Lexbase Affaires n°277 du 15 décembre 2011

Lexbase Affaires - Édition n°277

Ce qu'il faut retenir...

[A la une] Cette semaine dans Lexbase Hebdo - édition affaires...

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N9304BSE

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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires
Sous la Direction de Deen Gibirila, Professeur à la Faculté de droit et science politique, Université Toulouse I Capitole

Le 15 Décembre 2011


Propriété intellectuelle. Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique en droit de la propriété intellectuelle de Nathalie Martial-Braz, Professeur à l'Université de Franche-Comté (lire N° Lexbase : N9275BSC). Le dernier semestre de l'année 2011 est avant tout marqué par une intense activité de la Cour de justice de l'Union européenne tant en matière de droit d'auteur qu'en matière de brevet qui démontre l'influence qu'elle exerce dans le processus d'harmonisation du droit de la propriété intellectuelle actuellement à l'oeuvre. Union, Harmonisation et Exception, un triptyque qui pourrait être à l'image des deux importantes décisions rendue par la Cour de justice de l'Union européenne ces dernières semaines : celle, d'abord, du 1er décembre 2011 (CJUE, 1er décembre 2011, aff. C-145/10), dans laquelle les juges de Luxembourg retiennent en substance que si la photographie d'un portrait bénéficie de la même protection que celle conférée par le droit d'auteur à toute autre oeuvre, les médias peuvent publier une telle photographie sans le consentement de son auteur si la publication, dans le cadre d'une enquête criminelle, a pour objet d'aider la police à retrouver une personne disparue ; celle, ensuite, du 18 octobre 2011 (CJUE, 18 octobre 2011, aff. C-34/10), dans laquelle la CJUE nous livre, en matière d'exclusion de la brevetabilité des embryons à des fins de recherche scientifique, une interprétation stricte des exceptions au nom du respect de l'ordre publique et du principe de dignité humaine.
Sociétés. Qui ne se souvient de la phrase cynique que Michel Audiard plaçait dans la bouche de Jean Gabin dans Le gentleman d'Epsom : "il y a deux expédients à n'utiliser qu'en dernière instance : le cyanure ou la loyauté". Si le cyanure semble banni des solutions propres à résoudre les conflits au sein des sociétés, la loyauté, qu'elle soit présentée comme un devoir ou une obligation, semble prendre une emprise croissante en droit des affaires, depuis que son intérêt avait été mis en lumière à l'occasion de l'arrêt "Vilgrain" (Cass. com., 27 février 1996, n° 94-11.241, publié). En témoigne notamment l'arrêt rendu le par la Chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com. 15 novembre 2011, n° 10-15.049, F-P+B) et sur lequel nous vous invitons à lire, cette semaine, les observation de Jean-Baptiste Lenhof, Maître de conférences à l'ENS - Cachan Antenne de Bretagne, Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne). Cette décision aura, certes, les honneurs du Bulletin mais sa motivation laisse pressentir qu'il recevra la plus large audience en doctrine. Au delà des faits de l'espèce, caractérisés par leur banalité, c'est, en effet, surtout le fondement retenu par le juge, ici, l'article L. 223-22 du Code de commerce, qui invite à s'interroger sur l'intérêt d'une inflexion potentielle, bien qu'encore hypothétique, de l'assise textuelle de la jurisprudence en matière de loyauté. Lire Réflexions sur l'obligation de loyauté dans les SARL (N° Lexbase : N9269BS4).

Les éditions juridiques Lexbase vous souhaitent d'agréables fêtes de fin d'année et vous retrouvent le jeudi 5 janvier 2012 pour de nouvelles publications.

newsid:429304

Bancaire/Sûretés

[Brèves] Bordereau de cession de créances et application de l'article 1690 du Code civil

Réf. : Cass. com., 6 décembre 2011, n° 10-24.353, FS-P+B (N° Lexbase : A1999H4S)

Lecture: 2 min

N9281BSK

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Le 05 Janvier 2012

Aux termes d'un arrêt du 6 décembre 2011 (Cass. com., 6 décembre 2011, n° 10-24.353, FS-P+B N° Lexbase : A1999H4S), la Chambre commerciale de la Cour de cassation est venue préciser les conditions d'application de l'article L. 214-43 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2962G9L), dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 (N° Lexbase : L5001HGC). En l'espèce, un particulier s'est rendu caution, au profit d'une banque, de sommes dues à cette dernière par une société d'hôtels-restaurants. La banque a cédé à un fonds commun de créances un ensemble de créances parmi lesquelles figuraient les créances détenues sur ladite société. Le débiteur principal faisant défaut, la caution a été condamnée à payer au FCC aux droits de la banque une certaine somme au titre de son engagement. Or, par un acte de cession de créances, le FCC a cédé son portefeuille de créances à une société ayant comme activité l'achat de créances contentieuses. Le cessionnaire a alors fait signifier la cession à la caution conformément aux dispositions de l'article 1690 du Code civil (N° Lexbase : L1800ABB) et lui a fait délivrer un commandement aux fins de saisie-vente. La caution ayant contesté la validité de la cession de créance et par suite celle du commandement, la cour d'appel a déclaré que la cession de créance était opposable à la caution et a jugé, en conséquence, que le commandement aux fins de saisie-vente était valable. La caution a formé un pourvoi en cassation. Selon le pourvoi, la cession des créances comprises dans un fonds commun est opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau de cession de créances lors de la remise de celui-ci au cessionnaire. Ainsi, en se fondant exclusivement sur la circonstance que cette cession avait été valablement signifiée à ce dernier, sans rechercher si l'absence de production du bordereau de cession de créances ne rendait pas inopposable la cession au débiteur cédé, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale. Ces arguments sont rejetés par la Cour de cassation : l'article L. 214-43 du Code monétaire et financier dans sa rédaction alors applicable n'exclut pas le recours à d'autres modes de cession des créances que celui qu'il prévoit. C'est à bon droit que la cour d'appel, constatant que les formalités de l'article 1690 du Code civil avaient été remplies, a dit que la cession était opposable à la caution.

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Baux commerciaux

[Evénement] Actualité des baux commerciaux - Compte-rendu de la réunion de la Commission de droit immobilier du barreau de Paris

Lecture: 22 min

N9312BSP

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par Anne-Lise Lonné-Clément, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition privée

Le 16 Décembre 2011


La Commission ouverte de droit immobilier du barreau de Paris, sous la responsabilité de Maître Jean-François Péricaud, tenait, le 25 octobre 2011, une réunion consacrée à l'actualité des baux commerciaux, présidée par Jehan-Denis Barbier, et à laquelle intervenaient, Alain Confino, Gilles Hittinger-Roux, et Bertrand Raclet, avocats spécialistes en la matière.
Présentes à cette occasion, les éditions Lexbase vous proposent de retrouver un compte-rendu de cette réunion.

  • Les obligations et précautions documentaires dans la rédaction du bail commercial

Pour présenter l'ensemble des obligations et précautions documentaires à respecter lors de la rédaction du bail commercial, Maître Alain Confino a choisi de synthétiser ces informations extrêmement nombreuses dans le cadre d'une série de cinq tableaux (1).

Ces tableaux constituent ainsi une synthèse :

- des informations documentaires impératives dictées par des textes applicables aux baux de locaux à usage commercial (tableaux 1 et 2) ;

- de celles qui sont conseillées même si elles ne sont imposées que par des réglementations applicables à d'autres types de conventions (tableaux 3 et 4) ;

- et enfin de celles qui sont impératives pour les baux de locaux à usage mixte commercial et d'habitation, voire pour les baux mixtes professionnels et d'habitation qui ont pu faire l'objet d'une extension volontaire du statut des baux commerciaux (tableau 5).

La lecture de ces tableaux appelle différentes remarques.

Les informations concernées sont susceptibles d'être applicables à tous les baux : ceux qui sont soumis au statut des baux commerciaux, que ce soit par nature (locations principales comme sous-locations) ou par extension, mais aussi ceux qui y échappent par la volonté des parties (baux dérogatoires) ou en raison de l'absence de l'une au moins des conditions de soumission édictées par les articles L. 145-1 (N° Lexbase : L2327IBS) et suivants du Code de commerce.

Certaines informations sont impératives pour tout bail commercial (BC), soit parce que la loi l'énonce expressément, soit parce que la réglementation applicable à la matière concernée impose au bailleur, en tant que propriétaire (ces obligations ne concernent, donc, que dans une moindre mesure le locataire principal vis-à-vis de son sous-locataire), de satisfaire à certaines règles de prudence et de protection de la santé des occupants de son immeuble, dont l'inobservation peut même engager sa responsabilité pénale.

D'autres sont simplement conseillées au bailleur s'il veut réduire, autant qu'il est possible, les risques de sanctions civiles de droit commun, ces précautions trouvant essentiellement leur source dans les obligations documentaires applicables en matière de vente d'immeuble (CCH, art. L. 271-4 N° Lexbase : L7960IMR), et dans la jurisprudence.

Enfin, certaines informations ont encore un caractère impératif en présence de baux mixtes (BM). Il en est ainsi des baux à usage commercial et d'habitation. On peut encore évoquer l'hypothèse -exceptionnelle- de baux mixtes professionnels et d'habitation (relevant des dispositions de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 N° Lexbase : L8461AGH) qui feraient l'objet d'une adoption volontaire du statut des baux commerciaux.

Les obligations et précautions documentaires se distinguent aussi par leur objet. Le tableau décrit le contenu de l'information à fournir par le bailleur et/ou le document à remettre au preneur lorsque l'information consiste en la communication d'un diagnostic établi par un professionnel.

Sont précisées également les modalités selon lesquelles le bailleur communiquera l'information concernée (intégration au contrat par voie d'annexe ou de stipulation expresse, remise séparée au preneur ou tout autre mode permettant de se ménager la preuve de la réception de l'information).

S'agissant du moment de la communication, la loi précise parfois, selon les cas, que l'information doit être donnée lors de la conclusion du bail, lors de son renouvellement ou même parfois en cours de bail. Toutefois, compte tenu de l'imprécision de bien des textes à cet égard, la prudence devrait conduire le bailleur à délivrer l'information requise dès qu'il en a connaissance. Dans le silence ou l'imprécision des textes, nous recommandons par exemple d'attacher aux actes de renouvellement les annexes requises pour la conclusion d'un bail (ainsi, par exemple, l'état des risques naturels et technologiques majeurs).

Quant aux informations non impératives, le moment auquel le bailleur aura intérêt à les fournir sera apprécié par lui en fonction des risques qu'il encourt et de l'importance des informations dont il a connaissance et que le preneur n'est pas censé avoir reçues.

Lorsque le bailleur est soumis à une obligation documentaire particulière en raison de certaines caractéristiques de l'immeuble loué, la mention des immeubles concernés, figurant dans le tableau, doit être comprise comme délimitant le champ d'application des dispositions légales correspondantes.

Les précautions documentaires conseillées concernent principalement les immeubles sur lesquels portent les obligations d'information édictées par l'article L. 271-4 du Code de la construction et de l'habitation en matière de vente.

Enfin, les obligations documentaires sont susceptibles d'entraîner des sanctions, civiles et pénales, détaillées dans le tableau. Il convient à cet égard d'avoir à l'esprit que si les textes prévoient des sanctions spéciales, la mise en oeuvre des sanctions générales de droit commun peut toujours être envisagée à titre complémentaire ou même principal.

Ainsi la responsabilité pénale du bailleur (renvoi 2) est-elle susceptible d'être engagée, notamment sur le fondement de l'article 121-3 du Code pénal (N° Lexbase : L2053AMY), dans l'hypothèse où il aurait méconnu une obligation particulière de sécurité imposée par une disposition législative ou réglementaire.

Les défauts ou insuffisances d'information imputables au bailleur sont également de nature à l'exposer à des sanctions civiles (renvoi 1) sur le fondement des articles 1719-1° du Code civil (N° Lexbase : L8079IDL obligation de délivrance conforme), 1721 du même code (N° Lexbase : L1843ABU garantie des vices cachés), 6 de la loi du 6 juillet 1989 en matière de bail mixte (N° Lexbase : L3389A9E délivrance d'un logement décent), ou sur un ou plusieurs des fondements généraux des articles 1110 (N° Lexbase : L1198ABY), 1116 (N° Lexbase : L1204AB9), 1142 (N° Lexbase : L1242ABM), 1144 (N° Lexbase : L1244ABP), 1147 (N° Lexbase : L1248ABT), 1184 (N° Lexbase : L1286ABA), et 1382 (N° Lexbase : L1488ABQ) du Code civil, ou encore sur celui de l'obligation de sécurité dégagée par la jurisprudence.

  • Les clauses exonératoires de responsabilité dans les baux commerciaux

Gilles Hittinger-Roux a présenté ses observations en trois temps.

Inventaire des clauses exonératoires de responsabilité présentes dans les baux commerciaux

Tout d'abord, dès le préambule du contrat, un premier dispositif rappelle que le preneur, préalablement à la signature du bail, a apprécié personnellement la qualité du site -ce qui revient à rappeler que le locataire est un professionnel, par opposition à un consommateur-. Peut-être conviendrait-il de repenser cette clause lorsque sa signature intervient deux ans avant la livraison du local, dans le cadre d'un site nouvellement créé, lorsque la zone commerciale attendue n'existe pas. Autrement dit, il convient de le replacer dans son situ.

Gilles Hittinger-Roux relève, ensuite, la clause prévoyant que le preneur déclare contracter en acceptant les aléas économiques. Si cela peut paraître logique que le bailleur puisse se protéger en énonçant que, dans l'hypothèse où il y a des aléas économiques, sa responsabilité ne puisse pas être engagée, la clause devient plus litigieuse, lorsqu'il est ajouté que le bailleur pourra prendre toute initiative pour aménager et réaliser des travaux selon l'évolution positive ou négative de la zone. Force est de constater que ce n'est pas l'imprévision, mais les travaux réalisés par le bailleur qui sont susceptibles de modifier les flux. Il convient alors de s'interroger sur la nature des possibilités pour le bailleur de réaliser lesdits travaux.

Le troisième dispositif concerne la possibilité pour le bailleur de s'exonérer de son obligation de délivrance ou de jouissance paisible. On constate que ce type de clauses, et notamment les clauses "charges", prévoit que le bailleur aura toute faculté de pouvoir modifier la zone, de pouvoir réaliser des agencements, des agrandissements ou toute sorte de modification. Se pose alors la question de savoir si le preneur peut invoquer les dispositions des articles 1719 (N° Lexbase : L8079IDL) et 1723 (N° Lexbase : L1845ABX) du Code civil, autrement dit de savoir si ces dispositions sont d'ordre public.

Rappel du droit commun de la responsabilité

Il convient, tout d'abord, de rappeler le principe de la liberté contractuelle. A priori, le contrat est librement négocié ; même s'il s'agit, le plus fréquemment, d'un contrat d'adhésion, en tous les cas, le preneur agit en tant que professionnel. Par conséquent, les renonciations sont tout à fait possibles.

La limite posée par la jurisprudence au principe de la liberté contractuelle consiste toutefois à vérifier l'absence de manquement à l'obligation essentielle du contrat (Cass. com., 22 octobre 1996, n° 93-18.632 N° Lexbase : A2343ABE). Mais depuis 2005, la clause limitative de responsabilité ne peut être mise en échec que si le créancier établit le dol ou la faute lourde du débiteur, même en cas de l'exécution d'une obligation essentielle du contrat (Cass. mixte, 22 avril 2005 n° 02-18.326 N° Lexbase : A0025DIR ; Cass. com., 21 février 2006 n° 04-20.139 N° Lexbase : A1807DNA). Il convient alors de distinguer les clauses exonératoires de responsabilité, d'une part, et l'obligation au contrat, d'autre part.

Application en matière de baux commerciaux

Dans le cadre du bail commercial, deux jurisprudences principales sont à considérer.

Tout d'abord, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 11 mai 1995 (Cass. civ. 3, 11 mai 1995, n° 93-16.719 N° Lexbase : A4316CRB), a précisé que le bailleur d'un local commercial est débiteur de l'obligation de délivrance et de jouissance paisible régie par l'article 1719 du Code civil (N° Lexbase : L8079IDL), sans être tenu à des obligations plus étendues que celles d'un "bailleur ordinaire".

De même, dans un arrêt du 13 juin 2001, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a rappelé que le bailleur n'est tenu vis-à-vis du locataire d'aucune autre obligation que celle de délivrance, d'entretien et de jouissance paisible de la chose louée et notamment pas d'une obligation d'un maintien d'un environnement commercial favorable (Cass. civ. 3, 13 juin 2001, n° 99-17.985 N° Lexbase : A6104ATA, Bull. civ. III, n° 78).

Cela étant, dans un contexte où les droits d'entrée ainsi que les loyers versés dans le cadre des centres et galeries atteignent des montants considérables, il convient de se demander si le preneur n'est pas légitimement en mesure d'exiger d'un environnement commercial. En d'autres termes, Gilles Hittinger-Roux nous invite à rechercher la cause du contrat -à savoir la recherche d'un environnement commercial favorable-, et non pas seulement lors de la conclusion du contrat, mais tout au long de son exécution, sachant qu'il faut en effet considérer que les parties se situent dans le cadre d'un contrat successif.

  • Les clauses relatives au transfert de la vétusté

Ainsi que l'a rappelé Bertrand Raclet, l'article 1755 du Code civil (N° Lexbase : L1888ABK) précise qu'"aucune des réparations réputées locatives n'est à la charge des locataires quand elles ne sont occasionnées que par vétusté ou force majeure". Ce texte étant supplétif de volonté, la jurisprudence retient que le transfert au preneur de la charge des réparations liées à la vétusté ne peut résulter que d'une clause expresse contenue dans le bail.

L'intervenant est revenu sur trois arrêts récents qui adoptent le même raisonnement.

Dans une première espèce ayant donné lieu à un arrêt rendu le 13 septembre 2011 (Cass. civ. 3, 13 septembre 2011, n° 10-21.027, F-D N° Lexbase : A7482HXE), le bail stipulait que le bailleur n'était tenu "que des grosses réparations définies à l'article 606 du Code civil (N° Lexbase : L3193ABU) et que les désordres relatifs à l'installation électrique, au chauffage, à la plomberie, au plancher, à l'escalier de la cave aux plafonds et aux étagères de stockage ne relevaient pas de l'obligation des grosses réparations à la charge du bailleur". La cour d'appel avait retenu que, les locaux ayant été pris en l'état, le bailleur avait satisfait à son obligation de délivrance. L'arrêt est censuré, au visa de l'article 1755 du Code civil (N° Lexbase : L1888ABK), par la Cour suprême qui estime que, dès lors que les juges du fond n'avaient pas relevé de clause expresse du bail mettant à la charge du preneur les travaux rendus nécessaires par la vétusté, ils auraient dû rechercher si les réparations invoquées n'étaient pas, au moins pour partie, occasionnées par la vétusté.

Il est donc très clairement demandé aux juges du fond de vérifier s'il existe, ou non, dans le bail une clause expresse transférant les effets de la vétusté sur le locataire ; en l'absence d'une telle clause, il leur est demandé de qualifier les travaux dont s'agit, pour permettre à la Cour de cassation d'exercer son contrôle.

Dans un deuxième arrêt du 5 avril 2011 (Cass. civ. 3, 5 avril 2011, n° 10-14.877, F-D N° Lexbase : A3436HNL), l'affaire portait sur la réparation, relativement importante, des ascenseurs de l'immeuble. Le bail prévoyait que "toutes les charges relatives à la gestion à l'entretien et aux réparations de l'immeuble à l'exception des travaux relevant expressément de l'article 606 du Code civil" incombaient au preneur. La cour d'appel avait estimé que les travaux de réparation de l'ascenseur étaient donc à la charge du locataire au vu du bail. Selon la même logique, et également au visa de l'article 1755 du Code civil, la Cour de cassation retient qu'"en statuant ainsi, sans relever de clause expresse du bail mettant à la charge du preneur les travaux rendus nécessaires par la vétusté alors qu'elle avait retenu que les réparations des ascenseurs résultaient de leur vétusté, la cour d'appel a violé le texte susvisé".

Enfin, dans un arrêt du 27 septembre 2011, c'est la vétusté de l'installation électrique qui était en cause. S'agissant des conditions locatives, le bail mettait à la charge du preneur le parfait état des réparations locatives et de menu entretien visées à l'article 1754 du Code civil (N° Lexbase : L1887ABI), et prévoyait qu'il supporterait en outre celles de gros entretien visées à l'article 606, alinéa 3, du Code civil. La cour d'appel avait jugé que l'installation électrique n'entrait pas dans les réparations à la charge du bailleur. Là encore, l'arrêt est censuré selon le même raisonnement, mais cette fois, au visa de l'article 1719 du Code civil, relatif à l'obligation de délivrance : "en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'installation électrique des locaux loués était vétuste et sans relever de clause du bail mettant à la charge du preneur les travaux rendus nécessaires par la vétusté, la cour d'appel a violé le texte susvisé".

