Réf. : Cass. crim., 24 juillet 2019, n° 19-83.412, F-P+B+I (N° Lexbase : A9574ZKS)
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par Frederick Dupuis, Avocat au Barreau de Toulouse et Docteur en droit
Le 02 Octobre 2019
Mots-clés : Convocation • Avocat • Courriel• Mail • Preuve de réception
Résumé : La convocation de l’avocat du prévenu à une audience correctionnelle portant sur une demande de mise en liberté peut se faire par simple courriel sans justificatif de réception.
Une dématérialisation confortée - Les dernières réformes en procédure, tant civile que pénale, s’échinent vers la simplification, selon les dires du législateur, visant à faciliter le déroulement des audiences, leur célérité, l’accès à la Justice, mais aussi à désengorger les juridictions. Il est vrai que ces dernières croulent sous des obligations administratives qui n’aident aucunement le développement durable, et qu’il est enfin temps de faire preuve d’écologie dans nos tribunaux. Pour autant, la simplification à outrance fait perdre de vue certains objectifs et la Cour de cassation vient à nouveau conforter le désintérêt des droits de la défense au profit de la facilité pour les modes de convocation d’un avocat à une audience portant sur la mise en liberté d’un prévenu.
Un palmarès alléchant - Un prévenu fait appel d’une décision du tribunal correctionnel de Fort-de-France en date du 28 novembre 2018 le déclarant coupable et le condamnant par jugement contradictoire à signifier à une peine de douze ans d’emprisonnement, avec une période de sûreté de huit ans des chefs d’infractions à la législation sur les stupéfiants, contrebande de marchandise prohibée, association de malfaiteurs, blanchiment, faux administratif, détention et usage. Le tribunal décerne également mandat d’arrêt. Le 29 janvier 2019, il est incarcéré en exécution de la peine prononcée. Le 9 mars 2019, le prévenu dépose une demande de mise en liberté. Le 2 mai 2019, la chambre correctionnelle de la cour d’appel de Fort-de-France rejette la demande de mise en liberté à la suite de débats tenus en présence du prévenu, mais en l’absence de son conseil, et c’est bien là toute la difficulté. L’avocat du prévenu estime que les formalités de convocation le concernant n’ont pas été respectées, fondement du pourvoi en cassation.
Un souci de réception - Le conseil du prévenu a reçu sa convocation par un simple courrier électronique en date du 20 mars 2019. Le dossier ne comporte aucune indication quant au fait que l’avocat l’ait bien reçu. Il invoque donc à l’appui de son pourvoi l’illégalité de sa convocation et la nullité de l’audience qui a eu lieu en son absence.
La Cour de cassation rejette pourtant ses prétentions. Elle estime que les dispositions légales ont été parfaitement respectées puisqu’elle est en mesure de s’assurer, au vu des pièces de la procédure, qu’un avis d’audience a été adressé au conseil par courrier électronique, conformément à l’article 148-2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5550DY9). En outre, aucune disposition légale n’exige que figure au dossier un justificatif de la remise de l’envoi à son destinataire, il suffit que soit conservé une trace écrite.
Une modernisation dissonante - Le législateur fait preuve de modernisme pour diversifier les modes de convocation des avocats aux audiences, tenant de faire entrer la Justice dans l’ère du numérique en lui octroyant des flexibilités quant aux possibles modes de transmission des convocations (I). Pour autant, simplifier grâce aux outils technologiques les modes de convocation ne doit pas se faire au détriment d’une certaine sécurité, ce que ne semble pas considérer la Cour de cassation au regard de l’interprétation rigide qu’elle adopte (II).
I - Les prétentions flexibles quant à la transmission de la convocation
Une double finalité orchestrée - La présence des parties est un indispensable à chaque décision, mais également celle de leurs conseils (A), garantissant les droits de la défense. Dès lors, le législateur a dû se creuser les méninges pour présenter des modes de convocation garantissant la présence des conseils, tout en préservant une facilité d’utilisation pour les juridictions, au regard notamment de la modernisation des procédures (B).
A – La présence requise du conseil
Une acteur indispensable - Une audience pénale doit être composée de l’ensemble de ses protagonistes, magistrats, greffiers, mais aussi et surtout parties au procès. Il est donc indispensable que chacun soit correctement convoqué pour s’assurer de sa présence, ce qui n’est pas toujours une sinécure. La convocation des justiciables, tant la partie civile que le prévenu ou l’accusé assure une audience efficace et le respect des droits de chacun, ce qui se trouvera renforcé par la présence des avocats respectifs. Le prévenu ou la partie civile qui se présentent seuls à l’audience, sans leurs conseils, ne peuvent correctement se défendre, ce qui remet en cause foncièrement la qualité de la décision rendue. La juridiction doit donc être particulièrement vigilante quant à la convocation de chacun de ces acteurs.
Des droits garantis - La convocation à l’audience permet à l’avocat de consulter le dossier, le préparer avec son client, et, au besoin, de rédiger des écritures et de réunir des pièces [1]. Il s’agit de «prescriptions essentielles aux droits des parties et doivent être observées à peine de nullité» [2]. D’ailleurs, la Cour de cassation va désormais plus loin, estimant que l’absence de convocation de l’avocat au débat contradictoire porte «nécessairement atteinte aux intérêts» [3], il n’est donc nul besoin de démontrer un quelconque grief [4]. L’avocat a besoin d’un temps certain pour l’ensemble de ces démarches, qui doivent parfois être réalisées dans l’urgence, et, forcément, au détriment d’une bonne préparation.
Des pratiques discutables - La juridiction, ou le ministère public selon la disposition légale, doivent convoquer chacun des acteurs à l’audience à venir. Cette obligation semble facile à respecter, reste à tenir compte des difficultés techniques et de certaines pratiques. Selon le mode retenu par la loi pour la convocation, les juridictions se verront opposer des résistances techniques, reposant parfois sur la vétusté de leur matériel. Mais il existe aussi certains usages qui compliquent grandement les situations. Même si les textes sont clairs, qu’un détenu doit être informé par l’établissement pénitentiaire et signer la convocation auprès du greffe de cet établissement, il est fréquent que ce soit son conseil qui le prévienne, notamment dans le cadre de la phase d’instruction. Sans l’intervention de son avocat, le détenu sera souvent réveillé tôt le matin pour partir avec son convoi, et non préparé, tant psychologiquement que physiquement à l’audience à venir, ce qui pourra se révéler désastreux lors de son audience. Il est courant de rencontrer cette situation pour les auditions devant le juge d’instruction ou devant le juge des libertés et de la détention pour la prolongation de la détention. Les juridictions préviennent les établissements pénitentiaires, outre la demande d’extraction, mais ces derniers «oublient» d’informer le détenu. Si son avocat n’est pas dûment averti de l’audience à venir, il est quasiment certain que le détenu ne le sera pas non plus.
Le cas inverse est également parfaitement vrai. Un détenu averti d’une audience prochaine aura des difficultés à prévenir son avocat si ce dernier ne prend pas soin de venir le visiter régulièrement. Le détenu pourra contacter son conseil s’il a pensé à en solliciter l’autorisation [5], ou pourra lui écrire un courrier, en tenant compte du fait qu’il doit disposer du matériel nécessaire (papier, timbre, enveloppe), et du temps incompressible à la délivrance de la missive. Pour celui qui n’a pas d’avocat, la difficulté est renforcée. Il doit en contacter un, que ce dernier obtienne un permis et qu’il puisse utilement le visiter après avoir consulté le dossier. Le plus souvent, il le fera juste avant l’audience, ayant à sa disposition dans les mêmes locaux le client et le dossier, à condition que l’audience ne se fasse pas en visioconférence…
Et persévérantes - Ces hypothèses ne sont pas des cas d’école. L’affaire soumise à la présente étude en est la parfaite illustration. Bien que la décision ne révèle pas les détails du dossier, il est évident que le détenu, condamné une première fois devant le tribunal correctionnel et en attente de l’audience d’appel, n’a pas pu prévenir son avocat quant à la date de l’audience. Ce dernier ne s’est pas présenté devant la cour d’appel, alors qu’il y avait presque deux mois entre le dépôt de la demande et l’audience, soit que son client n’ait pas été averti de la date d’audience, soit trop tardivement et que ce dernier n’ait pas pu la communiquer à son avocat. Les contingences sont réelles et souvent incompressibles malheureusement.
B – Les modalités variables de convocation
Une relative variété - Les moyens de communication ayant considérablement évolué, les procédés de convocation ont suivi le même chemin. Il existe différents procédés disponibles selon la loi, il faut juste déterminer celui ou ceux qui sont visés par les textes. Dans le cas de figure étudié - une demande de mise en liberté - l’article 148-2 du Code de procédure pénale précise que «le prévenu non détenu et son avocat sont convoqués par lettre recommandée, quarante-huit heures au moins avant la date de l’audience».
