Lexbase Avocats n°94 du 20 octobre 2011

Lexbase Avocats - Édition n°94

Aide juridictionnelle

[Brèves] Bénéfice de l'aide juridictionnelle : l'assignation en liquidation n'est pas un acte ou une mesure d'exécution de la condamnation

Réf. : Cass. civ. 2, 6 octobre 2011, n° 10-19.654, F-D (N° Lexbase : A6152HYI)

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N8296BS3

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Le 20 Octobre 2011

Aux termes de l'article 11 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 (N° Lexbase : L8607BBE), l'aide juridictionnelle s'applique de plein droit aux procédures, actes ou mesures d'exécution des décisions de justice obtenues avec son bénéfice, à moins que l'exécution ne soit suspendue plus d'une année pour une cause autre que l'exercice d'une voie de recours ou d'une décision de sursis à exécution. Par ailleurs, les procédures, actes ou mesures s'entendent de ceux qui sont la conséquence de la décision de justice, ou qui ont été déterminés par le bureau ayant prononcé l'admission. Tels sont les principes dont la Cour de cassation fait application aux termes d'un arrêt rendu le 6 octobre 2011 (Cass. civ. 2, 6 octobre 2011, n° 10-19.654, F-D N° Lexbase : A6152HYI). En l'espèce, Me R. a été désigné au titre de l'aide juridictionnelle totale pour assister M. G. dans le cadre d'une procédure prud'homale l'opposant à son ancien employeur. Le conseil de prud'hommes ayant condamné ce dernier au paiement de diverses sommes qu'il n'a toutefois pas réglées, l'avocat l'a alors assigné en liquidation judiciaire devant le tribunal de commerce. M. G. a contesté devant le Bâtonnier les honoraires facturés par l'avocat pour cette dernière procédure. Pour dire qu'il n'est dû aucun honoraire à l'avocat, l'ordonnance retient que M. G. avait obtenu l'aide juridictionnelle totale pour la procédure à compter de la demande d'aide juridictionnelle jusqu'à l'exécution de la décision. De plus, si la procédure est certes celle devant le conseil de prud'hommes elle inclut aussi l'exécution de la décision obtenue ; et eu égard aux difficultés d'exécution de ce jugement, l'avocat a été contraint d'assigner l'employeur en liquidation judiciaire afin d'obtenir la prise en charge des condamnations. Ainsi, cette procédure entrait strictement dans le champ d'application de la décision du bureau d'aide juridictionnelle, étant rappelé que celle-ci prenait fin avec l'exécution de la décision. L'ordonnance sera censurée au visa de l'article 11 de la loi précitée : l'assignation en liquidation judiciaire ne constitue pas un acte ou une mesure d'exécution de la décision de condamnation, mais une instance autonome.

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Ce qu'il faut retenir...

[A la une] Cette semaine dans Lexbase Hebdo - édition professions...

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N8318BSU

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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction

Le 20 Octobre 2011


"Ce n'est pas la profession qui honore l'homme mais c'est l'homme qui honore la profession".
Médiation. C'est une formidable journée d'étude à laquelle les éditions juridiques Lexbase ont eu l'honneur d'apporter leur soutien et d'être conviées ; une journée d'étude organisée, vendredi 14 octobre 2011, dans un amphithéâtre de la Chambre de commerce et d'industrie et des services de la Moselle bondé, car nombreux, avocats, magistrats, médiateurs, universitaires, étudiants, étaient venus témoigner, expliquer et/ou mettre en perspective, avec leur activité professionnelle personnelle, cette technique de mode alternatif de règlement des conflits que constitue la médiation. Cette journée était organisée par l'Ordre des avocats au barreau de Metz, à l'initiative de son Bâtonnier, Maître Viviane Schmitzberger-Hoffer, et en partenariat avec le tribunal de grande instance de la cité. Notre édition professions vous en propose un compte-rendu partiel, mais qui reprend les grandes lignes développées tout au long de cette journée exceptionnelle. Lire, Médiation, Justice à part entière (N° Lexbase : N8225BSG).
Responsabilité. Lexbase Hebdo - édition professions vous propose, cette semaine, la Chronique de responsabilité de l'avocat réalisée par David Bakouche, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Sud (Paris XI) (N° Lexbase : N8257BSM). Au sommaire de cette nouvelle chronique, l'auteur a choisi, en premier lieu, un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation, le 22 septembre 2011, qui énonce que l'avocat n'est pas tenu de surveiller les mesures de publicité susceptibles d'atteindre toute personne physique non commerçante faisant l'objet d'un redressement judiciaire personnel dont ses clients peuvent être créanciers (Cass. civ. 1, 22 septembre 2011, n° 10-23.503, F-P+B+I). En second lieu, l'auteur s'est arrêté sur une réponse ministérielle du 19 juillet 2011 qui précise que les dispositions relatives au contreseing de l'avocat ne sont applicables que si toutes les parties à l'acte sont représentées par un avocat (Rép. min., n° 107271, JO AN Q 19 juillet 2011, p. 7874).

newsid:428318

Avocats

[Brèves] Territorialité de la postulation en matière de saisie immobilière : la QPC n'est pas transmise

Réf. : Cass. QPC, 12 octobre 2011, n° 11-40.064, F-P+B (N° Lexbase : A7577HYB)

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N8291BSU

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Le 22 Octobre 2011

En l'espèce, une procédure de saisie immobilière ayant été engagée, par une banque, à l'encontre de Mme M., celle-ci, par un mémoire séparé et motivé, a posé au juge de l'exécution saisi de la procédure une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée : "Les articles 1er et 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (N° Lexbase : L6343AGZ), portent-ils atteinte aux droits et libertés garantis par l'article 1er de la Constitution (N° Lexbase : L0827AH4) et par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789 ?" ; Pour mémoire, les dispositions contestées sont relatives à la territorialité de la postulation en matière de saisie immobilière. Pour la Cour de cassation, la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle. De plus, elle ne présente pas un caractère sérieux dès lors, d'une part, que, s'agissant du principe d'unité territoriale de la France, elle soutient que serait violé un principe qui ne peut être invoqué à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité en ce qu'il ne met pas directement en cause des droits et libertés garantis par la Constitution, d'autre part, que la règle de la territorialité de la postulation, qui ne fait que limiter le choix du défenseur habilité à représenter le justiciable en justice, sans lui interdire de désigner l'avocat plaidant de son choix, ne porte pas atteinte aux droits de la défense ni au principe d'égalité. Partant, la question n'est pas renvoyée au Conseil constitutionnel.

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Avocats/Déontologie

[Brèves] Lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme : rejet du recours de l'Ordre des avocats au barreau de Paris

Réf. : CE 1° et 6° s-s-r., 14 octobre 2011, n° 332126, mentionné aux tables du Recueil Lebon (N° Lexbase : A7431HYU)

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N8287BSQ

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Le 26 Octobre 2011

L'Ordre des avocats au barreau de Paris a demandé au Conseil d'Etat d'annuler trois décrets pris en application des dispositions législatives du Code monétaire et financier issues de l'ordonnance n° 2009-104 du 30 janvier 2009, relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme (N° Lexbase : L6934ICS), qui a, par ailleurs, transposé la Directive 2005/60/CE du Parlement et du Conseil du 26 octobre 2005 (N° Lexbase : L3529HD3). Se prononçant tout d'abord sur la légalité externe des décrets attaqués, le Conseil d'Etat rejette, le premier moyen, tiré de l'incompétence du pouvoir réglementaire : en particulier, l'article 2 du décret n° 2009-874 du 16 juillet 2009 (N° Lexbase : L4874IEA) instituant une liste de seize critères, se borne, selon le Conseil d'Etat, à définir les faits ou événements objectifs qui peuvent justifier l'existence d'un soupçon de fraude fiscale. Il n'édicte donc que des mesures de nature réglementaire propres à la mise en oeuvre de la loi. En ce qui concerne, ensuite, le moyen tiré d'un vice de procédure, l'Ordre requérant n'apporterait aucun élément permettant au juge de l'excès de pouvoir d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, le moyen est donc écarté. Sur la légalité interne des décrets, l'Ordre requérant soutient, tout d'abord, que les dispositions de la Directive 2005/60, les dispositions législatives du Code monétaire et financier et les décrets attaqués sont incompatibles avec les stipulations des articles 6 (N° Lexbase : L7558AIR) et 8 (N° Lexbase : L4798AQR) de la CESDH, qui protègent notamment le droit fondamental au secret professionnel ainsi que le droit de garder le silence. Cet argumentaire est rejeté : d'une part, ces textes, dès lors qu'ils imposent que soient exclues du champ des obligations d'information et de coopération les informations reçues ou obtenues par les avocats à l'occasion de leurs activités juridictionnelles, ne méconnaissent pas les exigences liées au droit à un procès équitable. D'autre part, l'article 8 permet une ingérence de l'autorité publique dans l'exercice des droits qu'il protège, notamment lorsqu'une telle mesure est nécessaire à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales. Cela serait donc le cas en l'espèce. En outre, les dispositions attaqués ne font pas obstacle à la libre appréciation de l'avocat : celui-ci peut toujours apprécier librement s'il doit mettre fin à la relation contractuelle l'unissant à son client. Enfin, les dispositions du décret ne méconnaissent pas le principe de sécurité juridique : contrairement à ce qui est avancé par le requérant, ces dispositions ne contraignent pas les avocats à vérifier de manière systématique si certains faits ont eu lieu alors que ces faits se situent en dehors de leur domaine de compétence professionnelle (CE 1° et 6° s-s-r., 14 octobre 2011, n° 332126, mentionné aux tables du Recueil Lebon N° Lexbase : A7431HYU).

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Avocats/Gestion de cabinet

[Le point sur...] La participation de l'avocat aux réseaux et autres conventions pluridisciplinaires

Lecture: 9 min

N8106BSZ

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 13 Octobre 2011

La question de la participation des avocats à des réseaux et autres conventions pluridisciplinaires est une question sensible de la profession, si l'on examine ne serait-ce que le contentieux afférent aux premières tentatives d'encadrement de cet exercice peu commun de l'activité d'avocat, ou si l'on en juge par le caractère prolixe de l'article 16 du règlement intérieur national (RIN) (N° Lexbase : L4063IP8), seul texte s'étant essayé à régir cette participation aux contours parfois litigieux, tant au regard de l'indépendance de l'avocat, que du secret professionnel ou du conflit d'intérêts.
On se souvient de cet arrêt rendu le 21 janvier 2003, par la Cour de cassation, qui rappelait que, si les dispositions de l'article 16-5, quel qu'en soit le mérite, font interdiction à un avocat membre d'un réseau de prêter son concours à son client, même avec l'accord de celui-ci, si un autre membre du réseau contrôle ou certifie les comptes dudit client, notamment en qualité de commissaire aux comptes, la cour d'appel, qui avait ainsi reconnu à un conseil de l'Ordre le pouvoir de créer une incompatibilité non prévue par une disposition légale ou réglementaire, avait violé la loi (Cass. civ. 1, 21 janvier 2003, n° 00-22.553, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A7378A4Z). La Haute juridiction reconnaissait, toutefois, que ce texte était justifié par le fait que deux membres d'un réseau ne peuvent concilier d'assister le même client, l'un avocat, tenu de façon absolue au secret professionnel et l'autre, commissaire aux comptes, tenu de révéler des faits délictueux, et ne crée, aucune incompatibilité, ce terme étant entendu par référence à un statut, une fonction, mais permet à l'avocat, dans la situation visée par le texte litigieux, d'avoir une attitude conforme au principe déontologique qui s'impose à lui lorsque surgit un conflit d'intérêts, lorsque le secret professionnel risque d'être violé ou lorsque son indépendance risque de ne plus être entière.