Au vu de cette jurisprudence, Bertrand Raclet propose un certain nombre de recommandations pour la rédaction du bail.

Pour mettre à la charge du locataire les réparations liées à la vétusté, il convient donc de stipuler dans le bail une clause expresse prévoyant le transfert de la charge de la vétusté, et de veiller à prévoir une bonne définition des travaux. On peut prévoir, en outre, que les travaux relevant de l'article 606 du Code civil, sont également à la charge du preneur. Quant aux travaux de mises aux normes, il est également nécessaire d'insérer une clause expresse en ce sens.

Ces clauses peuvent être cumulées. En effet, le fait d'avoir transféré sur le locataire les réparations relevant de l'article 606 du Code civil n'implique pas qu'il ait la charge de la vétusté. Inversement, si les travaux liés à la vétusté sont mis à la charge du preneur, et non les travaux structurels, le preneur n'en sera pas redevable. En effet, les travaux structurels n'entrent pas dans la définition de la vétusté.

A noter que la clause du bail prévoyant que les locaux sont pris en l'état ne permet pas de transférer au preneur la charge de la vétusté. De même, la clause indiquant que le preneur est tenu de restituer les locaux en parfait état d'entretien et de réparation n'implique pas la prise en compte de la vétusté.

  • Les clauses relatives à la sous-location

Maître Bertrand Raclet est également revenu sur un certain nombre d'arrêts récents relatifs aux droits au renouvellement du sous-locataire et du locataire principal, dans les hypothèses d'adoption volontaire du statut des baux commerciaux, dans le cadre de sous-location totale des locaux.

Deux arrêts rendus par la Cour de cassation le 4 mai 2011 délivrent des enseignements complémentaires.

- Cass. civ. 3, 4 mai 2011, n° 09-72.550, FS-P+B (N° Lexbase : A2542HQ9)

En l'espèce, il s'agissait de consentir un bail pour un établissement d'enseignement de formation. Le futur exploitant n'ayant pas la surface financière permettant de prendre à bail directement, un locataire principal avait été inséré entre le propriétaire et le futur exploitant, qui répondait aux conditions financières exigées par le bailleur.

Le contrat prévoyait l'autorisation de la sous-location totale ; il était également stipulé que le bailleur renonçait à l'action en réajustement du loyer ; enfin, une clause prévoyait que les locaux devraient être maintenus en état permanent effectif d'exploitation, soit par le locataire principal, soit par le sous-locataire.

Le contrat de sous-location conclu entre le sous-locataire et le locataire principal avait omis de faire concourir le propriétaire à l'acte.

En fin de bail, le bailleur a refusé au locataire le renouvellement, faisant valoir l'absence d'exploitation des locaux, et donc l'absence de fonds de commerce. Le locataire ne pouvait alors prétendre ni au droit au renouvellement, ni au droit à l'indemnité d'éviction.

Le congé invoquait un motif grave et légitime, à savoir que le bailleur n'avait pas été convié à concourir à l'acte de sous-location, ce qui constitue une infraction ne nécessitant pas de mise en demeure préalable.

La cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 9 septembre 2009 (CA Paris, 16ème ch., sect. A, 9 septembre 2009, n° 08/00655 N° Lexbase : A4388EQL), avait estimé qu'il y avait eu adoption volontaire du statut des baux commerciaux au profit du locataire principal ; quant au sous-locataire, les éléments du dossier démontraient, selon les juges, un agrément tacite.

Dans son arrêt rendu le 4 mai 2011, la Cour de cassation s'est prononcée sur deux éléments.

S'agissant de l'agrément tacite du sous-locataire, l'article L. 445-31 du Code de commerce (N° Lexbase : L5760AI8), prévoit une formalité de concours, destinée à informer le bailleur des conditions de la sous-location. Il faut rappeler, à cet égard, que la Cour de cassation a précisé que l'obtention d'une autorisation du bailleur est également exigée lors du renouvellement de la sous-location (Cass. civ. 3, 28 octobre 2009, n° 08-18.736, FS-P+B N° Lexbase : A6095EMP).

En l'espèce, la Cour de cassation a admis l'agrément tacite du sous-locataire, estimant que la sous-location était inhérente au contrat. Dès lors que le bailleur principal savait, dès la conclusion du bail initial, que les locaux avaient vocation à être sous-loués en totalité, que les clauses du bail prenaient en compte cette situation et que des relations directes entre le bailleur principal et le sous-locataire se sont poursuivies au cours des baux successifs (pour l'exécution de travaux ou de contrôles de la commission de sécurité), le Haute juridiction considère que le bailleur avait tacitement agréé cette sous-location.

Concernant le locataire principal, il faut savoir que l'adoption volontaire du statut des baux commerciaux doit résulter d'une volonté claire et non équivoque ; elle doit donc être exprimée par écrit dans le contrat.

La Cour de cassation, en l'espèce, a relevé notamment la clause de l'occupation personnelle des locaux de l'exploitation des locaux, qui pouvait être soit celle du locataire principal, soit celle du sous-locataire ; elle en déduit que les parties n'avaient pas fait de l'occupation personnelle par le locataire une condition d'application du statut des baux commerciaux : "dès lors que la bailleresse savait que les locaux donnés à bail avaient vocation à être sous-loués dans leur totalité et que le bail stipulait que les locaux devaient être maintenus constamment utilisés soit par le preneur lui-même, soit par ses sous-locataires, la cour d'appel a pu en déduire que les parties avaient entendu soumettre le bail au statut des baux commerciaux sans faire de l'exploitation des lieux par le locataire principal une condition nécessaire à son application". Le locataire principal pouvait donc faire valoir son droit à une indemnité d'éviction.

La question sous-jacente posée par cet arrêt est celle de la sous-location totale qui peut donner lieu au paiement d'une double indemnité : une pour le locataire principal résultant de l'adoption volontaire du statut des baux commerciaux ; une autre pour le sous-locataire résultant de l'agrément tacite.

- Cass. civ. 3, 4 mai 2011, n° 10-16.231, FS-D (N° Lexbase : A2577HQI)

En l'espèce, il s'agissait d'un antiquaire brocanteur qui était autorisé par le bail à sous-louer des stands, partiellement ou totalement. Le bail prévoyait la renonciation du bailleur au droit de réajustement du loyer.

En fin de bail, le bailleur a délivré un congé d'annulation, à défaut d'exploitation personnelle du local. Le locataire principal soutenait qu'il était propriétaire d'un fonds de commerce de sous-location de stands, et qu'il bénéficiait de l'adoption volontaire du statut.

Mais la Cour de cassation retient que les stipulations relatives à la sous-location dont le seul but est de déroger au principe d'interdiction des sous-locations ne modifient pas l'obligation faite au preneur d'exploiter le fonds de commerce pour bénéficier d'un droit au renouvellement.

Au vu de ces deux arrêts du 4 mai 2011, Bertrand Raclet a livré quelques recommandations pour la rédaction des clauses de sous-location.

Du point de vue du locataire, il convient, tout d'abord, de prévoir une clause générale d'autorisation de sous-location totale, ce en évitant d'identifier des sous-locataires potentiels. Par ailleurs, la prudence peut conduire à suggérer au bailleur une dispense de la formalité du concours, et de prévoir simplement l'envoi de l'acte dans le délai d'un mois suivant sa signature.

Il convient de prévoir l'adoption volontaire du statut des baux commerciaux pour le locataire principal ; en outre, il est important de préciser que la condition manquante pour l'application du statut, est celle de l'occupation personnelle, et ainsi, qu'en l'absence d'occupation personnelle ou d'exploitation d'un fonds, les parties décident néanmoins que le locataire principal, par adoption volontaire, aura droit au renouvellement de son bail ; on peut également prévoir que le bailleur renonce à invoquer, pour ce motif, l'article L. 145-8 (N° Lexbase : L2248IBU) à l'encontre du locataire principal.

Bertrand Raclet propose, enfin, de régler le sort de l'action en réajustement du loyer, ce qui peut s'envisager de plusieurs manières, y compris par le partage entre le bailleur et le locataire principal du surcoût du loyer.

- Cass. civ. 3, 19 janvier 2011, n° 09-72.040, FS-D (N° Lexbase : A2889GQ3)

L'arrêt rendu le 19 janvier 2011 apporte quelques précisions s'agissant du droit direct au renouvellement du sous-locataire en cas d'indivisibilité matérielle des locaux.

Pour rappel, aux termes de l'article L. 145-32, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L5760AI8), à l'expiration du bail principal, le propriétaire n'est tenu au renouvellement que s'il a, expressément ou tacitement, autorisé ou agréé la sous-location et si, en cas de sous-location partielle, les lieux faisant l'objet du bail principal ne forment pas un tout indivisible matériellement ou dans la commune intention des parties.

Dans cette affaire, le bail prévoyait une désignation contractuelle banale ; aucune indivisibilité n'était stipulée. La cour d'appel n'avait pas voulu reconnaître le droit direct au renouvellement en considérant que la division des locaux n'était pas prévue, qu'il y avait simplement une désignation de ces locaux et que l'acceptation tacite par le bailleur de la présence d'un sous-locataire dans une partie des lieux loués n'était pas suffisante pour modifier la désignation des biens loués en créant des lots séparés soumis à un régime locatif distinct. La Cour de cassation censure la décision en rappelant qu'en l'absence d'indivisibilité conventionnelle, les juges du fond devaient rechercher si les locaux n'étaient pas matériellement divisibles.

- Cass. civ. 3, 8 décembre 2010, n° 09-70.784, FS-P+B (N° Lexbase : A9170GML)

L'arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 8 décembre 2010 apporte certaines précisions concernant les impacts de la sous-location au regard du déplafonnement. Il ressort de cet arrêt que l'intérêt que présente une modification des facteurs locaux de commercialité doit être apprécié au regard de la ou des activité(s) commerciale(s) exercée(s) dans les locaux loués, sans qu'il y ait lieu d'exclure de cet examen l'activité d'un sous-locataire.

  • La modification "favorable" des facteurs locaux de commercialité, condition du déplafonnement des loyers

Maître Alain Confino, est revenu sur l'arrêt rendu le 14 septembre 2011 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 3, 14 septembre 2011, n° 10-30.825, FS-P+B+R N° Lexbase : A7545HXQ).

Les textes en cause dans cet arrêt sont les articles L. 145-34 du Code de commerce (N° Lexbase : L3108IQ8), d'une part, qui pose le principe du plafonnement et prévoit une exception lorsqu'il existe une modification notable intervenue au cours du bail pour l'un des éléments concourant à la valeur locative ; et d'autre part, l'article R. 145-6 (N° Lexbase : L0044HZN) qui définit les facteurs locaux de commercialité. Ce dernier article précise que "les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier, ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée, et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire".

Ainsi que le souligne Maître Confino, ce texte définit deux types de critères pour déterminer la commercialité : un critère matériel, d'une part, consistant en une liste d'éléments qui sont des facteurs exogènes au fonds de commerce, et un critère qualitatif, d'autre part, qui est celui de l'appréciation du lien entre ces éléments extérieurs au fonds et l'activité. Mais, force est de constater que l'article L. 145-34, qui subordonne la possibilité de déplafonnement à une modification notable des facteurs locaux de commercialité, ne précise nullement le sens, positif ou négatif, d'une telle modification.

Dans le silence des textes, les juges ont été amenés à rechercher s'il convenait d'ajouter à l'article L. 145-34 un critère qualitatif. Autrement dit, la question est de savoir si, pour permettre un déplafonnement, la modification des facteurs locaux de commercialité doit nécessairement avoir une incidence favorable à l'égard du fonds, ou si cette incidence peut aussi être défavorable.

C'est sur ce point que se prononce l'arrêt du 14 septembre 2011, dans le cadre de la cassation d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Rennes le 28 avril 2010 (CA Rennes, 7ème ch., 28 avril 2010, n° 08/05638 N° Lexbase : A0922EXG). La Cour suprême retient, très clairement, qu'"une modification notable des facteurs locaux de commercialité ne peut constituer un motif de déplafonnement des nouveaux loyers qu'autant qu'elle est de nature à avoir une incidence favorable sur l'activité commerciale exercée par le preneur".

On peut, toutefois, se demander si cette décision est constitutive d'une solution nouvelle de la part de la troisième chambre civile de la Cour de cassation.

Pour leur part, les magistrats de la cour d'appel de Rennes avaient relevé que la jurisprudence n'était pas du tout fixée dans le sens que la modification doit avoir bénéficié au locataire. Les juges se référaient même à un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, le 13 juillet 1999, retenant une solution contraire (Cass. civ. 3, 13 juillet 1999, n° 97-18.295 N° Lexbase : A8130AG9). La Cour de cassation avait, en effet, censuré une cour d'appel qui avait refusé le déplafonnement en l'absence de preuve d'une modification favorable des éléments de la valeur locative, au motif qu'"en statuant ainsi alors qu'elle avait constaté que la baisse de population, alléguée par le locataire et reconnue par la bailleresse, constituait, s'agissait d'un commerce de proximité, une modification notable d'un facteur local de commercialité". La cour d'appel de Rennes ajoutait, d'ailleurs, que, "depuis lors, cette jurisprudence, nouvelle, n'a pas été remise en cause".

Mais, selon Maître Confino, les juges rennais ignoraient vraisemblablement une série d'arrêts rendus par la Cour de cassation, retenant une formule selon laquelle : "une modification ne peut être prise en compte quand elle s'applique aux facteurs locaux de commercialité, que pour autant qu'elle présente un intérêt pour le commerce considéré". Or, si l'on se réfère au dictionnaire, la notion d'intérêt est liée à celle d'avantage, et revêt indiscutablement un sens positif.

Il semble que la confusion soit tirée de l'article R. 145-6 qui, dans sa définition des facteurs locaux de commercialité emploie le terme "intérêt" à deux reprises. Les juges auraient ainsi fait remonter cette notion d'intérêt à l'article L. 145-34. Autrement dit, d'un élément positif qui définit la valeur locative, ils ont créé une condition supplémentaire au déplafonnement, en retenant que la modification notable des facteurs locaux de commercialité devait présenter un "intérêt" pour le locataire.

Certains arrêts ont même retenu des expressions plus marquées pour exprimer la positivité du critère, telles que "accroissement de clientèle ayant bénéficié à l'activité", "évolution des facteurs locaux de commercialité favorables à l'activité", ou encore "évolution ayant bénéficié au commerce". En tout état de cause, force est de constater que ces différentes décisions tendent à considérer que la modification notable des facteurs locaux de commercialité doit avoir un effet positif sur l'activité du locataire pour permettre le déplafonnement.

L'arrêt du 14 septembre 2011 constitue ainsi une décision d'importance, à plusieurs égards. Tout d'abord, elle apporte une clarification terminologique en adoptant le terme d'"incidence favorable", plutôt que celui d'"intérêt". Ensuite, en indiquant que la modification doit être "de nature à avoir une incidence favorable", elle apporte un élément novateur dans le sens où la seule potentialité de "l'incidence favorable" peut désormais être prise en compte. L'expression employée ajoute ainsi à l'admission de la modification une condition qui pourra être appréciée in abstracto -alors, par ailleurs, que la justification d'un rapport entre la modification et le commerce considéré continuera d'être recherchée in concreto-.

En conclusion, Maître Confino considère, à la lumière de l'arrêt du 14 septembre 2011, que le bailleur qui cherche à écarter la règle du plafonnement sur le fondement d'une évolution des facteurs locaux de commercialité doit désormais rapporter la preuve (i) de l'existence d'une modification de ces facteurs (ii) ayant un caractère notable, (iii) survenue au cours du bail expiré et (iv) de nature à avoir une incidence favorable (v) sur le commerce considéré.

  • Le calcul de l'indemnité d'éviction

Le mondant de l'indemnité d'éviction peut être calculé selon trois méthodes : la méthode par comparaison, la méthode comptable et la méthode du chiffre d'affaires.

Gilles Hittinger-Roux est revenu sur la méthode du chiffre d'affaires. Cette méthode ancienne, basée sur des barèmes fiscaux, amène à retenir une évaluation de l'indemnité comprise entre 30 et 70 % du chiffre d'affaires. Maître Hittinger-Roux a souligné les limites de cette méthode d'évaluation, dans le contexte fortement concurrentiel actuel, et qui conduit à des incohérences, notamment au regard de la faiblesse des indemnités d'éviction en comparaison aux indemnités d'expropriation qui peuvent être octroyées pour des fonds similaires. Il conviendrait, selon lui, de repenser totalement cette méthode.


(1) Tableaux publiés à l'AJDI, décembre 2011, p. 858 et s..

newsid:429312

Baux commerciaux

[Brèves] Possibilité pour le liquidateur de solliciter la suspension de la clause résolutoire d'un bail commercial pour non-paiement de loyers postérieurs

Réf. : Cass. com., 6 décembre 2011, n° 10-25.689, F-P+B (N° Lexbase : A1984H4A)

Lecture: 2 min

N9322BS3

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Le 20 Décembre 2011

L'article L. 622-14 du Code de commerce (N° Lexbase : L8845INW) n'interdit pas au liquidateur de se prévaloir des dispositions de l'article L. 145-41 du même code (N° Lexbase : L5769AII) et de solliciter des délais de paiement ainsi que la suspension des effets de la clause résolutoire tant que la résiliation du bail n'est pas constatée par une décision passée en force de chose jugée. Tel est l'enseignement d'un arrêt de la Cour de cassation du 6 décembre 2011 (Cass. com., 6 décembre 2011, n° 10-25.689, F-P+B N° Lexbase : A1984H4A). En l'espèce, une société avait été mise en liquidation judiciaire le 10 juin 2009. Le propriétaire de locaux à usage commercial qui lui avaient été donnés à bail avait fait délivrer au liquidateur le 12 août 2009 un commandement d'avoir à payer des loyers échus postérieurement au jugement d'ouverture et visant la clause résolutoire insérée au contrat de bail. Le 17 septembre 2009, le propriétaire a assigné le liquidateur aux fins de constat de l'acquisition de la clause résolutoire. Les juges du fond avaient accordé en référé au liquidateur un délai pour s'acquitter des loyers et charges échus postérieurement au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire et suspendu pendant ce délai les effets de la clause résolutoire. La Cour de cassation a approuvé la décision des juges du fond au motif que l'article L. 622-14 du Code de commerce n'interdit pas au liquidateur de se prévaloir des dispositions de l'article L. 145-41 du même code et de solliciter des délais de paiement ainsi que la suspension des effets de la clause résolutoire tant que la résiliation du bail n'est pas constatée par une décision passée en force de chose jugée. En effet, les dispositions de l'article L. 622-14 du Code de commerce précisent que lorsque le bailleur fait constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture, il ne peut agir qu'au terme d'un délai de trois mois à compter dudit jugement. Le bailleur soutenait que cette règle spéciale, qui accorde in fine au liquidateur un délai de trois mois pour régler un arriéré de loyer, dérogeait à l'article L. 145-41 du Code de commerce qui autorise le preneur à solliciter la suspension de la clause résolutoire, et qu'en conséquence, cette règle générale ne pouvait s'appliquer en cas de liquidation. La Cour de cassation rejette cette interprétation (cf. l’Ouvrage "baux commerciaux" N° Lexbase : E8967EPS).

newsid:429322

Baux commerciaux

[Brèves] Refus de renouvellement pour défaut d'immatriculation de la société en formation en cas de reprise des engagements

Réf. : Cass. civ. 3, 7 décembre 2011, n° 10-26.726, FS-P+B (N° Lexbase : A1828H4H)

Lecture: 1 min

N9323BS4

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Le 16 Décembre 2011

Un congé portant refus de renouvellement sans indemnité d'éviction pour défaut d'immatriculation du locataire, société en formation, ne peut être validé dès lors que du fait de la reprise des engagements pris en son nom, la société locataire est réputée avoir, à la date de la délivrance du congé, la personnalité morale conférée par l'immatriculation. Tel est l'enseignement d'un arrêt de la Cour de cassation du 7 décembre 2011 (Cass. civ. 3, 7 décembre 2011, n° 10-26.726, FS-P+B N° Lexbase : A1828H4H). En l'espèce, le propriétaire de locaux donnés à bail commercial avait délivré un congé avec refus de renouvellement le 4 octobre 2006. Pour s'opposer au paiement d'une indemnité d'éviction, le bailleur avait visé, notamment, le défaut d'immatriculation du preneur qui a alors assigné la bailleresse en contestation de ce congé, sollicitant à titre subsidiaire le paiement d'une indemnité d'éviction. Les juges du fond ont validé le congé et le refus de paiement d'une indemnité d'éviction au motif qu'à la date du congé, la société locataire n'était pas encore immatriculée et que si l'immatriculation permet à la société de reprendre à son compte dès l'origine les actes passés en son nom, elle ne peut avoir pour effet de priver le bailleur d'un droit acquis dès la notification du congé. La Cour de cassation censure les juges du fond. Elle précise que, du fait de la reprise des engagements pris en son nom, la société locataire était réputée avoir à la date de la délivrance du congé, la personnalité morale conférée par l'immatriculation. Elle vise à cette fin l'article L. 210-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L5793AIE) qui dispose que "les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société" (cf. l’Ouvrage "baux commerciaux" N° Lexbase : E3690ATT).