Remarques préliminaires - En premier lieu, il faut noter que le texte ne semble imposer la convocation de l’avocat que lorsque le prévenu n’est pas détenu. Donc, si l’on s’en tient au texte, et à l’instar du cas visé dans notre espèce, si le prévenu est en détention, l’avocat n’a pas à être convoqué. Il s’agit d’une solution surprenante déjà retenue par la Cour de cassation [6]. Fort heureusement, la Haute Cour est allée plus loin dans son raisonnement. Cette position est fortement critiquable et incompréhensible lorsque l’on connait le fonctionnement des établissements pénitentiaires et les difficultés de communication entre avocat et client. Il faut donc saluer, sur ce point, l’attitude des Hauts conseillers [7].
Il est également important de noter que le délai de convocation peut être très court [8]. Quarante-huit heures, a minima, pour consulter la procédure, préparer les arguments et les pièces, indispensables pour une demande de mise en liberté, pour s’entretenir et préparer le client. Les délais peuvent être extrêmement brefs.
Enfin, il n’y a aucune indication, dans le texte, quant à la convocation de la personne détenue. Il est juste mentionné que si la personne a déjà comparu moins de quatre mois auparavant, le président de la juridiction qui viendra à statuer sur la demande peut refuser la comparution personnelle de l’intéressé par décision motivée insusceptible de recours. La précision laisse entendre que la juridiction peut prévoir une demande d’extraction si le président souhaite l’entendre, dans le cas contraire, il ne lui sera pas communiqué sa date d’audience, il recevra simplement la décision une fois prise. Le législateur souhaite accélérer les procédures et éviter d’encombrer les juridictions sous des audiences fleuves, il n’en demeure pas moins que l’exercice des droits de la défense est un droit qu’il faut préserver pour une Justice décente et équitable.
La forme de la convocation - Concernant les demandes de mise en liberté devant les juridictions de jugement, sur le fondement de l’article 148-2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5550DY9), le seul moyen à disposition pour convoquer l’avocat est le courrier recommandé. Il n’est pas mentionné d’autre possibilité dans le texte, ni le fait qu’il faille un accusé de réception. Le législateur limite drastiquement les moyens de convocation. Ce mode de convocation est assez commun, il est également prévu pour les convocations devant la chambre de l’instruction [9], notamment en cas de demande de mise en liberté pour une détention provisoire pendant une information judiciaire. Il s’agit du procédé de convocation privilégié par le législateur. Pourtant, à la différence de l’article 148-2, l’article 197 du Code précise la nécessité de notifier la convocation à la personne détenue, exercée par le chef de l’établissement pénitentiaire. Ce dernier doit adresser au procureur général, le texte précisant « sans délai », l’original ou la copie du récépissé signé par la personne. Pour l’instruction, le législateur a pris soin de viser l’ensemble des situations du mis en cause, contrairement aux demandes de mises en liberté devant les juridictions de jugement, alors qu’il paraît logique que le prévenu ou l’accusé seront également placés en détention...
Fort heureusement, le législateur n’a pas limité les formes de communication au courrier recommandé, mais il faut dénicher au sein du code l’article qui y fait référence. Il s’agit de l’article 803-1 du Code (N° Lexbase : L9513I7H) selon lequel lorsqu’une disposition du Code de procédure pénale indique qu’il est prévu de «procéder aux notifications à un avocat par lettre recommandée ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la notification peut aussi être faite sous la forme d'une télécopie avec récépissé ou par un envoi adressé par un moyen de télécommunication à l'adresse électronique de l'avocat et dont il est conservé une trace écrite». Le législateur élargit ainsi considérablement les modes de convocation.
La juridiction ou le parquet disposent, finalement, de plusieurs possibilités, plus ou moins efficaces. L’emploi du courrier électronique est une évolution logique de notre société, et peut même être utilisé pour les justiciables si ces derniers y ont consenti expressément au cours de la procédure [10].
Un texte à clarifier - La convocation doit respecter les textes, et la Cour de cassation s’en assure tant et si bien qu’elle n’hésite pas à annuler une procédure pour le non-respect de cette convocation [11]. Reste à déterminer les modalités de cette convocation. Dans le cas étudié, le choix s’est porté sur le courrier électronique. La difficulté repose sur la compréhension, dans le texte, de la mention «dont il est conservé une trace écrite». Cette trace doit-elle correspondre à l’envoi uniquement ou peut-elle comprendre la preuve de sa réception ? L’enjeu est de taille, tant en matière de preuve que de vérification du procédé, et ses conséquences ne sont pas négligeables. S’il n’est pas tenu compte de la bonne réception d’une convocation, des dérives évidentes vont apparaître. C’est à cette question que répond clairement la Cour de cassation.
II - L’interprétation rigide quant à la preuve de la réception
Une solution en demi-teinte - La Cour de cassation procède de façon directe dans cette décision et, par une réponse lapidaire, assène sa réponse. Pourtant, la solution retenue, bien qu’en adéquation avec les textes (A), n’est pas forcément exempte de critiques. Il peut paraître indispensable, actuellement et avec le développement des moyens techniques, de s’assurer d’une bonne réception des convocations, a fortiori des avocats (B).
A – La lecture rigoriste des dispositions légales
Une position abrupte - La Cour de cassation avait le choix entre une interprétation stricte des textes ou une position plus souple mais certainement plus sécurisante pour les acteurs de la procédure. Le choix opéré s’est porté sur la première solution. Dès lors qu’il existe une trace écrite que l’avocat a été averti -et uniquement averti- par courrier électronique de l’audience, les modalités de convocation ont été respectées. La Cour de cassation indique qu’au vu des pièces de la procédure, elle a pu vérifier que les dispositions légales ont été respectées. On peut en déduire que l’adresse électronique de l’avocat était la bonne, et qu’une trace physique de l’envoi a été préservée dans le dossier. Les exigences légales sont respectées, la procédure est régulière. Le moyen du pourvoi qui se fonde sur l’absence de preuve de la réception de la convocation est donc écarté.
Mais logique - Le raisonnement repris par la Cour de cassation respecte bien évidement les textes. En effet, l’article 148-2 du Code de procédure pénale prévoit comme seul mode de convocation le courrier recommandé, mais sans préciser la nécessité d’adjoindre un accusé de réception. Dès lors, le législateur n’exige pas de la juridiction qu’elle prenne le soin de vérifier la bonne réception du courriel. L’article 803-1 (N° Lexbase : L9513I7H) présente la même solution, aucune mention ne concerne la preuve de la réception des convocations. Ce texte mentionne uniquement qu’il est nécessaire que soit conservée trace écrite de l’envoi adressé par un moyen de télécommunication à l’adresse électronique de l’avocat. Pris littéralement, l’article indique que seule la preuve de l’envoi doit être conservée. Il n’est nullement fait mention d’une quelconque trace de réception. La Cour de cassation l’indique clairement. Le texte n’exige pas que «figure au dossier un justificatif de la remise à son destinataire». Elle interprète donc strictement les textes.
Bien que contestable - La Cour de cassation permet ainsi aux juridictions une convocation simplifiée puisqu’un simple courriel suffit pour convoquer le conseil d’une partie. Les services des greffes seront satisfaits de cette décision. Pourtant, bien qu’elle soit juridiquement juste, elle n’en est pas moins contestable. Elle facilite à outrance les modalités de convocations et fait encourir, comme dans le cas d’espèce, le risque que le conseil d’une partie ne soit pas présent. Ce risque est d’autant plus patent dans les situations identiques au cas d’espèce, à savoir lorsque le mis en cause est détenu, ce qui rend plus difficile les contacts avec son conseil, a fortiori lorsque les délais d’audiencement et de convocation sont courts.
La difficulté est renforcée lorsque le prévenu forme lui-même la demande, surtout s’il ne met pas son conseil dans la confidence. Lorsqu’un avocat dépose une telle demande, il est courant qu’il se mette d’accord avec le greffier pour une date d’audience, ce qui facilite bien entendu sa connaissance de la date d’audience et le fonctionnement en bonne intelligence des acteurs du procès. En revanche, lorsqu’une demande est portée directement par le détenu, il est malheureusement fréquent que son conseil ne soit prévenu du recours que lorsqu’il reçoit la convocation [12]. Pourtant, la Cour de cassation sanctionne expressément l’absence de récépissé de notification signé par le détenu au dossier [13]. Elle limite toutefois la portée de la censure lorsque le mis en cause a pu exercer ses droits, par exemple en se présentant à l’audience, avec son avocat, lequel aura pu déposer un mémoire et des observations à l’audience [14]. Par conséquent, le détenu assisté par son avocat, même non averti de l’audience, ne pourra soulever l’irrégularité de la procédure faute de grief [15]. La Cour de cassation insiste néanmoins davantage sur le dépôt d’un mémoire devant la juridiction que sur la simple présence de l’avocat [16], à condition que celui-ci formule des observations en ce sens [17]. L’inconvénient de cette solution concerne le prévenu non assisté à l’audience qui aura peu de chance d’obtenir une telle solution faute pour lui d’être défendu par un professionnel du droit. Il est rare de voir un prévenu connaître suffisamment les détails du Code de procédure pénale pour s’en prévaloir sans conseil à ses côtés [18].
