre sociale en date du 7 décembre 2011 (Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 07-45.689, FS-P+B N° Lexbase : A1936H4H).
Dans cette affaire, Mme D. a été engagée le 23 septembre 1998 par la société F., aux droits de laquelle se trouve la société Groupe V., en qualité de coiffeuse. Par deux accords intervenus les 22 juin 2000 et 23 janvier 2003, l'employeur a prévu le remplacement du paiement des heures supplémentaires par l'octroi de repos compensateurs. La salariée a, le 17 avril 2003, saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail et en paiement de diverses sommes. Son contrat de travail a été transféré le 1er septembre 2004 à la société C., qui l'a licenciée le 10 février 2005. L'employeur fait grief à l'arrêt (CA Douai, ch. soc., 26 octobre 2007, n° 05/01140 N° Lexbase : A7748HG3) de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du 10 février 2005 et de le condamner alors que "le juge saisi d'une demande de résiliation judiciaire par un salarié dont le contrat a été, en cours d'instance, transféré à un nouvel employeur qui l'a ensuite licencié, ne peut fixer la date de prise d'effet de la résiliation judiciaire du contrat ayant lié le salarié à l'employeur cédant au jour du licenciement prononcé par l'employeur cessionnaire". Après avoir rappelé "que lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service ou au service d'un nouvel employeur dans le cas d'un transfert de son contrat de travail en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0840H9Y), et qu'il est licencié ultérieurement, le juge doit rechercher si la demande était justifiée ; [...] si tel est le cas, il fixe la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement", la Cour de cassation rejette le pourvoi. La cour d'appel a ainsi, peu important le transfert du contrat de travail, exactement décidé qu'il y avait lieu de fixer à cette date la rupture des relations contractuelles .

newsid:429284

Rupture du contrat de travail

[Brèves] Calcul de l'ancienneté : aucune restriction en cas de suspension d'exécution du contrat de travail

Réf. : Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 10-14.156, FS-P+B (N° Lexbase : A1900H47)

Lecture: 2 min

N9283BSM

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Le 21 Décembre 2011

Le salarié qui a une ancienneté d'au moins deux ans dans l'entreprise a droit, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, à une indemnité qui ne peut être inférieure au salaire des six derniers mois et ce même si son contrat de travail a été suspendu pendant cette période, l'article L. 1235-3 du Code du travail (N° Lexbase : L1342H9L) ne comportant aucune restriction en cas de suspension d'exécution du contrat de travail pour maladie. Par ailleurs, est suffisamment précise quant aux horaires effectivement réalisés, la production par la salariée d'un récapitulatif de son temps de travail journalier, permettant à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments. Telle sont les solutions d'un arrêt de la Chambre sociale en date du 7 décembre 2011 (Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 10-14.156, FS-P+B N° Lexbase : A1900H47).
Mme S. a été engagée, suivant contrat de travail à durée indéterminée, par la société N. qui exploite un restaurant et une salle d'art pour l'organisation de concerts et d'exposition d'oeuvres d'art, en qualité d'assistante de direction. Par lettre du 25 février 2002, elle a pris acte de la rupture du contrat de travail en imputant divers manquements à son employeur et a saisi la juridiction prud'homale pour voir dire que cette prise d'acte devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et voir condamner son employeur à lui payer diverses sommes. La cour d'appel (CA Paris, Pôle 6, 10ème ch., 12 janvier 2010, n° 07/07173 N° Lexbase : A3944ESU) a limité à la somme de 13 500 euros le montant de l'indemnité allouée à la salariée, cette dernière bénéficiait d'une ancienneté inférieure à deux années, dans la mesure où elle s'est trouvée en arrêt de travail à compter du 14 novembre 2001 jusqu'à la date de notification de la prise d'acte de rupture de son contrat de travail. La Haute juridiction infirme l'arrêt pour une violation de l'article L. 1253-3 du Code du travail, la salariée comptait, périodes de suspension du contrat de travail pour maladie incluses, plus de deux années d'ancienneté au sein de l'entreprise. Par ailleurs, "en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments". La Chambre sociale infirme également l'arrêt pour une violation de l'article L. 3171-4 du Code du travail (N° Lexbase : L0783H9U) .

newsid:429283

Santé

[Brèves] Salariés expatriés : responsabilité de l'employeur sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile contractuelle

Réf. : Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 10-22.875, FS-P+B+R (N° Lexbase : A1882H4H)

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N9291BSW

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Le 16 Décembre 2011

Le salarié dont l'affection n'est pas prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail ou les maladies professionnelles, dès lors qu'il est expatrié, peut engager une action contre son employeur sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile contractuelle. L'employeur, n'ayant apporté aucune réponse aux craintes exprimées par un salarié, s'étant contenté de faire état du lieu contractuel sans prendre en compte le danger encouru et n'ayant pris aucune mesure de protection pour prévenir un dommage prévisible, a manqué à ses obligations contractuelles. Telle est la solution d'un arrêt de la Chambre sociale en date du 7 décembre 2011 (Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 10-22.875, FS-P+B+R N° Lexbase : A1882H4H).
Dans cette affaire, Mme P. a été engagée par la société A. en qualité de responsable Afrique occidentale et centrale et affectée en Côte d'Ivoire. Elle a été victime d'une agression à Abidjan, prise en charge par la Caisse des Français de l'Etranger en application de l'article L. 762-8 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4543ADM) au titre des prestations légales. Sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur en application de la législation des accidents du travail a été déclarée irrecevable au motif que la législation professionnelle ne lui était pas applicable dès lors qu'elle était expatriée. Déclarée inapte par le médecin du travail puis licenciée, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes tendant à la réparation de son préjudice. L'employeur fait grief à l'arrêt (CA Lyon, ch. soc., sect. B, 9 juin 2010, n° 09/03167 N° Lexbase : A9034GIG) de le condamner à payer une somme à titre de dommages et intérêts du fait des conséquences de l'agression subie par la salariée alors que les salariés expatriés ne peuvent solliciter devant un conseil de prud'hommes l'indemnisation des conséquences d'un accident du travail dont ils ont été victime sous couvert de voir sanctionner un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et "que l'employeur n'est tenu d'assurer la sécurité de ses salariés que dans leurs activités ayant un lien direct avec l'exécution de leur contrat de travail et non à chaque instant de leur vie privée". La Haute juridiction rejette le pourvoi, la salariée, se trouvant du fait de son contrat de travail dans un lieu particulièrement exposé au risque, ayant, à plusieurs reprises, alerté son employeur sur l'accroissement des dangers encourus par les ressortissants français à Abidjan, lui demandant expressément d'organiser son rapatriement et un retour sécurisé en France, l'employeur, n'ayant pris aucune mesure de protection pour prévenir un dommage prévisible, a manqué à ses obligations contractuelles sans qu'une faute de nature à l'exonérer de sa responsabilité puisse être reprochée à la salariée.