Dans le même sens, et le 18 février 2003, la même formation sanctionnait une cour d'appel qui, pour enjoindre au conseil de l'Ordre d'inclure dans son règlement intérieur l'intégralité de l'article 16, retenait, à tort à l'époque, que l'article 21-1, alinéa 1er, de la loi du 31 décembre 1971, avait confié au CNB la charge de veiller à l'harmonisation des règles et usages de la profession d'avocat, cette charge comportant en soi un pouvoir décisionnel (Cass. civ. 1, 18 février 2003, n° 01-13.163, FS-P N° Lexbase : A1886A7Y.

Nous avions là un imbroglio juridique tel, qu'en application de l'article L. 521-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3057ALS), le Conseil d'Etat prononçait, le 22 juin 2004, la suspension de l'exécution des dispositions de cet article 16, lesquelles devaient, en l'état de l'instruction, être regardées comme présentant entre elles un caractère d'indivisibilité (CE référé, 22 juin 2004, n° 268076 N° Lexbase : A7190HYX). Et, le 17 novembre 2004, il annulait l'article 16 du règlement intérieur unifié des barreaux de France (CE, contentieux, 17 novembre 2004, n° 268075 N° Lexbase : A9249DDW). Invoquant l'article 67 de la loi du 31 décembre 1971, dans la rédaction qui lui a été donnée par la loi du 11 février 2004 (N° Lexbase : L7647AHP), le Haut conseil a jugé qu'en édictant un nouvel ensemble de règles le Conseil national des barreaux avait fixé des prescriptions qui mettaient en cause la liberté d'exercice de la profession d'avocat et que, dès lors, les sociétés requérantes étaient fondées à en demander l'annulation.

Depuis, plus rien. Aucun texte législatif ni réglementaire ne vient encadrer cette participation de l'avocat à un réseau pluridisciplinaire. Le législateur ayant confié le soin au Conseil national des barreaux d'unifier par voie de dispositions générales les règles et usages de la profession d'avocat (loi du 31 décembre 1971, art. 21-1 modifié par la loi du 11 février 2004), on est en droit de penser que l'article 16 du RIN, dans sa version adoptée le 14 mai 2005, par l'Assemblée générale du CNB, prévaut. On sait, en outre, que, par un arrêt rendu le 16 décembre 2008, le Haut conseil estime, désormais, que, s'agissant de la justification du respect du secret professionnel dans le cadre d'un réseau pluridisciplinaire, le Conseil national des barreaux s'est borné à assurer l'exécution de la loi sans méconnaître les dispositions de la loi du 31 décembre 1971 (CE 6° s-s., 16 décembre 2008, n° 289940, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A8796EBE).

I - La définition d'un réseau pluridisciplinaire

L'avocat peut être membre ou correspondant d'un réseau pluridisciplinaire dans les conditions énoncées à l'article 16 du RIN.

Il ne peut participer à une structure ou entité qui aurait pour objet ou pour activité effective l'exercice en commun de plusieurs professions libérales, la loi française en vigueur excluant toute participation d'un avocat à une telle structure ou entité.

Constitue, dès lors, un réseau pluridisciplinaire toute organisation, structurée ou non, formelle ou informelle, établie de manière durable entre un ou plusieurs avocats et un ou plusieurs membres d'une autre profession libérale, réglementée ou non, ou une entreprise, en vue de favoriser la fourniture de prestations complémentaires à une clientèle développée en commun.

L'existence d'un tel réseau pluridisciplinaire au regard des règles françaises d'exercice de la profession d'avocat suppose un intérêt économique commun entre ses membres ou correspondants, lequel est réputé établi lorsque l'un au moins des critères suivants est constaté :

  • usage commun d'une dénomination ou de tout autre signe distinctif tel que logo ou charte graphique ;
  • édition et/ou usage de documents destinés au public présentant le groupe ou, chacun de ses membres et faisant mention de compétences pluridisciplinaires ;
  • usage de moyens d'exploitation communs ou en commun dès lors que cet usage est susceptible d'avoir une influence significative sur l'exercice professionnel ;
  • existence d'une clientèle commune significative liée à des prescriptions réciproques ;
  • convention de coopération technique, financière ou de marketing.

En la matière, le terme "avocat" englobe les avocats d'un barreau étranger ou ayant un titre reconnu comme équivalant dans leur pays d'origine

II - L'encadrement de la participation de l'avocat à un réseau pluridisciplinaire

Aux termes de l'article 16.2 du RIN, l'avocat ou la structure d'avocats membre d'un réseau pluridisciplinaire doit s'assurer que le fonctionnement du réseau ne porte pas atteinte aux principes essentiels de la profession d'avocat et aux textes légaux et réglementaires qui lui sont applicables (lire N° Lexbase : N7268BSY). A défaut, il doit se retirer du réseau.

Et, l'article 16.6 du même texte d'insister sur le fait que l'avocat peut participer à un réseau pluridisciplinaire exclusivement constitué entre membres de professions libérales réglementées sous la seule condition de se conformer aux présentes règles.

En outre, un avocat ne peut participer à un réseau pluridisciplinaire non exclusivement constitué de membres de professions libérales réglementées qu'à la condition d'en avoir fait préalablement la déclaration à l'Ordre auprès duquel il est inscrit, cette déclaration devant être assortie des informations et documents nécessaires à l'examen de cette participation. L'article 67 de la loi du 31 décembre 1971 (loi n° 71-1130 N° Lexbase : L6343AGZ) rappelle, à ce sujet, que les avocats, les associations d'avocats ou les sociétés d'avocats qui sont affiliés à un réseau pluridisciplinaire, national ou international, mentionnent leur appartenance à ce réseau. Et, l'Ordre devra faire part de ses observations éventuelles dans les deux mois de réception de la déclaration.

Indépendance. En aucun cas, le fonctionnement du réseau ne peut porter atteinte à l'indépendance de l'avocat et il appartient à celui-ci de veiller à l'application effective de ce principe.

Constitue, notamment, une atteinte à l'indépendance le fait, directement ou indirectement :

  • d'accepter d'être partie à un mécanisme conduisant à une répartition ou à un partage des résultats ou à un rééquilibrage des rémunérations en France ou à l'étranger avec des professionnels non avocats ;
  • d'accepter une relation de subordination de l'avocat ou un contrôle hiérarchique de l'exécution de ses missions par d'autres professionnels non avocats, notamment ceux ayant une activité de caractère commercial.

L'avocat membre d'un réseau pluridisciplinaire doit veiller en toutes matières à ce que la facturation fasse apparaître spécifiquement la valeur de sa propre prestation.

Secret professionnel. Les avocats membres d'un réseau pluridisciplinaire doivent pouvoir justifier à toute demande du Bâtonnier de l'Ordre auprès duquel ils exercent que l'organisation de l'ensemble du réseau ne met pas en cause l'application des règles du secret professionnel (lire N° Lexbase : N7004BS9) (RIN, art. 16.3).

Conflit d'intérêts. L'article 16.4 du même texte précise que l'avocat participant à un réseau pluridisciplinaire doit veiller à ce que les procédures adéquates d'identification et de gestion des conflits d'intérêts soient appliquées. D'une façon générale, un avocat membre d'un réseau pluridisciplinaire est tenu d'observer l'ensemble des dispositions de l'article 4 du RIN qui sont relatives au conflit d'intérêts. Le respect des règles relatives aux conflits d'intérêts qui s'imposent aux avocats, en application des dispositions de l'article 4 du RIN, doit être apprécié non pas au niveau du seul cabinet d'avocats, mais de l'ensemble du réseau (lire N° Lexbase : N6843BSA).

Dénomination. Par ailleurs, l'avocat membre d'un réseau pluridisciplinaire doit veiller à ne pas créer de confusion dans l'esprit du public entre sa pratique professionnelle et celle des autres professionnels intervenant dans le réseau. L'avocat membre d'un groupement d'exercice qui participe à un réseau reste soumis aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'usage de la dénomination ou la raison sociale de ce groupement. Afin d'assurer une parfaite information du public, sa dénomination ou raison sociale sera différente du nom de son réseau et il devra distinctement faire mention de son appartenance à celui-ci (RIN, art. 16.5).

Incompatibilités. Un avocat membre d'un réseau ne peut entrer en contravention avec les dispositions de l'article 111 (a) du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID), relatif au principe d'incompatibilité de l'exercice de la profession d'avocat, avec toutes activités à caractère commercial ; directement ou par personne interposée.

Lorsqu'un avocat est affilié à un réseau national ou international et n'a pas pour activité exclusive la prestation de conseil, il doit s'assurer avant d'exécuter une prestation pour le compte d'une personne dont les comptes sont légalement contrôlés ou certifiés par un autre membre du réseau en qualité de commissaire aux comptes, ou dans une qualité similaire, de ce que ce dernier est informé de son intervention pour lui permettre de se conformer aux dispositions de l'article L. 822-11 du Code de commerce (N° Lexbase : L2947HC7) et de ses textes d'application.

Il en est de même pour la fourniture de prestation de services à une personne contrôlée ou qui contrôle, au sens des I et II de l'article L. 233-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L4050HBM), dont les comptes sont certifiés par le commissaire aux comptes (RIN, art. 16.7).