B - La nécessité d’une réception confirmée
Une solution inopportune - La solution retenue par la Cour de cassation est -certes- juridiquement fondée, mais est-elle opportune ? Elle implique, pour l’avocat, une stricte vigilance de ses courriels, sachant le mauvais fonctionnement récurent de ces derniers. Il arrive malheureusement que des messages importants soient retrouvés dans les « spams », ou encore qu’un serveur connaisse des difficultés. Pour des convocations à court terme, il est de même difficile de s’assurer de toutes les avoir vérifiées. Pour des cabinets importants, il est alors indispensable de déterminer le destinataire de la convocation et de s’assurer qu’elle aura bien été prise en compte. Pour un cabinet de moindre envergure, l’avocat, souvent sans secrétariat, devra faire preuve d’une vigilance accrue et espérer disposer d’un peu de temps entre chaque audience, ou de réseau pour son téléphone portable.
Des solutions textuelles différentes - Il est évident qu’une telle solution n’apporte pas les garanties suffisantes et qu’elle porte atteinte aux droits de la défense. Surtout, il est à noter qu’une autre solution pouvait être adoptée. Pour la convocation par télécopie, il faut également que la juridiction présente le récépissé, lequel doit indiquer que la transmission s’est bien déroulée [19]. La Cour de cassation n’hésite pas à sanctionner la procédure dans laquelle la transmission n’a pas été validée [20]. Pourquoi ne pas prendre les mêmes précautions pour les courriers électroniques ?
La Cour de cassation s’appuie sur les textes pour soutenir sa position. Mais ces derniers ne sont pas forcément logiques. En matière de prolongation de la détention provisoire devant le juge des libertés et de la détention, il est réconfortant de noter que le texte exige que la convocation soit transmise par courrier recommandé avec accusé de réception [21]. Cette solution s’applique également pour les convocations devant le juge d’instruction [22]. Dans ce cas, et bien que les textes permettent aussi le simple courrier électronique puisque l’article 802-1 s’applique, il semble évident qu’il faille vérifier la bonne réception de la convocation. Il est discutable de présenter une différence de régime, concernant en outre une même demande, la mise en liberté, mais que les convocations diffèrent selon qu’il s’agisse d’une juridiction de jugement ou d’un JLD. Il serait alors parfaitement logique d’aligner les modalités de convocation, et de retenir celle qui préserve le mieux les droits des parties.
Des solutions pratiques évidentes - Le choix des modalités de convocation des conseils des justiciables est surprenant. Dans une ère qui prône la dématérialisation des procédures et le développement des moyens de communication, d’autres outils sont parfaitement adaptés à cette problématique. Outre les questions d’économies [23], il est indispensable de favoriser la dématérialisation [24]. Encore faut-il que tout le monde puisse y répondre. Lorsque les dates de convocation sont rapprochées, les juridictions répressives préfèrent utiliser les télécopies [25]. Ce moyen peut paraître désuet de nos jours, mais assure à la fois une sécurité de l’envoi, puisque pratiquement impossible à intercepter, et une rapidité indiscutable. Reste qu’il exige de disposer du matériel pour transmettre la télécopie, en fonctionnement [26], mais également que les avocats soient munis de ces mêmes outillages. Le tout représente encore une fois un coût que les cabinets d’avocat et les juridictions doivent assumer, coût dont ils pourraient se dispenser.
Le courrier électronique constitue une mode opératoire discutable. Ses défauts sont considérables, notamment en ce qui concerne cette absence d’assurance de la bonne réception du message. Pourtant, une solution semble à la portée de l’ensemble des acteurs et se développe efficacement en procédure civile : le RPVA. En effet, le Réseau Privé Virtuel des Avocats assure une communication entre les juridictions et les avocats, voire entre ces derniers, qui paraît désormais sûre, l’expérience a fait ses preuves, garantit la bonne réception des transmissions et donc des convocations. En outre, depuis le 1er septembre 2019, l’utilisation du RPVA est obligatoire devant les tribunaux de grande instance [27], et les quelques cabinets qui n’en étaient pas munis ont dû s’y résoudre. Pourtant, l’utilisation du RPVA reste très en retrait en procédure pénale et aléatoire. Certains cabinets d’instruction l’utilisent, des juges des enfants également, mais aucunement les juridictions de jugement. Pourquoi une telle frilosité alors que le procédé est rôdé depuis plusieurs années ? Certains mettent en avant l’absence de garantie de confidentialité et les difficultés relatives à la question de la signature électronique [28], des protocoles de protection devant encore être mis en place [29]. Cette justification est fragile lorsque l’on considère l’utilisation de simples courriels pour transmettre les convocations [30].
Il est donc indispensable pour les juridictions et les cabinets d’avocats de mettre en place les outils nécessaires pour s’assurer le fonctionnement de moyens de communication sécurisés, et le RPVA semble être la solution. En attendant, et si les juridictions prennent à la lettre la décision de la Cour de cassation, les cabinets d’avocat devront être extrêmement vigilants quant aux audiences attendues.
👉 Quel impact dans ma pratique ? Le praticien doit être très vigilant quant aux convocations et aux communications avec les juridictions en général. Lorsqu’il sait qu’il va recevoir une convocation à une audience, surtout à bref délai comme pour une demande de mise en liberté, il est recommandé de demander la date directement aux services des greffes en amont. Prudence est mère de vertu. |
[1] Ce que n’oublie pas de rappeler la Cour de cassation. Voir, par exemple : Cass. crim., 27 mars 2019, n° 18-86.433, FS-P+B+I (N° Lexbase : A1577Y7K).
[2] Cass. crim., 15 octobre 1996, n° 96-83320, publié au bulletin (N° Lexbase : A1244AC3).
[3] Voir, par exemple, Cass. crim., 4 décembre 2007, n° 07-86.794, F-P+F (N° Lexbase : A2911D39).
[4] Sur l’ensemble des questions portant sur les nullités, cf. l’Ouvrage «La procédure pénale» (à paraître), Etude F. Dupuis, Le contrôle et la contestation des actes d’investigation, Le bien-fondé de la demande en nullité (N° Lexbase : E3944ZMZ).
[5] Ou par d’autres moyens moins légaux… Ce que le développement des installations de postes fixes dans chaque cellule devrait contribuer à largement diminuer.
[6] Cass. crim., 17 juin 1986, n° 86-91251, publié au bulletin (N° Lexbase : A5358AAP).
[7] Au risque, sinon, de devoir saisir la Cour européenne de la question, encore qu’une question prioritaire de constitutionnalité puisse également être envisagée.
[8] Sans parler des délais d’audience : huit jours pour le tribunal correctionnel pour statuer sur la demande, vingt jours pour la cour d’appel en cas de recours contre cette même décision. Dans le cas d’espèce, le délai est de deux mois pour statuer puisque le prévenu a déjà été condamné par une juridiction en première instance.
[9] C. proc. pén., art. 197 (N° Lexbase : L1217LDG).
[10] C. proc. pén., art. 803-1, II.
[11] Voir, par exemple, sur l’article 197 du Code de procédure pénale : Cass. crim., 6 mai 2015, n° 15-81.033, F-P (N° Lexbase : A8364NIM).
[12] La communication entre l’avocat et le client est parfois difficile, et de nombreux détenus prennent des initiatives, plus ou moins bien conseillés par les codétenus, souvent sans en référer avec leur conseil.
[13] Cass. crim., 23 avril 1991, n° 91-80.890 (N° Lexbase : A2252ABZ) ; Cass. crim., 13 septembre 2017, n° 17-83.853, F-D (N° Lexbase : A7510WSX).
[14] Cass. crim., 27 novembre 1991, n° 91-85237, publié au bulletin (N° Lexbase : A0343ABC) ; V., également, Cass. crim., 9 novembre 1998, n° 98-80752, publié au bulletin (N° Lexbase : A8369CG3).
[15] Cass. crim., 9 décembre 2003, n° 03-85.587, F-P+F ([LXB=A6960DAZ).
[16] Voir par exemple Cass. crim., 23 janvier 2013, n° 12-87.136, F-D (N° Lexbase : A6344I4Q). Dans cette décision une erreur a été commise par la juridiction quant à la délivrance de la convocation du mis en cause. Un avocat était présent pour le représenter à l’audience, pourtant la Cour de cassation a énoncé qu’il avait été porté atteinte aux intérêts du demandeur, eu égard à l’absence de dépôt d’un quelconque mémoire en défense.