newsid:429323

Baux commerciaux

[Brèves] Conséquence de l'exercice d'une activité contraire au règlement de copropriété : prononcé de la cessation de l'activité et de la résiliation du bail commercial

Réf. : CA Paris, Pôle 4, 2ème ch., 31 août 2011, n° 10/10826 (N° Lexbase : A4025HXD)

Lecture: 2 min

N9260BSR

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Le 15 Décembre 2011

Dans un arrêt du 31 août 2011, la cour d'appel de Paris a condamné le preneur d'un bail commercial à cesser son activité et a prononcé la résiliation du son bail, au motif que l'activité déployée par le locataire était contraire aux stipulations du règlement de copropriété (CA Paris, Pôle 4, 2ème ch., 31 août 2011, n° 10/10826 N° Lexbase : A4025HXD). En l'espèce, après que le propriétaire d'un local commercial a consenti un bail pour y exercer l'activité de "salon de thé, petite restauration et vente à emporter", l'assemblée générale de la copropriété dont dépendait ledit local a voté une résolution donnant mandat au syndic afin qu'il puisse agir en justice à l'encontre du copropriétaire du lot et de son locataire qui exploite un bar restaurant pour cesser cette exploitation contraire aux dispositions du règlement de copropriété de l'immeuble et demander la résiliation du bail et l'expulsion du locataire. La cour d'appel, dans son arrêt du 31 août 2011, pour faire droit aux demandes du syndic, constate, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L5394GTX), le syndicat peut agir en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble et notamment aux fins de voir respecter le règlement de copropriété qui bénéficie et s'impose à tous. Dès lors, elle en déduit que le syndicat a qualité pour agir pour faire cesser toutes les infractions au règlement de copropriété même si le trouble causé par celles-ci n'est pas indistinctement ressenti par tous les copropriétaires. Il peut également agir par le biais de l'action oblique à l'encontre du locataire d'un copropriétaire. En second lieu, sur le fond, les juges parisiens retiennent que la clause du règlement de copropriété prohibant diverses activités commerciales susceptibles de troubler la quiétude des copropriétaires n'est pas contraire à la destination mixte de l'immeuble. Dès lors, ils en concluent qu'il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de la clause du règlement précité. Ils enjoignent ensuite au preneur de cesser toute activité dans les locaux loués et ordonnent la résiliation du bail, de même que la fermeture du restaurant. Ils prononcent également l'expulsion du preneur. Enfin, énonçant que les loyers étant dus par le preneur en contrepartie de la possibilité d'utiliser les locaux visés par le contrat non encore résilié, la cour d'appel déboute le locataire de sa demande de restitution de loyers versés (cf. l’Ouvrage "baux commerciaux" N° Lexbase : E3703AYS).

newsid:429260

Droit financier

[Brèves] Modification du règlement général de l'Autorité des marchés financiers : dispositions relatives aux dirigeants de société de gestion de portefeuilles et aux conditions de recrutement de certains collaborateurs de PSI

Réf. : Arrêté du 21 novembre 2011, portant homologation d'une modification du règlement général de l'AMF (N° Lexbase : L3366IR4) ; arrêté du 21 novembre 2011, portant homologation d'une modification du règlement général de l'AMF (N° Lexbase : L3367IR7)

Lecture: 1 min

N9261BSS

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Le 15 Décembre 2011

Deux arrêtés du 21 novembre 2011, publiés au Journal officiel du 2 décembre 2011, modifient le livre III du règlement général de l'AMF relatif aux prestataires. Le premier (arrêté du 21 novembre 2011, portant homologation d'une modification du règlement général de l'Autorité des marchés financiers N° Lexbase : L3366IR4) précise les dispositions relatives aux dirigeants de société de gestion de portefeuilles. Pour rappel, la société de gestion doit être dirigée effectivement par deux personnes au moins possédant l'honorabilité nécessaire ainsi que l'expérience adéquate à leurs fonctions, en vue de garantir sa gestion saine et prudente. Dans ce cadre, le nouvel article 312-7-1 du règlement général de l'AMF précise que les personnes qui dirigent effectivement la société de gestion de portefeuille s'engagent à informer sans délai l'AMF de toute modification de leur situation telle que déclarée au moment de leur désignation. Cette information se fera dans les conditions fixées par une instruction de l'AMF. Le second arrêté (arrêté du 21 novembre 2011, portant homologation d'une modification du règlement général de l'Autorité des marchés financiers N° Lexbase : L3367IR7) modifie le IV de l'article 313-7-1 et détaille les conditions de recrutement de certains collaborateurs de prestataires de services d'investissement. Ainsi, lorsque le collaborateur est employé dans le cadre d'un contrat de formation en alternance prévu aux articles L. 6222-1 (N° Lexbase : L8833IQ9) et L. 6325-1 (N° Lexbase : L9593IEZ) du Code du travail, le prestataire de service d'investissement peut ne pas procéder à la vérification de sa qualification et de son expertise. S'il décide de le recruter à l'issue de sa formation, le prestataire de services d'investissement s'assure qu'il dispose des qualifications et de l'expertise appropriées ainsi que d'un niveau de connaissances suffisant au plus tard à la fin du contrat d'apprentissage ou de l'action de professionnalisation.

newsid:429261

Droit financier

[Brèves] La Commission des sanctions de l'AMF sanctionne une manipulation de cours opérée par une société de gestion et son directeur général délégué

Réf. : AMF, décision du 28 octobre 2011, sanction (N° Lexbase : L3713IRX)

Lecture: 1 min

N9262BST

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Le 15 Décembre 2011

La Commission des sanctions de l'AMF a sanctionné, par une décision du 28 octobre 2011 (N° Lexbase : L3713IRX), une manipulation de cours issue de la technique dite des "rafales d'ordres". En l'espèce, le mis en cause, dirigeant d'une société financière prestataire de service d'investissement, avait ordonné de passer, à l'achat, des "rafales d'ordres exécutés ou éliminés" à des cours fixés de manière systématiquement croissante, sans rapport avec ceux constatés antérieurement sur le marché. Chacune de ces séries était ensuite clôturée par un ordre "strict", à un prix déterminé. Cela a eu pour conséquence la hausse artificielle du cours à un niveau anormal, sans que puisse être invoquée une quelconque légitimité dans la gestion des intérêts des porteurs ou que cela ne s'explique par un élément objectif relatif à l'évolution ou à la communication financière de la société émettrice. La Commission des sanctions a estimé que le manquement de manipulation de cours était caractérisé au regard des articles 631-1-1° et 631-2-1° et 2° du règlement général de l'AMF et a appelé au prononcé de sanctions professionnelles et pécuniaires d'autant plus sévères qu'il avait été commis par une société et une personne physique qui exercent l'activité de prestataires de services d'investissement. La Commission des sanctions a donc prononcé un blâme et une sanction pécuniaire de 150 000 euros, à l'encontre de la société de gestion ainsi qu'un blâme et une sanction pécuniaire de 250 000 euros à l'encontre du directeur général délégué de cette société.

newsid:429262

Droit financier

[Brèves] L'Autorité des marchés financiers lance une consultation publique sur certaines dispositions relatives aux offres publiques d'acquisition

Réf. : AMF, communiqué de presse du 9 décembre 2011

Lecture: 1 min

N9263BSU

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Le 14 Décembre 2011

Aux termes d'un communiqué de presse du 9 décembre 2011, l'AMF a informé qu'elle soumettait à consultation publique des modifications portant sur certaines dispositions de son règlement général relatives aux offres publiques d'acquisition (livre II, titre III). Les principales modifications envisagées seraient les suivantes :
- l'introduction d'un seuil de caducité automatique de 50 % pour toute offre volontaire relevant de la procédure normale d'OPA (article 231-9) ;
- l'extension aux procédures de contrôle des concentrations autres qu'européenne ou américaine de la condition suspensive antitrust visée à l'article 231-11 du règlement général ;
- l'autorisation de la poursuite d'un programme de rachat d'actions par l'initiateur d'une offre libellée en titres (article 231-41) ;
- la mise en cohérence du régime des déclarations des interventions en période d'offre et de préoffre avec celui des déclarations de franchissement de seuils légaux ;
- enfin, l'introduction sur les systèmes multilatéraux de négociation organisés (Alternext) de deux nouveaux cas de dérogation au dépôt obligatoire d'une offre publique applicables au franchissement des seuils de 50 % du capital ou des droits de vote consécutif (i) à la souscription à une augmentation de capital réservée ou (ii) à l'exercice ou la conversion de titres donnant accès au capital.
Les réponses à la consultation doivent être retournées au plus tard le mardi 31 janvier 2012.

newsid:429263

Commercial

[Brèves] Simplification de la procédure d'agrément des magasins généraux

Réf. : Décret n° 2011-1772 du 5 décembre 2011, relatif aux magasins généraux (N° Lexbase : L3559IRA)

Lecture: 1 min

N9239BSY

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Le 14 Décembre 2011

Procédant à la transposition de la Directive 2006/123/CE (Directive du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur N° Lexbase : L8989HT4), et pris pour l'application de l'article 48 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, de simplification et d'amélioration de la qualité du droit (N° Lexbase : L2893IQ9), un décret, publié au Journal officiel du 7 décembre 2011, simplifie plusieurs éléments de la procédure d'agrément préfectoral des demandeurs à l'exploitation de magasins généraux (décret n° 2011-1772 du 5 décembre 2011, relatif aux magasins généraux N° Lexbase : L3559IRA). D'une part, il supprime les avis obligatoires de la chambre de commerce et d'industrie territorialement compétente et de la Fédération nationale des prestataires logistiques et des magasins généraux agréés par l'Etat. D'autre part, il abolit l'exigence d'un agrément, par le tribunal de commerce, de la caution bancaire du demandeur à l'agrément. Enfin, l'obligation qui était faite au demandeur à l'exploitation de constituer son cautionnement auprès de la Caisse des dépôts et consignations n'est plus exigée, lui permettant ainsi de constituer sa garantie auprès de l'établissement bancaire de son choix. Ce texte est entré en vigueur le 8 décembre 2011.

newsid:429239

Concurrence

[Brèves] Conformité du contrôle juridictionnel sur les décisions de la Commission imposant des amendes en matière de concurrence aux exigences du principe de protection juridictionnelle effective énoncé par la Charte des droits fondamentaux de l'Union

Réf. : CJUE, 8 décembre 2011, trois arrêts, aff. C-272/09 P (N° Lexbase : A1679H4X) ; C-386/10 P (N° Lexbase : A1682H43) et C-389/10 P (N° Lexbase : A1683H44)

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N9250BSE

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Le 27 Décembre 2011

Le juge de l'Union doit exercer un contrôle tant de droit que de fait ; il a le pouvoir d'apprécier les preuves, d'annuler la décision de la Commission et de modifier le montant des amendes. Dès lors, il n'apparaît pas que le contrôle juridictionnel, tel que prévu par le droit de l'Union, soit contraire aux exigences du principe de protection juridictionnelle effective énoncé à la charte. Tel est l'enseignement issu de trois arrêts rendus par la CJUE le 8 décembre 2011, dans le cadre de deux ententes dans les secteurs des tubes industriels et sanitaires en cuivre (CJUE, 8 décembre 2011, trois arrêts, aff. C-272/09 P N° Lexbase : A1679H4X ; C-386/10 P N° Lexbase : A1682H43 et C-389/10 P N° Lexbase : A1683H44). En l'espèce, les sociétés requérantes soutenaient, notamment, que le TPIUE a violé la CESDH et le droit de l'Union -en particulier leur droit fondamental à un recours juridictionnel effectif prévu à la Charte des droits fondamentaux- en ce qu'il n'a pas exercé un contrôle suffisant de la décision de la Commission et s'en est remis de façon excessive et déraisonnable au pouvoir d'appréciation de celle-ci. Se référant uniquement à la Charte, la Cour rappelle que le contrôle juridictionnel des décisions imposant des sanctions en matière de droit de la concurrence comporte, d'une part, un contrôle de légalité et, d'autre part, une compétence de pleine juridiction. S'agissant du contrôle de légalité, la Cour, rappelle que même si la Commission dispose d'une marge d'appréciation dans des domaines donnant lieu à des appréciations économiques complexes, cela n'implique pas pour autant que le juge de l'Union doit s'abstenir de contrôler l'interprétation, par la Commission, des données de nature économique. Il appartient à ce dernier d'effectuer ce contrôle sur la base des éléments apportés par la partie demanderesse. Dans ce contexte, la Cour considère que le juge de l'Union ne saurait s'appuyer sur la marge d'appréciation dont dispose la Commission ni en ce qui concerne le choix des éléments pris en considération lors de l'appréciation, par cette dernière, des critères pris en considération pour déterminer le montant des amendes, ni en ce qui concerne l'évaluation de ces éléments pour renoncer à exercer un contrôle approfondi en droit et en fait. S'agissant de la compétence de pleine juridiction relative au montant des amendes, la Cour précise que cette compétence habilite le juge, au delà du simple contrôle de légalité, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer la sanction pécuniaire infligée. Cependant, la Cour souligne que l'exercice de la compétence de pleine juridiction ne signifie pas que le juge soit tenu de procéder à un contrôle d'office de l'ensemble de la décision attaquée, ce qui supposerait une nouvelle instruction complète du dossier. Elle en déduit donc le principe précité et qu'en l'espèce, le Tribunal a exercé le contrôle plein et entier, en droit et en fait, auquel il est tenu.

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Entreprises en difficulté

[Chronique] Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté - Décembre 2011

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N9267BSZ

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université du Sud-Toulon-Var

Le 15 Décembre 2011

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université du Sud-Toulon-Var, Directrice du Master 2 Droit de la banque et de la société financière de la Faculté de droit de Toulon, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Ce mois-ci, les auteurs ont choisi de s'arrêter sur deux arrêts rendus par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, tous deux promis aux honneurs du Bulletin. Dans le premier, en date du 22 novembre 2011 et commenté par Emmanuelle Le Corre-Broly, la Cour régulatrice avait à répondre à la question de savoir s'il y a lieu au paiement de tous les dividendes arriérés et, dans l'affirmative, à quelle date, lorsque l'admission définitive d'une créance intervient alors qu'un ou plusieurs dividendes du plan ont déjà été versés. La position adoptée par la Haute juridiction est limpide : si la créance a été contestée et si l'admission définitive de la créance intervient alors qu'un ou plusieurs dividendes du plan ont déjà été versés, il y a place au paiement de tous les dividendes arriérés, sitôt effectuée la notification de l'ordonnance du juge-commissaire ou, en cas d'appel, de la signification de la décision d'admission de la créance au passif. Enfin, dans le second arrêt sélectionné ce mois-ci, daté du 8 décembre 2011 et commenté par le Professeur Le Corre, la Chambre commerciale, prend position sur l'épineuse question de savoir si une nouvelle dénonciation s'impose à l'organe ayant qualité à recevoir les dénonciations de saisies, dans le délai de huitaine, lorsque la saisie a été dénoncée avant l'ouverture de la procédure collective entre les mains du débiteur.
  • Le règlement des créanciers admis au passif postérieurement au règlement des premiers dividendes du plan (Cass. com., 22 novembre 2011, n° 10-24.129, F-P+B N° Lexbase : A0014H3W)

Comme en témoigne la pratique, la route de l'admission de la créance au passif du débiteur en difficulté peut être longue et ponctuée de nombreuses étapes : les expertises, les multiples renvois avant plaidoiries, l'exercice de voies de recours en sont les principales. Dans ces conditions, il est fréquent que la décision définitive d'admission de la créance au passif intervienne plusieurs mois, voire plusieurs années, après l'arrêté du plan de continuation (sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985 N° Lexbase : L4126BMR), de sauvegarde ou de redressement (sous l'empire de la loi du 26 juillet 2005 N° Lexbase : L5150HGT). En conséquence, les premiers dividendes du plan auront déjà été versés à certains créanciers, alors que la créance d'autres créanciers n'aura pas encore été admise au passif. Une importante question intéresse alors ces créanciers qui prendront "le train en marche", une fois leur créance admise : si l'admission définitive de la créance intervient alors qu'un ou plusieurs dividendes du plan ont déjà été versés, y aura-t-il lieu au paiement de tous les dividendes arriérés et, dans l'affirmative, à quelle date ? Telle est la question à laquelle répond la Chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt, appelé à la publication au Bulletin, rendu le 22 novembre 2011.

En l'espèce, une société avait été placée en redressement judiciaire en mai 2005. A l'issue de la période d'observation, un plan de continuation avait été arrêté, lequel prévoyait le paiement de la totalité du passif "tel qu'il sera définitivement admis" en dix annuités, la première étant payable le 31 décembre 2007. A l'ouverture de la procédure collective, la trésorerie d'Alès avait déclaré une créance qui avait fait l'objet d'une contestation. Ce n'est que par un arrêt rendu le 17 juin 2010 que la cour d'appel de Nîmes devait définitivement fixer le montant de l'admission au passif (CA Nîmes, 2ème ch., sect. B, 17 juin 2010, n° 08/04298 N° Lexbase : A8282E7U). La décision des juges d'appel avait, en outre, précisé que le paiement des trois premières annuités -dont le paiement était prévu par le plan les 31 décembre 2007, 2008 et 2009-, d'un montant respectif de 5 %, 5 % et 7 % de la créance, devrait être effectué lorsque l'arrêt d'appel serait signifié.

Le débiteur et le représentant des créanciers s'étaient pourvus en cassation, en faisant grief à l'arrêt de la cour d'appel d'avoir prévu le paiement des dividendes arriérés. Au soutien de leur pourvoi, ils soutenaient que l'admission définitive de la créance n'ouvrirait pas droit aux créanciers à participer à la répartition des échéances du plan antérieures à cette admission, mais leur permettrait seulement de participer à la répartition des échéances postérieures.

La Chambre commerciale rejette le pourvoi dans les termes suivants : "attendu qu'ayant relevé que le jugement du 19 décembre 2006 [le jugement arrêtant le plan] prévoyait un paiement intégral de chaque créance chirographaire définitivement admise en dix échéances à compter du 31 décembre 2007, la cour d'appel qui a ordonné l'admission de la créance du trésorier au passif de [la société débitrice...] a, à bon droit et sans méconnaître l'autorité de chose jugée attachée à ce jugement, dit que le paiement des annuités échues devra être effectuée lorsque l'arrêt sera signifié".

La position adoptée par la Chambre commerciale est limpide : si la créance a été contestée et si l'admission définitive de la créance intervient alors qu'un ou plusieurs dividendes du plan ont déjà été versés, il y a place au paiement de tous les dividendes arriérés, sitôt effectuée la notification de l'ordonnance du juge-commissaire ou, en cas d'appel, de la signification de la décision d'admission de la créance au passif.

C'est la première fois, à notre connaissance, que les Hauts magistrats se prononcent sur cette question, pourtant d'une grande importance pratique et dont la problématique a, sans nul doute, dû se présenter à de multiples reprises. La réponse apportée doit être approuvée sans réserve.

En effet, au regard des textes, on ne peut que constater une totale déconnection entre l'absence d'admission définitive des créances et la propension à participer au plan, ce qui ne cadre pas avec l'idée qu'il ne pourrait y avoir de régularisation des dividendes arriérés après admission définitive de la créance. Cette autonomie des procédures d'élaboration du plan, d'un côté, de vérification et d'admission des créances, d'un autre côté, peut être observée à plusieurs titres.

D'abord, en période d'observation, les créanciers antérieurs sont consultés, peu important que leur qualité de créancier n'ait pas encore été établie par une décision judiciaire. Cette consultation ne préjuge évidemment pas de leur admission comme cela résulte de l'article L. 626-21, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L2323IND ; C. com., art. L. 621-79, al. 1er N° Lexbase : L6931AIK, sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985) qui dispose que "l'inscription d'une créance au plan et l'octroi de délais ou remises par le créancier ne préjuge pas l'admission définitive de la créance au passif". Le créancier ne peut donc pas, du seul fait qu'il a été consulté, prétendre à une reconnaissance de dette. Ce n'est que dans la mesure de son admission ultérieure au passif que les droits du créancier consulté devront être pris en compte pour son règlement effectif dans le cadre du plan.