newsid:429291

Santé

[Brèves] Inaptitude définitive d'un conducteur routier : bénéfice d'une indemnité conventionnelle particulière

Réf. : Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 10-15.119, FS-P+B (N° Lexbase : A1963H4H)

Lecture: 2 min

N9287BSR

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Le 17 Décembre 2011

Les dispositions conventionnelles aux termes desquelles en cas d'incapacité définitive à la conduite entraînant le retrait du permis de conduire de la catégorie attachée à son emploi pour inaptitude physique constatée par une commission médicale départementale, en l'absence de reclassement et à condition que le salarié justifie de trois ans d'exercice du métier de conducteur dans l'entreprise, le conducteur bénéficie d'une indemnité conventionnelle particulière dont le montant varie en fonction de son ancienneté, ont vocation à s'appliquer en cas d'inaptitude définitive au poste de conducteur routier prononcée par le médecin du travail dès lors que le salarié est resté dans l'incapacité physique de reprendre son ancienne profession. Telle est la solution d'un arrêt de la Chambre sociale en date du 7 décembre 2011 (Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 10-15.119, FS-P+B N° Lexbase : A1963H4H ; sur cet arrêt, lire (N° Lexbase : N9288BSS).
Dans cette affaire, M. B. a été engagé par la société T. en qualité de conducteur routier longue distance. Ayant été licencié pour inaptitude définitive à son poste de travail et impossibilité de reclassement, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes de rappels de salaire à titre d'heures supplémentaires incluant les primes de nuit versées au titre de l'article 3-1 de l'accord du 14 novembre 2001, relatif au travail de nuit dans les transports routiers de marchandises et de paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement prévue par l'article 11 ter de l'annexe I de la Convention collective nationale des transports routiers en cas d'incapacité définitive à la conduite. Pour rejeter la demande de paiement de cette indemnité, l'arrêt (CA Douai, ch. soc., 29 janvier 2010, n° 09/01116 N° Lexbase : A8417EUB) retient, d'une part, que le salarié ne démontre pas qu'il remplit les conditions d'octroi de l'indemnité et d'autre part, "qu'au-delà de la question sur la réalité d'une proposition d'un nouvel emploi par l'employeur et de sa rémunération, il convient de constater que le salarié ne justifie pas d'une incapacité définitive à la conduite ayant entraîné le retrait du permis de conduire de la catégorie attachée à son emploi pour inaptitude physique constatée par une commission médicale départementale". La Haute juridiction infirme l'arrêt, la cour d'appel aurait dû préciser si le salarié était dans l'incapacité définitive de reprendre son ancienne profession (sur les conséquences du non-reclassement du salarié dans l'emploi, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3285ETT).

newsid:429287

Santé

[Brèves] Mise en invalidité du salarié : pas de résiliation en l'absence de constatation préalable de son inaptitude par le médecin du travail

Réf. : Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 10-15.222, FS-P+B (N° Lexbase : A1969H4P)

Lecture: 2 min

N9292BSX

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Le 03 Janvier 2012

La clause d'une convention collective ne pouvant prévoir une résiliation de plein droit du contrat de travail en raison du classement du salarié dans une catégorie d'invalidité déterminée et dispenser en ce cas l'employeur de l'avis du médecin du travail, la résiliation fondée sur la mise en invalidité du salarié sans constatation préalable de son inaptitude par le médecin du travail conformément aux dispositions légales est nulle. Telle est la solution d'un arrêt de la Chambre sociale en date du 7 décembre 2011 (Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 10-15.222, FS-P+B N° Lexbase : A1969H4P).
Dans cette affaire, M. D. a été engagé par la société C. en qualité de collaborateur puis de directeur de caisse, statut cadre, à compter de 1996. Le salarié, en arrêt de travail pour maladie à compter du 2 janvier 2001, puis classé en invalidité deuxième catégorie à compter du 1er avril 2004, a demandé à bénéficier des dispositions de l'article 34 devenu article 35 de la Convention collective selon lesquelles "lorsqu'un salarié sera classé en invalidité de deuxième ou troisième catégorie, son contrat de travail sera résilié. Il percevra à l'occasion de cette résiliation une indemnité calculée, en fonction de son ancienneté dans l'entreprise, selon les modalités prévues pour l'indemnité de fin de carrière". Il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail. L'employeur fait grief à l'arrêt (CA Douai, ch. soc., 29 janvier 2010, n° 09/00510 N° Lexbase : A8261EUI) de le condamner à payer à M. D. diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement nul, alors "qu'à défaut de visite médicale de reprise, le contrat de travail de M. D. se trouvait toujours suspendu en dépit du classement de celui-ci en invalidité de deuxième catégorie" et que la cour d'appel n'aurait pas dû considérer que le contrat de travail de l'intéressé avait été résilié et que cette résiliation devait s'analyser comme un licenciement fondé sur l'état de santé qui devait être annulé en vertu dudit texte en l'absence de toute notification par la société de la rupture du contrat dudit salarié. La Haute juridiction rejette le pourvoi après avoir rappelé qu'aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison, notamment, de son état de santé ou de son handicap, à moins qu'il n'ait été déclaré inapte par le médecin du travail. La cour d'appel a ainsi exactement décidé "que la résiliation fondée sur la mise en invalidité du salarié sans constatation préalable de son inaptitude par le médecin du travail conformément aux dispositions légales était nulle ce qui ouvrait droit au salarié aux indemnités de rupture et à des dommages-intérêts au moins égaux à l'indemnité prévue à l'article L. 1235-3 du Code du travail (N° Lexbase : L1342H9L)".