[17] Cass. crim., 27 octobre 2009, n° 09-85.279, F-P+F (N° Lexbase : A7659ENY) ; Cass. crim., 27 octobre 2009, n° 09-85.280, F-D (N° Lexbase : A1774EPE) ; Cass. crim., 27 octobre 2009, n° 09-85.280, F-D (N° Lexbase : A1774EPE) ; Cass. crim., 27 octobre 2009, n° 09-85.283, F-D (N° Lexbase : A1776EPH). Voir, déjà, Cass. crim., 3 avril 1984, n° 84-90723, publié au bulletin (N° Lexbase : A8250AAS).
[18] Mais il peut exister des cas contraires. Le prévenu, dans l’affaire d’espèce, semble avoir formé le pourvoi lui-même, ce qu’autorise le Code de procédure pénale (C. proc. pén., art. 567-2, 576 et 577).
[19] Cass. crim., 2 octobre 2013, n° 13-85.010, F-P+B (N° Lexbase : A3232KMN).
[20] En effet, si les pièces de la procédure ne font état que de transmissions échouées de la télécopie, la cassation est encourue. Voir, par exemple, Cass. crim., 10 décembre 2008, n° 08-86.668, F-P+F (N° Lexbase : A1646ECX).
[21] C. proc. pén., art. 145-1, al. 2 et 145-2, al. 1.
[22] C. proc. pén., art. 114 al. 2.
[23] Ce qui suppose alors de limiter l’utilisation des courriers recommandés et de les maintenir que pour les audiences les plus importantes.
[24] Voir, notamment, sur la question, Les nouvelles technologies au service de la justice pénale, Dossier, AJ Pénal, n° 4, 2014.
[25] Les cabinets d’instruction et ceux des juges des libertés et de la détention utilisent fréquemment ce mode de convocation pour ces diverses raisons.
[26] On pense, notamment, à une affaire médiatisée concernant la remise en liberté d’un mis en cause faute d’encre dans le fax du parquet de Bobigny en début d’année 2014.
[27] Décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 (N° Lexbase : L2664LEE) ; C. proc. civ., art. 796-1 (N° Lexbase : L6599LE7).
[28] Voir, S. Sontag Koenig, La signature électronique en procédure pénale : une évolution limitée, AJ Pénal, n° 4, 2014, p. 161 et s..
[29] Alors que l’on pourrait penser l’inverse justement.
[30] Il suffit de voir la difficulté pour les avocats de mettre en place et de respecter le RGPD et les normes de protection recommandée, notamment concernant les communications dématérialisées, et l’on ne parlera pas des juridictions qui ne disposent aucunement des ressources ou même des équipes techniques pour garantir leurs équipements, faute de moyens, encore et toujours.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
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Réf. : Cass. QPC, 25 septembre 2019, n° 19-13.413, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0374ZQW)
Lecture: 3 min
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par Marie Le Guerroué
Le 02 Octobre 2019
► La limitation à la liberté d'entreprendre, qui résulte du monopole des professionnels du droit dans le cadre de la phase non contentieuse d’une procédure d’offre obligatoire d’indemnisation à la suite d’un accident de la circulation, est justifiée par la nécessité d'assurer le respect des droits de la défense, garantis par l'article 16 de la Constitution, et n'est manifestement pas disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi ;
► Cette exigence d'une qualification professionnelle spécifique ne porte, en outre, en elle-même, aucune atteinte au droit d'obtenir un emploi.
C’est en ces termes que s’est prononcée la Cour de cassation, dans une décision rendue le 25 septembre 2019 par la première chambre civile (Cass. QPC, 25 septembre 2019, n° 19-13.413, FS-P+B+I N° Lexbase : A0374ZQW).
Dans cette affaire, la cour d'appel de Lyon avait rendu une décision en février 2019 (CA Grenoble, 8 janvier 2019, n° 17/00613 N° Lexbase : A6051YSW) dans laquelle elle avait considéré que l'analyse à laquelle se livrait une société de défense des assurés victimes d'accident de la circulation étant identique à celle qui est opérée dans le cadre d'une consultation juridique, elle devait être considérée comme illicite.
Demande de renvoi de QPC. A l'occasion d’un pourvoi, la société demandait de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité à la Constitution des dispositions combinées des articles L. 211-10 du Code des assurances (N° Lexbase : L6228DII) et 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ), telles qu'interprétées par la Cour de cassation, au regard de la liberté d'entreprendre, garantie par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 (N° Lexbase : L1368A9K), et du droit d'obtenir un emploi, protégé par le cinquième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L1356A94).
Non-lieu à renvoi. La Cour de cassation précise que la question n’est pas nouvelle. Elle ajoute que si, par application combinée des textes contestés, seul un professionnel du droit ou relevant d'une profession assimilée est autorisé à exercer, à titre habituel et rémunéré, une activité d'assistance à la victime d'un accident de la circulation pendant la phase non contentieuse de la procédure d'offre obligatoire, dès lors que cette activité comporte des prestations de conseil en matière juridique (Cass. civ. 1, 25 janvier 2017, n° 15-26.353, F-P+B N° Lexbase : A5445TAW, Bull. 2017, I, n° 19 ; CA Grenoble, 8 janvier 2019, n° 17/00613 ; v., aussi, A.-L. Blouet Patin, Assistance à la victime d'accident de la circulation : application du monopole juridique même dans la phase précontentieuse, Lexbase Professions, 2017, n° 233 N° Lexbase : N6502BWQ), une telle limitation à la liberté d'entreprendre est justifiée par la nécessité d'assurer le respect des droits de la défense, garantis par l'article 16 de la Constitution, et n'est manifestement pas disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi. Cette exigence d'une qualification professionnelle spécifique ne porte, en elle-même, aucune atteinte au droit d'obtenir un emploi. Pour la Haute juridiction, la question posée ne présente pas un caractère sérieux. Elle conclut donc qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la QPC au Conseil constitutionnel (cf. l'Encylopédie "La profession d'avocat" N° Lexbase : E1072E7T).
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Réf. : Cons. const., décision n° 2019-805 QPC du 27 septembre 2019 (N° Lexbase : A7364ZPG)
Lecture: 2 min
N0552BY4
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par Yann Le Foll
Le 02 Octobre 2019
► Le fait que le législateur ait permis à certaines communes d'interdire aux gens du voyage de stationner sur un terrain dont ils sont propriétaires méconnaît le principe d'égalité devant la loi et le droit de propriété.
Telle est la solution d’une décision rendue par le Conseil constitutionnel le 27 septembre 2019 (Cons. const., décision n° 2019-805 QPC du 27 septembre 2019 N° Lexbase : A7364ZPG).
L’occupation par les gens du voyage de terrains communaux fait l’objet de nombreux contentieux depuis plusieurs années. Rappelons ainsi que, dès lors qu'une commune ne remplit pas ses obligations en matière d'accueil des gens du voyage, le préfet ne peut les mettre en demeure de quitter la partie de la commune où ils sont installés (TA Marseille, 9 juin 2015, n° 1504318 N° Lexbase : A6240NM3). Une commune peut aussi être tenue responsable des nuisances imputées aux occupants d'une aire d'accueil des gens du voyage s'il est démontré une carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police (CAA Bordeaux, 5 novembre 2013, n° 13BX01069 N° Lexbase : A9536KQA).
En l’espèce, le premier alinéa du paragraphe III de l'article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000, relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (N° Lexbase : L0716AID), exclut que l'interdiction de stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles en dehors des aires et terrains prévus à cet effet soit appliquée aux terrains dont les gens du voyage sont propriétaires dans toutes les communes, à l'exception de celles qui n'appartiennent pas un établissement public de coopération intercommunale.
Selon les Sages, en permettant ainsi, sans aucun motif tiré, notamment, d'une atteinte à l'ordre public, qu'un propriétaire soit privé de la possibilité de stationner sur le terrain qu'il possède, les dispositions contestées méconnaissent le droit de propriété consacré par les articles 2 (N° Lexbase : L1366A9H) et 17 (N° Lexbase : L1364A9E) de la Déclaration de 1789.
Par conséquent, le paragraphe III de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 doit être déclaré contraire à la Constitution.
Toutefois, son abrogation immédiate aurait pour effet de rendre applicable, dans les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d'accueil des gens du voyage, l'interdiction de stationnement et la mise en œuvre d'une procédure d'évacuation forcée à des personnes qui stationnent sur des terrains dont elles sont propriétaires ou des terrains aménagés dans les conditions prévues à l'article L. 444-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L2779KIR).
Elle entraînerait, ainsi, des conséquences manifestement excessives. Par suite, il y a lieu de reporter au 1er juillet 2020 la date de l'abrogation de ces dispositions.