On remarquera encore que le créancier qui n'a pas encore été définitivement admis au passif peut toucher, à titre provisionnel, des dividendes. L'article L. 626-21, alinéa 2, prévoit que si le mandataire judiciaire a proposé l'admission d'une créance non contestée, le versement de dividendes peut intervenir, à titre provisionnel, sitôt la décision arrêtant le plan devenue définitive, à condition que ce paiement provisionnel soit prévu par celle-ci. Si le créancier perçoit, dans le cadre de ces dividendes provisionnels, plus que ce à quoi il a droit compte tenu, ultérieurement, de son admission ou non au passif, il y a bien évidemment lieu à répétition de l'indu (1). Il est logique qu'en sens inverse, le créancier puisse bénéficier du paiement des dividendes arriérés lorsque la créance contestée est définitivement admise postérieurement au paiement de certains dividendes.

La solution posée par cet arrêt, si elle cadre parfaitement avec cette déconnection existant entre l'adoption du plan, le règlement du créancier et son admission définitive, présente en outre le mérite d'éviter que le débiteur, par l'intermédiaire du mandataire judiciaire, soit tenté, à des fins dilatoires, de contester ou d'exercer des voies de recours aux fins de différer la décision d'admission de la créance afin que celle-ci intervienne le plus tardivement possible et donc après le paiement des premiers dividendes du plan. Le créancier n'a pas à être pénalisé par des lenteurs procédurales conduisant à une admission tardive de sa créance. Doivent ainsi être dissipées toutes les inquiétudes du créancier qui ne serait admis qu'après le règlement de certains dividendes du plan. Il pourra rattraper le retard pris au jour de la notification ou de la signification de la décision d'admission de la créance au passif, en obtenant le paiement de tous les dividendes arriérés.

Il apparaît que cette décision, dont l'importance est soulignée par sa publication au Bulletin, est de principe. Ainsi, même s'il est conseillé au créancier de solliciter du juge qui admettra sa créance qu'il mentionne, dans sa décision, la possibilité d'obtenir le paiement des dividendes arriérés, il n'apparaît pas discutable que, nonobstant l'absence de toute précision en ce sens, le créancier pourra exiger la paiement de ces dividendes arriérés.

Notons que la situation du créancier qui a déclaré sa créance dans les délais et qui est admis alors que certains dividendes du plan ont d'ores et déjà été réglés, doit être distinguée de celle du créancier relevé de la forclusion. Certes, par principe, le créancier qui est relevé de forclusion, peut être admis dans les répartitions et les dividendes comme les créanciers ayant déclaré dans les délais. Cependant, si des distributions sont déjà intervenues au jour de sa demande, le créancier doit, pour reprendre l'expression d'un auteur, "en faire son deuil" (2), dans la mesure où l'article L. 622-26, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L2534IEL) prévoit que les créanciers relevés de forclusion "ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande". Cependant, en pratique, il y a fort à parier que leur demande sera antérieure au versement du premier dividende dans la mesure où la demande en relevé de forclusion doit désormais être effectuée dans un délai relativement court : celui de six mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au BODACC (3), délai porté à un an pour les créanciers placés dans l'impossibilité de connaître l'existence de leur créance avant l'expiration de ce délai de six mois (C. com., art. L. 622-26, al. 3). Il n'en demeure pas moins que ce n'est que dans cette seule hypothèse, et parce qu'un texte spécial le prévoit, qu'un créancier pourtant finalement admis -en l'occurrence, le créancier relevé de forclusion- est susceptible d'être privé du droit de bénéficier de tous les dividendes prévus dans le cadre du plan. Un tel texte est restrictif de droit et mérite, à ce titre, une interprétation restrictive. Il est exclu de l'étendre à des hypothèses voisines, comme celle sur laquelle nous raisonnons. Par conséquent, à défaut de texte spécial en ce sens, il est radicalement inconcevable de priver un créancier diligent (c'est-à-dire qui a déclaré sa créance dans les délais), mais finalement admis après le paiement de certains dividendes du plan, de la possibilité de prétendre, lorsque la décision définitive d'admission lui aura été notifiée, au paiement des dividendes arriérés.

Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université du Sud-Toulon-Var, Directrice du Master 2 Droit de la banque et de la société financière

  • Dénonciation d'une saisie-attribution aux organes de la procédure collective (Cass. civ. 2, 8 décembre 2011, n° 10-24.420, FS-P+B N° Lexbase : A1972H4S)

Les règles de l'administration contrôlée en période d'observation d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire et celles du dessaisissement dans la liquidation judiciaire exercent une influence sur la conduite des procédures et la dénonciation des actes de procédure. La saisie-attribution n'échappe pas à la règle lorsque le débiteur est le saisi.

La difficulté ne peut en réalité se poser que lorsque la saisie n'a pas joué avant le jugement d'ouverture de la procédure lorsqu'elle concerne une créance antérieure, soumise à la discipline collective, et plus spécialement à la règle de l'arrêt des voies d'exécution.

L'article L. 622-21, II du Code de commerce (N° Lexbase : L3741HB8), dans la rédaction que lui donne la loi de sauvegarde des entreprises (loi n° 2005-845 N° Lexbase : L5150HGT), n'a pas pour objet de remettre en cause les situations acquises. De même que les actions résolutoires ayant joué au jour du jugement d'ouverture ne seront pas remises en cause, les voies d'exécution terminées à cette date ne seront pas affectées par la règle de l'arrêt des voies d'exécution. Une saisie-attribution a joué au jour du jugement d'ouverture si, au plus tard la veille de cet événement, la saisie a été signifiée au tiers saisi. La rétroactivité de celui-ci à zéro heure de sa date conduit en effet à considérer que la saisie pratiquée le jour du jugement d'ouverture est effectuée après jugement (4), même si le contraire a aussi été jugé (5).

La saisie-attribution produit un effet attributif immédiat au profit du saisissant à concurrence de la créance saisie disponible entre les mains du tiers, et ne peut en conséquence plus être remise en cause, si à la date du jugement d'ouverture, l'acte de saisie a été signifié au tiers saisi (6). La créance, qui a fait l'objet d'une saisie-attribution effectuée avant le jugement d'ouverture et qui a produit ses effets, est définitivement sortie du patrimoine du débiteur saisi et est entrée, par l'effet de la saisie-attribution, dans celui du créancier. Elle n'a donc pas à être déclarée (7).

Il importera peu que la dénonciation n'ait pas été effectuée au débiteur saisi, à cette date (8), cette mesure n'étant pas considérée comme une voie d'exécution (9).

Si la saisie a joué au jour du jugement, parce qu'elle a été signifiée au tiers saisi au plus tard la veille, elle doit être dénoncée dans les huit jours. Ce délai de huitaine est la source de certaines difficultés, si la date du jugement d'ouverture est comprise à l'intérieur de ce délai.

Deux situations sont alors à distinguer.

Dans une première situation, qui a fait l'objet d'arrêts de la Cour de cassation, la dénonciation au tiers saisi, dans le délai de huitaine, n'a pas été faite avant le jugement d'ouverture, et plus exactement au plus tard la veille du jugement d'ouverture. En ce cas, il faut observer les règles d'assistance et de représentation du débiteur, pour savoir à qui la saisie doit être dénoncée.

Dans la procédure de sauvegarde, en présence d'un administrateur, la dénonciation s'imposait à cet organe, quelle que soit sa mission, sous l'empire de la loi de sauvegarde des entreprises, dans sa rédaction d'origine. La solution manquait assurément de logique. Plus justement, depuis l'ordonnance du 18 décembre 2008 (ordonnance n° 2008-1345, portant réforme du droit des entreprises en difficulté N° Lexbase : L2777ICT), la dénonciation à l'administrateur ne s'impose que s'il a une mission d'assistance (C. com., art. L. 622-23 N° Lexbase : L3488IC8). En ce cas, la dénonciation doit être faite, d'une part, au débiteur et, d'autre part, à son administrateur. Si ce dernier n'a qu'une mission de surveillance, la dénonciation au débiteur est suffisante, nonobstant l'ouverture de sa sauvegarde. La solution est la même, en l'absence d'administrateur. L'absence de dénonciation au débiteur dans le délai entraînera caducité de la saisie (10).

Dans la procédure de redressement judiciaire, à défaut d'administrateur, la dénonciation doit être effectuée entre les mains du débiteur. En présence d'un administrateur, la dénonciation à cet organe s'impose, de manière systématique. Si l'administrateur a une mission d'assistance, la solution dégagée pour la procédure de sauvegarde est applicable en redressement judiciaire. Si l'administrateur a une mission d'administration, il représente le débiteur. En ce cas, la dénonciation s'impose au seul administrateur (C. com., art. L. 631-14, al. 5 N° Lexbase : L2453IEL).

La situation est comparable en liquidation judiciaire. Du fait des règles du dessaisissement, la dénonciation s'impose au liquidateur.

Une hésitation est permise lorsqu'un administrateur est en fonction en liquidation judiciaire.

L'administrateur judiciaire, nommé en liquidation judiciaire pour administrer l'entreprise, devient le chef d'entreprise intérimaire, comme cela est le cas en période d'observation ; il prend l'une des trois fonctions d'un liquidateur classique : celle de représentation des droits patrimoniaux du débiteur.

La signification des actes et des décisions de justice intéressant le patrimoine du débiteur doit intervenir entre les mains de l'administrateur judiciaire. Les saisies-attributions pratiquées par des créanciers postérieurs méritants -créanciers de l'article L. 622-17 (N° Lexbase : L3493ICD) ou de l'article L. 641-13 du Code de commerce (N° Lexbase : L3405IC4)-, doivent être dénoncées à l'administrateur judiciaire. De la même façon, la dénonciation après jugement d'ouverture d'une saisie pratiquée avant le jugement d'ouverture doit intervenir entre les mains de l'administrateur judiciaire nommé en liquidation pour assurer la poursuite provisoire de l'activité.

L'absence de dénonciation à l'organe compétent, dans le délai de huit jours, de la saisie pratiquée emportera sa caducité (11). Précisons toutefois que le tiers saisi qui n'a pas qualité pour se prévaloir de cette absence de dénonciation (12). La Cour de cassation n'admet pas que le délai de dénonciation se trouve interrompu par l'effet du jugement d'ouverture (13).

Précisons, en outre, que, dans la procédure de sauvegarde et de redressement, indépendamment de la désignation d'un administrateur judiciaire et quelle que soit sa mission, la dénonciation au mandataire judiciaire s'impose. Cependant, le délai de huitaine posé par la législation des voies d'exécution n'intéresse, nous semble-t-il, que le débiteur, son assistant ou son représentant. La dénonciation n'a donc pas, à notre sens, à être faite, à peine de caducité, au mandataire judiciaire, dans le délai de huitaine. Cependant, tant qu'elle ne sera pas intervenue, la saisie sera inopposable à la procédure collective.

Dans une seconde situation, la saisie a été dénoncée avant l'ouverture de la procédure collective. Cela n'est possible qu'entre les mains du débiteur. La question qui se pose alors, et qui est au coeur de l'arrêt commenté, est de savoir si une nouvelle dénonciation s'impose à l'organe ayant qualité à recevoir les dénonciations de saisies, dans le délai de huitaine, sauf caducité de la saisie-attribution pratiquée.

A cette question, censurant la décision des juges du fond, la Cour de cassation répond qu'une nouvelle dénonciation n'est pas exigée, alors que la saisie-attribution avait été dénoncée dans le délai légal au débiteur à la tête de ses biens.

La solution est sans surprise. Dès lors qu'au jour de la dénonciation, cette dernière a valablement été effectuée à une personne ayant qualité pour la recevoir, une nouvelle dénonciation est inutile.

Cela ne signifie pas que l'organe assistant ou représentant le débiteur soit désarmé. En effet, si la dénonciation est faite, comme le prévoit la loi dans le délai de huitaine de la signification de la saisie, et si à l'intérieur du délai de huitaine survient le jugement d'ouverture, cela signifie que l'administrateur judiciaire qui assiste ou représente le débiteur, ou, en cas de liquidation judiciaire, le liquidateur qui représente le débiteur, ne peut bénéficier d'un délai complet pour contester la saisie devant le juge de l'exécution.

La Cour de cassation a déjà été confrontée à cette problématique. Elle admet l'interruption du délai de contestation si, pendant son cours, survient la liquidation (14). La solution est la même si, pendant le cours du délai, un jugement de sauvegarde ou de redressement, dans lequel un administrateur, ayant reçu une mission d'assistance (en sauvegarde ou en redressement judiciaire) ou d'administration (en redressement judiciaire), a été nommé.

Comme le précise, dans l'arrêt rapporté, la Cour de cassation, l'absence de dénonciation à l'organe assistant ou représentant le débiteur ne s'impose pas à peine de caducité. En revanche, si l'administrateur a des moyens à invoquer pour contester la saisie, il le pourra, faute pour cette dernière d'être à l'abri d'un recours. Seule une nouvelle dénonciation, qui n'est pas enfermée dans le délai de huitaine de la signification au tiers saisi (15), permettra de rendre définitive la saisie en la mettant à l'abri d'un recours.

Ainsi, une chose est d'admettre que l'efficacité de la saisie ne nécessite pas une nouvelle dénonciation à l'organe assistant ou représentant le débiteur. Une autre chose est de considérer que la saisie puisse devenir définitive par l'écoulement du délai de contestation. Efficace, la saisie le sera. Définitive, la saisie ne le sera qu'au prix d'une nouvelle dénonciation.

Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises


(1) CA Paris, 3ème ch., sect. B, 8 novembre 2007, n° 06/20420 (N° Lexbase : A5248D3R).
(2) P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action, 6ème éd., 2012/2013, n° 665.57.
(3) Ce délai était, sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, d'un an, et de façon peu orthodoxe par rapport à l'exigence du droit au procès équitable posé par l'article 6 § 1 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR), courait à compter du jugement d'ouverture, évènement inconnu des créanciers.
(4) TGI Marmande, Jex, 24 septembre 1993, Rev. huissiers, 1994, 653 ; CA Montpellier, 2ème ch., sect. B, 20 avril 2004, RD banc. et fin., 2005/2, p. 28, n° 59, note F.-X. Lucas ; adde, P. Canet, Les voies d'exécution issues de la loi du 9 juillet 1991 face au redressement et à la liquidation judiciaires, Rev. proc. coll., 1995, 265, spéc. p. 268.
(5) CA Caen, 1ère ch., sect. civ., 29 avril 1997, Rev. proc. coll., 1997, 417, obs. Cadiou.
(6) Cass. com., 13 octobre 1998, n° 96-14.295, publié (N° Lexbase : A5719ACS), Bull. civ. IV, n° 237, Gaz. Pal., 1999, n° 245, p. 17, note M. Veron, D. Affaires, 1998, 2018, obs. A. Lienhard, Rev. proc. coll., 1999, 106, n° 18, obs. Canet ; Cass. com., 19 juin 2007, n° 06-12.916, F-D (N° Lexbase : A8736DWH), Gaz. proc. coll., 2007/4, p. 44, note I. Rohart-Messager.
(7) Cass. com., 3 mai 2011, n° 10-16.155, F-D (N° Lexbase : A2514HQ8), Gaz. pal., 9 juillet 2011, n° 189, p. 27, note Ph. Roussel Galle ; BJE, septembre/octobre 2011, comm. 118, p. 254, note M. Laroche.
(8) TGI Laval, Jex, 2 avril 1996 et TGI Laval, Jex, 23 avril 1996, D., 1997, jur. 43, note J. Prévault.
(9) TGI Lyon, Jex, 23 avril 1996, D., 1997, jur. 43, note J. Prévault.
(10) Cass. com. 13 octobre 1998, n° 96-14.295, préc. et note préc..
(11) Cass. com., 19 février 2002, n° 98-22.727, FS-P (N° Lexbase : A0220AYS), Bull. civ. IV, n° 37, D., 2002, AJ 1070, obs. V. Avena-Robardet, Act. proc. coll., 2002/6, n° 77, RD banc. et fin., 2002/3, p. 135, n° 105, obs. F.-X. Lucas, RD banc. et fin., 2002/3, p. 138, n° 109, obs. J.-M. Delleci, RJ com., 2002, n° 1604, obs. J.-L. Courtier ; Cass. com., 20 octobre 2009, n° 08-16.629, F-D, Rev. proc. coll. 2010/2, comm. 82, p. 72, note G. Berthelot ; CA Rennes, 1ère ch., sect. B, 16 mai 2002, n° 00/07127 (N° Lexbase : A9256DN7), RD banc. et fin., 2002/4, n° 146, obs. F.-X. Lucas.
(12) Cass. com., 10 juin 2008, n° 06-13.054, F-D (N° Lexbase : A0513D9U), RTDCiv., 2008, 555, n° 9, obs. R. Perrot ; CA Aix-en-Provence, 15ème ch., sect. A, 30 avril 2010, n° 08/22605 (N° Lexbase : A7462EZE).
(13) Cass. com., 4 mars 2003, n° 00-13.020, FS-P+B (N° Lexbase : A3568A7B), Bull. civ. IV, n° 34 ; D., 2003, AJ 907, obs. A. Lienhard ; Act. proc. coll., 2003/8, n° 104 ; D., 2003, somm. 1623, obs. F.-X. Lucas ; JCP éd. E, 2003, chron. 1396, p. 1576, n° 17, obs. Ph. Pétel ; JCP éd. E 2003, jur. 708, p. 814, note Ch. Delattre ; RD banc. et fin., 2003/3, n° 118, p. 170, obs. Delecci ; Procédures, juillet 2003, p. 10, n° 167, note R. Perrot ; Gaz. Pal., 5-6 septembre 2003, somm. 7, note Denner ; P.-M. Le Corre, La dénonciation au liquidateur d'une saisie-attribution ayant joué au jour du jugement d'ouverture, Lexbase Hebdo n° 66 du 10 avril 2003 - édition affaires (N° Lexbase : N6797AAY).
(14) Com. 19 janv. 1999, n° 96-18.256, n° 96-18.256, publié, Bull. civ. IV, n° 17 ; LPA, 9 mars 1999, n° 48, p. 8, note P. M. ; LPA, 1999, n° 94, p. 26, note F. Derrida ; D. Affaires, 1999, 478 ; JCP éd.E, 1999, chron. 815, n° 13, obs. P. P. ; RJ com., 2000, n° 1548, p. 29, note J.-L. Courtier ; D., 1999, jur. 245, note F. Derrida ; Defrénois, 2000, n° 1, p. 45, obs. J.-P. Sénéchal.
(15) Ph. Théry, L'incidence d'une procédure collective sur les procédures civiles d'exécution, Dr. et proc., 2002/3, p. 140, spéc. p. 144.

newsid:429267

Entreprises en difficulté

[Brèves] Plan de sauvegarde et plan de redressement : radiation d'office des mentions au registre du commerce et des sociétés

Réf. : Décret n° 2011-1836 du 7 décembre 2011, relatif aux radiations d'office du registre du commerce et des sociétés en matière de plans de sauvegarde et de redressement (N° Lexbase : L3612IR9)

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N9199BSI

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Le 15 Décembre 2011

L'ouverture d'un plan de sauvegarde ou d'un plan de redressement et les étapes les plus importantes de leur déroulement font l'objet de mentions au registre du commerce et des sociétés. Afin d'aider l'entreprise qui a montré sa capacité à se réorganiser, un décret, publié au Journal officiel du 9 décembre 2011 (décret n° 2011-1836 du 7 décembre 2011, relatif aux radiations d'office du registre du commerce et des sociétés en matière de plans de sauvegarde et de redressement N° Lexbase : L3612IR9), prévoit la radiation d'office de ces mentions lorsque la procédure a cours depuis trois ans pour un plan de sauvegarde ou cinq ans pour un plan de redressement (l'article R. 123-135 N° Lexbase : L9888HYU est complété par trois nouveaux alinéas et l'article R. 135-135-1 N° Lexbase : L5083HZB est abrogé). En outre, les radiations ainsi prévues font obstacle à toute nouvelle mention intéressant l'exécution du plan de sauvegarde ou de redressement, sauf si celle-ci est relative à une mesure d'inaliénabilité décidée par le tribunal ou à une décision prononçant la résolution du plan. L'article 36-1 du décret du 30 mai 1984 (décret n° 84-406, relatif au registre du commerce et des sociétés N° Lexbase : L6533BHG) est modifié dans le même sens. Ces dispositions, qui sont entrées en vigueur le lendemain de la publication au Journal officiel du décret, soit le 10 décembre 2011, sont applicables aux mentions figurant au registre du commerce et des sociétés à la date de sa publication.

newsid:429199

Entreprises en difficulté

[Brèves] Unicité de la procédure découlant d'une décision d'extension fondée sur la confusion des patrimoines : effets procéduraux découlant de la présence d'un mandataire judiciaire unique

Réf. : Cass. com., 6 décembre 2011, n° 10-24.885, F-P+B (N° Lexbase : A2011H4A)