newsid:429292

Sécurité sociale

[Brèves] Attribution d'une aide exceptionnelle de fin d'année aux bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, de l'allocation équivalent retraite et de l'allocation transitoire de solidarité

Réf. : Décret n° 2011-1839 du 8 décembre 2011 (N° Lexbase : L3615IRC)

Lecture: 1 min

N9298BS8

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Le 15 Décembre 2011

Le décret n° 2011-1839 du 8 décembre 2011 (N° Lexbase : L3615IRC), publié au Journal officiel du 9 décembre 2011, définit les conditions et modalités d'une aide exceptionnelle de fin d'année aux bénéficiaires de certaines allocations. Cette aide est attribuée aux bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, de l'allocation équivalent retraite et de l'allocation transitoire de solidarité ayant droit au service de ces allocations au titre du mois de novembre 2011 ou, à défaut, au titre du mois de décembre 2011. Cette aide exceptionnelle n'est toutefois pas due aux personnes qui ont bénéficié de son versement au titre du revenu de solidarité active. Le montant de cette aide exceptionnelle est fixé à 152,45 euros, sauf en ce qui concerne les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique à taux majoré pour lesquels il est porté à 219,53 euros (sur les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E1591AT4).

newsid:429298

Sécurité sociale

[Brèves] Procédure civile aux fins de fixation de l'obligation d'entretien des enfants pour le bénéfice de l'allocation de soutien familial

Réf. : Décret n° 2011-1840 du 7 décembre 2011, relatif à l'engagement d'une procédure civile aux fins de fixation de l'obligation d'entretien des enfants pour le bénéfice de l'allocation de soutien familial (N° Lexbase : L3616IRD)

Lecture: 1 min

N9300BSA

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Le 15 Décembre 2011

Le décret n° 2011-1840 du 7 décembre 2011, relatif à l'engagement d'une procédure civile aux fins de fixation de l'obligation d'entretien des enfants pour le bénéfice de l'allocation de soutien familial, (N° Lexbase : L3616IRD), publié au Journal officiel du 9 décembre 2011, modifie les conditions dans lesquelles le service de l'allocation de soutien familial peut être maintenu au parent assumant la charge de l'enfant, au delà d'un délai de quatre mois, lorsque le montant de l'obligation d'entretien du parent défaillant n'a pas fait l'objet d'une décision de justice. Il restreint l'obligation de saisine du juge aux affaires familiales prévue en pareille hypothèse aux seuls cas où le domicile et la solvabilité des débiteurs sont connus. Cette double vérification incombera aux organismes débiteurs des prestations familiales. Lorsque leur contrôle n'aura pas permis d'établir l'un ou l'autre de ces éléments, le débiteur de l'obligation d'entretien sera regardé comme étant hors d'état de faire face à son obligation et l'allocataire maintenu dans ses droits sans qu'il ait pour cela à saisir le juge. L'absence de domicile connu du débiteur fera, par ailleurs, l'objet d'un signalement auprès des autres organismes de Sécurité sociale .

newsid:429300

Social général

[Panorama] Panorama des arrêts inédits rendus par la Cour de cassation - Semaine du 5 décembre au 9 décembre 2011

Lecture: 5 min

N9271BS8

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Le 15 Décembre 2011

Retrouvez, chaque semaine, une sélection des arrêts inédits de la Cour de cassation, les plus pertinents, classés par thème.
  • Clause d'indivisibilité/Licenciement sans cause réelle et sérieuse

- Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 10-20.239, F-D (N° Lexbase : A1897H4Z) : une clause de résiliation insérée au contrat ne dispense pas d'apprécier la cause réelle et sérieuse du licenciement ; le contrat de travail d'une salariée ayant été conclu de façon autonome par rapport à celui de son mari et la salariée ayant développé une compétence de nature à faciliter la poursuite de son activité de cogérante salariée, la poursuite du second contrat n'est pas rendue impossible par la rupture du premier (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0785ETA).

  • Cause réelle et sérieuse de licenciement (oui)/Abus de position de responsable

- Cass. soc., 6 décembre 2011, n° 10-19.794, F-D (N° Lexbase : A1915H4P) : constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, le fait qu'un salarié ait abusé de sa position de responsable de site en refusant de rendre compte de ses déplacements et de ses rendez-vous commerciaux, en faisant réaliser des travaux pour son compte par l'un de ses subordonnés et en procédant à un échange de prestations avec une société tierce sans qu'il en subsiste une trace en comptabilité (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9162ES7).

  • Licenciement économique/Cessation d'activité de l'employeur

- Cass. soc., 6 décembre 2011, n° 10-20.120, F-D (N° Lexbase : A1971H4R) : la vente du navire sur lequel était affecté le salarié entraîne la cessation d'activité de l'employeur, dont il se déduisait la suppression de tous les postes de travail, qui constitue une cause économique de licenciement (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9291ESW).