Transparence. Aux termes de l'article 16.8 du RIN, les avocats ou cabinets d'avocats membres d'un réseau pluridisciplinaire doivent déposer auprès de leur Ordre l'ensemble des accords ou documents sociaux permettant à celui-ci de disposer, au cas par cas, d'une information nécessaire et adéquate sur l'ensemble de la structure juridique, économique et financière du réseau, quelle que soit la loi applicable à celui-ci et le ou les pays où il intervient :

  • l'organigramme général du réseau faisant apparaître les différentes entités mais aussi les accords de partenariat entre les membres du réseau ;
  • l'exposé sommaire permettant de comprendre le rôle joué par les différentes entités et accords visés ci-dessus ;
  • la description sommaire des professions et métiers auxquels appartiennent les membres du réseau ; la liste des membres ;
  • la description des organes de décision du réseau (l'organigramme des organes de décision distinguant le cas échéant l'organisation par pays -comment les différentes professions participant au réseau sont organisées pour la France-, l'organisation internationale par métier -comment les avocats des différents pays sont organisés- et l'organisation internationale ; pour les différents organes de décision, le mode d'élection, le mandat et les pouvoirs réels).
  • la description des modes de participation aux frais et aux résultats (comment les différentes composantes du réseau participent -directement ou indirectement- au financement du cabinet d'avocats français [ex. : fonds propres, prêts, redevances pour services, prise en charge d'une partie du financement de charges incombant au cabinet d'avocats] et, réciproquement, comment le cabinet d'avocats français participe au financement d'autres composantes du réseau ; comment les associés du cabinet d'avocats français sont intéressés directement ou indirectement aux résultats d'autres entités d'avocats du réseau [ex. : quote-part dans les résultats au travers de structures de services, valorisation de participations, systèmes de retraites, notamment sous forme de contrats de consultant]).
  • la description des informations introduites dans les bases de données et procédures relatives à l'accès (la description des mesures mises en place afin d'assurer le contrôle interne du respect des règles déontologiques [ex : conflits d'intérêts, risques d'atteinte à l'indépendance, moyens d'éviter de profiter passivement du démarchage effectué par d'autres membres] ; la justification de l'existence pour tous les membres du réseau de garanties individuelles ou collectives d'assurance de responsabilité civile professionnelle excluant toute solidarité de principe entre membres de professions différentes).

newsid:428106

Avocats/Honoraires

[Brèves] Contestation d'honoraires : point de départ du délai de recours contre la décision du Bâtonnier

Réf. : CA Nancy, 22 septembre 2011, n° 11/00958 (N° Lexbase : A5742HYC)

Lecture: 1 min

N8317BST

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Le 20 Octobre 2011

La cour d'appel de Nancy, dans un arrêt rendu le 22 septembre 2011, rappelle que le délai de recours de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991 contre la décision de Bâtonnier statuant en matière d'honoraires, court à compter d'une notification régulière. Il s'en suit que si cette notification n'a pas été faite régulièrement le délai ne peut commencer à courir. En l'espèce, la lettre recommandée portant notification de la décision du Bâtonnier du 22 octobre 2010 a été présentée au domicile de Mme P. le 27 octobre suivant puis retournée à l'Ordre des avocats du barreau de Nancy revêtue de la mention "absent" sans que l'accusé de réception ait été signé par elle. La cour rappelle que la validité de la notification en la forme ordinaire par la voie postale ne peut être admise que lorsque cette notification a abouti à la remise de la lettre à son destinataire par la poste. Ainsi, si la lettre de notification a été retournée à son expéditeur avec la mention 'absent' et que lorsque, comme au cas présent, il n'est de surcroît pas établi que le destinataire a été dûment avisé de la mise en instance de ce courrier à la Poste, ni qu'il a, de manière explicite, refusé de le recevoir, la notification n'a pas été effectuée. Le délai de recours n'ayant donc pas commencé à courir, la contestation de Mme P. demeure recevable.

newsid:428317

Avocats/Institutions représentatives

[Evénement] Rentrée solennelle du barreau de Versailles : pour la défense d'une profession résolument tournée vers l'avenir

Lecture: 4 min

N8261BSR

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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique

Le 20 Octobre 2011

C'est le 14 octobre 2011, dans la salle des Assises du Palais de justice de la ville royale, que s'est tenue la rentrée solennelle du barreau de Versailles, 186ème du nom, cérémonie présidée par Pascal Fournier, son Bâtonnier, et avec, comme invitée d'honneur, Corinne Lepage, députée au Parlement européen, ancienne ministre de l'Environnement, avocate spécialisée dans ce domaine, et candidate récemment déclarée à la présidence de la République. Un barreau résolument dynamique, puisque les avocats inscrits depuis moins de dix ans en représentent les deux cinquièmes de l'effectif total. Après que le Bâtonnier Fournier ait, dans une allocution émouvante, rendu hommage aux figures historiques du Barreau disparues depuis le début de l'année 2011, s'est tenu le traditionnel procès fictif de l'invité sous la houlette de Nathalie Mendès, Samah Ben Attia et Anne Vinçot, secrétaires de la conférence 2011. Une séquence humoristique qui a pris un tour plus grave lorsque Samah Ben Attia a rappelé l'épisode de février 2011 durant lequel les magistrats versaillais se sont mis en grève pour protester contre les propos jugés attentatoires à la profession et à l'indépendance de la justice tenus par le Président de la République à la suite de l'affaire "Laetitia", dans lesquels il avait ouvertement déclaré fautifs les juges qui avaient remis en liberté le présumé coupable.

Samah Ben Attia va même jusqu'à évoquer le risque de menace d'un "linceul obscurantiste". Corinne Lepage, prenant ensuite la parole après avoir été mise sur le grill, s'inquiète elle aussi de l'état du monde de la justice au pays de Montesquieu. Elle évoque, notamment, les difficultés rencontrées par les juges chargés d'instruire les affaires dites "sensibles" dans lesquelles peuvent se retrouver impliquées de hautes personnalités, l'inégalité des armes entre les différents justiciables, ou encore la baisse des moyens alloués aux procédures d'instruction, lesquelles mises bout à bout peuvent s'apparenter à un véritable déni de justice.

Pourtant, poursuit l'ancienne ministre de l'Environnement, jamais le besoin de justice n'a semblé aussi prégnant dans une société durement touchée par une crise à la fois économique et environnementale. Elle évoque successivement la financiarisation de l'économie qui peut mettre rapidement à bas des pays et laisser leur population dans le désarroi, et la corruption d'une certaine partie de la classe politique ; elle rappelle à cette occasion le combat qu'elle avait mené en 1989 contre le maire d'une commune du nord de la France après le vote d'une délégation de service public de l'eau en violation de toute règle de concurrence qui l'avait amené à passer dans l'opposition municipale. Bien évidemment, elle n'oublie pas de faire mention du péril écologique actuel, cocktail détonnant composé de marées noires, de risques nucléaires et de pollution diverses et variées, qui nécessiteraient, selon elle, la création d'un véritable tribunal pénal international de l'environnement. Tous ces dangers nécessitent donc plus que jamais le renforcement du rôle du juge, lui seul pouvant rétablir vérité et justice et se montrer à la hauteur des justes causes.

C'est ensuite au tour du Bâtonnier Fournier de prendre la parole sur un ton grave. Il indique que, si les libertés publiques ont pris un élan décisif avec les quatre décisions rendues par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation le 15 avril 2011 (Ass. plén., 15 avril 2011, 4 arrêts, n° 10-17.049, P+B+R+I N° Lexbase : A5043HN4 ; n° 10-30.242, P+B+R+I N° Lexbase : A5044HN7 ; n° 10-30.313, P+B+R+I N° Lexbase : A5050HND, et n° 10-30.316, P+B+R+I N° Lexbase : A5045HN8), ce n'est que dans un rapport conflictuel avec le pouvoir exécutif. Selon l'orateur, le grand mérite de la Cour régulatrice est d'avoir décidé que ces arrêts étaient d'application immédiate, pour mieux souligner que c'est en parfaite connaissance de cause que le législateur avait laissé perdurer une situation contraire aux exigences du procès équitable résultant de l'article 6 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR), alors que déjà, dans trois arrêts du 19 octobre 2010 (Cass. crim., 19 octobre 2010, 3 arrêts, n° 10-82.306, FP-P+B+I+R N° Lexbase : A0916GCW, n° 10-82.902, FP-P+B+I+R N° Lexbase : A0917GCX et n° 10-85.051, FP-P+B+I+R N° Lexbase : A0918GCY), la Chambre criminelle de la Cour de cassation a indiqué que les règles posées par l'article 63-4 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9746IPN) relatives à l'entretien de la personne gardée à vue avec un avocat, ne satisfaisaient pas aux exigences communautaires et que la loi n'a été promulguée que le 14 avril 2011 (loi n° 2011-392, relative à la garde à vue N° Lexbase : L5261IQW).

Et le Bâtonnier de rappeler que le barreau de Versailles a été l'un des précurseurs dans la mise en oeuvre de cette jurisprudence émancipatrice des libertés publiques puisque c'est ce même 15 avril 2011, exactement à 20h14, qu'un premier gardé à vue a pu bénéficier de la présence de son avocat à l'intérieur d'un commissariat yvelinois. Un premier bilan flatteur a donc pu être dressé puisque jusqu'à présent, 80 avocats volontaires ont assisté à 2 120 gardes à vue, ceci, toutefois, au prix d'une disponibilité des avocats de tous les instants, et malgré l'insuffisance des moyens alloués.

C'est après avoir souligné que les avocats du barreau du Versailles ont toujours exercé leur mission de défense des libertés sans compromission et dans un parfait respect de la loi que le Bâtonnier Fournier conclut sur ces mots "Nous faisons un beau métier ; défendons le". La standing ovation qui s'en est suivie était donc bien méritée et le Bâtonnier désigné, Olivier Fontibus, aura a coeur, n'en doutons pas, de reprendre ce prestigieux flambeau dès le mois de janvier 2012.

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Avocats/Responsabilité

[Chronique] Chronique de responsabilité de l'avocat - Octobre 2011

Lecture: 9 min

N8257BSM

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par David Bakouche, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Sud (Paris XI)

Le 24 Octobre 2014

Lexbase Hebdo - édition professions vous propose, cette semaine, la Chronique de responsabilité de l'avocat réalisée par David Bakouche, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Sud (Paris XI). Au sommaire de cette nouvelle chronique, l'auteur a choisi, en premier lieu, un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation, le 22 septembre 2011, qui énonce que l'avocat n'est pas tenu de surveiller les mesures de publicité susceptibles d'atteindre toute personne physique non commerçante faisant l'objet d'un redressement judiciaire personnel dont ses clients peuvent être créanciers (Cass. civ. 1, 22 septembre 2011, n° 10-23.503, F-P+B+I). En second lieu, l'auteur s'est arrêté sur une réponse ministérielle du 19 juillet 2011 qui précise que les dispositions relatives au contreseing de l'avocat ne sont applicables que si toutes les parties à l'acte sont représentées par un avocat (Rép. Min. n°107271, JO AN Q 19 juillet 2011, p. 7874).
  • L'avocat n'est pas tenu de surveiller les mesures de publicité susceptibles d'atteindre toute personne physique non commerçante faisant l'objet d'un redressement judiciaire personnel dont ses clients peuvent être créanciers (Cass. civ. 1, 22 septembre 2011, n° 10-23.503, F-P+B+I N° Lexbase : A9494HXW)

L'occasion était donnée, lors de notre dernière chronique dans le cadre de cette Revue, de revenir, à la faveur d'un arrêt de la cour d'appel de Paris du 21 juin 2011, sur la responsabilité encourue par l'avocat qui, chargé du recouvrement de la créance de son client, s'abstient de déclarer la créance au passif de la procédure collective du débiteur et commet, ainsi, une faute (1). Et l'on n'ignore pas, sous cet aspect, que la caractérisation du manquement de l'avocat à ses obligations suppose que le manquement s'inscrive dans l'accomplissement de la mission qui lui a été confiée et qui ressort de son mandat : il est, en effet, évident que la responsabilité de l'avocat ne peut valablement s'apprécier qu'au regard du mandat (2), les obligations de l'avocat dépendant, par hypothèse, de l'étendue du mandat qui lui a été donné (3). Mais, à vrai dire, même une fois déterminées la consistance et les limites de la mission acceptée par l'avocat, l'appréciation de la faute de celui-ci suscite, dans certaines hypothèses, des difficultés, comme en témoigne d'ailleurs un récent arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 22 septembre 2011, à paraître au Bulletin.