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N9216BS7

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Le 15 Décembre 2011

Selon l'article R. 661-6, 1° du Code de commerce (N° Lexbase : L0392IGM), dans sa rédaction issue du décret du 12 février 2009 (décret n° 2009-160 N° Lexbase : L8848INZ), les mandataires de justice qui ne sont pas appelants doivent être intimés. Aussi, en raison de l'unicité de la procédure de liquidation judiciaire découlant d'une décision d'extension fondée sur la confusion du patrimoine des débiteurs, ceux-ci ont un liquidateur judiciaire unique, de sorte qu'il importe peu que le débiteur appelant d'une telle décision n'ait pas précisé en intimant ce liquidateur que celui-ci était aussi intimé en qualité de liquidateur de sa propre liquidation judiciaire. Tel est le principe énoncé par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 6 décembre 2011 (Cass. com., 6 décembre 2011, n° 10-24.885, F-P+B N° Lexbase : A2011H4A). En l'espèce, une société a été mise en liquidation judiciaire. A la demande de son liquidateur, le tribunal a étendu, le 29 septembre 2009, cette procédure de liquidation judiciaire à une autre société qui avait, elle-même, été précédemment mise en redressement judiciaire et qui avait bénéficié d'un plan de redressement en 2003. Le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l'appel, interjeté à l'encontre du jugement d'extension, par la société à laquelle le jugement de liquidation a été étendu. Cette ordonnance est confirmée par le juge d'appel au motif que cet appel relevant du régime des articles L. 661-1 (N° Lexbase : L8963INB) et R. 661-6 du Code de commerce selon lesquels le mandataire de la partie qui interjette appel doit être intimé, le liquidateur, qui n'étant originellement intimé à cette procédure qu'en sa qualité de mandataire judiciaire de la société faisant l'objet de la procédure d'origine, devait également être attrait devant la cour d'appel sous sa seconde qualité de mandataire judiciaire de la société à laquelle la procédure a été étendue. Mais énonçant le principe précité, la Chambre commerciale casse l'arrêt des seconds juges, au visa de l'article R. 661-6, 1° du Code de commerce, dans sa rédaction issue du décret du 12 février 2009, ensemble l'article L. 621-2, alinéa 2, du même code (N° Lexbase : L8848INZ), dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 (ordonnance n° 2008-1345 N° Lexbase : L2777ICT), estimant que la cour d'appel a violé ces textes .

newsid:429216

Entreprises en difficulté

[Brèves] Recours des cautions contre la décision d'admission de la créance garantie au passif du débiteur principal

Réf. : Cass. com., 6 décembre 2011, n° 10-25.571, F-P+B (N° Lexbase : A1860H4N)

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N9218BS9

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Le 17 Décembre 2011

Les cautions pouvant former réclamation contre l'état des créances déposé au greffe du tribunal de commerce par le juge-commissaire, en qualité de tiers intéressés conformément aux dispositions de l'article R. 624-8 du Code de commerce (N° Lexbase : L0908HZN), la tierce-opposition contre l'arrêt d'appel confirmant l'ordonnance du juge-commissaire ayant admis une créance ne leur est pas ouverte. Telle est la solution énoncée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 6 décembre 2011 (Cass. com., 6 décembre 2011, n° 10-25.571, F-P+B N° Lexbase : A1860H4N). En l'espèce, une banque a consenti à une société un prêt dont ses trois associés se sont rendus cautions. La société ayant été mise en redressement judiciaire, la banque a déclaré sa créance qui, contestée par la société, a été admise par ordonnance du juge-commissaire du 6 mars 2006, confirmée par arrêt du 21 novembre 2007. Les cautions ont alors formé tierce-opposition contre cet arrêt. C'est dans ces conditions que, sur pourvoi formé par les cautions contre l'arrêt d'appel ayant déclaré irrecevable la tierce-opposition, la Chambre commerciale, énonçant le principe précité, procède par une substitution de motifs de pur droit pour rejeter ledit pourvoi .

newsid:429218

Entreprises en difficulté

[Brèves] Destinataire de l'avertissement à déclarer une créance garantie par une sûreté en présence d'un créancier sous tutelle

Réf. : Cass. com., 6 décembre 2011, n° 10-19.959, FS-P+B (N° Lexbase : A1911H4K)

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N9227BSK

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Le 30 Décembre 2011

L'avertissement prévu par l'article L. 621-43 du Code de commerce (N° Lexbase : L6895AI9, C. com., art. L. 622-24, réd. "LSE" N° Lexbase : L3455ICX), lorsque le créancier est mis sous tutelle, doit être adressé à son tuteur. Dès lors, une cour d'appel en a exactement déduit que l'avertissement notifié exclusivement au domicile élu du débiteur n'a pu faire courir le délai de déclaration de la créance. Telle est la solution énoncée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 6 décembre 2011 (Cass. com., 6 décembre 2011, n° 10-19.959, FS-P+B N° Lexbase : A1911H4K). En l'espèce, une société a acquis, en 1992, un immeuble, l'acte contenant une clause d'élection de domicile en l'étude du notaire instrumentaire. La société acquéreuse ayant été mise en liquidation judiciaire, courant 2002 et la venderesse de l'immeuble ayant été mise sous tutelle le 9 septembre 2005, le liquidateur a adressé au domicile élu de cette dernière un avertissement d'avoir à déclarer sa créance au passif de la procédure. Le 24 septembre 2007, l'association tutrice de la venderesse a adressé au liquidateur une déclaration de créance à titre privilégié pour un montant que le juge-commissaire a admis au passif, solution confirmée par la cour d'appel. Le liquidateur a donc formé un pourvoi en cassation. Mais, la Cour de cassation, énonçant la solution précitée, confirme la solution des seconds juges (cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E5632A3Y et N° Lexbase : E8258EPK.

newsid:429227

Entreprises en difficulté

[Brèves] Dénonciation d'une saisie-attribution aux organes de la procédure collective

Réf. : Cass. civ. 2, 8 décembre 2011, n° 10-24.420, FS-P+B (N° Lexbase : A1972H4S)

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N9232BSQ

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Le 22 Décembre 2011

Lorsqu'une saisie-attribution a été dénoncée avant l'ouverture de la procédure collective et que la procédure est ouverte au cours du délai de dénonciation de huit jours, une nouvelle dénonciation s'impose-t-elle à l'organe ayant qualité à recevoir les dénonciations de saisies, dans le délai de huitaine ? Telle est la question à laquelle la deuxième chambre civile de la Cour de cassation apporte une réponse négative aux termes d'un arrêt en date du 8 décembre 2011 (Cass. civ. 2, 8 décembre 2011, n° 10-24.420, FS-P+B N° Lexbase : A1972H4S ; lire N° Lexbase : N9267BSZ). En l'espèce, une société (le créancier) a fait pratiquer, le 15 mai 2008, à l'encontre d'une société (le débiteur), entre les mains d'une société tierce (le tiers saisi), une saisie-attribution qui a été dénoncée au débiteur le 19 mai 2008. Celui-ci a été placé en redressement judiciaire par jugement du 22 mai 2008, un administrateur étant désigné avec une mission d'assistance de la société, puis, en liquidation judiciaire par jugement du 30 juillet 2008. Le liquidateur assigné devant un juge de l'exécution par le tiers saisi, a invoqué la caducité de la saisie. La cour d'appel d'Aix-en-Provence accueille cette demande et ordonne la mainlevée de la saisie (CA Aix-en-Provence, 15ème ch., 30 avril 2010, n° 08/22605 N° Lexbase : A7462EZE). Pour ce faire les juges du second degré retiennent que, si l'effet attributif immédiat de la saisie-attribution ne peut être remis en cause, en application de l'article 43 de la loi du 9 juillet 1991 (N° Lexbase : L4643AHG), par la survenance d'un jugement de redressement judiciaire à l'égard du débiteur saisi, sa caducité est encourue par application de l'article 58 du décret du 31 juillet 1992 (N° Lexbase : L3755AHK), si elle n'est pas dénoncée aux organes de la procédure collective ayant une mission de représentation ou d'assistance. Ainsi, en l'espèce, le débiteur saisi ayant fait l'objet d'une mise en redressement judiciaire le 22 mai 2008, dans le délai de contestation, une nouvelle dénonciation aurait dû être effectuée à l'administrateur judiciaire désigné avec mission d'assistance. Faute d'avoir été signifiée aux personnes habilitées, la dénonciation n'était pas régulière. Mais la Cour de cassation censure l'arrêt d'appel : dès lors qu'elle constatait que la saisie-attribution avait été dénoncée, dans le délai légal, au débiteur à la tête de ses biens, la cour d'appel a violé l'article 58 du décret du 31 juillet 1992, aux termes duquel la saisie-attribution doit être dénoncée au débiteur par acte d'huissier de justice, dans un délai de huit jours, à peine de caducité .

newsid:429232

Entreprises en difficulté

[Brèves] La créance indemnitaire fondée sur une clause pénale contractuelle trouvant son origine dans un contrat de vente immobilière bénéficie de l'avertissement d'avoir à déclarer

Réf. : Cass. com., 6 décembre 2011, n° 10-24.968, F-P+B (N° Lexbase : A1952H43)

Lecture: 2 min

N9235BST

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Le 23 Décembre 2011

Dans un arrêt du 6 décembre 2011, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a retenu que l'avertissement d'avoir à déclarer du créancier titulaire d'une sûreté s'applique à la créance indemnitaire fondée sur une clause pénale contractuelle trouvant son origine dans le contrat de vente immobilière conclu antérieurement au redressement judiciaire (Cass. com., 6 décembre 2011, n° 10-24.968, F-P+B N° Lexbase : A1952H43 ; également dans cet arrêt, sur la date d'appréciation de la qualité de créancier garanti par une sûreté régulièrement publiée, lire N° Lexbase : N9236BSU). En l'espèce, le vendeur de terres agricoles, moyennant un prix converti en rente viagère, a fait délivrer aux acquéreur, le 16 avril 2002, un commandement de payer représentant les arrérages échus de la rente, puis, les a assignés, le 28 octobre 2002, en résolution de la vente. Le 22 avril 2004, le tribunal a déclaré le commandement de payer valable à concurrence d'une certaine somme, a prononcé la résolution de la vente, et déclaré acquise au vendeur la somme de 77 460,32 euros à titre de dommages-intérêts. Les acquéreur ont fait appel du jugement puis ont été mis en redressement judiciaire le 28 octobre 2004. Un arrêt du 4 juillet 2005, ayant réformé le jugement en retenant qu'il y avait lieu de constater la résolution de la vente par application de la clause résolutoire prévue à l'acte et confirmé pour le surplus, a été partiellement cassé (Cass. com., 13 février 2007, n° 05-19.329, F-D N° Lexbase : A2117DUX) en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à déclaration de la créance fondée sur la clause pénale au passif du redressement judiciaire. C'est dans ces conditions que les débiteurs et l'administrateur ont formé un second pourvoi contre l'arrêt d'appel, statuant sur renvoi après cassation, selon lequel la créance du vendeur a été régulièrement déclarée aux procédures collectives. Mais, énonçant la solution précitée, la Cour de cassation valide la déclaration de créance. En effet, la cour d'appel a retenu à bon droit que le vendeur a pu déclarer, le 25 août 2008, sa créance indemnitaire au passif des procédures collectives, le délai de forclusion pour déclarer sa créance prévu par les articles L. 621-43 du Code de commerce (N° Lexbase : L6895AI9) et 66 du décret du 27 décembre 1985 (N° Lexbase : L5358A49), lui étant inopposable en application de l'article L. 621-46, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L6898AIC ; cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E5643A3E).

newsid:429235

Entreprises en difficulté

[Brèves] Date d'appréciation de la qualité de créancier titulaire d'une sûreté publiée averti d'avoir à déclarer

Réf. : Cass. com., 6 décembre 2011, n° 10-24.968, F-P+B (N° Lexbase : A1952H43)

Lecture: 2 min

N9236BSU

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Le 15 Décembre 2011

La qualité de créancier titulaire d'une sûreté publiée au sens de l'article L. 621-43 du Code de commerce (N° Lexbase : L6895AI9), dans sa rédaction antérieure à la "LSE" (N° Lexbase : L5150HGT), s'apprécie à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective, peu important que la validité de la publicité de la sûreté puisse ultérieurement être contestée. Tel est le rappel opéré par la Cour de cassation le 6 décembre 2011 (Cass. com., 6 décembre 2011, n° 10-24.968, F-P+B N° Lexbase : A1952H43 ; cf. déjà en ce sens, Cass. com., 15 avril 2008, n° 07-10.174, F-P+B N° Lexbase : A9636D7Z). En l'espèce, le vendeur de terres agricoles, moyennant un prix converti en rente viagère, a fait délivrer aux acquéreur un commandement de payer représentant les arrérages échus de la rente, puis, les a assignés en résolution de la vente. Le 22 avril 2004, le tribunal a notamment prononcé la résolution de la vente et déclaré acquise au vendeur la somme de 77 460,32 euros à titre de dommages-intérêts. Les acquéreur ont fait appel du jugement puis ont été mis en redressement judiciaire le 28 octobre 2004. Un arrêt du 4 juillet 2005, ayant réformé le jugement en retenant qu'il y avait lieu de constater la résolution de la vente par application de la clause résolutoire et confirmé pour le surplus, a été partiellement cassé (Cass. com., 13 février 2007, n° 05-19.329, F-D N° Lexbase : A2117DUX) en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à déclaration de la créance fondée sur la clause pénale. C'est dans ces conditions qu'un second pourvoi contre l'arrêt d'appel, statuant sur renvoi après cassation, selon lequel la créance du vendeur a été régulièrement déclarée aux procédures collectives. Après avoir approuvé les juges d'appel sur le fait que l'avertissement d'avoir à déclarer s'appliquait à la créance indemnitaire fondée sur une clause pénale contractuelle trouvant son origine dans le contrat de vente immobilière conclu antérieurement au redressement judiciaire (sur ce point, lire N° Lexbase : N9235BST), la Cour de cassation énonçant le principe précité, valide l'analyse des juges du fond qui ont conclu que le vendeur était un créancier titulaire d'une sûreté publiée. Ainsi, après avoir relevé que l'état des inscriptions au fichier immobilier permet de vérifier que le privilège du vendeur inscrit le 10 juillet 1998 grevait toujours ces biens immobiliers à la date du 28 octobre 2004, tandis que le jugement du 22 avril 2004 assorti de l'exécution provisoire et signifié le 7 mai 2004, qui a prononcé la résolution de la vente, n'a été publié que le 8 septembre 2005 après sa confirmation par l'arrêt d'appel, la cour d'appel en a exactement déduit que la créance n'encourait pas l'extinction prévue à l'article L. 621-46, alinéa 4, du Code de commerce (N° Lexbase : L6898AIC), le vendeur étant titulaire d'une sûreté en garantie du paiement de la rente à la date d'ouverture des procédures collectives, soit le 28 octobre 2004 .

newsid:429236

Entreprises en difficulté

[Brèves] Crédit-bail de locaux à usage commercial : sous-location et cession du fonds dans le cadre d'un plan de cession

Réf. : Cass. civ. 3, 7 décembre 2011, n° 10-30.695, FS-P+B (N° Lexbase : A1932H4C)

Lecture: 2 min

N9277BSE

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Le 15 Décembre 2011

Si une sous-location irrégulièrement consentie est inopposable au propriétaire, elle produit tous ses effets dans les rapports entre locataire principal et sous-locataire tant que celui-ci a la jouissance paisible des lieux. Par ailleurs, les actes nécessaires à la réalisation d'un plan de cession d'une entreprise en redressement judiciaire ne peuvent avoir pour effet de modifier le contenu du plan homologué. Il s'en déduit qu'une condition suspensive d'accord du crédit-bailleur insérée dans un acte portant cession d'un fonds de commerce prévoyant la reprise du bail de sous-location en cours avec le crédit-preneur est dépourvue de tout effet juridique dès lors qu'elle contredit les termes du jugement arrêtant le plan de cession. Tel est l'enseignement issu d'un arrêt de la Cour de cassation du 7 décembre 2011 (Cass. civ. 3, 7 décembre 2011, n° 10-30.695, FS-P+B N° Lexbase : A1932H4C). En l'espèce, le sous-locataire auprès d'un crédit-preneur de locaux à usage commercial ayant été mis en redressement judiciaire, le tribunal de commerce a arrêté un plan de cession prévoyant la reprise de bail. Un acte de cession du fonds de commerce a été ensuite passé, comportant en annexe la convention de sous-location, la société cessionnaire ayant préalablement notifié à la crédit-preneuse la résiliation par anticipation du bail de sous-location. Cette dernière a alors assigné la cessionnaire pour voir juger cette résiliation abusive. La cour d'appel rejette ces demandes retenant que l'acte du 15 janvier 2009 portant cession du fonds de commerce du sous-locataire prévoit la reprise du bail de sous-location en cours avec le crédit-preneur sous la condition suspensive de l'accord du crédit-bailleur, la convention de sous-location disposant que toute sous-location des locaux devra être préalablement autorisée par le crédit-bailleur sous peine d'application de la clause résolutoire. Or, la crédit-preneuse n'a pas justifié cette autorisation consentie à la société cessionnaire, de sorte que le bail et, par voie de conséquence, la convention de sous-location, sont résiliées. Mais la Cour de cassation censure cette solution : en statuant ainsi, alors, d'une part, que si une sous-location irrégulièrement consentie est inopposable au propriétaire, elle produit tous ses effets dans les rapports entre locataire principal et sous-locataire tant que celui-ci a la jouissance paisible des lieux et, d'autre part, que les actes nécessaires à la réalisation d'un plan de cession d'une entreprise en redressement judiciaire ne pouvant avoir pour effet de modifier le contenu du plan homologué, la condition suspensive insérée à l'acte de cession du 15 janvier 2009 est dépourvue de tout effet juridique en ce qu'elle contredit les termes du jugement arrêtant le plan de cession, la cour d'appel a violé les articles L. 642-7 du Code de commerce (N° Lexbase : L3435IC9), 1134 (N° Lexbase : L1234ABC) et 1165 du Code civil (N° Lexbase : L1267ABK) .

newsid:429277

Propriété intellectuelle

[Chronique] Chronique de droit de la propriété intellectuelle - Décembre 2011

Lecture: 19 min

N9275BSC

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par Nathalie Martial-Braz, Professeur à l'Université de Franche-Comté

Le 15 Décembre 2011

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique en droit de la propriété intellectuelle de Nathalie Martial-Braz, Professeur à l'Université de Franche-Comté. Le dernier semestre de l'année 2011 est avant tout marqué par une intense activité de la Cour de justice de l'Union européenne tant en matière de droit d'auteur qu'en matière de brevet qui démontre l'influence qu'elle exerce dans le processus d'harmonisation du droit de la propriété intellectuelle actuellement à l'oeuvre. Union, Harmonisation et Exception, un triptyque qui pourrait être à l'image des deux importantes décisions rendue par la Cour de justice de l'Union européenne ces dernières semaines : celle, d'abord, du 1er décembre 2011, dans laquelle les juges de Luxembourg retiennent en substance que, si la photographie d'un portrait bénéficie de la même protection que celle conférée par le droit d'auteur à toute autre oeuvre, les médias peuvent publier une telle photographie sans le consentement de son auteur si la publication, dans le cadre d'une enquête criminelle, a pour objet d'aider la police à retrouver une personne disparue ; celle, ensuite, du 18 octobre 2011, dans laquelle la CJUE nous livre, en matière d'exclusion de la brevetabilité des embryons à des fins de recherche scientifique, une interprétation stricte des exceptions au nom du respect de l'ordre publique et du principe de dignité humaine.

  • Exceptions au droit d'auteur : la reproduction de photographie dans le cadre d'une enquête criminelle en question (CJUE, 1er décembre 2011, aff. C-145/10 N° Lexbase : A4925H3S)

Le droit d'auteur se niche parfois bien loin des sentiers pour lesquels il a été pensé... Si tout auteur d'une oeuvre littéraire ou artistique quelconque a bien évidemment droit à la protection du seul fait de la création, il est des revendications qui bien que juridiquement fondées n'en semblent pas moins, sinon choquantes, tout au moins, inopportunes.

Mais au-delà des faits et des sentiments que peuvent inspirer la revendication d'un droit d'auteur dans de telles circonstances, la solution rendue le 1er décembre 2011 par la Cour de justice est des plus instructive (1). Elle s'inscrit, peu ou prou, dans une démarche de "petits pas" que semble avoir initiée la Cour de justice pour parvenir à une harmonisation de fait du droit d'auteur.