  • Faute grave (oui)/Utilisation du matériel de l'entreprise

- Cass. soc., 6 décembre 2011, n° 10-19.998, F-D (N° Lexbase : A1926H44) : constitue une faute grave, le fait qu'un salarié, ayant la responsabilité de la coordination du nettoyage, a utilisé à plusieurs reprises, à des fins étrangères aux intérêts de son employeur, les services de ce dernier pour faire réaliser la vidange des fosses sceptiques de particuliers et de tiers, les contenus de celles-ci étant ensuite vidangés sur ses instructions expresses dans le réseau des eaux usées d'une société cliente de l'entreprise au mépris des engagements contractuels pris entre celle-ci et son employeur (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9177ESP).

  • Faute grave (oui)/Absence de datations des faits

- Cass. soc., 6 décembre 2011, n° 10-20.925, F-D (N° Lexbase : A1868H4X) : la datation des faits invoqués n'est pas nécessaire, lorsque la lettre de licenciement reprochait à la salariée d'arriver régulièrement en retard, de s'absenter du magasin pour motifs personnels, de rester des heures au téléphone au lieu de remplir ses fonctions, d'accorder des remises à ses relations sans l'accord de l'employeur et en exprimant bien fort le fait qu'elle se moquait totalement des consignes internes de travail, d'avoir accordé des remises à son médecin traitant qui lui avait accordé un arrêt maladie de complaisance et d'exercer un chantage sur ses collègues de travail de façon répétée et durable depuis des mois (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9224ESG).

  • Faute grave (non)/Utilisation du matériel de l'entreprise

- Cass. soc., 6 décembre 2011, n° 10-20.333, F-D (N° Lexbase : A1892H4T) : l'utilisation épisodique du téléphone d'une chambre inoccupée pour des appels à l'étranger par une femme de chambre ne rend pas impossible son maintien dans l'entreprise et ne constitue pas une faute grave (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9177ESP).

  • Transaction/Effets de la renonciation à certains droits

- Cass. soc., 6 décembre 2011, n° 10-14.181, F-D (N° Lexbase : A1850H4B) : les transactions se renferment dans leur objet et la renonciation qui est faite à tous droits, actions et prétentions, s'entend de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu ; lorsque la transaction, destinée à mettre fin à un différend opposant les parties quant à la réintégration du salarié, comportait des dispositions concernant les droits de celui-ci relatifs aux conséquences du licenciement pour cause d'inaptitude, et alors que, lors de la première instance, le salarié ne disposait pas encore d'une créance indemnitaire, certaine, liquide et exigible, ce dernier n'a pas sans équivoque renoncé à ses droits (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9955ESI).

  • Preuve d'heures supplémentaires/Production de fiches mensuelles

- Cass. soc., 6 décembre 2011, n° 10-19.794, F-D (N° Lexbase : A1915H4P) : en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, la production des fiches mensuelles par le salarié récapitulant les horaires qu'il avait effectués étaye sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0356ETD).

  • Calcul des congés payés/Intégration d'une prime de résultat et de transport

- Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 10-23.686, F-D (N° Lexbase : A1856H4I) : une prime de résultat variable, déterminée en fonction, d'une part, d'objectifs personnels, d'autre part, des objectifs de la société, constituant une rémunération variable au moins pour partie liée à l'activité personnelle des salariés pendant les mois travaillés, sans que soit prise en compte la période de congés payés, doit être incluse dans l'assiette de calcul des congés payés .

- Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 10-23.686, F-D (N° Lexbase : A1856H4I) : une prime de transport, venant indemniser par jour travaillé la sujétion liée à l'organisation spécifique de l'entreprise dont l'activité, en zone urbaine essentiellement, nécessitait une exploitation décalée par rapport à la journée et des interventions de nuit ou à une heure très matinale, en dehors des heures d'activité des transports en commun, entre dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés .

  • Remboursement de frais professionnels/Modalités prévues par le contrat de travail

- Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 10-14.286, F-D (N° Lexbase : A2026H4S) : les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition que la rémunération proprement dite du travail reste au moins égale au SMIC (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0785ETA).

  • Différence de traitement/Prise en compte des spécificités des catégories professionnelles

- Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 10-19.102, F-D (N° Lexbase : A1906H4D) : il appartient à une cour d'appel de rechercher si la différence de traitement résultant de la Convention collective de l'industrie pharmaceutique entre les cadres et les assimilés cadres en matière de prime d'ancienneté n'a pas pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation de chacune de ces deux catégories professionnelles distinctes, définies par la Convention collective (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0721ETU).

newsid:429271

Social général

[Brèves] Obligation d'information des organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage

Réf. : Arrêté du 28 novembre 2011 (N° Lexbase : L3579IRY)

Lecture: 1 min

N9293BSY

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Le 15 Décembre 2011

Comme l'indique un arrêté du 28 novembre 2011 (N° Lexbase : L3579IRY), publié au Journal officiel, le 7 décembre 2011, les organismes collecteurs mentionnés aux articles L. 6242-1 (N° Lexbase : L3374H9T) et L. 6242-2 du Code du travail (N° Lexbase : L3376H9W) adressent au plus tard le 30 avril de chaque année, au ministre chargé de la Formation professionnelle lorsque l'habilitation est nationale, au préfet de région territorialement compétent lorsque l'habilitation est régionale, un état dont le modèle est fixé par arrêté ministériel énoncé à l'article R. 6242-16 du Code du travail (N° Lexbase : L8701H97). Cet état précise les informations relatives aux versements de la contribution supplémentaire à l'apprentissage au titre de l'année de la collecte de la taxe d'apprentissage et indiquent les renseignements administratifs, statistiques et financiers relatifs à la collecte de l'année précédente. Les dispositions qui précèdent sont applicables pour la première fois aux opérations de collecte de la taxe d'apprentissage, de la contribution au développement de l'apprentissage et de la contribution supplémentaire à l'apprentissage assises sur les salaires de l'année 2011.