En l'espèce, un prêteur avait consenti, en 1986, deux prêts à des époux, l'un de 500 000 francs (environ 76 225 euros), l'autre de 1 000 000 de francs (environ 152 449 euros), ce dernier seul étant garanti par le cautionnement hypothécaire de la société civile particulière constituée par les époux emprunteurs. Ceux-ci n'ayant pas honoré leurs engagements, le prêteur a confié le recouvrement des sommes dues à un avocat qui a déclaré, en 1992, la créance de 1 000 000 de francs au passif de la société civile particulière. C'est dans ce contexte que les ayants droit du prêteur décédé ont recherché la responsabilité de l'avocat pour avoir omis fautivement, faisaient-ils valoir, de déclarer la créance de 500 000 francs au passif des époux, chacun d'eux ayant été l'objet d'une procédure de redressement ouverte en 1994. Et, en l'occurrence, ils reprochent aux premiers juges d'avoir rejeté leur action en responsabilité au motif qu'ils ne rapportaient pas la preuve de la faute professionnelle, alors, selon eux, que lorsqu'il est informé du placement en redressement judiciaire d'une société dont les débiteurs de son client sont les seuls associés, l'avocat chargé du recouvrement d'une créance doit, nonobstant le caractère hypothécaire de celle-ci, se tenir informé de l'éventuelle extension de cette procédure à ces derniers et informer le représentant des créanciers de la société de l'existence d'une créance contre les associés de celle-ci, ce qu'il n'avait précisément, en l'espèce, pas fait. La Cour de cassation approuve cependant les juges du fond et, pour rejeter le pourvoi, relève que "la cour d'appel a légalement justifié sa décision en constatant que les époux, n'ayant pas la qualité de commerçants et ne relevant donc pas de l'inscription au registre du commerce et des sociétés, avaient fait l'objet de redressements ouverts à leur requête plus d'un an après celui de la société civile particulière et après avoir retenu à bon droit que ne pouvait être exigée d'un avocat la surveillance des mesures de publicité susceptibles d'atteindre toute personne physique non commerçante dont ses clients peuvent être créanciers, en estimant que les [demandeurs] n'établissaient pas que [l'avocat] avait eu connaissance, en temps utile, du redressement judiciaire personnel des époux".

On sait bien que l'avocat, clairement mandaté pour recouvrer la créance de son client, manque à son devoir de prudence et de diligence et, ainsi, commet une faute en s'abstenant de déclarer la créance de son client au passif de son débiteur. La solution est bien connue : l'avocat doit s'assurer de l'existence et de la permanence de la créance principale de son client, si bien que, en s'en abstenant, il commet une faute dont il doit répondre des conséquences dommageables (4). Chargé par son client du recouvrement d'une créance, il commet en effet une faute en n'omettant de procéder à la déclaration de ladite créance au passif du débiteur puisque, ce faisant, il manque à son obligation d'accomplir, dans le respect des règles déontologiques, toutes les diligences utiles à la défense des intérêts de son client (5). Tout cela est parfaitement entendu. Mais la question ne se présentait pas exactement dans les mêmes termes en l'espèce, dans la mesure où, pour établir la faute de l'avocat, il aurait fallu que les demandeurs soient en mesure de rapporter la preuve du fait que l'avocat avait ou devait avoir connaissance du redressement judiciaire des époux à titre personnel, ce qui, alors, lui aurait effectivement permis de déclarer au passif de cette procédure la créance litigieuse. Or, contrairement à ce que soutenait le pourvoi, le redressement judiciaire d'une SCP n'implique pas nécessairement une extension de la procédure aux associés. Et les demandeurs ne démontraient en l'occurrence pas l'existence de circonstances particulières qui auraient rendu probable une telle extension. Au contraire, les magistrats avaient bien pris soin de relever que, au cas présent, les redressements judiciaires dont avaient fait l'objet les emprunteurs, personnes physiques n'ayant pas la qualité de commerçants et ne relevant donc pas de l'inscription au registre du commerce et des sociétés, avaient été ouverts à leur requête largement plus d'un an après le redressement judiciaire de la société. Par où l'on comprend bien que les circonstances de l'espèce justifiaient que la Cour de cassation approuve ici les juges du fond d'avoir considéré que ne pouvait être exigée d'un avocat la surveillance des mesures de publicité susceptibles d'atteindre toute personne physique non commerçante dont ses clients peuvent être créanciers, et ce pour la simple raison que, sauf à ce qu'il en soit par ailleurs informé, l'exigence d'une surveillance des mesures de publicité susceptibles d'atteindre tout personne physique non commerçante dont les clients d'un avocat peuvent être créanciers est, en fait, impossible.

  • Les dispositions relatives au contreseing de l'avocat ne sont applicables que si toutes les parties à l'acte sont représentées par un avocat (Rép. min. n°107271, JO AN Q 19 juillet 2011, p. 7874 N° Lexbase : L1948IRL)

Le lecteur de cette chronique se souvient peut-être qu'au printemps dernier, nous avions présenté la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées (N° Lexbase : L8851IPI), en ce qu'elle a inséré, après le chapitre Ier du titre II de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (N° Lexbase : L6343AGZ), un nouveau chapitre Ier bis, intitulé "Le contreseing de l'avocat" (6). Sans reprendre ici l'analyse qui avait été proposée de cette réforme, on rappellera tout de même que les apports du texte sont loin d'être négligeables : d'une part, en effet, la loi, conférant à l'acte d'avocat une force probante renforcée, introduit dans notre système juridique un nouveau type d'acte à mi-chemin entre l'acte sous seing privé ordinaire et l'acte authentique ; d'autre part, tirant la conséquence de la valeur reconnue à l'acte contresigné, elle dispense d'un certain formalisme légal ; et enfin le nouvel article 66-3-1, qui dispose que "en contresignant un acte sous seing privé, l'avocat atteste avoir éclairé pleinement la ou les parties qu'il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte", s'il n'emporte certes pas création d'un nouveau régime de responsabilité pour l'avocat contresignataire de l'acte, est tout de même sensé permettre aux parties conseillées par l'avocat de ne plus avoir à apporter la preuve que la rédaction retenue est celle suggérée ou acceptée par l'avocat. Aussi bien comprend-on que certains auteurs aient pu considérer que l'introduction en droit français de l'acte contresigné par l'avocat constituait un "puissant moyen de sécurisation des rapports juridiques, tant pour les personnes physiques que pour les entreprises" (7). Mais on conviendra, c'est une évidence, que pour qu'il en soit ainsi, encore faut-il que... les dispositions nouvelles soient effectivement applicables. Or, précisément, le ministre de la Justice et des Libertés, interrogé sur le champ de l'acte d'avocat, a, dans une réponse ministérielle du 19 juillet 2011, apporté une précision à la mise en oeuvre du texte qui pourrait bien conduire, si elle devait finalement en fixer l'interprétation, à une limitation pour le moins discutable du domaine du dispositif légal.

En effet, après avoir indiqué, ce qui ne saurait souffrir de discussion, "qu'il n'existe [...] aucune restriction quant au champ des actes 'contresignés, et qu'aucune' condition autre que l'exercice régulier de la profession d'avocat n'est exigée", le Garde des Sceaux a, de façon plus originale, fait valoir que les dispositions de la loi du 28 mars 2011, relatives à l'acte contresigné par l'avocat, "ne sont applicables que si toutes les parties à l'acte sont représentées par un avocat". Serait ainsi levé le doute suscité par la lettre des nouveaux articles 66-3-1 et 66-3-2 : alors, en effet, que le premier des deux textes, en énonçant que "l'avocat atteste avoir éclairé pleinement la ou les parties qu'il conseille", autorisait à penser que les deux parties n'étaient pas nécessairement représentées par l'avocat, le second, lui, en affirmant que "l'acte sous seing privé contresigné par les avocats de chacune des parties ou par l'avocat de toutes les parties fait pleine foi de l'écriture et de la signature de celles-ci tant à leur égard qu'à celui de leurs héritiers ou ayants cause", portait, au contraire, à croire que les deux parties à l'acte doivent être représentées. Avec la réponse ministérielle du 19 juillet 2011, il faudrait donc considérer que le contreseing de l'avocat ne se conçoit qu'à la condition qu'il ait été mandaté par toutes les parties à l'acte ou que le cocontractant de son client ait été lui aussi assisté ou représenté.

On pourra, à vrai dire, s'en étonner quelque peu, notamment si l'on examine la jurisprudence relative à la responsabilité de l'avocat rédacteur d'actes, dont on sait qu'il est tenu de prendre toutes dispositions utiles pour assurer la validité et l'efficacité de l'acte (8), d'apporter la diligence à se renseigner sur les éléments de droit et de fait qui commandent les actes qu'il prépare ou les avis qu'il doit fournir, et d'informer ses clients sur la portée de l'acte et sur la conduite à tenir (9). On laissera de côté ici l'idée selon laquelle, au titre de son devoir d'information et de conseil, l'avocat doit prendre en considération les mobiles des parties, fussent-ils extérieurs à l'acte, au moins lorsqu'il en a eu connaissance (10), étant entendu que la compétence personnelle du client ne supprime pas dans son principe le devoir d'information et de conseil du professionnel, pas plus d'ailleurs que la présence d'une personne compétente qui assisterait le client. Tout cela est parfaitement entendu. Mais ce sur quoi il faut surtout insister, c'est sur le fait que, toujours selon la jurisprudence, l'avocat doit, lorsqu'il est le seul rédacteur de l'acte, informer et conseiller toutes les parties à l'acte, quand bien même elles ne l'auraient pas toutes mandaté. La Cour de cassation a ainsi jugé que l'avocat, unique rédacteur d'un acte sous seing privé, est tenu de veiller à assurer l'équilibre de l'ensemble des intérêts en présence et de prendre l'initiative de conseiller les deux parties à la convention sur la portée des engagements souscrits de part et d'autre, peu important le fait que l'acte a été signé en son absence après avoir été établi à la demande d'un seul des contractants (11).

Reste à savoir si cette jurisprudence est réellement susceptible de se trouver ici remise en cause. Rien n'est moins sûr si l'on considère que les réponses ministérielles ne sont que de simples indications de la pratique des administrations ministérielles, bien fragiles puisque sujettes à contradiction par une décision de justice (12), en somme qu'elles n'ont pas, à en croire une réponse ministérielle du 3 juillet 1997, de "valeur juridique" (13). Mais les choses sont sans doute plus subtiles : comme on a pu, non sans ironie d'ailleurs, le dire, si les réponses ministérielles étaient effectivement dépourvues d'autorité, pourquoi faudrait-il suivre celles-ci dans ce qu'elles nous avouent, y compris sur leur prétendue absence de "valeur juridique" ? Peut-être sont-elles, contrairement à l'idée reçue, porteuses d'un "impressionnant potentiel normatif" (14). A suivre en tout cas...