Il est néanmoins difficile de ne pas rappeler le contexte factuel qui permet d'offrir à la Cour l'opportunité d'une nouvelle avancée dans cette perspective d'harmonisation, et ce en dépit de la notoriété de ces faits. En l'espèce, une jeune fille Natasha K. avait été enlevée à l'âge de 10 ans puis séquestrée pendant huit ans. A la suite de son enlèvement, en 1998, les autorités de sécurité compétentes ont diffusé un avis de recherche illustré par des portraits de la jeune fille réalisés dans son école maternelle par Mme P., photographe indépendante. Lorsque la jeune fille a pris la fuite en 2006, et avant toute apparition publique de cette dernière, de nombreux médias autrichiens et allemands ont reproduit les photographies sans indiquer le nom de son auteur ou avec une indication erronée. Par ailleurs, certains de ces médias ont également diffusé un portrait-robot de la jeune fille élaboré par traitement informatique à partir des photographies litigieuses.

L'affaire ayant été très médiatisée, la photographe a assigné le 10 avril 2007 devant les juridictions autrichiennes les médias concernés afin qu'ils soient condamnés à cesser de reproduire et/ou de distribuer, sans son consentement et sans l'indication de son nom en qualité d'auteur, tant lesdites photographies que le portrait-robot. Conjointement, l'auteur a également demandé à ce que ces médias soient condamnés à une reddition des comptes, à un versement d'une rémunération appropriée pour la diffusion desdites photographies et à une indemnisation pour le préjudice subi. Parallèlement, une procédure en référé a été introduite, qui a été définitivement tranchée par la Cour suprême autrichienne le 26 août 2009.

La Cour a jugé que les médias en cause, en application des dispositions nationales, n'avaient pas besoin de recueillir le consentement de Mme P. pour publier le portrait-robot qui ne constituait nullement une adaptation de l'oeuvre originale de l'auteur, mais une libre utilisation de celle-ci. Pour cette juridiction, la qualification d'adaptation ou de libre utilisation se déduit de l'activité créatrice s'exprimant dans l'oeuvre initiale. Pour les juges autrichiens, plus le niveau d'activité créatrice est élevé, moins il est possible d'admettre une libre utilisation. Ils ont alors jugé que, s'agissant de photographies de portrait, le créateur n'a que des possibilités réduites de création artistique originale. En conséquence, il a été décidé que la portée de la protection conférée par le droit d'auteur à cette photographie est restreinte. A l'égard du portrait-robot, il a en outre été décidé qu'il constituait une oeuvre nouvelle, autonome et, partant, protégée par un droit d'auteur indépendant.

Fort de cette décision, la juridiction autrichienne saisie des demandes au fond a décidé de surseoir à statuer et de poser quatre questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne portant notamment sur l'interprétation de l'article 5 § 3 sous d) et e) et 5, de la Directive 2001/29 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001, sur l'harmonisation du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information (N° Lexbase : L8089AU7). En substance, ces questions ont pour but de déterminer, d'une part, dans quelle mesure les photographies litigieuses peuvent revêtir la qualification d'oeuvre originale au sens du droit de l'Union et, partant, être protégées par un droit d'auteur (1°) et, d'autre part, de déterminer le champ des exceptions au droit d'auteur afin de savoir si la publication des photographies litigieuses peut être réalisée sans le consentement de leur auteur (2°).

1°) La qualification d'oeuvre couverte par un droit d'auteur d'une photographie de portrait

Il semble évidemment logique que la première question sur laquelle il convient de s'attarder porte sur la qualification d'oeuvre littéraire ou artistique des photographies litigieuses. En dépit du fait qu'il s'agisse de la dernière question préjudicielle posée à la Cour, celle-ci fait l'objet d'un traitement prioritaire, et la Cour saisie donc ici une nouvelle occasion de se prononcer sur la qualification d'oeuvre originale et ainsi de définir des frontières communes et harmonisées du droit d'auteur. Toutefois, la Cour travestie les intentions de la juridiction autrichienne pour laquelle les doutes ne portaient que sur la singularité du droit d'auteur conféré à des oeuvres photographiques de portrait, et plus généralement des photographies réalistes, pour lesquelles la création artistique peut sembler réduite au point de diminuer l'étendue de la protection conférée par le droit.

La Cour de justice n'en est effectivement pas à sa première ébauche, et il faut reconnaître aux juges de Luxembourg un sens aigu de l'opportunité qui les poussent à faire feu de tout bois lorsqu'il est question de définir le droit d'auteur et les oeuvres qu'il protège. Ainsi qu'il a fort bien été dit dans ces colonnes (2), la Cour n'hésite plus à outrepasser les limites de sa compétence pour harmoniser à "marche forcée" (3) une matière laissée par principe à la liberté des Etats. La Cour se prononce en effet, ici encore (4), sur la nature de l'oeuvre littéraire ou artistique et sur la définition de l'originalité que doit revêtir cette oeuvre. La Cour fait expressément référence aux précédentes décisions dans lesquelles elle s'est prononcée sur ces questions attestant d'une identité de démarche en l'espèce. Elle rappelle dès lors que le droit d'auteur "n'est susceptible de s'appliquer que par rapport à un objet, telle une photographie, qui est original en ce sens qu'il est une création intellectuelle propre à son auteur" (5). Elle en déduit, par conséquent, que constitue une oeuvre originale celle pour laquelle l'auteur "a pu exprimer ses capacités créatives lors de la réalisation de l'oeuvre en effectuant des choix libres et créatifs" (6). Or elle souligne qu'une photographie de portrait peut permettre à l'auteur une telle expression créative, et, partant, peut être une oeuvre originale conférant à son titulaire un droit d'auteur conformément à l'article 6 de la Directive 93/98 (7). Il faut toutefois souligner que ce qui semble être a priori dans les termes de la Cour (8) une définition appliquée de l'originalité requise pour qualifier le droit d'auteur, paraît in fine constituer une condition distincte et partant supplémentaire. En effet, dans sa réponse la Cour souligne "qu'une photographie de portrait est susceptible [...] d'être protégée par le droit d'auteur, à condition, [...], qu'elle soit une création intellectuelle de l'auteur reflétant la personnalité de ce dernier et [nous soulignons] se manifestant par les choix libres et créatifs de celui-ci lors de la réalisation de cette photographie" (9). Faut-il gloser l'utilisation de la conjonction de coordination "et" pour en déduire qu'il s'agit de deux conditions distinctes ou peut-on considérer, en dépit de la lettre de la décision que la seule condition de la qualification d'oeuvre littéraire ou artistique réside dans l'originalité ? Originalité qui se traduit par le fait que la personnalité de l'auteur se reflète dans son oeuvre ce qui se déduit des choix libres et créatifs du photographe lorsqu'ils existent. De l'interprétation qui est adoptée dépend bien évidemment l'appréciation qui peut être faite du droit d'auteur harmonisé par la Cour de justice de l'Union européenne.

Dès lors qu'est admis le principe selon lequel le droit d'auteur peut couvrir une photographie de portrait, la Cour se devait de répondre (enfin !) à la question posée par les juridictions autrichiennes relativement à l'étendue et à la portée du droit d'auteur ainsi reconnu. Celles-ci ont en effet consulté la Cour pour savoir si l'on peut admettre un droit d'auteur de moindre portée eu égard au moindre investissement artistique de l'auteur. La réponse est, fort heureusement et évidemment, négative. La Cour souligne en effet, en des termes très généraux, qu'"aucun élément dans la Directive 2001/29 ou dans une autre directive applicable en la matière ne permet de considérer que l'étendue d'une telle protection serait tributaire d'éventuelles différences dans les possibilités de création artistiques, lors de la réalisation de diverses catégories d'oeuvres" (10). L'inverse impliquerait que les juges se fassent également critiques d'art et portent un jugement, nécessairement subjectif, sur l'oeuvre litigieuse, là où le contrôle ne doit porter que sur son aspect original. Une telle rigueur est heureuse tant l'abîme qu'aurait ouvert une reconnaissance d'un droit d'auteur singulier fondé sur une appréciation du caractère artistique de la création aurait été profond. On n'ose imaginer le sort des créations d'art appliqué si le droit d'auteur plein et entier ne devait être réservé qu'aux beaux-arts.

Si la photographie de portrait peut être une oeuvre originale, ce qu'il appartiendra aux juridictions nationales de déterminer, le droit d'auteur qu'elle confère à son créateur doit donc être entier. Il ne saurait exister un droit d'auteur inférieur. Reste que la plénitude du droit d'auteur peut toujours être remise en cause par les exceptions qui sont admises à l'article 5 de la Directive 2001/29 sur l'interprétation duquel la Cour de Justice avait également à se prononcer.

2°) Le domaine des exceptions au droit d'auteur : la reproduction d'oeuvres dans le cadre d'une enquête criminelle

Le domaine d'application et l'étendue des exceptions au droit d'auteur sont ensuite au coeur de cette décision à l'instar des préoccupations du juge (11) comme du législateur de l'Union européenne (12). Cet intérêt ne doit pas tromper, ce sont en effet les lacunes des dispositions existantes et l'importante marge d'appréciation laissée aux Etats pour déterminer ces exceptions qui engendrent les difficultés contemporaines d'interprétation et incitent à appeler de ses voeux une réforme, au moins sur cette question des exceptions au droit d'auteur (13). La Directive 2001/29 prévoit en effet toute une série d'exceptions au droit patrimonial de l'auteur et plus spécialement au droit de reproduction et au droit de communication au public. Ces exceptions et limitations permettent pas conséquent à des tiers de reproduire ou de communiquer au public une oeuvre sans le consentement de son auteur. Ces exceptions exorbitantes limitativement énumérées par l'article 5 de la Directive 2001/29, peuvent être, à la discrétion des Etats, transposées dans les législations de chacun des Etats membres. La liberté des Etats est toutefois encadrée par le triple test prévu à l'article 5 § 5, qui soumet l'instauration des exceptions à la triple condition que l'exception soit spécialement prévue, qu'elle ne porte pas atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre et qu'elle ne cause pas un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du droit d'auteur. La législation autrichienne a admis dans son droit interne les exceptions posées par l'article 5 § 3 sous d) et e). En vertu de ces dispositions, il peut être fait exception au droit d'auteur, d'une part, lorsqu'il s'agit de courtes citations, mais la source, y compris le nom de l'auteur, doit être indiquée et, d'autre part, "lorsqu'il s'agit d'une utilisation à des fins de sécurité publique ou pour assurer le bon déroulement de procédures administratives, parlementaires ou judiciaires, ou pour assurer une couverture adéquate desdites procédures". En l'espèce, les médias ayant diffusé les photographies litigieuses ont invoqué ces exceptions et notamment l'utilisation à des fins de sécurité publique pour justifier la reproduction des oeuvres en cause sans le consentement de leur auteur. La Cour de justice devait donc déterminer en substance si l'utilisation à des fins de sécurité publique pouvait être valablement invoquée pour justifier la diffusion de photographies d'une victime d'une infraction par un organe de presse, sans avis de recherche des autorités. Le texte ne précisant pas le contexte dans lequel l'intérêt public peut être invoqué, et bien que les Etats disposent à cet égard d'une grande marge d'appréciation, l'interprétation de la Cour s'avère particulièrement précieuse. Tout d'abord, relativement à l'exception de sécurité publique, la Cour entend la notion de "sécurité publique" restrictivement et souligne au préalable qu'un média ne saurait s'attribuer la protection de la sécurité publique (14). Par principe, "un média [...], ne peut pas utiliser, de sa propre initiative, une oeuvre protégée par le droit d'auteur en invoquant un objectif de sécurité publique" (15). Par exception toutefois, un tel média peut collaborer "ponctuellement à la réalisation d'un tel objectif en publiant une photographie d'une personne recherchée". Mais cette exception est évidemment d'interprétation stricte et la Cour soumet celle-ci à une double condition. Elle juge en effet qu'il doit être exigé que cette initiative "d'une part, s'insère dans le contexte d'un décision prise ou d'une action menée par les autorités nationales compétentes et visant à assurer la sécurité publique et d'autre part, soit prise en accord et en coordination avec lesdites autorités, afin d'éviter le risque d'aller à l'encontre des mesures prises par ces dernières, sans qu'un appel concret, actuel et exprès, émanant des autorités de sécurité, à publier à des fins d'enquête une photographie soit pour autant nécessaire" (16). La Cour se prononce ensuite sur l'appréciation de la mention des sources dans le cadre de l'exception de courte citation. Sur cette limitation, la Cour de justice se fait plus souple. Elle décide que, là encore par principe, cette exception doit être interprétée dans le sens ou son application est "subordonnée à l'obligation que la source y compris le nom de l'auteur ou de l'artiste interprète, de l'oeuvre ou de l'autre objet protégé cités soit indiquée". Il peut toutefois être fait exception à ce principe lorsque, dans le cadre d'une utilisation de l'oeuvre dans un but d'intérêt public, le nom de l'auteur n'a pas été indiqué, la citation qui en est faite par d'autres par la suite est conforme à l'obligation prescrite par l'article 5 § 3 sous d) lorsqu'est seulement indiquée la source à l'exclusion du nom de l'auteur.

Il est à noter que le droit français est également concerné par cette décision. En dépit du fait que l'article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L8877IQT), qui énumère de manière exhaustive les limitations et exceptions qui peuvent être portées aux droit patrimoniaux de l'auteur, ne prévoit pas une telle disposition, l'exception d'intérêt public ou de sécurité publique est néanmoins présente dans notre droit interne. En effet, il est prévu à l'article L. 331-4 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L1776H38), dans des termes plus généraux encore que ceux de l'article L. 122-5, que "les droits mentionnés dans la première partie du présent code ne peuvent faire échec aux actes nécessaires à l'accomplissement d'une procédure parlementaire de contrôle, juridictionnelle ou administrative prévue par la loi, ou entrepris à des fins de sécurité publique". Or cette disposition pourrait justifier une exception plus large que celle envisagée par l'article 5 de la Directive 2001/29 dès lors que les droits auxquels des limitations peuvent être portées, à suivre la lettre de l'article L. 331-4 du Code de la propriété intellectuelle, sont tant les droits patrimoniaux de l'auteur que ses droits moraux. L'interprétation faite par la CJUE de l'intérêt public doit donc, par analogie, être retenue pour interpréter l'article L. 331-4 du Code de la propriété intellectuelle.

Par ces multiples aspects, la décision rendue le 1er décembre 2011 par la Cour de justice de l'Union européenne ne manquera pas d'intéresser les observateurs avertis de la construction du droit d'auteur au sein du droit de l'Union européenne, qui sans être (encore ?) unifié tend de plus en plus, et cette décision y contribue pleinement, à être profondément harmonisé.

  • Exclusion de la brevetabilité des embryons à des fins de recherche scientifique : de l'interprétation stricte des exceptions au nom du respect de l'ordre publique et du principe de dignité humaine (CJUE, 18 octobre 2011, aff. C-34/10 N° Lexbase : A7783HYW)

L'arrêt rendu le 18 octobre 2011 par la CJUE (17) était attendu tant par les spécialistes du droit de la bioéthique que par les observateurs du droit de la propriété intellectuelle. En effet à l'occasion d'une procédure préjudicielle introduite par une juridiction allemande à l'occasion d'une procédure d'annulation d'un brevet portant sur des cellules précurseurs obtenues à partir de cellules souches embryonnaires humaines et sur des procédés pour la production de ces cellules précurseurs, la Cour de justice dispose enfin d'une opportunité de donner une définition de l'embryon humain et, ce faisant, de préciser le champ de la brevetabilité d'inventions qui impliquent pour leur obtention une manipulation desdits embryons. C'est naturellement sur le second aspect de cette décision que nous nous attarderons plus spécifiquement. Trois questions préjudicielles ont été posées à la Cour de justice de l'Union européenne aux fins de d'interprétation de l'article 6 § 2 sous c) de la Directive 98/44/CE du 6 juillet 1998, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques (N° Lexbase : L9982AUA). La solution rendue, particulièrement attendue, est essentielle dans la mesure où les Etats membres ne disposent d'aucune marge d'interprétation (18) relativement à cette disposition reprise dans notre droit interne à l'article L. 611-18 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L6893GTH).

A la première question relative à la notion d'embryon humain au sens de la Directive 98/44, la Cour décide que constitue "un embryon humain [...] tout ovule humain non fécondé dans lequel le noyau d'une cellule humaine mature a été implanté et tout ovule humain non fécondé qui, par voie de parthénogenèse, a été induit à se diviser et à se développer".

Les deux autres questions étaient relatives aux conditions de brevetabilité d'une invention impliquant un embryon humain. Plus précisément, la Cour de justice devait, d'une part, déterminer l'interprétation du champ de l'exclusion de brevetabilité des "utilisations d'embryons humains à des fins industrielles ou commerciales" et ce faisant définir cette notion (1°). Il était, d'autre part, requis de la Cour qu'elle se prononce sur la possibilité d'admettre la brevetabilité d'une invention dont l'enseignement technique revendiqué ne fait pas apparaître une telle utilisation des embryons humains. La brevetabilité peut-elle être admise lorsqu'en dépit des revendications, une telle utilisation apparaît comme une condition essentielle de la mise en oeuvre de l'invention à double titre, soit tout d'abord parce que le brevet porte sur un produit dont la production requiert la destruction préalable d'embryons humains, soit, ensuite, parce que le brevet porte sur un procédé pour lequel un tel produit est nécessaire comme matériau de départ (2°) ?

1°) La notion d'utilisation à des fins industrielles et commerciales : la recherche scientifique objet d'utilisation industrielle et commerciale

En l'espèce le brevet allemand avait été déposé dans une perspective de recherche scientifique afin de trouver des palliatifs à la transplantation de cellules cérébrales dans le système nerveux pour permettre le traitement de nombreuses maladies neurologiques. Afin de décider s'il convient d'annuler un tel brevet, il est nécessaire de déterminer si la recherche scientifique constitue une "utilisation à des fins industrielles et commerciales", au sens de l'article 6 § 2 sous c) de la Directive 98/44, et doit dès lors être exclu du champ de la brevetabilité. Il faut, avant tout, bien circonscrire le domaine de la réponse apportée par la Cour de justice : elle n'entend, en effet, en aucun cas se prononcer sur la réglementation de la recherche scientifique sur des embryons humains. La seule question que tranche ici la Cour est celle de la brevetabilité d'une telle recherche.

Après avoir rappelé que toute invention doit pouvoir, pour être brevetée, faire l'objet d'une application industrielle, la Cour déduit de la nature même du brevet que la recherche scientifique sur des embryons humains ne peut se distinguer d'une utilisation à des fins industrielles et commerciales. Le brevet confère en effet un monopole d'exploitation à des fins industrielles et commerciales à son titulaire, ce que souligne négativement le quatorzième considérant de la Directive. Or, si le but de la recherche scientifique peut évidemment être étranger à de telles fins, force est d'admettre que les droits qui seront reconnus au titulaire du brevet n'auront d'autres finalités que de permettre une telle exploitation. En outre, le législateur européen avait pris le soin de souligner que les hypothèses envisagées, exclusives de brevetabilité, ne sont données qu'à titre d'exemplarité et partant de manière non exhaustive. Par ailleurs, il faut souligner que le législateur a envisagé une exception à cette exclusion de brevetabilité dans le cas où l'invention a "un objectif thérapeutique ou de diagnostic qui s'appliquent à l'embryon humain et lui sont utiles" (19). A contrario, si un tel objectif n'est pas manifesté par l'invention, il ne peut y avoir d'autre conclusion que celle retenue par la Cour de justice et par laquelle elle décide que l'exclusion de brevetabilité relative à l'utilisation d'embryons humains à des fins industrielles et commerciales englobe également l'utilisation de tels embryons à des fins de recherche scientifique.

Si la solution semble juridiquement incontestable, elle est également conforme aux impératifs de protection d'ordre public que le législateur de l'Union européenne a entendu ménager lors de l'élaboration des règles relatives à la brevetabilité du vivant (20). En effet, il est souligné à de multiples reprises qu'il ne saurait y avoir de protection par le brevet lorsque celle-ci risque de heurter l'ordre public. Il est ainsi rappelé un tel impératif à de multiples reprises dans les considérants de la Directive 98/44 (21). Or, celui-ci pourrait être atteint dans l'hypothèse d'une utilisation d'embryons humains si les droits conférés au titulaire du brevet lui assure un monopole d'exploitation à des fins industrielles ou commerciales sur une invention pour laquelle des manipulations ont été faites sur des embryons humains (22).