newsid:429293

Social général

[Brèves] Droits et obligations des dispensateurs de formation

Réf. : Circulaire DGEFP n° 2011-26 du 15 novembre 2011, relative aux textes modifiant les droits et obligations des dispensateurs de formation et adaptant le contrôle (N° Lexbase : L2801IR8)

Lecture: 1 min

N9192BSA

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Le 15 Décembre 2011

Une circulaire DGEFP n° 2011-26 du 15 novembre 2011, relative aux textes modifiant les droits et obligations des dispensateurs de formation et adaptant le contrôle (N° Lexbase : L2801IR8), revient sur la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009, relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie (N° Lexbase : L9345IET), qui a modifié les dispositions légales qui régissent les droits et obligations des dispensateurs de formation et celles relatives aux procédures et aux sanctions en cas de contrôle. La présente circulaire abroge la circulaire DGEFP n° 2006-10 du 14 mars 2006, relative aux textes modifiant les droits et obligations des dispensateurs de formation et adaptant le contrôle (N° Lexbase : L9532HHI). Elle doit constituer, pour les agents en charge du contrôle de la formation professionnelle, un outil permettant de s'approprier les nouveaux modes opératoires en matière de contrôle, d'encadrer les nouvelles pratiques et d'en exposer les limites (sur les objectifs et contenu de la formation professionnelle, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E4035ETM).

newsid:429192

Temps de travail

[Jurisprudence] La qualification de cadre dirigeant

Réf. : Cass. soc., 30 novembre 2011, n° 09-67.798, FS-P+B (N° Lexbase : A4892H3L)

Lecture: 10 min

N9237BSW

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par Sébastien Tournaux, Professeur à l'Université des Antilles et de la Guyane

Le 15 Décembre 2011

La loi "Aubry II" du 19 janvier 2000 (N° Lexbase : L0988AH3) a introduit dans le Code du travail la qualification de cadre avec pour objectif d'aménager les règles relatives au temps de travail de ces salariés un peu particuliers. Parmi les différents cadres, on trouve notamment le cadre dirigeant pour lequel les dérogations aux durées maximales de travail, aux temps de repos et de congés sont les plus prononcées. Pour que les dérogations les concernant puissent s'appliquer, il est cependant indispensable de pouvoir identifier qui est le cadre dirigeant. Si l'article L. 3111-2 du Code du travail (N° Lexbase : L0290H9M) fournit une définition de ces cadres dirigeants, cette définition a été parfois précisée par la Chambre sociale de la Cour de cassation, comme elle le fait à nouveau par un arrêt rendu le 30 novembre 2011. Ainsi, la qualité de cadre dirigeant n'exige pas qu'un accord particulier soit conclu entre l'employeur et le salarié ni que le salarié dispose de la rémunération la plus élevée de l'entreprise (I). A côté de cette question principale, la Chambre sociale apporte également une précision sur les obligations de l'employeur et, en particulier, sur le manquement de l'employeur à ses obligations en matière de représentation du personnel dans l'entreprise, manquement qui ne peut justifier une résiliation judiciaire du contrat de travail (II).
Résumé

La qualité de cadre dirigeant au sens de l'article L. 3111-2 du Code du travail (N° Lexbase : L0290H9M) ne requiert ni l'existence d'un accord particulier entre l'employeur et le salarié, ni que ce dernier se situe au niveau hiérarchique le plus élevé de la classification conventionnelle.

La carence fautive de l'employeur qui n'accomplit pas les diligences nécessaires à la mise en place d'institutions représentatives du personnel ne constitue pas un manquement de nature à fonder la résiliation judiciaire d'un contrat de travail à ses torts.

Commentaire

I - L'appréciation de la qualité de cadre dirigeant

  • Le régime dérogatoire applicable aux cadres dirigeants

A mi-chemin entre le salariat au sens le plus classique du terme et le travail indépendant tel qu'il caractérise la plupart des artisans, des commerçants, des professions libérales ou entrepreneuriales, existe depuis longtemps une "zone grise" dans laquelle on trouve des indépendants fortement inféodés à un donneur d'ordres et des salariés dont le degré d'autonomie et de liberté est tel que l'on finit par douter de l'existence d'un véritable lien de subordination (1).

C'est pour cette dernière catégorie de salariés qu'ont été aménagées certaines règles du Code du travail s'agissant, plus particulièrement, de ceux que l'on appelle les cadres dirigeants, "ces salariés qui ont un rôle de quasi-employeur et le représentent en matière sociale ou autre" (2). Sous l'influence des dispositions de l'article 17-1 de la Directive européenne du 23 novembre 1993 (3), la loi "Aubry II" a créé une catégorie légale de cadres dirigeants pour priver ces salariés particuliers du bénéfice des dispositions légales sur le temps de travail (4).

En effet, si l'on connaît généralement la règle d'incompatibilité interdisant à un salarié d'être représentant du personnel lorsqu'il dispose de fonctions trop proches de l'employeur dans l'entreprise (5), on oublie parfois que l'article L. 3111-2 du Code du travail dispose que "les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III" du livre I de la troisième partie du Code du travail, titres respectivement consacrés à la durée du travail et aux temps de repos. Concrètement, par exemple, les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions relatives aux heures supplémentaires, sauf stipulations contractuelles ou conventionnelles plus favorables (6).