(1) CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 21 juin 2011, n° 10/13806 (N° Lexbase : A1313HWK), et nos obs., L'avocat chargé du recouvrement de la créance de son client commet une faute en s'abstenant de déclarer la créance au passif de la procédure collective du débiteur, Lexbase Hebdo n° 91 du 29 septembre 2011 - édition professions (N° Lexbase : N7854BSP).
(2) Cass. civ. 1, 17 juin 2010, n° 09-15.697, F-P+B (N° Lexbase : A1017E33) ; voir encore, pour une illustration de la règle, CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 20 octobre 2009, n° 07/15062 (N° Lexbase : A9417EMQ), jugeant que "la faute consistant en un manquement au devoir de conseil et d'information ne peut s'apprécier qu'au regard du mandat". En l'espèce, des propriétaires et usufruitiers de vignes, endettés dans une exploitation familiale, avaient chargé un avocat fiscaliste, de procéder à une restructuration financière de leur groupe. Ce dernier leur a conseillé, après avoir poursuivi des démarches auprès de l'administration fiscale, afin de s'assurer de la validité du projet, de procéder à une cession temporaire de l'usufruit leur permettant, à terme, de maintenir l'unité d'exploitation du patrimoine familial, de retrouver, ainsi, sans frais, l'usufruit cédé, et de disposer d'un capital important. Mais, à la suite de cette opération de restructuration, les exploitants ont subi, en contrepartie d'un gain effectif, une très importante imposition. Ils ont, alors, recherché, devant le tribunal de grande instance, la responsabilité professionnelle du spécialiste, en raison de son manquement à son devoir de conseil et à son obligation de résultat du fait de son erreur d'appréciation dans la préparation de la restructuration ayant entraîné l'imposition litigieuse, alors que, selon eux, une solution plus intéressante financièrement existait. Les magistrats parisiens, pour écarter la responsabilité de l'avocat, ont considéré que sa mission, telle qu'elle ressortait du mandat qui lui avait été confié, ne consistait nullement dans la recherche d'un système évitant toute imposition du remboursement de la dette fiscale.
(3) CA Paris, 15 décembre 1998, Gaz. Pal., 1999, 2, Somm. p. 30.
(4) CA Paris, 1ère ch., sect. A, 5 février 2008, n° 06/18025 (N° Lexbase : A8050D4W).
Comp., pour une faute consistant dans le non renouvellement d'une inscription d'hypothèque judiciaire, Cass. civ. 1, 19 mai 1999, n° 96-20.332.
(5) Sur cette obligation, voir not. Cass. civ. 1, 14 mai 2009, n° 08-15.899, FS-P+B (N° Lexbase : A9822EGU), Bull. civ. I, n° 92 ; CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 21 juin 2011, n° 10/13806 (N° Lexbase : A1313HWK).
Comp., pour une faute consistant dans le fait, pour l'avocat, d'avoir omis, lors de la déclaration de créance de son client dans la procédure collective d'une société, d'en préciser la nature privilégiée, Cass. civ. 1, 29 novembre 2005, n° 02-13.550 (N° Lexbase : A8316DLL).
(6) Voir nos obs. L'introduction en droit français du contreseing de l'avocat par la loi n° 2011-331 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées, Lexbase Hebdo n° 77 du 26 mai 2011 - édition professions (N° Lexbase : N2914BSQ).
(7) Voir not. H. Letellier, L'acte d'avocat : c'est parti !, D., 2011, p. 1208.
(8) Cass. civ. 1, 5 février 1991, n° 89-13.528 (N° Lexbase : A4419AH7), Bull. civ. I, n° 46.
(9) Cass. civ. 1, 27 novembre 2008, n° 07-18.142, F-P+B sur la première branche (N° Lexbase : A4608EBB), Bull. civ. I, n° 267, jugeant que l'avocat, unique rédacteur d'un acte sous seing privé, est tenu de veiller à assurer l'équilibre de l'ensemble des intérêts en présence et de prendre l'initiative de conseiller les deux parties à la convention sur la portée des engagements souscrits de part et d'autre, peu important le fait que l'acte a été signé en son absence après avoir été établi à la demande d'un seul des contractants.
(10) Cass. civ. 1, 17 décembre 1991, n° 90-15.968 (N° Lexbase : A7994AHK), jugeant que "le notaire doit, en sa qualité de rédacteur d'acte, éclairer les parties sur sa portée et ses conséquences et prendre toutes les dispositions utiles pour en assurer l'efficacité, eu égard au but poursuivi par les parties" ; Cass. civ. 1, 12 décembre 1995, n° 93-21.076 (N° Lexbase : A2785CSX), décidant que "le notaire a le devoir d'éclairer les parties sur leurs droits et obligations et rechercher si les conditions requises pour l'efficacité de l'acte qu'il dresse sont réunies eu égard au but poursuivi par les parties".
(11) Cass. civ. 1, 25 février 2010, n° 09-11.591 (N° Lexbase : A4489ES3).
(12) JO Sénat, 28 août 1997, p. 2198.
(13) Sur la question, voir not. les obs. de R. Libchaber relatives à l'autorité des réponses ministérielles, RTDCiv., 1998, p. 216.
(14) Ibid.

newsid:428257

Avocats/Responsabilité

[Brèves] Conséquence du manquement de l'avocat à son obligation de conseil

Réf. : CA Nîmes, 6 septembre 2011, n° 10/01601 (N° Lexbase : A5822HXW)

Lecture: 1 min

N8313BSP

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Le 20 Octobre 2011

Aux termes d'un arrêt rendu le 6 septembre 2011, la cour d'appel de Nîmes revient sur la conséquence du manquement de l'avocat à son obligation de conseil (CA Nîmes, 6 septembre 2011, n° 10/01601 (N° Lexbase : A5822HXW). En l'espèce, dans le cadre d'un litige prud'homal il était reproché à l'avocat d'avoir manqué à son obligation de conseil concernant le délai d'envoi d'une lettre de licenciement. En effet, il résulte de la combinaison des articles L. 122-14-1 et L. 122-41 anciens du Code de travail (C. trav. art. L. 1332-2 N° Lexbase : L1864H9W et L. 1232-6 N° Lexbase : L1084H9Z, recod.) que la lettre de licenciement pour motif disciplinaire doit être notifiée au salarié dans le mois suivant le jour fixé par l'entretien préalable. Or en l'espèce l'avocat n'avait pas informé l'entreprise de ses obligations de délais, d'autant que le salarié concerné était en arrêt maladie. Pour s'exonérer de sa responsabilité l'avocat a soulevé la solution dégagée par la Cour de cassation dans un arrêt du 7 juin 2006 aux termes duquel l'employeur qui, informé de l'impossibilité pour le salarié de se présenter à l'entretien préalable à un licenciement pour motif disciplinaire, en reporte la date, voit le délai d'un mois imparti par le législateur pour lui notifier la sanction courir à compter de la date prévue pour ce nouvel entretien (Cass. soc., 7 juin 2006, n° 04-43.819, FS-P+B N° Lexbase : A9434DP4). En vain. Pour les juges nîmois, l'avocat est personnellement tenu à une obligation de conseil. Néanmoins, la responsabilité de ce dernier ne peut être retenue que si un lien de causalité est établi entre le manquement à cette obligation et le préjudice subi. Ce qui n'était pas le cas dans l'affaire soumise à la cour.

newsid:428313

Avocats/Statut social et fiscal

[Brèves] Cession de cabinet d'avocat et clause de non-concurrence

Réf. : Cass. civ. 1, 6 octobre 2011, n° 10-24.158, F-D (N° Lexbase : A6131HYQ)

Lecture: 1 min

N8294BSY

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Le 20 Octobre 2011

Aux termes d'un arrêt rendu le 6 octobre 2011 la Cour de cassation s'est prononcée sur la validité d'une clause de non-concurrence annexé à un acte de cession de fonds d'exercice libéral (Cass. civ. 1, 6 octobre 2011, n° 10-24.158, F-D N° Lexbase : A6131HYQ). En l'espèce, Me K., avocat, a cédé son fonds d'exercice libéral à la société X, par acte du 19 octobre 2007, contenant une stipulation selon laquelle le cédant s'interdisait toute forme d'exercice de la profession d'avocat qui viendrait en concurrence du cessionnaire, sans limitation de temps, ni de lieu, la seule forme d'exercice de la profession d'avocat que pourra continuer d'assurer le cédant devant être nécessairement au sein du cabinet du cessionnaire. Les parties en désaccord sur l'exécution de la cession ont soumis leur différend à l'arbitrage du Bâtonnier. Pour condamner Me K. au paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel de Paris retient que l'illicéité de la clause de non-concurrence soulevée par ce dernier est d'autant moins démontrée qu'il s'agit d'une cession pour départ à la retraite (CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 22 juin 2010, n° 08/20431N° Lexbase : A3192E4Y). L'arrêt sera censuré sur ce point au visa de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) et du principe de la liberté d'exercice de la profession d'avocat. En effet, en statuant ainsi, alors que seules sont licites les clauses de non-concurrence limitées dans le temps et l'espace, proportionnées à leur finalité, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

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Procédure civile

[Evénement] Médiation, Justice à part entière

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N8225BSG

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 20 Octobre 2011

C'est une formidable journée d'étude à laquelle les éditions juridiques Lexbase ont eu l'honneur d'apporter leur soutien et d'être conviées ; une journée d'étude organisée, vendredi 14 octobre 2011, dans un amphithéâtre de la Chambre de commerce et d'industrie et des services de la Moselle bondé, car nombreux, avocats, magistrats, médiateurs, universitaires, étudiants, étaient venus témoigner, expliquer et/ou mettre en perspective, avec leur activité professionnelle personnelle, cette technique de mode alternatif de règlement des conflits que constitue la médiation. Cette journée était organisée par l'Ordre des avocats au barreau de Metz, à l'initiative de son Bâtonnier, Maître Viviane Schmitzberger-Hoffer, et en partenariat avec le tribunal de grande instance de la cité. Notre édition professions vous en propose un compte-rendu partiel, mais qui reprend les grandes lignes développées tout au long de cette journée exceptionnelle. En effet, c'est forte de la conviction que la médiation constitue une justice moderne et à part entière, que Viviane Schmitzberger-Hoffer a entendu organiser cette journée travail. Et, cette journée d'étude est exceptionnelle à plusieurs titres : d'abord, dans sa genèse, la médiation est, en effet, une création prétorienne, bien qu'elle fut suivie de textes législatifs internes et d'une Directive en voie de transposition. Cette genèse a été accompagnée rapidement par les deux centres de médiation locaux (Metz médiation et le Centre de médiation interentreprises de Moselle - CMIM). Ensuite, cette journée est le fruit de la rencontre de deux volontés, celle du TGI et celle du barreau ; deux institutions qui ont fait le même constat : dans un ressort judiciaire, la mise en oeuvre de la médiation ne se décrète pas, elle se prépare avec les acteurs de la justice. D'où la constitution d'un groupe de travail pour mener une réflexion aboutissant à un projet global : la signature d'un protocole relatif à la médiation civile, le 6 septembre 2011, entre l'Ordre des avocats au barreau de Metz et le tribunal de grande instance de Metz ; et au colloque organisé ce 14 octobre 2011. Cette journée d'étude est, également, exceptionnelle, car elle ne constitue ni un aboutissement, ni un point de départ ; il s'agit là d'une dynamique réunissant un public dépassant le monde judiciaire (entreprises, journalistes, justiciables de tous bords, etc.) pour développer et mieux comprendre la médiation. Et, dans sa prolongation, une émission de radio locale, l'instauration d'un café juridique sur les outils de résolution des litiges, et l'invitation par l'Université de Metz de Jacqueline Nolan-Haley, spécialiste new-yorkaise de la médiation, sont également en préparation.