Enfin, cette décision doit être approuvée en opportunité dans un souci d'harmonisation du droit des brevets notamment au sein de l'Union européenne. En effet, la Grande Chambre des recours de l'Office européen des brevets s'est déjà prononcée sur une telle question dans un arrêt rendu le 25 novembre 2008 (23). A l'occasion de cette décision, elle a statué en faveur de l'exclusion du champ de la brevetabilité des utilisations d'embryons humains à des fins de recherche scientifique. A l'époque, le risque de contradiction avec une interprétation divergente de la part de la Cour de justice avait été soulevé par les plaignants qui avaient invoqué, sans fondement toutefois, la nécessité pour la Grande Chambre des recours de saisir la Cour de justice d'une question préjudicielle. Cette requête avait été rejetée au motif de l'indépendance des ordres juridiques entre l'Organisation européenne des brevets et l'ordre communautaire. Ce risque était pourtant réel et aurait été peu opportun. En effet, le brevet européen ne concerne pas le strict cadre de l'Union européenne qui n'est d'ailleurs pas, en tant que telle, signataire de la Convention de Munich. Toutefois, les vingt-sept Etats membres de l'Union sont individuellement signataires de ladite convention. Il n'aurait donc pas été souhaitable que des interprétations divergentes puissent être admises selon que le brevet est ou non obtenu à l'issue de la procédure consacrée par la Convention de Munich. Il est heureux, en définitive, que les brevets nationaux des Etats membres soient soumis aux mêmes exceptions que le brevet européen et que les utilisations d'embryons humains ne puissent entrer dans le champ de la brevetabilité que dans des circonstances semblables, exclusivement à des fins de diagnostic ou thérapeutique.

La solution rendue par la Cour de justice confirme, en outre, la position de l'Office européen des brevets sur le fait que l'exclusion n'est pas limitée aux seules revendications. Il est précisé, dans cet arrêt, à l'instar de celui rendu le 25 novembre 2008, que l'exclusion de la brevetabilité est également applicable lorsque l'enseignement technique revendiqué ne mentionne pas l'utilisation d'embryons humains qui a néanmoins été réalisée pour parvenir à l'invention.

2°) L'indifférence du caractère apparent de l'utilisation des embryons humains dans l'enseignement technique revendiqué

La Cour de justice était enfin tenue de répondre à une ultime question préjudicielle relative à l'étendue de l'exclusion de la brevetabilité. Doit-on entendre limitativement l'exclusion de la brevetabilité ou faut-il admettre qu'un enseignement technique "est exclu de la brevetabilité également dans le cas où l'utilisation d'embryons humains ne fait pas partie de l'enseignement technique revendiqué par le brevet, mais est la condition nécessaire de sa mise en oeuvre, [soit] parce que le brevet porte sur un produit dont la production requiert la destruction préalable d'embryons humains, [soit] parce que le brevet porte sur un procédé pour lequel un tel produit est nécessaire comme matériau de départ ?".

La question se pose légitimement. En effet, les droits intellectuels conférés par le brevet, dont on a vu qu'ils justifient l'exclusion de la brevetabilité lorsque l'utilisation des embryons humains est faite à des fins de recherche scientifique, ne s'étendent que sur les éléments revendiqués dans la demande de brevet. Dès lors, si l'enseignement technique revendiqué ne mentionne pas une telle utilisation, on aurait pu admettre qu'une réponse distincte soit apportée. Pourtant il n'en a pas été ainsi et ceci est conforme à l'esprit des dispositions contenues dans la Directive 98/44 (24). La Cour décide en effet, conformément à la ratio legis de la Directive, que le champ de l'exclusion est général, qu'est ainsi exclue de la brevetabilité l'invention qui requiert la destruction d'embryons humains ou leur utilisation comme matériau, "quel que soit le stade auquel celles-ci interviennent et même si la description de l'enseignement technique revendiqué ne mentionne pas l'utilisation d'embryon humain". La volonté du législateur n'a en effet pas été de condamner exclusivement "la monopolisation par le droit intellectuel de certains usages ou de la source biologique de l'invention" (25), mais bien de sanctionner "l'utilisation nécessaire de l'embryon à la réalisation d'une invention brevetable" (26). La lettre même de la Directive invite d'ailleurs à un tel raisonnement. L'article 5 § 1 prévoit en effet que "le corps humain, aux différents stades de sa constitution et de son développement, ainsi que la simple découverte d'un de ses éléments, y compris la séquence ou la séquence partielle d'un gène, ne peuvent constituer des inventions brevetables", il serait dès lors redondant de n'admettre à l'article 6 § 2 sous c) une lecture similaire à celle déjà retenue dans un article précédent.

En outre, un argument d'efficacité milite également en faveur d'une telle solution. Limiter l'exclusion aux seules revendications ne serait pas un gage suffisant pour s'assurer de la non-utilisation d'embryons humains pour parvenir à l'invention revendiquée. Une rédaction "habile" desdites revendications permettrait en effet de contourner l'interdiction (27).


(1) Sur cet arrêt cf. D., 2011, actu. 2930, obs. J. Daleau.
(2) C. Zolynski, in Chronique de droit de la propriété intellectuelle - Octobre 2011, Exclusivité 0, Harmonisation 1 ! Une étonnante victoire, obs. sous CJUE 4 octobre, 2011, aff. C-403/08 (N° Lexbase : A1573HYW), Lexbase Hebdo n° 270 du 27 octobre 2011 - édition affaires (N° Lexbase : N8450BSR).
(3) V. notamment V.-L. Bénabou, Propriétés intellectuelles, 2009, p. 378 et 2011, p. 209 ; adde, du même auteur, Que reste-t-il au juge national pour dire le droit d'auteur ?, RDTI, 2009/37, p. 71.
(4) CJUE 16 juillet 2009, aff. C-5/08 (N° Lexbase : A9796EIN), Rec. p. 1-6569 ; CJUE 4 octobre 2011, aff. C-403/08 et 429/08, préc., à paraître au Recueil.
(5) Point 87.
(6) Point 89.
(7) L'article 7 de la Directive 93/98 du Conseil du 29 octobre 1993, relative à l'harmonisation de la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins (N° Lexbase : L7789AUZ) dispose que "les photographies qui sont originales en ce sens qu'elles sont une création intellectuelle propre à leur auteur sont protégées conformément à l'article 1er. Aucun critère ne s'applique pour déterminer si elles peuvent bénéficier de la protection [...]".
(8) Points 87 et 89 précités.
(9) Point 99.
(10) Point 97.
(11) V. not. CJUE, 21 octobre 2010, aff. C-467/08 (N° Lexbase : A2205GCN), V-L. Benabou, Copie privée : la Cour de Justice prend en main la notion de compensation équitable ou rien ne change mais tout change, juriscom.net ; La notion de compensation équitable dans l'arrêt Padawan ou quand la CJUE fait main basse sur les notions du droit d'auteur, Légipresse, février 2011, p. 95 ; N. Binctin, La rigueur risquée, CCE, 2011, étude 1 ; Ch. Caron, La rémunération pour copie privée en droit communautaire, CCE, 2011, n° 1, comm. 2 ; CJUE, 16 juin 2011, aff. C 462/09 (N° Lexbase : A6408HTI), V.-L. Benabou, Que reste-t-il de la copie privée, Légipresse, 2011.
(12) V. not. Livre vert de la Commission européenne sur la diffusion en ligne des oeuvres audiovisuelles du 13 juillet 2011 qui aborde notamment la question des exceptions au droit d'auteur et plus largement soulève la question des sources du droit d'auteur au sein de l'Union européenne.
(13) Réforme que le juge européen a d'ores et déjà initiée à travers les arrêts CJUE, 21 octobre 2010, aff. C-467/08, préc. et CJUE, 16 juin 2011, aff. C 462/09, préc., à l'égard de l'exception pour copie privée puisque l'Assemblée nationale vient d'adopter en première lecture le 29 novembre 2011 le projet de loi, relatif à la rémunération pour copie privée. V. not., D. 2011, actu. 2929, obs. J. Daleau ; V. Téchené, Rémunération pour copie privée : adoption du projet de loi par l'Assemblée nationale, Lexbase Hebdo n° 276 du 8 décembre 2011 - édition affaires (N° Lexbase : N9095BSN).
(14) Point 111.
(15) Point 116.
(16) Point 116.
(17) Cf. D., 2011, Act. p. 2596, obs. J. Daleau.
(18) CJCE 16 juin 2005, aff. C-456/03 (N° Lexbase : A6839DI7), Rec. I-10423, point 78, "contrairement à l'art. 6.1 de cette Directive, qui laisse aux autorités administrative et aux juridictions des Etats membres une marge d'appréciation dans la mise en oeuvre de la brevetabilité des inventions dont l'exploitation commerciale serait contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs, le paragraphe 2 du même article ne laisse aux Etats membres aucune marge d'appréciation en ce qui concerne la non-brevetabilité des procédés et utilisations qui y sont énumérés, cette disposition visant expressément à encadrer l'exclusion prévue au paragraphe 1".
(19) Directive 98/44, considérant 42.
(20) Il convient toutefois de noter que la conception de l'ordre public n'est évident pas nécessairement homogène. La conception retenue par la Directive est fortement inspirée de considérations personnalistes, voire religieuses, qui sacralisent l'embryon en tant que personne humaine. Il est en revanche possible de retenir des conceptions plus utilitaristes qui admettent, notamment dans une perspective de recherche scientifique, la création, la manipulation voire la destruction d'embryon humain. Sur ces questions purement éthiques, v. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat, D., 2007, pan. 1102 et s., J.-C. Galloux, Non à l'embryon industriel : le droit européen des brevets au secours de la bioéthique ?, D., 2009, p. 578.
(21) En ce sens, v. considérant 37 "la présente directive se doit d'insister sur le principe selon lequel des inventions dont l'exploitation commerciale serait contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs doivent être exclues de la brevetabilité".
(22) En ce sens, v. considérant 16 "le droit des brevets doit s'exercer dans le respect des principes fondamentaux garantissant la dignité et l'intégrité de l'homme ; qu'il importe de réaffirmer le principe selon lequel le corps humain, dans toutes les phases de sa constitution et de son développement, cellules germinales comprises, ainsi que la simple découverte d'un de ses éléments ou d'un de ses produits, y compris la séquence ou séquence partielle d'un gène humain, ne sont pas brevetables ; que ces principes sont conformes aux critères de brevetabilité prévus par le droit des brevets, critères selon lesquels une simple découverte ne peut faire l'objet d'un brevet" ; considérant 39 : "l'ordre public et les bonnes moeurs correspondent notamment à des principes éthiques ou moraux reconnus dans un Etat membre, dont le respect s'impose tout particulièrement en matière de biotechnologie en raison de la portée potentielle des inventions dans ce domaine et de leur lien inhérent avec la matière vivante ; que ces principes éthiques ou moraux complètent les examens juridiques normaux de la législation sur les brevets, quel que soit le domaine technique de l'invention". V. également, Avis du groupe européen d'éthique des sciences et des nouvelles technologies auprès de la Commission européenne, Les aspects éthiques de la brevetabilité des inventions impliquant des cellules souches humaines, 7 mai 2002.
(23) OEB, gde ch. rec., 25 novembre 2008, décision n° G 0002/06, D., 2008, Pan. 1435, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; J.-C. Galloux, Non à l'embryon industriel : le droit européen des brevets au secours de la bioéthique ?, préc..
(24) En ce sens, v. les travaux préparatoires, COM (95)0661 C4-0063/96 95/350(COD), JOCE C 286, 22 septembre 1997.
(25) J.-C. Galloux, op. cit..
(26) Ibid..
(27) Point 50.

newsid:429275

Propriété intellectuelle

[Brèves] Certificats d'obtention végétale : mise en conformité de la législation française avec la Convention "UPOV"

Réf. : Loi n° 2011-1843 du 8 décembre 2011, relative aux certificats d'obtention végétale (N° Lexbase : L3622IRL)

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N9280BSI

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Le 15 Décembre 2011

La loi n° 2011-1843 du 8 décembre 2011, relative aux certificats d'obtention végétale (N° Lexbase : L3622IRL) a été publiée au Journal officiel du 10 décembre 2011. Ce texte modifie le Code de la propriété intellectuelle (C. prop. intell, art. L. 623-1 et s.) afin, notamment, de mettre en conformité notre législation avec la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales de 1991, dite Convention "UPOV". L'"obtention végétale" est, selon le texte, la variété nouvelle créée qui :
- se distingue nettement de toute autre variété dont l'existence, à la date du dépôt de la demande, est notoirement connue ;
- est homogène, c'est-à-dire suffisamment uniforme dans ses caractères pertinents, sous réserve de la variation prévisible compte tenu des particularités de sa reproduction sexuée ou de sa multiplication végétative ;
- demeure stable, c'est-à-dire identique à sa définition initiale à la suite de ses reproductions ou multiplications successives ou, en cas de cycle particulier de reproduction ou de multiplication, à la fin de chaque cycle.
Est ainsi mise en place une instance nationale des obtentions végétales qui est notamment chargée de délivrer le certificat d'obtention végétale. Ce certificat, qui peut être demandé par toute personne ressortissant d'un Etat partie à la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales ainsi que par toute personne ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou ayant son domicile, siège ou établissement dans l'un de ces Etats, confère à son titulaire un droit exclusif de produire, reproduire, conditionner aux fins de la reproduction ou de la multiplication, offrir à la vente, vendre ou commercialiser sous toute autre forme, exporter, importer ou détenir à l'une de ces fins du matériel de reproduction ou de multiplication de la variété protégée. Les demandes de certificats d'obtention végétale, les actes portant délivrance du certificat ainsi que tous actes transmettant ou modifiant les droits attachés à une demande de certificat ou à un certificat ne sont opposables aux tiers que s'ils ont été régulièrement publiés. En outre, toute personne de droit public ou de droit privé peut obtenir une licence obligatoire, les droits qui y sont attachés ne pouvant être ni cédés, ni transmis, si ce n'est avec l'entreprise ou la partie de l'entreprise à laquelle ils sont rattachés. Cette cession ou transmission est, à peine de nullité, soumise à l'autorisation du tribunal. Enfin, on relèvera que le certificat d'obtention végétale est déclaré nul, par décision de justice, s'il est avéré soit qu'il a été attribué à une personne qui n'y avait pas droit, à moins qu'il ne soit transféré à la personne qui y a droit ; soit qu'à la date à laquelle il a été délivré, la variété ne satisfaisait pas aux conditions de la définition de l'"obtention végétale".

newsid:429280

Sociétés

[Brèves] Opération de restructuration de capital : appréciation du motif légitime requis par l'article 145 du Code de procédure civile pour que la mesure d'expertise sollicitée puisse être ordonnée

Réf. : CA Paris, Pôle 1, 4ème ch., 9 septembre 2011, n° 11/04240 (N° Lexbase : A3191H4X)

Lecture: 2 min

N9259BSQ

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Le 15 Décembre 2011

Dans un arrêt du 9 décembre 2011, la cour d'appel de Paris s'est prononcée sur une demande tendant à voir ordonnée une expertise sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1497H49), à la suite d'une opération de restructuration du capital de deux sociétés par réduction du capital à zéro en raison de leurs pertes, réalisée par annulation d'actions ordinaires sous condition suspensive de la réalisation d'une augmentation de capital par émissions d'actions ordinaires avec maintien du droit préférentiel de souscription des actionnaires, augmentation pour laquelle délégation de compétence a été consentie au conseil d'administration (CA Paris, Pôle 1, 4ème ch., 9 décembre 2011, n° 11/04240 N° Lexbase : A3191H4X). Le requérant, actionnaire de ces sociétés souhaitait que cette mesure d'expertise vérifie que ces opérations de restructuration du capital n'avaient pas été réalisées en fraude de ses droits et n'étaient pas constitutives d'un abus de majorité. Mais la cour d'appel rejette la demande. Elle relève en effet que :
- la circonstance que le demandeur n'a pas été personnellement prévenu, malgré l'importance des opérations de restructuration envisagées, de la tenue des assemblées générales extraordinaires, ne saurait être imputée à ces sociétés, dès lors que le requérant qui était titulaire d'actions au porteur non nominatives et que les convocations à ces assemblées générales ont été publiées au BALO et ont fait l'objet de communiqués dans la presse financière spécialisée ;
- l'opportunité des opérations de restructuration du capital de ces deux sociétés soumises à l'aval de leurs assemblées générales extraordinaires n'est guère discutable au regard des pertes cumulées qu'elles ont subies et de la nécessité de reconstituer leurs fonds propres ;
- le demandeur disposait, comme les autres actionnaires, de la faculté de souscrire à l'augmentation de capital consécutive à sa réduction, de maintenir ainsi sa participation dans chacune des deux sociétés et, s'en étant abstenu, est mal venu à critiquer la participation majoritaire, ainsi que les droits de vote qui s'y attachent, d'un groupe familial à l'issue des opérations de recapitalisation ;
- et la faculté donnée aux souscripteurs des nouvelles actions de les régler par compensation avec leurs créances correspondant à des avances en compte courant ne confère à l'opération aucun caractère irrégulier, ni privilège particulier critiquable aux membres du groupe familial majoritaire.
Dans ces conditions, en conclut la cour, le demandeur n'accrédite par aucun élément tangible la possibilité de fraude à ses droits, d'irrégularité ou d'abus de position majoritaire qu'il évoque et, dès lors, ne justifie pas de l'existence du motif légitime requis par l'article 145 du Code de procédure civile pour que la mesure d'expertise sollicitée puisse être ordonnée (cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" N° Lexbase : E9563ASY).

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Sociétés

[Jurisprudence] Réflexions sur l'obligation de loyauté dans les SARL

Réf. : Cass. com. 15 novembre 2011, n° 10-15.049, F-P+B (N° Lexbase : A9345HZ7)

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N9269BS4

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par Jean-Baptiste Lenhof, Maître de conférences à l'ENS - Cachan Antenne de Bretagne, Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)

Le 31 Janvier 2013

Qui ne se souvient de la phrase cynique que Michel Audiard plaçait dans la bouche de Jean Gabin dans Le gentleman d'Epsom : "il y a deux expédients à n'utiliser qu'en dernière instance : le cyanure ou la loyauté". Si le cyanure semble banni des solutions propres à résoudre les conflits au sein des sociétés, la loyauté, qu'elle soit présentée comme un devoir ou une obligation, semble prendre une emprise croissante en droit des affaires, depuis que son intérêt avait été mis en lumière à l'occasion de l'arrêt "Vilgrain" (Cass. com., 27 février 1996, n° 94-11.241, publié N° Lexbase : A2401ABK).
Dans l'affaire qui était soumise à la Cour de cassation, les faits de l'espèce, mettaient toutefois en jeu cette notion de loyauté de façon différente. Une SARL s'était vue confier la réalisation d'un programme immobilier "destiné à la gendarmerie nationale" et qui était divisé en deux tranches. L'associé et gérant (le gérant) de ladite SARL (la SARL) ayant fait réaliser la seconde tranche des travaux par une société tierce, (la SCI dont il était également gérant), se trouve, alors, poursuivi par deux autres associés. Ces derniers lui reprochaient d'avoir détourné, avec un autre actionnaire, les bénéfices de la première tranche de travaux et d'avoir fait réaliser la seconde par la SCI. Le gérant et l'autre associé poursuivi se trouveront alors assignés en paiement de dommages et intérêts pour concurrence déloyale leur condamnation étant également requise pour comportement déloyal. Leurs demandes ayant été rejetées par la cour d'appel de Bordeaux, le 26 janvier 2010 (CA Bordeaux, 2ème ch., 26 janvier 2010, n° 06/06347 N° Lexbase : A7130HRI), les deux associés de la SARL forment un pourvoi devant la Chambre commerciale de la Cour de cassation. Cette dernière, répondant à la deuxième branche du second moyen établit que "sauf stipulation contraire, l'associé d'une société à responsabilité limitée n'est en cette qualité ni tenu de s'abstenir d'exercer une activité concurrente [...] ni d'informer celle-ci d'une telle activité et doit seulement s'abstenir d'actes de concurrence déloyaux". Elle décide, au surplus, en réponse à la première branche du même moyen, et au visa de l'article L. 223-22 du Code de commerce (N° Lexbase : L5847AIE), que la cour d'appel s'était déterminée par des motifs impropres a exclure tout manquement du gérant "à l'obligation de loyauté et de fidélité pesant sur lui en raison de sa qualité de gérant". L'arrêt, rendu le 15 novembre 2011, aura, certes, les honneurs du Bulletin mais sa motivation laisse pressentir qu'il recevra la plus large audience en doctrine. Au delà des faits de l'espèce, caractérisés par leur banalité, c'est, en effet, surtout le fondement retenu par le juge (I), ici, l'article L. 223-22 du Code de commerce, qui invite à s'interroger sur l'intérêt d'une inflexion potentielle (II), bien qu'encore hypothétique, de l'assise textuelle de la jurisprudence en matière de loyauté.