  • Les caractéristiques de la notion de cadre dirigeant

Inévitablement devait se poser la question de la qualification de cadre dirigeant : qui peut être concerné par cette dérogation ? Le second alinéa de l'article L. 3111-2 du Code du travail a le mérite de comporter une définition des cadres dirigeants. Selon ce texte, sont cadres dirigeants les salariés "auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement". Malgré le caractère relativement flou de cette définition, trois caractères semblaient pouvoir en être tirés : celui d'une liberté d'organisation de l'emploi du temps ; d'une autonomie de décision ; d'un niveau de rémunération élevé.

A plusieurs occasions, la Chambre sociale a précisé la notion à partir de cette définition. Lorsque le salarié ne dispose pas d'une délégation générale de l'employeur et que sa rémunération ne se situe pas dans les niveaux les plus élevés du système de rémunération, il n'a pas la qualité de cadre dirigeant (7). Etaient ainsi rappelées les exigences d'autonomie de décision et de rémunération élevée. De la même manière, la Cour de cassation a pu juger qu'est cadre dirigeant le directeur bénéficiant d'un véhicule, commandant d'autres cadres, assistant aux réunions du conseil d'administration et disposant d'une délégation de signature, et dont le salaire, les fonctions et les responsabilités impliquent une large indépendance (8).

La rémunération ne constitue qu'un indice (9) qui, à lui seul, ne peut servir à exclure la qualification de cadre dirigeant ou, au contraire, à la servir (10). En outre, si l'existence d'une convention de forfait et d'un accord particulier, relatif au statut de cadre dirigeant, n'est pas des conditions exigées par le texte, la Chambre sociale semblait porter ces éléments au rang d'indices permettant d'identifier cette qualification (11).

S'agissant de l'appréciation de cette qualité, la Chambre sociale fait depuis longtemps application en la matière du principe dit de réalité qui lui est cher lorsqu'il s'agit d'apprécier l'existence ou, comme ici, l'intensité de la subordination (12). Seules les circonstances matérielles dans lesquelles se déroule la relation importent sans, par exemple, qu'une clause de la convention collective relative à la qualification de cadre dirigeant puisse prédéterminer l'existence ou non de ce statut (13).

C'est sur cette question de qualification qu'était à nouveau interrogée la Chambre sociale dans l'affaire commentée.

  • L'espèce

En l'espèce, un salarié assumait, dans une entreprise familiale, les pouvoirs de directeur d'un garage et de directeur opérationnel de trois sociétés de taxis. Il était, en outre, actionnaire à hauteur de 25 % d'une entreprise créée par la famille propriétaire des sociétés de taxi et du garage. Invoquant une trop grande charge de travail ayant eu pour conséquence la dégradation de son état de santé, le salarié avait introduit une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail. Il invoquait, plus spécialement, le non-respect des règles relatives au paiement des heures supplémentaires et aux temps de repos compensateurs qui devait accompagner ces heures de travail, la carence de mise en place d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise et, de manière plus générale, un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat.

La cour d'appel, saisie de l'affaire, l'avait débouté de sa demande de résiliation judiciaire en jugeant, d'une part, que le salarié bénéficiait du statut de cadre dirigeant si bien que les règles relatives aux heures supplémentaires ne lui étaient pas applicables et, d'autre part, que la preuve du lien de causalité entre le surmenage invoqué et la dégradation de l'état de santé n'était pas établi.

La Chambre sociale, par un arrêt rendu le 30 novembre 2011, rejette le pourvoi.

Sur le premier moyen, elle précise les éléments qui peuvent ou non être retenus pour aboutir à la qualification de cadre dirigeant en disposant que "la qualité de cadre dirigeant au sens de l'article L. 3111-2 du Code du travail ne requiert ni l'existence d'un accord particulier entre l'employeur et le salarié, ni que ce dernier se situe au niveau hiérarchique le plus élevé de la classification conventionnelle". A la suite de cela, elle approuve la cour d'appel d'avoir jugé, dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation, que le salarié avait la qualité de directeur, "qu'aucun secteur n'échappait à sa compétence et à sa responsabilité, qu'il ne recevait aucune consigne dans l'organisation de son travail ou de son emploi du temps et, qu'hormis celle du gérant, sa rémunération était la plus élevée des quatre sociétés".

Sur le second moyen, la Chambre sociale rejette encore le pourvoi, d'abord en jugeant que le manquement de l'employeur à ses obligations en matière d'institutions représentatives du personnel "ne constitue pas un manquement de nature à fonder la résiliation judiciaire d'un contrat de travail à ses torts" et, ensuite, que le salarié n'établissait pas le lien entre sa charge excessive de travail et la dégradation de son état de santé, si bien que l'employeur n'avait manqué à aucune de ses obligations.

  • Les caractéristiques précisées de la qualification de cadre dirigeant

Sur le premier point, la Chambre sociale refuse légitimement d'ajouter au texte des conditions que celui-ci ne prévoit pas.

S'agissant de l'exigence d'un accord écrit, comme le soutenait le salarié, la Chambre sociale avait déjà utilisé cet élément comme un indice sans jamais pour autant en faire un véritable critère de la qualification de cadre dirigeant. Le refus de se limiter à l'existence ou non d'un tel accord entre les parties est en réalité fort logique. En effet, comme nous l'avons déjà évoqué, la question de la qualification de cadre dirigeant est intrinsèquement liée à l'appréciation du degré de subordination du salarié. Or, en la matière, l'existence ou non d'un écrit ne peut servir que d'indice. Ce raisonnement est habituel s'agissant de l'identification de l'existence d'un contrat de travail. Le raisonnement, fondé sur le principe de réalité, est similaire : les faits priment sur l'accord ou l'absence d'accord éventuel. Cette position est parfaitement cohérente avec celle refusant de prendre en compte les qualifications opérées par la convention collective de travail.