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newsid:470552
Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 20 septembre 2019, n° 419381, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3208ZPI) et n° 421064, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A3217ZPT)
Lecture: 8 min
N0617BYI
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par Gilles Pellissier, Maître des requêtes au Conseil d'Etat
Le 03 Octobre 2019
Les deux affaires qui viennent d'être appelées, partiellement identiques et que vous pourrez joindre, vous permettront de compléter votre jurisprudence relative à la combinaison des procédures contractuelles d'exécution financière du contrat avec les prérogatives dont dispose par nature la personne publique cocontractante.
Les deux litiges portent sur le remboursement de sommes réclamées au titre de trop-perçus par le syndicat mixte du développement durable de l’Est Var (SMIDDEV) à la société X, aux droits de laquelle est venue la société Y, à laquelle il avait délégué depuis le 31 décembre 2002 le service public de l’exploitation du centre d’enfouissement de déchets non dangereux des « Lauriers », situé sur le territoire de la commune de Bagnols‑en‑Forêt. Ces trop-perçus ont été révélés par l'audit financier réalisé au terme de la délégation. Après l'échec de la procédure de conciliation prévue par la convention, le syndicat mixte a émis successivement le 19 février et le 28 mars 2014 deux titres exécutoires de plus de 630 000 euros pour le premier, au titre de l'année 2005 et de 730 000 euros pour le second, au titre de l'année 2010. La société Y a contesté ces titres exécutoires devant le tribunal administratif de Toulon qui a fait droit à ses conclusions. Il a interprété la clause de l'article 15 de la convention relative aux conséquences de l'échec de la procédure de conciliation, aux termes de laquelle «dans le cas où dans un délai de quinze jours, cette proposition (de la commission de conciliation) ne rencontre pas l’assentiment des parties ou dans le cas où, dans ce même délai, la commission de conciliation ne ferait pas de proposition, le différend serait alors soumis au tribunal administratif […] à la requête de la partie la plus diligente», comme imposant au syndicat mixte de saisir la juridiction administrative sans pouvoir émettre de titre exécutoire. La cour administrative d’appel de Marseille a donné la même portée à cette clause, mais n'en a pas tiré la même conséquence : elle l'a jugée illicite, au motif "qu’une collectivité publique ne peut renoncer contractuellement à la faculté d'émettre un titre exécutoire, d’ordre public", en a écarté l'application, a annulé les jugements et rejeté les conclusions du délégataire. Le principal moyen des deux pourvois est tiré de ce qu'elle aurait ce faisant commis une erreur de droit.
Nous vous proposerons de l'écarter. Autant l'interprétation donnée tant par le tribunal que par la cour de la portée de cette clause comme faisant obstacle à ce que l'autorité concédante puisse, en cas d'échec de la procédure conventionnelle de conciliation, émettre un titre exécutoire au lieu de saisir le juge administratif nous paraît contestable, autant l'appréciation de sa licéité par la cour ne fait à nos yeux aucun doute. L'interprétation souveraine de la portée de cette clause tout à fait classique n'étant pas critiquée devant vous, vous ne pourrez la censurer et devrez vous borner à trancher la question de savoir si une personne publique peut contractuellement renoncer à exercer la faculté dont elle est dotée en tant que personne publique d'émettre des titres exécutoires pour recouvrer ses créances.
Vous savez qu'en matière contractuelle, par dérogation au régime général de l'exécution des décisions administratives, cette prérogative est une faculté que la personne publique cocontractante peut choisir de ne pas utiliser. Ainsi, vous n'opposez pas votre jurisprudence «Préfet de l'Eure» du 30 mai 1913 (Rec., p. 583), selon laquelle une personne publique n’est pas recevable à demander au juge ce qu’elle peut faire elle-même, aux conclusions des personnes publiques tendant à ce que le juge condamne leurs cocontractants à payer les sommes qu’ils leur doivent en application de clauses contractuelles (CE 26 décembre 1924, Ville de Paris c/ Chemin de fer métropolitain, Rec. p. 1065 ; CE Sect., 5 novembre 1982, n° 19413 N° Lexbase : A9613AKA, Rec. p. 380), exception que vous avez étendue à toutes les créances se rattachant au contrat, même lorsqu'elles ne découlent pas d’une obligation contractuelle (CE, 24 février 2016, n° 395194 N° Lexbase : A1632QDS, au Rec, s'agissant d'une responsabilité pour dol).
En matière contractuelle, la personne publique a donc le choix de la modalité d'exécution de ses créances : soit émettre un titre exécutoire, comme pour toutes les créances publiques, soit saisir le juge, comme toute personne privée.
Elle ne peut faire ni l'un ni l'autre avant d'avoir épuisé les voies de règlement amiable conventionnellement prévues. Vous avez jugé, à propos d'une clause similaire à celle de la convention en litige, que vous n'avez donc pas interprété comme l'ont fait en l'espèce les juges du fond, qu'"une stipulation contractuelle subordonnant la saisine du juge, pour le règlement des contestations sur l'interprétation ou l'exécution du contrat, à la mise en oeuvre préalable d'une procédure de conciliation, fait également obstacle à ce que la collectivité publique contractante émette directement des titres exécutoires pour le règlement des sommes correspondant à une contestation relative à l'exécution du contrat, sans mettre en oeuvre la procédure de conciliation préalable" (CE, 28 janvier 2011, n° 331986 N° Lexbase : A7481GQ7, aux Tables sur ce point). Cette solution est la conséquence logique de "l'interchangeabilité", selon l'expression de votre commissaire du gouvernement, N. Boulouis, du titre exécutoire et du jugement. Dès lors que, selon une jurisprudence constante, les parties au contrat, y compris la personne publique, sont tenues de respecter les procédures précontentieuses de règlement de leurs litiges qu'elles ont prévu (CE Sect., 19 janvier 1973, n° 82338 N° Lexbase : A6680A7K, Rec. p. 48), la personne publique ne peut ni saisir le juge avant de les avoir mises en oeuvre, ni émettre un titre exécutoire.
En revanche, l'échec de la procédure de règlement amiable du différend rend aux parties leur liberté de poursuivre l'exécution de leurs droits par les voies de droit commun qui sont, pour le cocontractant personne privée, la saisine du juge et, pour la personne publique, l'émission d'un titre exécutoire ou la saisine du juge.
Mais que la personne publique ait toujours le choix de saisir le juge plutôt que d'émettre un titre exécutoire n'implique pas qu'elle puisse valablement s'obliger à l'avance à renoncer à exécuter elle-même la décision qu'elle a prise. Le titre exécutoire n'est qu'une manifestation du caractère exécutoire de toute décision administrative, que vous avez élevé au rang de "règle fondamentale du droit public" (CE, 2 juillet 1982, n° 25288 N° Lexbase : A1806ALH, Rec. p. 257). Garantie de l'efficacité de l'action publique, ce caractère exécutoire de toute décision administrative est inhérent à la personnalité morale de droit public et si la personne publique cocontractante peut s'imposer d'en différer l'usage pour permettre un règlement amiable du différent ou décider de ne pas l'exercer pour saisir le juge, nous ne pensons pas qu'elle puisse se priver contractuellement, à l'avance, de la faculté de l'exercer. Il s'agit d'une prérogative de puissance publique au même titre que le pouvoir de résiliation ou de modification unilatérale du contrat auquel la personne publique ne peut contractuellement renoncer. La cour n'a donc pas commis d'erreur de droit en écartant une clause du contrat par laquelle une personne publique aurait renoncé à émettre un titre exécutoire pour l'exécution d'une créance contractuelle.
Si vous partagez cette analyse, vous écarterez ce moyen, ainsi que l'autre moyen commun aux deux pourvois, tiré d'une prétendue dénaturation des stipulations du contrat s’agissant des modalités de contrôle des comptes et de calcul des nouveaux tarifs de redevances.
Vous rejetterez en conséquence les pourvois, après avoir prononcé un non-lieu à statuer partiel sur les conclusions de la société Z dans l'affaire n° 421064 portant sur la partie de l'arrêt relative au montant du trop-perçu. Comme l'a admis le syndicat mixte qui a déclaré renoncer au bénéfice de l'arrêt sur ce point, la cour a effectivement commis une erreur de calcul de 20 000 euros. La renonciation du bénéficiaire d'un arrêt au bénéfice d'une partie de celui-ci vous conduit à prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions contestant cette partie (voir en ce sens : CE, 8 juin 2011, n° 323176 N° Lexbase : A5423HTZ).
Et par ces motifs nous concluons : au rejet des autres conclusions des pourvois.
Vous pourrez mettre à la charge de la société Y, dans chacune de ces affaires, le versement au SMIDDEV d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés dans ces instances.
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newsid:470617
Réf. : Cons. const., décision du 27 septembre 2019, n° 2019-804 QPC (N° Lexbase : A7363ZPE)
Lecture: 2 min
N0550BYZ
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par Marie-Claire Sgarra
Le 30 Septembre 2019
►Les nouvelles dispositions relatives à l’encadrement du «verrou de Bercy» sont validées par le Conseil constitutionnel.