I - L'appréciation de la loyauté sur le fondement des dispositions de l'article L. 223-22 du Code de commerce

Le "devoir" de loyauté des dirigeants, consacré par l'arrêt "Vilgrain" en 1996, emportait appréciation du comportement des dirigeants dans un cadre contractuel ce qui présentait, certes, l'avantage de conférer une trame logique à l'évolution jurisprudentielle, mais pouvait faire douter des fondements juridiques (A) susceptibles de la justifier. La possibilité de donner une autre assise au raisonnement fondant la loyauté du dirigeant semble, avec l'arrêt du 15 novembre 2011, pouvoir être envisagée, en tant que ce dernier vise expressément l'article L. 223-22 du Code de commerce pour prononcer la cassation partielle (B).

A - Le devoir de loyauté dans la jurisprudence issue de l'arrêt "Vilgrain"

Le débat doctrinal qui a suivi l'arrêt "Vilgrain" éclaire sur les incertitudes qu'il a pu susciter. Les faits de l'espèce méritent, d'ailleurs, d'être rappelés, car ils éclairent sur la coloration contractuelle du contentieux, qui n'a pas été sans influencer la logique adoptée par la Chambre commerciale. Dans cette affaire, le dirigeant d'une société avait acquis les titres d'une associée et avait dissimulé à cette dernière qu'il avait chargé une banque d'affaires de rechercher un acquéreur pour ses propres titres et ceux de sa famille, espérant un bénéfice substantiel dans l'opération (l'achat avait été fixé au prix de 5 650 francs -environ 860 euros-, le cessionnaire s'abstenant d'informer la cédante des négociations qu'il avait engagé pour la vente des mêmes actions au prix minimum de 7 000 francs -environ 1 067 euros-).

Poursuivi pour dol, le dirigeant dont la réticence dolosive avait été reconnue par la cour d'appel, verra la décision confirmée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, au motif qu'il avait "manqué au devoir de loyauté qui s'impose au dirigeant d'une société à l'égard de tout associé". La doctrine, immédiatement (Ph. Malaurie, D., 1996, p. 518 ; J. Mestre, RTDCiv., 1997, p. 114 ; J. Ghestin, JCP éd. G, 1996, II, 2265 ; D. Schmidt et N. Dion, JCP éd. E., 1996, 838, par exemple), avait soulevé des questions relatives aux interprétations possibles de cette décision : ce "devoir" était-il attaché à la qualité de dirigeant ou de cocontractant de l'associée cédante, voire, du cumul de ces deux qualités ? La réponse était d'importance puisque le dirigeant était poursuivi, dans cette espèce, sur un fondement contractuel, de sorte qu'on aurait raisonnablement pu estimer que son statut n'avait fourni au juge qu'un élément d'appréciation de la réticence dolosive. La violation du "devoir" de loyauté, dans ce registre, aurait été matérialisée par le silence conservé sur la situation, silence gardé en méconnaissance du devoir d'information dû aux associés par le dirigeant.

La solution à ces interrogations ne devait toutefois pas tarder. Elle fut ainsi apportée par un arrêt de la Chambre commerciale rendu le 12 mai 2004 (Cass. com., 12 mai 2004, n° 00-15.618, FS-P N° Lexbase : A1887DCU). Il concernait une cession de titres réalisée dans des conditions voisines de celles de l'arrêt "Vilgrain", le juge du droit ayant pu décider, en l'absence de toute convention entre le cédant et le dirigeant, que ce dernier avait "manqué à l'obligation de loyauté qui s'impose au dirigeant de société à l'égard de tout associé en dissimulant aux cédants une information de nature à influer sur leur consentement".

Un auteur avait pu souligner, à ce titre (F.-G. Trébulle, note sous l'arrêt précité, JCP éd. G., 2004, II, 1393), que "le présent arrêt [donnait...] raison à ceux qui tenaient pour l'existence d'une obligation de loyauté du dirigeant attachée à cette seule qualité et indépendante de toute autre circonstance" (op. cit., p. 1498). Ainsi dissocié du contentieux de la réticence dolosive, la loyauté du dirigeant aurait pu faire l'objet, en raison de cette indépendance nouvellement constatée, d'une appréciation en fonction des fonctions statutaires de l'intéressé. Or, si l'arrêt de 2004 suggère, dans son économie, de retenir cette solution, l'examen du visa surplombant l'attendu relatif à la loyauté incite, lui, à plus de précaution. C'est, en effet, sous l'égide de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ) que le juge rendra sa décision, ce qui imposera de conclure -temporairement- que la qualité de dirigeant constitue un élément d'appréciation de la faute, mais qu'il ne rattache pas définitivement le devoir de loyauté à un comportement impérativement commandé par le droit des sociétés. En ce sens, l'arrêt 15 novembre 2011 pourrait fournir le pivot d'une évolution attendue.

B - Un visa fondé sur des dispositions de droit des sociétés

L'arrêt du 15 novembre 2011, à l'inverse de ses devanciers, place résolument la recherche de la loyauté du dirigeant sous l'égide de l'article L. 223-22 du Code de commerce qui dispose, dans son premier alinéa, que "les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion". Placé sous ce chapiteau, la motivation du juge du droit nous semble prendre une portée remarquable car elle apparaît procéder d'une volonté de faire échapper le devoir de loyauté au cantonnement contractuel qui avait prévalu jusqu'alors. Cette analyse repose sur deux constats : le premier que, à la lecture des faits de l'espèce, la référence à ce texte ne s'imposait pas nécessairement, le second, que le recours aux dispositions du Code de commerce résulte d'une substitution du fondement juridique invoqué par les auteurs du pourvoi.

Au titre du premier constat, la lecture, même superficielle de l'article L. 223-22 du Code de commerce conduit à relever, en effet, que les hypothèses de responsabilité du gérant sont de trois ordres : violation des textes applicables aux sociétés à responsabilité limitées, violation des statuts et faute de gestion. Or, il semble difficile de rattacher précisément un de ces trois cas d'ouverture de la responsabilité du gérant à l'espèce soumise à la Chambre commerciale : d'abord parce que les agissements du gérant ne s'inscrivent aucunement dans le cadre d'ordre public de la réglementation des SARL, ensuite, parce que, à propos de leur dispositions supplétives, les statuts n'imposaient pas de sujétions supplémentaires au gérant mis en cause et, enfin, parce que, dans le cadre de ce moyen du pourvoi, les seuls actes visés ne concernaient pas la gestion de la SARL proprement dite, mais portaient sur des menées concurrentielles réalisées au sein d'une autre société.

Au titre du second constat, la lecture de la première branche du premier moyen joute aux interrogations qui viennent d'être soulevées. En faisant reposer son pourvoi sur un défaut de base légale, ses auteurs invoquaient l'absence de recherche par la cour d'appel de la responsabilité du dirigeant qui avait mené "de front deux projets parallèles pour deux sociétés différents, sans en informer les associés". Ils rattachaient ce défaut de base légale, plus précisément, au non-respect des dispositions de l'article 1382 du Code civil, mais pas à un texte de droit des sociétés (cf. moyens du pourvoi annexés). On relèvera, en exergue, que le pourvoi mêlait violation du devoir de loyauté et actes de concurrence déloyale (cf. infra) ce qui, au demeurant, se justifie au regard du mélange des genres qui caractérise souvent ces situations (pour un exemple topique, Cass. com. 24 février 1998 n° 96-12638, publié N° Lexbase : A5427ACY, Bull. civ. IV, n° 86 ; JCP éd. E., 1998, p. 1486, note B. Daille-Duclos).

La substitution de motif, opérée à l'occasion de la rédaction de l'arrêt n'en prend que davantage de force, car le juge du droit, écartant la mise en oeuvre de l'article 1382 du Code civil, semble donner un signe quant à l'éventualité d'un basculement du fondement juridique du devoir de loyauté.

II - L'intérêt du devoir de loyauté fondé sur des textes du droit des sociétés

Reste à éclairer sur l'intérêt qu'est susceptible de revêtir l'adoption d'un fondement textuel issu des droits des sociétés pour apprécier le devoir de loyauté. Sans préjuger de l'évolution ultérieure de la jurisprudence, on peut, à la lumière de l'arrêt qui vient d'être rendu, imaginer qu'il peut revêtir deux axes. Le premier permettrait, en l'écartant de l'imprégnation contractuelle qui avait prévalu jusqu'alors, d'adapter ce devoir à la nature de la société et prendre, ainsi, en considération la situation du dirigeant au regard de la forme sociale (A). Le second axe, résultant et complémentaire du premier, permettrait de distinguer nettement les notions de loyauté et de déloyauté, du moins dans les rapports d'un associé avec la société (B).

A - Loyauté et situation du dirigeant face à la forme sociale

L'intérêt de rattacher la méconnaissance du devoir de loyauté à la violation d'une obligation contractuelle, à l'image de l'arrêt "Vilgrain" qui s'appuyait sur son lien avec la réticence dolosive fut, sans nul doute, de permettre d'étayer la démonstration d'un comportement répréhensible du dirigeant par l'utilisation d'un cadre normatif et jurisprudentiel éprouvé. A priori, en effet, la recherche de l'étendue et du contenu de ce devoir particulier, ne saurait être réalisée in abstracto, dans les principes qui gouvernent le droit des sociétés : d'une part, les devoirs de dirigeants varient selon les formes sociales et ils peuvent, d'autre part, muter en fonction de dispositions statutaires, plus ou moins libres selon l'intensité de l'ordre public applicable. A l'extrême, il faudrait considérer que le devoir de loyauté ne saurait être raisonnablement analysé qu'a travers une recherche ad hoc de l'étendue des pouvoirs du dirigeant dans la personne morale visée.

L'idée a indirectement été suggérée par des travaux de la doctrine. A l'apogée du débat sur cette nouvelle notion, Hervé Le Nabasque, en effet, avait pu proposer une analyse de la situation du dirigeant, confronté au respect du principe de loyauté, y voyant "l'obligation [...] de ne pas utiliser leurs pouvoirs ou les informations dont ils sont titulaires dans un intérêt strictement personnel et contrairement à l'intérêt de la société ou de celui des associés" (H. Le Nabasque, Le développement du devoir de loyauté en droit des sociétés, RTDCom., 1999, p. 273). Cette définition toute dédiée à l'efficacité, suggère ainsi, par le rapprochement des termes : intérêts "de la société" et "des associés", de circonscrire le devoir de loyauté à l'aune d'une approche subjective, rendue indispensable par la diversité des cadres juridiques rencontrés.

C'est dans cette perspective que semble se placer le raisonnement du juge du droit. En effet, à la suite de la substitution du fondement de droit des sociétés à celui de l'article 1382 invoqué par les auteurs du pourvoi, il établit que la cour d'appel s'était déterminée par des motifs impropres à exclure "tout manquement [du gérant] à l'obligation de loyauté et de fidélité pesant sur lui ne raison de sa qualité de gérant de la société [...], lui interdisant de négocier, en qualité de gérant d'une autre société, un marché dans la même activité". Le raisonnement est, de la sorte, directement placé sous l'égide de la situation de fait propre à l'activité de la société et de la défense de l'intérêt de cette dernière aussi bien que de ceux de ses associés.

Au delà de cette remarque, on peut s'interroger sur l'opportunité d'un rattachement plus ou moins prononcé de l'exigence de loyauté au respect de l'intérêt social, concept qui pourrait recouper (avec les incertitudes inhérentes aux contours de cette notion) les atteintes à l'intérêt de la société et à ceux des associés, tout en permettant de renvoyer à une appréciation du devoir (ou de l'obligation) de loyauté en rapport avec la forme sociale (pour les enjeux, lire J.-P. Bertrel, Le débat sur la nature de la société, in Droit et vie des affaires - Etudes à la mémoire d'A. Sayag, Litec, 1997, p. 131, spéc. p. 144 ; adde, sur la quête du juste milieu en matière d'intérêt social, J.-P. Bertrel et alii., L'intérêt social, Droit & Patrimoine, avril 1997, p. 45). Mieux encore, les travaux d'autres auteurs incitent à approfondir la réflexion sur ce sujet, en référence aux analyses qu'ils portent sur la jurisprudence en matière de loyauté de l'associé et qui trouvent, pour leur part, un débouché plus précis dans la réponse de la Cour de cassation à la deuxième branche du second moyen.

B - Déloyauté et devoir de loyauté de l'associé vis-à-vis de la société

Dans la seconde branche du second moyen, le juge du droit, tout en confirmant la solution de l'arrêt d'appel, apporte un élément de distinction entre la déloyauté concurrentielle et le devoir de loyauté, distinction nécessaire à l'éclaircissement d'une jurisprudence qui était jusqu'ici encore imprécise (cf. l'arrêt précité Cass. com., 24 février 1998). Dans l'espèce analysée, les auteurs du pourvoi prétendaient, s'appuyant sur les dispositions de l'article 1382 du Code civil, que l'associé, "tenu d'un devoir de loyauté, ne peut entreprendre, sans en informer les autres associés, un projet pour le compte d'une autre société, fût-il distinct, qui vient en concurrence avec celui présenté par la société". La réponse de la Chambre commerciale sera, sur ce point, particulièrement précise : limitant sa motivation à la situation de l'associé d'une société à responsabilité limitée, elle établira que "sauf stipulation contraire [...ce dernier n'est] tenu ni de s'abstenir d'exercer une activité concurrente de celle de la société ni d'informer celle-ci d'une telle activité et doit seulement s'abstenir d'actes de concurrence déloyaux". La cause serait ainsi entendue, tout le moins dans la SARL. L'associé, sauf stipulation d'une clause de non-concurrence, peut librement exercer toute activité concurrente, sans en informer la société. La limite fixée par le juge, de ne pas se livrer à une concurrence déloyale, semble davantage liée au souci de répondre au moyen du pourvoi plutôt que d'être attachée au principe d'information de l'associé, tant il répond mal à la logique déployée par la Chambre commerciale.

Il apparaît, en effet, que l'examen des deux branches du premier moyen par la Cour de cassation permet de dégager une distinction qui jusqu'alors n'était pas si évidente. Au titre de la première branche, il est établi, d'abord, que, l'associé d'une SARL est libre de concurrencer la société et n'est pas tenu d'informer cette dernière. En vertu de la seconde, il ressort que le gérant d'une SARL, en tant que dirigeant serait tenu d'une "obligation" de loyauté (et l'on peut s'interroger sur la portée de l'utilisation de ce terme, de préférence, à celle de "devoir") et de fidélité lui interdisant de la concurrencer.

Là également, la Chambre commerciale semble avoir fait sienne une opinion de la doctrine qui s'était interrogée sur l'existence d'une obligation implicite de non-concurrence de l'associé, variant selon le type de société : "l'exigence de loyauté n'a pas la même intensité selon le type de société. Elle est à son maximum dans les sociétés de personnes, quand elle se combine avec un fort intuitu personae. Elle atteint donc un degré suffisant dans la société en nom collectif [...]. La Cour de cassation a cependant reconnu l'existence d'une obligation de non concurrence à la charge d'un associé de SARL, envers la société [...]. Le cas est exceptionnel [...]. A notre avis, dans les société par actions, l'obligation de non-concurrence ne pèse que sur les dirigeants". (P. Le Cannu, B. Dondero, Droit des sociétés, Montchrestien, 3ème éd., n° 165).

L'éclairage que nous donne l'arrêt du 15 novembre 2011, semblerait confirmer cette analyse : l'obligation (puisque ce terme est consacré) de loyauté dans les SARL ne pèserait que sur le gérant, mais non sur les associés. La lecture de la décision imposant une clause de non-concurrence à un associé de SARL (P. Le Cannu, B. Dondero, op. cit., loc. cit.) renforce cette impression. Dans cette espèce, la cassation avait été prononcée au visa de l'article 455 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L2694AD7), pour défaut de réponse à conclusion, sans qu'il soit véritablement établi par le juge du droit que l'associé était tenu de ne pas concurrencer la société. (Cass. com. 6 mai 1991, n° 89-13.780 N° Lexbase : A2642ABH ; D., 1991, p. 609, note A. Viandier). Le commentateur de l'arrêt, le souligne, au demeurant : "en face de cette décision la prudence est de mise. L'arrêt pose le problème de l'obligation de non concurrence des associés, mais il n'y apporte pas de solution".

L'arrêt commenté appelle, sans nul doute, sinon la même prudence, du moins la circonspection. Il fournit l'occasion d'amorcer une avancée potentielle de la jurisprudence, mais exclusivement dans les limites déterminées par le renvoi devant la cour d'appel (autrement composée), le juge du fait s'étant déterminé, selon l'attendu de cassation : "par des motifs impropres à exclure tout manquement [du gérant] à l'obligation de loyauté et de fidélité pesant sur lui en raison de sa qualité de gérant".

newsid:429269

Transport

[Brèves] Transport terrestre international de marchandise : prescription de l'action en garantie du paiement du prix du transport de l'article L. 132-8 du Code de commerce

Réf. : Cass. com., 6 décembre 2011, n° 10-23.466, FS-P+B (N° Lexbase : A1855H4H)

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N9230BSN

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Le 03 Janvier 2012

Selon l'article 32 de la Convention de Genève du 19 mai 1956, relative au contrat de transport international de marchandises par route (N° Lexbase : L4084IPX), la prescription des actions auxquelles peuvent donner lieu les transports soumis à la Convention est régie par les dispositions de celle-ci. Il s'ensuit que l'action en garantie du paiement du prix du transport, prévue par l'article L. 132-8 du Code de commerce (N° Lexbase : L5640AIQ), se prescrit conformément aux dispositions de l'article 32 de la "CMR". Tel est le principe énoncé par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 6 décembre 2011 (Cass. com., 6 décembre 2011, n° 10-23.466, FS-P+B N° Lexbase : A1855H4H). En l'espèce les 7 juin, 20 juin, 6 juillet et 15 juillet 2005, une société (l'expéditeur) a confié à une société (le transporteur principal) l'acheminement de marchandises de l'Italie vers la France à destination d'une troisième société (le destinataire). Le transporteur principal a sous-traité ce transport, le sous-traitant transporteur ayant procédé aux livraisons les 8 juin, 21 juin, 6 juillet et 20 juillet 2005. N'ayant pu obtenir paiement des sommes dues par le commissionnaire, le transporteur effectif a poursuivi l'expéditeur en sa qualité de garante du paiement du prix du transport et obtenu une injonction de payer signifiée le 7 août 2006 contre ce dernier qui a formé opposition. Pour déclarer prescrite l'action du transporteur effectif en garantie du paiement du fret contre le destinataire, l'arrêt d'appel a fait application de l'article L. 133-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L4810H9Z). Mais, énonçant le principe précité, la Cour de cassation censure cette solution.

newsid:429230

Transport

[Brèves] Transport aérien : l'option de compétence impose que le demandeur, et lui seul, dispose du choix de décider devant quelle juridiction le litige sera effectivement tranché

Réf. : Cass. civ. 1, 7 décembre 2011, n° 10-30.919, FS-P+B+I (N° Lexbase : A1627H4Z)

Lecture: 2 min

N9195BSD

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Le 15 Décembre 2011

Dès lors qu'ils ont été contraints de porter leur litige devant une juridiction qu'ils n'ont pas choisie, les demandeurs ont, sur le fondement de la Convention de Montréal, un intérêt actuel et légitime à agir, à titre déclaratoire, en constatation de l'existence et de la portée du droit d'option de compétence que celle-ci leur reconnaît. Or, l'option de compétence ouverte au demandeur par les articles 33, paragraphe 1, et 46 de la Convention de Montréal s'opposent à ce que le litige soit tranché par une juridiction, également compétente, autre que celle qu'il a choisie. En effet, cette option, qui a été assortie d'une liste limitative de fors compétents afin de concilier les divers intérêts en présence, implique, pour satisfaire aux objectifs de prévisibilité, de sécurité et d'uniformisation poursuivis par la Convention de Montréal, que le demandeur, et lui seul, dispose du choix de décider devant quelle juridiction le litige sera effectivement tranché, sans que puisse lui être opposée une règle de procédure interne aboutissant à contrarier le choix impératif de celui-ci. Tel est le principe énoncé par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 7 décembre 2011, dans le cadre d'une demande d'indemnisation à la suite du décès des membres d'équipage colombien et de tous les passagers originaires de la Martinique dû à l'écrasement d'un aéronef, affrété par une société américaine au Vénézuela (Cass. civ. 1, 7 décembre 2011, n° 10-30.919, FS-P+B+I N° Lexbase : A1627H4Z). Pour refuser de se dessaisir du litige, la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, que la juridiction de Fort-de-France tire son pouvoir de juger d'une application rigoureuse des règles de compétence de la Convention de Montréal et, par motifs propres, que, parmi les chefs de compétence résultant de cette Convention, figure le tribunal du lieu de destination du vol, soit celui de Fort-de-France, dont le titre de compétence ne saurait être remis en cause sous couvert d'un défaut de pouvoir juridictionnel. Aussi, énonçant le principe précité, la Cour régulatrice censure la décision des juges du fond : "en statuant ainsi, alors que les demandeurs avaient choisi une autre juridiction compétente pour trancher le litige, la cour d'appel a violé les textes susvisés".

newsid:429195