En cette période de crispation, d'indignation, il est urgent d'apaiser, de résoudre et de retrouver l'harmonie ; c'est pourquoi la médiation est une oeuvre intégrante de justice, le juge ayant un rôle inhérent de pacificateur social.

Et, c'est parce que la médiation concilie la liberté, la responsabilité et la sécurité, qu'elle constitue une composante de la justice à part entière, fondée sur une relation "gagnant-gagnant", pour chacune des parties, où l'erreur serait d'oublier la vérité de l'autre. La médiation s'inscrit, donc, dans une perspective constructive et profitable à tous, dont le seul obstacle réel est le manque de lisibilité.

Ainsi, émerge un concept moderne, une justice qui observe, facilite la négociation et ménage le futur, en préservant le tissu social, pour paraphraser le Président Guy Canivet.

Pour, Bernard Keime-Robert-Houdin, Président du tribunal de grande instance de Metz, c'est partant d'une société du tout judiciaire, mais dont les décisions des juges sont contestées et parfois non exécutées, remettant en cause la légitimité même du juge, que la médiation s'impose. Elle constitue une aptitude à répondre au besoin de justice, favorisant sa crédibilité ; car la seule fonction de dire le droit ne suffit plus. Il y a une véritable demande de pacification sociale, un arbitrage en quelque sorte, où chacun n'a ni tort ni raison. La loi de 1792 dispose qu'"il vaut mieux s'entendre que de plaider" ; c'est dire que le juge n'est pas le plus à même de faire oeuvre de justice ; et il convient parfois de préférer la balance au glaive.

Historiquement, la médiation naît plus particulièrement dans la résolution des conflits collectifs du travail, mais plusieurs rapports (les rapports "Magendie" et "Guinchard"), et la Directive du 21 février 2008 (Directive 2008/52/CE N° Lexbase : L8976H3T), notamment pour la matière transfrontalière, témoignent d'une extension de son champ d'application.

Il appartient, dès lors, aux acteurs juridiques de choisir la meilleure voie de règlement du conflit qui se présente devant eux. "Il faut que ceux qui ont des griefs les uns contre les autres commencent à trouver leurs voisins, leurs amis, aussi bien que ceux qui sont au courant des actes sur lesquels porte la contestation : qu'ils aillent vers les tribunaux dans le cas seulement où d'aventure on n'aura pas reçu de ces gens-là une décision qui règle convenablement le différend", écrivait Platon dans Les Lois (VI, 767)....

Paul Arker, Président de la Chambre de commerce et d'industrie de région Lorraine, a, pour sa part, rappelé qu'il est dans la mission des CCI de soutenir l'activité économique à travers la création, le développement, l'innovation, l'exportation. Et, à ce titre, le partenariat avec l'ODA, pour aiguiller les chefs d'entreprises et les entreprises elles-mêmes dans leur environnement juridique et leur activité, est des plus naturels. Par ailleurs, la médiation est loin d'être méconnue par la CCI, qui, grâce au CMIM, promeut la médiation inter-entreprises, parce qu'il s'agit d'une justice rapide, souple, confidentielle, et à moindre coût.

Enfin, Roger Cayzelle, Président du Conseil économique et social et environnemental de Lorraine, rappelait que le Conseil qu'il préside est un lieu de médiation permanente, compte tenu de la diversité des personnes y siégeant ; et qu'il s'agit pour lui d'éviter le combat, sans obtenir de consensus mou. En outre, la médiation est un sujet important localement, pour le développement démocratique et économique, car face à une "Lorraine grise", il s'agit de redessiner une région dynamique dont les éléments de l'attractivité sont certes la créativité, mais également le comportement, aussi important que les infrastructures. Les éléments de la modernité sont nécessairement afférents à l'égalité homme/femme, au développement de l'emploi féminin, à la culture, à la tolérance, à la diversité, et au vivre ensemble. Et, dans cette société moderne, société de conflits, de tensions, la capacité de gérer ces conflits, notamment par la médiation, est un atout pour la justice, la démocratie, mais aussi pour le territoire.

I - Le cadre général de la médiation

A - La médiation : pourquoi et pourquoi pas ?

Avec cette question, Madame le Bâtonnier cherchait à comprendre ce qui, sociologiquement, conduisait les parties à accepter ou non le principe de la médiation.

C'est à cette question que Philippe Milburn, Professeur de sociologie à l'Université de Versailles Saint-Quentin, était invité à répondre, au regard de ses recherches sur la médiation, réalisées fin des années 1990, début des années 2000, à Metz. Et, le sociologue de souligner que, si, aujourd'hui, il y a un regain d'intérêt pour la médiation de la part de l'Union européenne, si le besoin de médiation s'exprime de plus en plus, il y a 10 ans, la médiation ordonnée était plutôt mal vue. La médiation était une droit imposé, et peu développé dans le droit disponible (médiation conventionnelle) ; alors que, aujourd'hui, c'est plutôt l'inverse.

Il est difficile de donner une définition de la médiation, car beaucoup d'activités différentes s'autoproclament comme telle ; finalement, on peut retenir qu'il s'agit d'un mode alternatif de règlement des conflits, étant entendu que cette notion de conflits diffère des terminologies proches que sont les litiges et les contentieux.

La médiation doit être, également, distinguée de la conciliation, bien que la frontière soit, parfois, ténue.

Alors, comme mode alternatif de règlement des conflits, la médiation peut-elle se faire en articulation avec l'institution judiciaire, sans être "dans le judiciaire" ? Une médiation est-elle possible si elle est imposée ?

Pour le sociologue, la médiation fait passer le conflit du contentieux à la résolution amiable ; mais, la médiation n'est pas l'arbitrage. Il faut que les parties arrivent, elles-mêmes, à un accord ; c'est là toute l'originalité de la démarche. On passe de l'application de la norme juridique par une institution judiciaire à celle de valeurs ordinaires. Même le juge de paix ou le conciliateur se réfère à la norme juridique, alors que le médiateur travaille sur la base de valeurs sociales. C'est là l'une des complexités de la médiation : il s'agit de passer de l'axiologie institutionnelle à l'axiologie sociétale ; opposant un système procédural judiciaire à l'alternatif amiable sans procédure, mais sous le sceau protocolaire.

La procédure judiciaire a ses propres modes de sanctions ; mais, rien ne sanctionne le protocole de médiation, à l'exception du résultat lui-même. Si la médiation n'aboutit pas, si les parties n'y adhèrent pas, alors là est la sanction sociale et non judiciaire de la médiation. On change, ainsi, de monde dans les rapports sociaux et les rapports "mentaux", car le protocole existe essentiellement dans l'action.

En revanche, la médiation respecte inexorablement trois phases : l'entrée en médiation, le déroulement de la médiation, et l'issue de la médiation donnant lieu à un protocole.

L'entrée en médiation suppose que les deux parties acceptent le principe même de la médiation, alors que la majorité des gens en conflit demande un arbitrage. Et, du degré d'acceptation ab initio de la médiation dépend le taux d'échec ou de réussite de ce mode alternatif de règlement des conflits. Le médiateur doit comprendre alors le conflit, qui revêt bien souvent deux dimensions (un conflit d'intérêts et /ou un conflit de valeurs) sachant que, en général, les deux dimensions y sont mêlées ; derrière les personnes morales, il y a des personnes physiques avec leurs passions, leurs caractères. L'entrée en médiation doit marquer la réappropriation du conflit par les parties ; il s'agit pour le médiateur de convaincre de l'opportunité, de l'avantage en temps, en argent et d'un point de vue moral, de la médiation. La médiation volontaire est un idéal, le plus souvent elle est acceptée, sur mandat du juge ou autre. Mais, on n'ordonne pas une médiation comme on ordonne une expertise ; le juge doit faire comprendre aux personnes leur intérêt : que la meilleure décision possible, c'est celle qu'ils prendront ensemble. Par suite, la phase de déroulement de la médiation tache d'épuiser le conflit et non de le trancher. Il s'agit de tout se dire pour trouver une solution. Enfin, l'accord est, le plus souvent, formalisé par un protocole signé par les parties, mais quid de sa force juridique ? En fait, l'accord repose sur la confiance mutuelle, plus qu'il ne constitue un contrat.

A la question : pourquoi refuser la médiation, le sociologue y voit, alors, simplement le fait que chaque conflit est singulier et qu'il est difficile de savoir, à partir d'un dossier, si telle ou telle affaire est susceptible d'être réglée par la médiation. La position des juges semble ainsi différer, selon qu'il est aux affaires familiales, qu'il juge en matière commerciale, ou au prud'hommes... Il doit sonder ce que les gens investissent dans le conflit, mais cela ne relève pas d'une formation à l'ENM.

B - Aspects juridiques de la médiation

Jean-Pierre Ancel, Président de chambre honoraire à la Cour de cassation, insistait sur le fait que la médiation consiste à ne pas faire de droit. La médiation est certes conventionnelle (à l'image de l'arbitrage) ou judiciaire (cf. la loi n° 95-125 du 8 février 1995 N° Lexbase : L1139ATD et le décret n° 96-652 du 22 juillet 1996 N° Lexbase : L1139ATD), mais la Cour de cassation rappelle bien que la désignation d'un médiateur est une mesure d'administration judiciaire non susceptible d'appel, ni de pourvoi en cassation (Cass. civ. 1, 7 décembre 2005, n° 02-15.418, FS-P+B+I+R N° Lexbase : A9087DL7).

C'est la cour d'appel de Paris, à l'initiative de Pierre Bellet, alors président honoraire de la Cour de cassation et de Pierre Drai, alors premier Président de la cour d'appel de Paris, qui a, en premier lieu, élaboré ce mode alternatif de règlement des conflits, dans les années 1980, à l'occasion d'une affaire de succession complexe, dont la solution ne pouvait pas être judiciaire. Et, à la suite d'une médiation, les parties avaient signé un accord et réglé leur conflit.

Ce faisant, le juge n'est plus seulement celui qui tranche. Reprenant la classification du doyen Carbonnier : au juge archaïque qui intercède auprès des divinités et au juge charismatique dont l'aura va jouer pour trancher le litige, succède le juge moderne qui mémorise et rationalise. Et, c'est à cet office de pacification sociale que répondent aujourd'hui les modes alternatifs de règlement des conflits, dont la médiation.