Telle est la solution retenue par le Conseil constitutionnel dans une décision du 27 septembre 2019 (Cons. const., décision du 27 septembre 2019, n° 2019-804 QPC N° Lexbase : A7363ZPE).
Pour rappel le Conseil d’Etat (CE 8° et 3° ch.-r., 1er juillet 2019, n° 429742, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : L5827LMR) avait renvoyé au Conseil constitutionnel une QPC visant l’article L. 228 du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L6058LMC), dans sa rédaction issue de la loi de 2018 relative à la lutte contre la fraude (loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 N° Lexbase : L5827LMR)
Le dispositif «verrou de Bercy» codifié à l’article L. 228 du Livre des procédures fiscales encadre la poursuite pénale des auteurs d’infractions financières. Les plaintes tendant à l’application de sanctions pénales en matière d’impôts directs, de taxe sur la valeur ajoutée et autres taxes sur le chiffre d’affaires, de droits d’enregistrement, de taxe de publicité foncière et de droits de timbre étaient déposées par l’administration sur avis conforme de la commission des infractions fiscales. La loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018, relative à la lutte contre la fraude, a mis fin au monopole de l’administration fiscale en obligeant cette dernière à dénoncer au Procureur de la République les faits de fraude fiscale les plus graves dont elle a connaissance (redressements portant sur des droits d’un montant supérieur à 100 000 euros et ayant donné lieu à l’application des majorations les plus graves, 100 % pour opposition à contrôle fiscal, 80 % pour découverte d’activités occultes, abus de droit, manœuvres frauduleuses, notamment).
Le Conseil constitutionnel juge que, en retenant ces critères de dénonciation obligatoire, le législateur n'a pas instauré de discrimination injustifiée entre les contribuables.
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Réf. : MINEFI, dossier de presse, 27 septembre 2019
Lecture: 1 min
N0566BYM
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par Marie-Claire Sgarra
Le 04 Octobre 2019
Le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire et le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin ont présenté le 27 septembre 2019 le projet de loi de finances pour 2020.
Voici les principales mesures fiscales du projet de loi :
- la baisse de l’impôt sur le revenu (art. 2) ;
- l’établissement en France de la domiciliation fiscale des dirigeants des grandes entreprises françaises (art. 3) ;
- la réforme du CITE (art. 4) ;
- la suppression de la taxe d’habitation sur la résidence principale (art. 5) ;
- la suppression de taxes à faible rendement (art. 6) ;
- la modification de la trajectoire de la baisse de l’impôt sur les sociétés (art. 11) ;
- transposition de la Directive (UE) 2017/952 du 29 mai 2017, relative à la lutte contre les dispositifs hybrides (N° Lexbase : L8101LER) et suites de la transposition de la Directive (UE) 2016/1164 du 12 juillet 2016 (N° Lexbase : L3612K9N) (art. 13) ;
- la suppression progressif du tarif réduit de TICPE pour le carburant non routier (art. 16) ;
- la transposition de la Directive (UE) 2017/2455 du 5 décembre 2017, relative au régime de TVA sur le commerce électronique (N° Lexbase : L7481LHK) (art. 53) ;
- la création d’une liste des opérateurs de plateforme non-coopératifs (art. 55) ;
- la simplification des obligations déclaratives et des modalités d’établissement des impositions en matière d’impôt sur le revenu (art. 58).
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newsid:470566
Lecture: 2 min
N0634BY7
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Le 02 Octobre 2019
► L’Association des avocats praticiens des procédures et de l’exécution (AAPPE) organise à Marseille, le 18 octobre 2019, un colloque intitulé «Le cautionnement nouveau arrive».
Modérateur des travaux
Emmanuel Joly, Ancien président de l’AAPPE, Avocat au barreau de Bordeaux
8h30 : Café d’accueil
9h00 : Accueil du président
Olivier Cousin, Président de l’AAPPE, Avocat au barreau d’Epinal
9h15 : Actualités jurisprudentielles en matière de cautionnement
Olivier Cousin, Président de l’AAPPE, Avocat au barreau d’Epinal
Frédéric Kieffer, ancien Président de l’AAPPE, Avocat au barreau de Grasse
9h55 - 10h05 : Débats
10h05 : Présentation générale de la réforme des sûretés et de la réforme du cautionnement
Antoine Gouëzel, Professeur de droit privé à l’Université de Rennes 1
Emmanuel Joly, ancien Président de l’AAPPE, Avocat au barreau de Bordeaux
10h35 - 10h45 : Débats
10h45 : La formation du cautionnement : forme, formalisme, information
Alain Provansal, ancien Président de l’AAPPE, Avocat honoraire consultant
Anne-Sophie Sajous, administratrice de l’AAPPE, Avocate au barreau d’Annecy
11h25 - 11h35 : Débats
11h35 : La mise en œuvre du cautionnement : rapports entre le créancier et la caution
Laetitia Bougerol, Maître de conférences en droit privé
Michel Draillard, membre fondateur de l’AAPPE, Avocat au barreau de Grasse
12h15-12h30 : Débats
12h30 : Cocktail déjeunatoire
14h30 : La mise en œuvre du cautionnement : rapports entre la caution et le débiteur principal, les cofidéjusseurs et les sous-cautions
Frédéric Alléaume, administrateur de l’AAPPE, Avocat au barreau de Lyon
Carolina Cuturi-Ortega, Vice-présidente de l’AAPPE, Avocate au barreau de Bordeaux
15h15 - 15h30 : Débats
15h30 : Les conséquences de l’insolvabilité du débiteur principal et des cofidéjusseurs sur le sort de la caution
Patrick Canet, Mandataire judiciaire, ancien Professeur associé des facultés de droit, ancien Président de l'IFPPC
Alain Gourio, Directeur de la publication de la Revue Banque, ancien Directeur juridique de la Fédération bancaire française
16h15 - 16h30 : Débats
16h30 : Synthèse des travaux
Antoine Gouëzel, Professeur de droit privé à l’Université de Rennes 1
17H00 : Fin des travaux
17H15 : Assemblée générale de l’AAPPE
Vendredi 18 octobre 2019
Salle Albert Haddad
Maison de l'Avocat
51 rue Grignan
13006 Marseille
Véronique Jeandé,
17 bis route du Moulin à Vent - 78740 Vaux-Sur-Seine
Tél : 01.34.74.38.95 - 06.88.90.78.12
Email : secretariat@aappe.fr
Inscription : 260 euros
Adhérent AAPPE : 210 euros
Avocat honoraire : 60 euros
Magistrat : Gratuit
Professeur de droit : Gratuit
Etudiant : inscription en salle annexe - Travaux retransmis en streaming (déjeuner non inclus) : Gratuit
Date limite d’inscription : 10 octobre 2019
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newsid:470634
Réf. : CJUE, 1er octobre 2019, aff. C-673/17 (N° Lexbase : A1226ZQH)
Lecture: 2 min
N0589BYH
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par Vincent Téchené
Le 02 Octobre 2019
► Le placement de cookies requiert le consentement actif des internautes, de sorte qu'une case cochée par défaut est insuffisante.
Tel est l’enseignement d’un arrêt rendu par la CJUE le 1er octobre 2019 (CJUE, 1er octobre 2019, aff. C-673/17 N° Lexbase : A1226ZQH).
Dans cette affaire, la fédération allemande des organisations de consommateurs conteste, devant les juridictions allemandes, l’utilisation par une société allemande, dans le cadre de jeux promotionnels en ligne, d’une case cochée par défaut par laquelle les internautes souhaitant participer expriment leur accord au placement de cookies. Ces cookies visent à recueillir des informations à des fins de publicité pour des produits des partenaires de cette société. C’est dans ces circonstances que le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) a demandé à la CJUE d’interpréter le droit de l’Union concernant la protection de la vie privée dans le cadre de la communication électronique (Directive 2002/58/CE du 12 juillet 2002 N° Lexbase : L6515A43 ; Directive 95/46 du 24 octobre 1995 N° Lexbase : L8240AUQ) et Règlement n° 2016/679 du 27 avril 2016 N° Lexbase : L0189K8I).
La Cour décide que le consentement que l’utilisateur d’un site internet doit donner pour le placement et la consultation de cookies sur son équipement n’est pas valablement donné au moyen d’une case cochée par défaut que cet utilisateur doit décocher pour refuser de donner son consentement. Le fait que les informations stockées ou consultées dans l’équipement de l’utilisateur constituent ou non des données à caractère personnel n’influe pas sur ce résultat. En effet, selon la Cour, le droit de l’Union vise à protéger l’utilisateur de toute ingérence dans sa vie privée, notamment contre le risque que des identificateurs cachés ou autres dispositifs analogues pénètrent dans son équipement à son insu. La Cour souligne que le consentement doit être spécifique, de telle sorte que le fait, pour un utilisateur, d’activer le bouton de participation au jeu promotionnel ne suffit pas pour considérer qu’il a valablement donné son consentement au placement de cookies.