S'agissant de la rémunération, le salarié demandeur au pourvoi soutenait que l'existence d'une rémunération plus élevée que la sienne dans l'entreprise permettait de conclure à l'absence de qualité de cadre dirigeant. Or, là encore, ce n'est pas strictement la règle établie par l'article L. 3111-2 du code du travail. Si ce texte exige que la rémunération du salarié appartienne "aux niveaux les plus élevés" du système de rémunération dans l'entreprise, il ne restreint en aucun cas cette qualification au seul cadre bénéficiant de la rémunération la plus élevée. Outre donc que cette qualification est parfaitement conforme au texte, elle a le mérite d'être fort réaliste sur le plan pratique. En effet, si l'on peut imaginer que, dans certaines petites structures, la direction ne soit assumée que par un seul et même cadre dirigeant, une telle position ne serait pas tenable dans des grands ensembles dans lesquels le pouvoir de direction est en réalité partagé entre différents directeurs fonctionnant tel un directoire : le directeur général, le directeur des affaires financières, le directeur des ressources humaines, etc.. Nécessairement, l'un de ces cadres gagne plus que les autres, ce qui n'empêche pas ces autres cadres d'exercer eux aussi des missions de direction de l'entreprise.

S'il nous paraît donc justifié d'approuver la décision de la Chambre sociale s'agissant de la qualification de cadre dirigeant, la solution était moins évidente s'agissant du second moyen.

II - Les conséquences sur le contrat de travail aux manquements en matière d'institutions représentatives du personnel

Sur ce second point, en effet, la Chambre sociale approuve la cour d'appel de ne pas avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat sur le fondement d'un manquement à l'obligation de mise en place des institutions représentatives du personnel et sur celui du manquement à son obligation de sécurité de résultat.

  • Manquement à l'obligation de sécurité de résultat

Il ne paraît pas utile de revenir sur le manquement à l'obligation de sécurité qui n'est pas avéré. En effet, faute de pouvoir établir la réalité des manquements de l'employeur en matière notamment de repos hebdomadaire, la dégradation de l'état de santé du salarié ne pouvait aucunement être imputée à l'entreprise.

S'il est vrai que la Chambre sociale adopte, depuis quelques mois, une position de plus en plus souple en la matière (14), il demeure nécessaire qu'un fait générateur lié au travail ait caractérisé la dégradation de la santé ! A défaut, l'employeur pourrait être tenu pour responsable de tout mal subi par le salarié, pour forcer le trait, de toute grippe ou opération de l'appendicite... Au plus peut-on penser que la position de la Haute juridiction aurait pu être différente si le conseil du salarié avait avancé des arguments liés au harcèlement moral et, plus particulièrement, au harcèlement managérial qui, désormais, n'exigent plus la démonstration d'un lien de causalité entre les agissements de harcèlement et la dégradation de l'état de santé qui peut, d'ailleurs, n'être que potentiel (15). Quoiqu'il en soit, il aurait, là encore, été nécessaire que le salarié démontre l'existence de faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement, ce qui en l'espèce était loin d'être acquis (16).

  • Le manquement à l'obligation de mise en place des représentants du personnel

L'argument tenant au non-respect de l'employeur de ses obligations en matière de représentation du personnel est plus douteux et l'on peut se demander si la Chambre sociale n'aurait pas dû être plus prudente, sauf à considérer que certains aspects de sa jurisprudence en matière de représentation du personnel sont amenés à évoluer.

En effet, la motivation est péremptoire et paraît absolue : "la carence fautive de l'employeur qui n'accomplit pas les diligences nécessaires à la mise en place d'institutions représentatives du personnel ne constitue pas un manquement de nature à fonder la résiliation judiciaire d'un contrat de travail à ses torts". Le salarié estimait, en effet, que l'absence de représentants du personnel l'avait privé, indirectement, d'une aide précieuse compte tenu des pouvoirs de surveillance de la santé et d'alerte dont disposent le CHSCT et/ou la délégation du personnel. L'argument n'était certes pas très convaincant car le préjudice est davantage collectif qu'individuel, la relation individuelle de travail n'impliquant pas d'obligation pour l'employeur de respecter les obligations légales en matière de représentation du personnel.

Cependant, si la carence de l'employeur dans l'organisation des élections ou l'entrave au bon fonctionnement des représentants du personnel caractérisent avant tout un manquement de l'employeur à ses devoirs sur le plan des relations collectives de travail, la Chambre sociale, à plusieurs occasions, a fait porté l'ombre de ces manquements sur les relations individuelles de travail. Ainsi, notamment, l'employeur subit toujours sur le plan individuel du contrat de travail les conséquences d'une absence de consultation obligatoire des représentants du personnel imposée par la loi. On pensera, par exemple, aux différentes obligations de consultation des représentants du personnel en matière de reclassement et de licenciement du salarié inapte (17) ou aux obligations de consultation des mêmes représentants en cas de licenciement économique collectif (18). Dans chacune de ces hypothèses, le licenciement peut être impacté par la négligence ou la mauvaise volonté de l'employeur qui, faute de pouvoir présenter un procès-verbal de carence, peut subir les conséquences de ses manquements sur le plan des licenciements qui seront annulés ou dépourvus de cause réelle et sérieuse selon les cas.

A moins d'imaginer que ces conséquences puissent disparaître, ce qui demeure peu probable puisque ces obligations sont imposées par la loi, on peut donc penser que la formulation de la Chambre sociale est un peu trop générale, quoiqu'il ne soit pas absurde d'exclure ces questions liées aux relations collectives du champ des obligations individuelles découlant de la relation de travail.