C'est donc aux articles 131-1 (N° Lexbase : L1435H4W) et suivants du Code de procédure civile que résident la matière. On y rappelle la nécessité d'un accord des parties sur le principe de médiation ; celle de recourir à un tiers qui entend trouver avec les parties une solution amiable. A noter qu'une médiation partielle est possible, selon la nature du litige ; la médiation ne dessaisit pas le juge, bien au contraire, c'est lui qui désigne une personne physique ou une association (comme le centre d'arbitrage et de médiation de Paris, par exemple) pour organiser la médiation. Le médiateur désigné notifie, alors, par écrit au juge que les parties sont d'accord ou non sur le principe de médiation ; et s'il y a entente, le juge peut homologuer et rendre force exécutoire au protocole.

La médiation doit se distinguer, dès lors, de la conciliation ; le médiateur ne propose pas de solution. La fonction du médiateur est une fonction "d'accoucheur", procédant par maïeutique ; il n'est pas arbitre, il ne tranche rien :

  • "il s'agit donc d'un tiers" -on se situe ailleurs, on modifie le temps et l'espace du procès- ; le médiateur prend son temps (3 mois renouvelable) ; le temps de "décanter" le litige ;
  • "qui entend les parties" ; la fonction d'écoute est importante, car la première chose que les parties veulent faire, c'est tout dire, dans un cadre confidentiel ;
  • "qui confronte les points de vue" ; le médiateur a une fonction d'analyse ; et il provoque une analyse plus fine, en reformulant chaque position, chaque proposition pour favoriser la maturation des données litigieuses ;
  • "qui aide les parties à mettre au point des solutions" ; c'est là que la différence avec la conciliation est ténue ; en théorie le médiateur ne s'implique pas ; mais, dans la réalité, c'est plus subtil. Pour aider les parties, il doit être présent, faire le point des discussions en cours, établir par écrit confidentiel des points de situation ; et il incite les parties à réfléchir sur tel ou tel point en particulier.

Au final, le médiateur participe à la fonction de pacification avec ou sans le juge... Et, l'on remarque alors que, plus le juge s'éloigne, mieux se porte la justice.

Demeure, alors, la question de l'accord qui se heurterait au droit. Dès lors, le juge ne peut pas donner sa caution, surtout pour les dispositions du protocole contraires à l'ordre public, souligne Philippe Milburn. Aussi, dans ce cas, quid de l'intérêt de la médiation ? C'est tout le problème de la médiation que de s'affranchir des normes juridiques, alors que, pour autant, elles en constituent l'horizon. C'est pourquoi, avec le concours des avocats, le médiateur doit dire aux parties si les solutions envisagées sont contraires à la loi et pourraient poser problème quant à leur homologation par le juge. Le renoncement à une pension alimentaire est, ainsi, impossible à être homologuée, même si la partie supposée débitrice n'a pas les moyens réels de la verser.

On notera, enfin, que la frontière est ténue entre le juge et le médiateur : le juge est, déjà, un médiateur en ce qu'il juge ultra petita, en ce que l'objet du litige est circonscrit à ce que les parties demandent, et même si la décision du juge est aberrante, mais conforme au souhait commun des parties, sans appel, la part prégnante de la volonté des parties s'impose dans l'activité judiciaire. En revanche, la règle ultra petita n'est pas applicable au médiateur ; et c'est justement parce que le débat n'est pas circonscrit et la médiation est globale, que le taux de réussite (80 %) est aussi important. Cette réussite est garantie par le fait de faire entrer d'autres questions dans la médiation que celles invocables devant le juge. Pour d'aucuns, il serait donc naturel que le système judiciaire bascule dans la médiation.

C - La mise en place de la médiation judiciaire : aspects pratiques

Danièle Ganancia, vice-Présidente au tribunal de grande instance de Paris, a témoigné de sa riche expérience en matière de médiation, rappelant d'abord que, selon une étude de l'Union européenne, 90 % des personnes ayant participé à une médiation l'ont estimée utile.

Mais, la magistrate rappelle que la médiation ne peut plus reposer sur l'initiative de quelques juges dans les juridictions, sinon elle disparaîtra. Il faut l'institutionnaliser, avec des structures d'organisation, de repérage, et de traitement des affaires susceptibles de médiation. Il est nécessaire d'instaurer une politique concertée, avec une impulsion de la hiérarchie, par une action de sensibilisation (coopération des barreaux, des juges, des greffiers et des médiateurs). En Grande-Bretagne, le juge peut même sanctionner la partie qui refuse la médiation "de façon déraisonnable", même si elle gagne son procès ; le juge lui refuse, notamment, l'équivalent de l'application de l'article 700 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6906H7W), voire le condamne à payer une partie des frais engagés par la partie adverse.

Aujourd'hui, selon le texte de la loi, le juge "peut" recourir à la médiation ; or, le juge veut favoriser la paix sociale. Aussi, c'est l'acceptation et l'exécution de la décision justice qui constituent l'animus même de la médiation. Selon Paul Ricoeur, si la finalité courte de la justice, c'est de trancher le litige, sa finalité longue, c'est la préservation du tissu social. Il faut un minimum d'ouverture d'esprit à l'autre (notamment pour les affaires familiales) pour éviter le conflit qui peut revêtir un caractère identitaire pour les parties.

A Paris, les juges sélectionnent, donc, les affaires sujettes à médiation. Lorsque l'issue du procès est aléatoire (procédure longue et coûteuse), là où il y a un conflit et des relations interpersonnelles à préserver, là où les enjeux sont relationnels, affectifs, la médiation est pertinente. Mais, le juge peut, également, se faire suggérer la médiation par l'avocat d'une des parties. Et, Olivier Cachard, agrégé des Facultés de droit et Professeur à l'Université de Lorraine, évoquait, alors, une grille multifactorielle, à l'exemple du système américain, selon laquelle la médiation interviendrait, notamment, lorsque le litige est singulier, unique ; un litige à multiple répliques pour l'une des parties (ex. un litige dans un réseau de distribution) peut favoriser un mode judiciaire de règlement du conflit afin de servir de précédent aux autres membres du réseau en cause.

Concernant la médiation familiale, le conflit est, essentiellement, émotionnel et la justice judiciaire n'est pas toujours la bonne voie, si bien qu'il peut paraître légitime de proposer que tous les litiges afférents aux affaires familiales suivent la voie préalable de la médiation. Tel n'est pas encore le cas actuellement, même si des progrès notables ont pu être constatés en quatre ans, à Paris.

En janvier 2007, le tribunal de grande instance instaurait, ainsi, une permanence d'information d'une demie journée par semaine, pendant les audiences. Puis, en novembre 2008, le TGI a décidé de mettre en place la double convocation systématique, avec trois cabinets pilotes qui adressaient une convocation à l'audience, un mois et demie après avoir adressé une convocation à la médiation. Enfin, en 2010, la permanence d'information est devenue quotidienne ; chaque juge sélectionnait trois affaires par semaine, sujettes à la médiation. Ils établissaient, avec les médiateurs ou les associations de médiations, des fiches de liaison et faisaient le point sur l'acceptation ou non du principe de ce mode alternatif de règlement des conflits. Cette systématisation, très large, a conduit à ce que toutes les parties, peu ou prou, connaissent désormais l'intérêt de la médiation. Depuis mai 2011, la convocation est systématique, il n'y a plus de sélection. Les permanences se font sur les sites des associations de médiation, de manière collective, assurant ainsi l'anonymat de l'information pour les parties.

Le résultat est assez positif, le nombre de médiation a considérablement augmenté. On regrettera tout de même que seul 1/6ème des affaires présentées devant le juge des affaires familiales de Paris donnent lieu à médiation. Alors, pourquoi y a-t-il si peu de médiation, à la suite de ce dispositif, et ce malgré une progression de 20 à 25 % ? C'est que, si le nombre de médiation volontaire progresse, celui des médiations ordonnées reste stable ; il y a un hiatus entre les parties qui disent être favorables à la médiation, mais qui, devant le juge, change d'avis. Danièle Ganancia estime même que le juge est victime de sa rapidité (deux mois en moyenne pour traiter une affaire familiale à Paris) ; aussi, certaines parties préfèrent attendre l'arbitrage du juge. En outre, le faible nombre des médiations à Paris s'explique, également, par le fait que les juges n'utilisent que 20 % des créneaux horaires qui leur sont disponibles pour la médiation, compte tenu de la masse de travail et des attributions qu'ils ont par ailleurs.

En matière de médiation civile, les juges parisiens invitent les parties et les avocats à s'informer sur la médiation, préalablement à l'engagement de la procédure, ou au tout début de la mise en état, dès la constitution d'un défendeur. Mais, à tout stade, la médiation peut être opportune, même en appel.

Chaque chambre évalue ses besoins en médiation (en matière de succession, de contrats et responsabilité, de construction, en droit bancaire ou en matière de liquidation). Tous les médiateurs (avocats, chefs entreprises, experts) sont formés, et collaborent avec les quatre associations nationales de médiation. Le médiateur établit, là encore, une fiche de liaison qui indique si les parties sont venues à la médiation, si les avocats étaient présents, etc.. A noter que les associations ont harmonisé les tarifs et les provisions pour médiation.

Au plan qualitatif, le bilan de la médiation à Paris est positif ; la culture de la médiation se développe. La norme, c'est la négociation préalable à l'intervention judiciaire. Plus de 50 % des parties viennent à la médiation avec leurs avocats et, dans 75 % des cas, elles sont favorables à la médiation et en acceptent le principe.

Il reste que, outre un encouragement clair au recours à la médiation par la hiérarchie judiciaire, et la prise en compte de l'investissement des magistrats qui suivent les médiations ordonnées dans leur système de notation et de rémunération, il faudrait que les juges (comme les avocats) soient obligatoirement formés à la médiation.

Et, la magistrate de Paris de citer Goethe : "les utopies d'aujourd'hui sont la réalité de demain".

II - La médiation vue par ses acteurs

Lorsque l'on parle des acteurs de la médiation, Olivier Cachard les distingue, bien entendu, des comédiens, mais se demande s'ils sont des acteurs du marché. Les médiateurs travaillent sur des valeurs marchandes et non marchandes ; et, ils font face à des problèmes d'éthique qui transcendent la médiation. Ce rôle éthique se vérifie par rapport au marché :

  • la médiation est administrée, le plus souvent, par des associations, des centres de médiation sans but lucratif ;
  • le médiateur, dans l'optique française, met au service des parties son talent, sa formation, au service de sa mission ; la médiation n'est pas un métier, bien qu'elle fasse appel à des compétences professionnelles et qu'elle nécessite une formation ad hoc. Les missions du médiateur doivent rester ponctuelles ;
  • enfin, le médié attend du médiateur qu'il soit un acteur intègre et indépendant du marché.

A - Le témoignage d'un médiateur en matière familiale

Agnès Dalbin est certes une avocate reconnue en droit de la famille, mais elle est également médiatrice. Elle remarque que le traitement judiciaire du divorce n'est pas satisfaisant et que seuls les parents sont véritablement garants de l'intérêt de leurs enfants.