En outre, selon la Cour, les informations que le fournisseur de services doit donner à l’utilisateur incluent la durée de fonctionnement des cookies ainsi que la possibilité ou non pour des tiers d’avoir accès à ces cookies.
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newsid:470589
Réf. : Cass. crim., 25 septembre 2019, n° 18-84.717, F-P+B+I (N° Lexbase : A5907ZPH)
Lecture: 2 min
N0545BYT
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par June Perot
Le 02 Octobre 2019
► L’article 4 du protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l’Homme (N° Lexbase : L4679LAK) n’a pas en lui-même pour effet d’interdire par principe tout cumul entre des actions pénales et douanières.
Telle est la solution affirmée par la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 25 septembre 2019 (Cass. crim., 25 septembre 2019, n° 18-84.717, F-P+B+I N° Lexbase : A5907ZPH).
L’affaire. Au cas d’espèce, lors d’un contrôle à un péage autoroutier, les agents des douanes ont trouvé plus de deux kilogrammes d’héroïne dans le véhicule d’un homme. Ce dernier a été condamné, dans le cadre d’une comparution immédiate, des chefs d’importation, acquisition, transport et détention de produits stupéfiants, par une décision du tribunal correctionnel. L’administration des douanes a fait citer le conducteur devant ce même tribunal pour détention sans justification d’origine de marchandises prohibées, réputée importation en contrebande. En première instance, les juges ont condamné l’intéressé à une amende douanière. Un appel a été interjeté par le prévenu et le ministère public. La cour d’appel a confirmé la condamnation.
Pourvoi. Le conducteur soutenait, à l’appui de son pourvoi, qu’en raison du principe ne bis in idem, il ne pouvait être à la fois déclaré coupable d’importation, acquisition, transport et détention de stupéfiants et détention sans justification d’origine de marchandises prohibées (en l’espèce des stupéfiants).
Reprenant la solution susvisée, la Haute juridiction conforte la position de la cour d’appel et rejette le pourvoi. Elle relève par ailleurs que le demandeur n’invoque aucun élément de nature à faire obstacle à un tel cumul.
Rappelons que la règle ne bis in idem consacrée par l’article 4 du protocole n° 7, additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, ne trouve à s’appliquer, selon les réserves faites par la France en marge de ce protocole, que pour les infractions relevant, en droit français, de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale et n’interdit pas le prononcé de sanctions fiscales parallèlement aux peines infligées par le juge répressif. La Chambre criminelle invoque régulièrement cette réserve pour refuser de faire application du principe au cumul de poursuites administratives et pénales pour des faits identiques (v. notamment, Cass. crim., 22 janvier 2014, n° 12-83.579, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9859KZ8).
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newsid:470545
Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 23 septembre 2019, n° 427923, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3910ZPI)
Lecture: 2 min
N0548BYX
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par Yann Le Foll
Le 02 Octobre 2019
► Il résulte des dispositions de l'article R. 421-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L2809LPQ) (requête tendant au paiement d'une somme d'argent), qui sont applicables aux demandes de provision présentées sur le fondement de l'article R. 541-1 de ce code (N° Lexbase : L2548AQG) (référé-provision), qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au paiement d'une somme d'argent est irrecevable.
► Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 23 septembre 2019 (CE 9° et 10° ch.-r., 23 septembre 2019, n° 427923, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3910ZPI).
M. X a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du Code de justice administrative, de condamner l'Etat à lui verser une provision de 2 928,44 euros au titre du préjudice financier subi du fait de la méconnaissance par l'administration pénitentiaire des dispositions du Code de procédure pénale en matière de rémunération du travail des personnes détenues.
Enonçant le principe précité, la Haute juridiction indique qu'en admettant la recevabilité de la demande de provision, alors que l'intéressé n'avait pas saisi l'administration d'une demande préalable, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a entaché l'ordonnance attaquée d'erreur de droit. En effet, le juge administratif a récemment estimé que l’obligation de faire naître une décision administrative préalable à l'introduction d'une requête tendant au versement d'une somme d'argent est exigée à peine d'irrecevabilité de la requête, laquelle peut être régularisée en cas d'intervention de la décision en cours d'instance (CE Sect., 27 mars 2019, n° 426472, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1661Y7N).
La Garde des Sceaux, ministre de la Justice est donc fondée à en demander l'annulation (cf. l'Ouvrage "Procédure administrative" N° Lexbase : E3092E4B).
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Réf. : Cass soc., 25 septembre 2019, n° 18-16.323, F-P+B (N° Lexbase : A0280ZQG)
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N0572BYT
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par Charlotte Moronval
Le 02 Octobre 2019
► Les dispositions qui prévoient que lorsque l’employeur qui conteste la décision du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de recourir à une expertise obtient l’annulation définitive de cette décision, les sommes perçues par l’expert sont remboursées par ce dernier à l’employeur, s’appliquent aux frais de l’expertise mise en œuvre en vertu d’une délibération contestée judiciairement, postérieurement à l'entrée en vigueur de l'article 31 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 (N° Lexbase : L8436K9C).
Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 25 septembre 2019 (Cass soc., 25 septembre 2019, n° 18-16.323, F-P+B N° Lexbase : A0280ZQG).
Par délibération du 16 juin 2016, le CHSCT d’une commune a décidé de recourir à une expertise sur le fondement de l'article L. 4614-12 du Code du travail (N° Lexbase : L5577KGN) et a désigné une société pour y procéder. Le maire de la commune décide de saisir le président du tribunal de grande instance d'une demande d'annulation de cette délibération.
La cour d’appel (CA Nîmes, 8 mars 2018, n° 17/04685 N° Lexbase : A4649XGB) fait droit à cette demande. La société en question présente également une requête en omission de statuer sur la demande de condamnation de la commune au paiement d’une certaine somme correspondant aux frais d'expertise. La cour d’appel décide de condamner le maire à payer la somme à la société au titre des honoraires d'expertise. Celui-ci forme un pourvoi en cassation.
Enonçant la solution susvisée, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel. En statuant comme elle l’a fait, alors que la délibération avait été contestée judiciairement postérieurement à l’entrée en vigueur de l’article 31 de la loi du 8 août 2016, la cour d’appel a violé l’article L. 4614-13 du Code du travail (N° Lexbase : L7241K93), dans sa rédaction issue de l’article 31 de la loi du 8 août 2016 (sur La contestation judiciaire par l'employeur du recours à un expert par le CHSCT, cf. l'Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E3406ETC).
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Réf. : Cass. crim., 25 septembre 2019, n° 18.83.113, F-P+B+I (N° Lexbase : A5406ZPW)
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N0541BYP
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par Vincent Téchené
Le 02 Octobre 2019
► L’octroi au dirigeant du bénéfice d’un plan de sauvegarde pour l’emploi ou d’un dispositif de départ anticipé à la retraite mis en place par la société correspond à une convention réglementée, soumise aux dispositions des articles L. 225-86 (N° Lexbase : L8878I39) et L. 225-88 (N° Lexbase : L5631LQM) du Code de commerce, de sorte qu’en s’étant délibérément abstenu de soumettre cette convention à l’approbation du conseil de surveillance, le dirigeant d’une SAS s’est rendu coupable d’abus de biens sociaux.
Tel est le sens d’un arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 25 septembre 2019 (Cass. crim., 25 septembre 2019, n° 18.83.113, F-P+B+I N° Lexbase : A5406ZPW)
En l’espèce, le président d’une SAS a été renvoyé devant le tribunal correctionnel notamment pour avoir, courant 2006, 2007 et 2008, fait de mauvaise foi des biens ou du crédit de cette société un usage qu’il savait contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société dans laquelle il était directement ou indirectement intéressé. Il lui était reproché d’avoir signé deux règlements de retraite sur-complémentaire fixant les conditions d’accès au bénéfice de la retraite dont les dispositions lui étaient particulièrement favorables, sans avoir obtenu préalablement l’autorisation du conseil de surveillance de la société (alors qu’il s’agissait de conventions réglementées) et en organisant son licenciement dans le cadre d’une intégration au plan de sauvegarde pour l’emploi et au dispositif de départ anticipé à la retraite, pour un montant de 4 473 000 euros, ainsi que l’octroi d’une avance sur son indemnité de départ, pour un montant de 1 580 000 euros, sans que cette convention réglementée ne fasse l’objet d’un accord préalable du conseil de surveillance de la société, et ce, en violation de l’article 10 de son règlement intérieur et des articles L. 225-86 et L. 225-88 du Code de commerce et en occultant les conséquences financières détaillées et personnelles qu’une telle intégration entraînait pour la société. Le prévenu a été déclaré coupable de ces abus de biens sociaux.