(1) A. Supiot, Les nouveaux visages de la subordination, Dr. soc., 2000, p. 131.
(2) G. Gorce, Rapport, Assemblée nationale, n°1826, 1er octobre 1999.
(3) Directive CE 93/104 du Conseil du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (N° Lexbase : L7793AU8). La question a également intéressé le législateur européen dans la Directive "aménagement du temps de travail" de 2003, v. Directive 2003/88 du Conseil du 4 novembre 2003 (N° Lexbase : L5806DLM).
(4) Loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, relative à la réduction négociée du temps de travail, préc..
(5) Ne sont ni électeurs ni éligibles aux fonctions de représentation du personnel les salariés qui disposent d'un pouvoir de délégation permettant de les assimiler à l'employeur, v. Cass. soc., 24 septembre 2003, n° 02-60.569, publié (N° Lexbase : A6367C9P).
(6) Cass. soc., 28 septembre 2010, n° 09-40.686, F-D (N° Lexbase : A7603GAT).
(7) Cass. soc., 3 novembre 2004, n° 02-44.778, inédit (N° Lexbase : A7617DDH) et les obs. de Ch. Alour, Cadre dirigeant : le critère d'autonomie renforcé, Lexbase Hebdo n° 143 du 17 novembre 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N3532ABG). V. encore Cass. soc., 7 mai 2008, n° 07-41.896, F-D (N° Lexbase : A4481D8H).
(8) Cass. soc., 10 mai 2006, n° 04-47.772, F-D (N° Lexbase : A3587DPK).
(9) Cass. soc., 4 février 2003, n° 00-46.904, FS-D (N° Lexbase : A9114A4C).
(10) Cass. soc., 19 mars 2003, n° 01-42.306, F-D (N° Lexbase : A5316A7Z).
(11) Cass. soc., 4 février 2009, n° 07-40.156, F-D (N° Lexbase : A9541ECD).
(12) Cass. soc., 19 déc. 2000, n° 98-40.572, publié (N° Lexbase : A2020AIN), Dr. soc., 2001, note A. Jeammaud.
(13) Cass. soc., 16 mai 2007, n° 05-41.141, F-D (N° Lexbase : A2469DWD) ; Cass. soc., 13 janvier 2009, n° 06-46.208, FS-P+B (N° Lexbase : A3378EC4).
(14) V. notamment Cass. soc., 19 octobre 2011, n° 09-68.272, FS-P+B (N° Lexbase : A8752HYS) et v. nos obs., Un pas de plus vers la plénitude de l'obligation de sécurité de résultat, Lexbase Hebdo n°460 du 2 novembre 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N8506BST).
(15) Cass. soc., 20 octobre 2011, n° 10-19.291, F-D (N° Lexbase : A8845HYA).
(16) C. trav., art. L. 1154-1 (N° Lexbase : L0747H9K).
(17) Cass. soc., 2 avril 2003, n° 01-41.782, inédit (N° Lexbase : A6619A7B).
(18) C. trav., art. L. 1235-15 (N° Lexbase : L1365H9G).

Décision

Cass. soc., 30 novembre 2011, n° 09-67.798, FS-P+B (N° Lexbase : A4892H3L)

Rejet, CA Paris, 22e ch., sect. B, 12 mai 2009 et CA Paris, Pôle 6, 10ème ch., 16 mars 2010, n° 09/07376 (N° Lexbase : A0478EUA)

Textes cités : C. trav., art. L. 3111-2 (N° Lexbase : L0290H9M)

Mots-clés : temps de travail, cadre dirigeant, qualification, obligation de sécurité, résiliation judiciaire, manquement à l'obligation de mise en place des représentants du personnel.

Liens base : (N° Lexbase : E0532ETU)

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Temps de travail

[Brèves] Prime de nuit : majoration des heures supplémentaires

Réf. : Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 10-15.119, FS-P+B (N° Lexbase : A1963H4H)

Lecture: 2 min

N9288BSS

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Le 15 Décembre 2011

La prime de nuit ne peut être prise en compte dans l'assiette de calcul de la majoration de 25 %, applicable aux heures de service effectuées entre la 36ème et la 43ème heure, qui ne peuvent être considérées comme des heures supplémentaires. Telle est la solution d'un arrêt de la Chambre sociale en date du 7 décembre 2011 (Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 10-15.119, FS-P+B N° Lexbase : A1963H4H ; sur cet arrêt, lire (N° Lexbase : N9287BSR).
Dans cette affaire, M. B. a été engagé par la société T. en qualité de conducteur routier longue distance. Ayant été licencié pour inaptitude définitive à son poste de travail et impossibilité de reclassement, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes de rappels de salaire à titre d'heures supplémentaires incluant les primes de nuit versées au titre de l'article 3-1 de l'accord du 14 novembre 2001, relatif au travail de nuit dans les transports routiers de marchandises et de paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement prévue par l'article 11 ter de l'annexe I de la Convention collective nationale des transports routiers en cas d'incapacité définitive à la conduite. Le salarié fait grief à l'arrêt (CA Douai, ch. soc., 29 janvier 2010, n° 09/01116 N° Lexbase : A8417EUB) d'avoir rejeté sa demande de rappel de salaire au titre de l'intégration de la prime de 20 % du taux horaire, due en contrepartie du travail de nuit, dans l'assiette de calcul des heures supplémentaires. Après avoir rappelé que, "selon l'article 3.1 de l'accord de branche relatif au travail de nuit dans les transports routiers de marchandises, la prime horaire de 20 % au titre du travail de nuit doit être prise en compte dans l'assiette de calcul des majorations pour heure supplémentaire" et "qu'il résulte de l'article 2 du décret n° 2002-622 du 25 avril 2002, relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de marchandises (N° Lexbase : L4899AZH) que ne sont considérées comme heures supplémentaires pour les personnels roulants marchandises que celles effectuées au-delà de 43 heures par semaine ou 186 heures par mois", la Haute juridiction rejette le pourvoi, les heures de service effectuées entre la 36ème et la 43ème heures, ne pouvant être considérées comme des heures supplémentaires .

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