La médiation familiale intervient dans un moment douloureux ; plus c'est conflictuel, plus c'est problématique pour les enfants. La procédure judiciaire n'est, alors, pas adaptée à la souffrance de ces enfants victimes du divorce de leurs parents ; le palais de justice n'est pas un lieu d'écoute de leur souffrance.

Les parents sont les dépositaires de l'intérêt et de la sauvegarde de leurs enfants ; mais à l'heure de la séparation, c'est une soif de rancoeur, une soif de justice qui étreint. Le combat judiciaire tient à définir le coupable de la séparation ; et l'enfant-témoin doit dire au juge avec lequel de ses parents il préfère vivre. Or, demander à un enfant de choisir un de ses deux parents constitue pour lui une souffrance traumatique, que la procédure judiciaire ne prend pas en compte.

Le Code civil définit l'autorité parentale comme un ensemble de droits et de devoirs des parents. Et, c'est au juge de prendre la mesure de l'effectivité du lien de l'enfant avec chacun des parents. Il prend en compte la pratique antérieure, le sentiment de l'enfant, l'aptitude de chacun des parents à s'occuper des enfants, les expertises et les enquêtes sociales, pour effectuer son choix. Or, l'aptitude de chacun des parents à s'occuper des enfants est, le plus souvent, occultée. La résidence alternée n'est pas, en fait, le principe ; il suffit d'invoquer, pour l'écarter, l'âge de l'enfant et le manque de communication entre les parents.

La médiation peut, dès lors, constituer une solution, un remède aux 43 % de pensions alimentaires non payées, aux 3/5ème des divorces repassant devant le juge aux affaires familiales, deux ou trois ans après leur prononcé, et au fait qu'un enfant sur deux regrette de ne pas avoir bénéficié d'une garde alternée.

La médiation permet, justement, de mettre au coeur de la négociation le ressenti de l'enfant, sa souffrance, en évitant le syndrome d'aliénation parentale grâce à l'écoute neutre des enfants. La médiation est le lieu d'écoute par excellence, dont la confidentialité et la neutralité constituent les atouts essentiels. Et, la médiatrice de citer l'exemple de cet agriculteur qui, si avant le divorce, il ne voyait pas comment organiser sa vie pour mettre en place une garde alternée de ses enfants, a choisi d'engager un métayer pour l'aider dans le cadre de son exploitation et lui permettre de s'occuper de ses enfants, à l'issue d'une médiation. La manière dont chacun des parents s'occupe des enfants avant la séparation ne gage pas les solutions qui peuvent être trouvées à l'issue d'une médiation.

Une fois l'accord entre les parties entériné, la médiatrice propose que le protocole soit rédigé par les avocats, ou à défaut par le médiateur, mais que le document qui reprend les modalités de l'accord soit signé obligatoirement devant un avocat, pour homologation par le juge si les parties le souhaitent.

La reprise d'un dialogue est le seul gage de réussite de la médiation et non l'homologation par le juge.

B - Le témoignage d'un médiateur en matière commerciale

Patrick Allain, médiateur, a, quant à lui, exposé une affaire dans laquelle il est intervenu, et qui permet de déterminer les points clés d'une médiation en matière commerciale.

Le litige opposait deux PME. L'une fabriquait des pièces mécaniques pour de gros donneurs d'ordre ; et elle avait confié à l'autre entreprise l'installation d'un poste de fabrication. Toutefois, elle n'était pas satisfaite de la prestation et le prestataire refusait d'intervenir pour satisfaire aux exigences de son client. L'investissement initial avoisinant 1,5 million d'euros, l'affaire mettait en péril les deux entreprises. Elles ont, alors, accepté une médiation conventionnelle.

Le calendrier général de la médiation s'est déroulé sur près de deux mois ; une rapidité de la médiation due à des réunions préparatoires qui ont permis de faire connaissance du dossier, d'expliquer ce qu'est la médiation, et quels sont ses avantages par rapport à une procédure judiciaire (notamment, le fait que les parties demeurent maîtres de la solution, chaque partie choisissant la solution malgré leurs concessions), d'expliquer le rôle de chacun et que chacun est libre, au final, de partir de la réunion et de mettre un terme à la médiation. Mais, attention : plus les parties parlent lors de la réunion préparatoire, moins elles souhaitent parler lors de la réunion de médiation.

L'avocat, dans le cadre de la médiation, n'intervient pas directement ; mais, il conseille et met en garde son client contre des pistes de solution dangereuses pour lui.

Par suite, le médiateur liste les différents aspects du problème à débattre, pour épuiser le litige. Et, il commence la négociation pour que les parties trouvent les solutions au conflit.

La réunion de médiation, dans la présente affaire, a duré 4 heures : les chefs d'entreprise ont eu le temps qu'il faut pour tout dire ; chacun a parlé pour lui, avec interdiction d'insulter l'autre. Le médiateur a alors reformulé les positions de chacune des parties, insisté sur les points qui constituent une ouverture, une reconnaissance d'erreur. L'ensemble des éléments factuels sur la table, le médiateur a listé une série de problèmes à traiter, ainsi que les solutions possibles. En l'espèce, le problème essentiel était afférent à l'extension de garantie que pouvait accorder le prestataire. Et, à la suite d'une interruption de la réunion, et d'une entrevue avec son conseil, le prestataire a accordé cette extension suivant des conditions que le maître d'oeuvre a finalement acceptées.

Cet exemple montre l'importance de la phase préparatoire dans la médiation, pour créer un climat de confiance. Le médiateur n'a aucune autorité, donc il doit construire la confiance. Il doit rassurer les parties sur les rôles de chacun, notamment le rôle de l'avocat. Dans cette affaire, ce sont les avocats qui ont amené les parties à trouver un accord, ils furent les auxiliaires précieux qui ont calmé et rassuré les parties sur la technique de règlement du conflit que constituait la médiation.

Et, le médiateur d'insister sur le fait qu'il faille laisser du temps aux parties pour assimiler l'idée de la médiation et cheminer d'une phase contentieuse à une phase de règlement : 5 heures de médiation ont été nécessaires pour régler une affaire en suspend durant un an.

newsid:428225

Procédure civile

[Brèves] Conséquences de l'irrégularité de la notification du jugement prononcé sur les conditions de saisine de la cour d'appel

Réf. : Ass. plén., 7 octobre 2011, n° 10-30.191, P+B+R+I (N° Lexbase : A7188HYU)

Lecture: 1 min

N8301BSA

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Le 20 Octobre 2011

Aux termes de l'article 528-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6677H7G), "si le jugement n'a pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, la partie qui a comparu n'est plus recevable à exercer un recours à titre principal après l'expiration dudit délai". Par un arrêt rendu le 7 octobre 2011, l'Assemblée plénière a été amenée à préciser qu'une lettre recommandée adressée par le greffe constitue la notification prévue par ce texte, peu important que celle-ci soit entachée d'une irrégularité (Ass. plén., 7 octobre 2011, n° 10-30.191, P+B+R+I N° Lexbase : A7188HYU ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E7442ETS). En l'espèce, selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation (Cass. civ. 2, 21 février 2008, n° 06-14.726, F-D N° Lexbase : A0484D73), Mme X, épouse Y, et M. Y avaient interjeté respectivement appel principal et appel incident d'un jugement prononçant à leur égard l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire. Pour déclarer l'appel irrecevable, la cour d'appel de Bordeaux (CA Bordeaux, 1ère ch., sect. A, 17 novembre 2009, n° 08/01478 N° Lexbase : A5251EUZ) avait retenu que la lettre recommandée adressée par le greffe du tribunal à M. et Mme Y pour leur notifier le jugement, qui avait été retournée à son expéditeur pour correction de l'identité de son destinataire, ne constituait pas une notification au sens de l'article 665 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6822H7S) et qu'il n'était pas établi que le jugement leur avait été notifié dans les deux ans de son prononcé. La décision est censurée par l'Assemblée plénière après avoir énoncé le principe précité.

newsid:428301

Procédure pénale

[Brèves] Mise en oeuvre, à titre expérimental, des dispositions relatives à la participation de citoyens assesseurs aux audiences de certaines juridictions pénales

Réf. : Décret n° 2011-1271 du 12 octobre 2011 relatif à la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale (N° Lexbase : L1805IRB) ; arrêté du 12 octobre 2011 relatif à l'expérimentation de ces dispositions dans certaines juridictions (N° Lexbase : L1802IR8)

Lecture: 2 min

N8302BSB

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Le 20 Octobre 2011

A été publié au Journal officiel du 13 octobre 2011, le décret n° 2011-1271 du 12 octobre 2011, relatif à la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale (N° Lexbase : L1805IRB). Pris pour l'application des articles 3 et 14 de la loi n° 2011-939 du 10 août 2011, sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs (N° Lexbase : L9731IQH), ce décret détermine les modalités pratiques de mise en oeuvre des dispositions de la loi qui prévoient que des citoyens assesseurs désignés sur une liste annuelle établie à partir d'un tirage au sort des personnes inscrites sur les listes électorales composeront, pour certains contentieux, les juridictions correctionnelles de jugement et les juridictions de l'application des peines. L'article 1er du décret précise, ainsi, le contenu du recueil d'informations qui devra être adressé par les maires aux personnes tirées au sort et qu'elles devront retourner afin d'être, le cas échéant, désignées sur la liste annuelle des citoyens assesseurs. Cette désignation sera faite par la commission départementale actuellement compétente pour établir la liste des jurés des cours d'assises, qui est composée de cinq magistrats, de cinq conseillers généraux et d'un avocat. Le président de la commission pourra faire procéder à des vérifications par les services de police ou de gendarmerie. Ses membres seront soumis au secret professionnel et ne pourront révéler à des tiers les informations qu'ils auront recueillies. Deux citoyens assesseurs titulaires et au moins deux suppléants seront désignés pour chacune des audiences, au maximum dix, auxquelles ces personnes, en application des dispositions législatives, devront participer au cours de l'année. Le décret précise, enfin, que les citoyens assesseurs feront, avant d'exercer leurs fonctions, l'objet d'une formation d'une journée sur le fonctionnement de la justice pénale et le rôle qu'ils devront exercer, délivrée par des magistrats du siège et du parquet et un avocat, en indiquant que cette formation comportera, en outre, la visite d'un établissement pénitentiaire. L'article 2 du décret fixe l'indemnisation des citoyens assesseurs, qui sera similaire à celle prévue pour les jurés de cour d'assises. Les dispositions du décret s'appliqueront à compter du 1er janvier 2012, à titre expérimental, dans les juridictions des ressorts des cours d'appel désignées par un arrêté du Garde des Sceaux publié le même jour (arrêté du 12 octobre 2011, relatif à l'expérimentation dans certaines juridictions des dispositions prévoyant la participation de citoyens assesseurs au fonctionnement de la justice pénale N° Lexbase : L1802IR8). A cette fin, le décret précise le calendrier des opérations qui devront être effectuées au cours du dernier trimestre de l'année 2011.

newsid:428302