L’arrêt d’appel retient notamment que l’article 1er des statuts de la société, qui était, à l’époque des faits, une société par actions simplifiées, prévoyait qu’elle était régie par les règles applicables aux sociétés anonymes, que l’intégration du prévenu dans le plan de sauvegarde pour l’emploi et l’avance qu’il a perçue sur son indemnité de départ correspondaient à des conventions réglementées qui devaient, aux termes des articles visés dans la prévention, être soumises à l’approbation préalable du conseil de surveillance, ce que l’intéressé s’est délibérément abstenu de faire.
Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation le rejette : dès lors que, d’une part, l’octroi au dirigeant du bénéfice d’un plan de sauvegarde pour l’emploi ou d’un dispositif de départ anticipé à la retraite mis en place par la société correspond à une convention réglementée, soumise aux dispositions des articles L. 225-86 et L. 225-88 du Code de commerce, d’autre part, l’article L. 244-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L5772ISL) prévoit que les articles L. 242-1 (N° Lexbase : L5779IST) à L. 242-6, L. 242-8 (N° Lexbase : L6422AIP), L. 242-17 (N° Lexbase : L5776ISQ) à L. 242-24 du même code s’appliquent aux sociétés par actions simplifiées et que les peines prévues pour le président, les administrateurs ou les directeurs généraux des sociétés anonymes sont applicables au président et aux dirigeants des sociétés par actions simplifiées, la cour d’appel a justifié sa décision (cf. l’Ouvrage «Droit des sociétés» N° Lexbase : E8085EQI).
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Réf. : Cass. civ. 2, 19 septembre 2019, n° 18-19.929 (N° Lexbase : A8475ZN9) et n° 18-19.847 (N° Lexbase : A8474ZN8), F-P+B+I
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N0585BYC
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par François Taquet, Professeur de Droit social (IESEG, Skema BS), avocat, spécialiste en Droit du travail et protection sociale, Directeur scientifique du réseau d’avocats GESICA
Le 02 Octobre 2019
Résumé : Les auditions auxquelles les agents de contrôle procèdent pour la recherche et le constat des infractions en matière de travail illégal ne peuvent être réalisées qu’avec le consentement des personnes entendues (pourvoi n° 18-19.929).
En cas de contrôle opéré dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé, l’audition d’une personne rémunérée intervenue après la notification de la lettre d’observations consécutive au procès-verbal de constatation d’infraction n’entre pas dans le champ d’application des opérations de recherche et de constat d’infraction. Une cour d’appel ne saurait en conséquence annuler cette audition, le contrôle, le redressement et la mise en demeure de la société employeur au motif d’un manquement au principe du contradictoire (pourvoi n° 18-19.847).
Par deux arrêts publiés du 19 septembre 2019, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation vient énoncer quelques règles quant à la mise en œuvre d’auditions dans le cadre de la procédure de travail dissimulé. Deux idées fortes se dégagent de ces décisions : d’abord, et pendant le contrôle, il ne saurait y avoir d’audition sans le consentement de l’intéressé (I) ; ensuite, et après le contrôle, il y a absence d’application des règles protectrices de l’article L. 8271-6-1 du Code du travail (N° Lexbase : L5006K8W) (II).
I - Pendant le contrôle : pas d’audition sans le consentement de l’intéressé
Dans le pourvoi n° 18-19.929, les faits étaient les suivants : dans le cadre de ses missions de recherche et de constatation d’infractions constitutives de travail illégal, une URSSAF avait effectué un contrôle d’une société au cours duquel l’inspecteur du recouvrement avait procédé, le 15 janvier 2013, à l’audition de son représentant, sans que son consentement n’ait été recueilli. A la suite de ce contrôle, l’organisme de recouvrement avait notifié à la société un redressement résultant de l’infraction de travail dissimulé, que la société avait contesté. Dans un arrêt du 22 mai 2018, la cour d’appel d’Orléans (CA Orléans, 22 mai 2018, n° 15/03699 N° Lexbase : A3099XPH) avait rejeté l’ensemble des arguments de la société : d’une part, l’URSSAF n’avait pas l’obligation de faire parvenir au cotisant le procès-verbal constatant le délit (transmis au Parquet le 13 mars 2013), étant entendu que la lettre d’observations était «très complète…et lui permettait d’être informée des infractions reprochées et des montant des cotisations réclamées» ; d’autre part, pour les juges du fond, ce n’est que lorsque l’organisme contrôleur entend exclusivement fonder un redressement sur les déclarations d’un témoin ou d’un dirigeant qu’il doit procéder à son audition en respectant les formes prévues par l’article L. 8271-6-1 du Code du travail ; or, tel n’était pas le cas en l’espèce, puisque l’URSSAF n’avait pas fondé à titre principal le redressement sur l’audition du représentant de la société, mais sur les vérifications des livres comptables, l’intéressé n’ayant été entendu qu’à titre d’information pour expliciter les éléments découverts dans ces documents comptables.
Cette démonstration est balayée par la Cour de cassation : d’abord, les auditions auxquelles les agents de contrôle procèdent pour la recherche et le constat des infractions en matière de travail illégal ne peuvent être réalisées qu’avec le consentement des personnes entendues, ensuite, les dispositions qui confèrent aux agents de contrôle des pouvoirs d’investigation sont d’application stricte.
Soulignons, à titre liminaire, que le choix de procédure quant à la constatation du travail dissimulé peut se révéler relativement complexe. Pratiquement, trois hypothèses peuvent être retenues.
▪ Soit le travail dissimulé est constaté par l’URSSAF (lors d’un contrôle de cotisations, par exemple) et alors, cet organisme dispose d’un choix de procédure :
→ celle qui relève de l’article L. 8271-1 du Code du travail (N° Lexbase : L9980IQP), qui se réfère notamment aux «agents des organismes de Sécurité sociale et des caisses de mutualité sociale agricole agréés à cet effet et assermentés» ;
→ ou encore, celle qui relève des articles L. 243-7 (N° Lexbase : L8234LRE) et R. 243-59 (N° Lexbase : L8752LGA) du Code de la Sécurité sociale [1].
▪ Soit le travail dissimulé est constaté par une autorité autre que l’URSSAF :
→ la procédure sera celle prévue par les articles L. 8271-1 du Code du travail et R. 133-8 (N° Lexbase : L8680IY7) du Code de la Sécurité sociale.
▪ Soit enfin, la procédure est menée conjointement par une autorité et des services de l'URSSAF :
→ et dans ce cas, la procédure sera celle prévue par les articles L. 8271-1 et R. 133-8 susvisés.
C’est ce qui ressort d’une espèce où un contrôle avait été réalisé par les services de police «en partenariat», pour reprendre les termes de la lettre d'observations, avec l'URSSAF, en vue de constater d'éventuelles infractions aux interdictions mentionnées aux articles L. 8221-1 (N° Lexbase : L3589H9S) et L. 8221-2 (N° Lexbase : L3591H9U) du Code du travail. Pour les juges du fond, les dispositions de l'article L. 243-7 du Code de la Sécurité sociale ne trouvaient donc pas à s'appliquer (en particulier, l'URSSAF n'avait aucune obligation d'adresser préalablement un avis de passage). Dès lors, les dispositions de l'article R. 133-8 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L8680IY7) trouvaient application (avec obligation de signature du document par le directeur de l’organisme) [2].
Le choix de procédure est d’autant plus important que les garanties des cotisants ne sont pas équivalentes dans les différents cas de figure [3]. S’agissant des dispositions du Code du travail, on relèvera que les agents de contrôle, mentionnés à l'article L. 8271-1-2 (N° Lexbase : L7433K98), sont habilités à entendre, en quelque lieu que ce soit «et avec son consentement», tout employeur ou son représentant et toute personne rémunérée, ayant été rémunérée ou présumée être ou avoir été rémunérée par l'employeur ou par un travailleur indépendant, afin de connaître la nature de ses activités. Ces auditions peuvent faire l'objet d'un procès-verbal signé des agents de contrôle et des personnes entendues [4]. S’agissant maintenant, des dispositions spécifiques au Code de la Sécurité sociale, l’article R. 243-59, II, alinéa 5 [5] précise que «lorsqu'il est fait application des dispositions de l'article L. 8271-6-1 du Code du travail, il est fait mention au procès-verbal d'audition du consentement de la personne entendue. La signature du procès-verbal d'audition par la personne entendue vaut consentement de sa part à l'audition». La situation est donc claire : dans tous les cas, il appartient à l’URSSAF d’apporter la preuve que le consentement des personnes concernées a été préalablement recueilli pour les auditions [6]. En l’absence de cette preuve, le redressement est empreint de nullité. Et cette obligation de consentement vaut et ce, même si l’organisme n’a pas fondé à titre principal le redressement sur l’audition du représentant de la société, mais sur les vérifications de documents comptables. Le manquement formel (mais substantiel) rejaillit sur l’intégralité du contrôle. Comme le rappelle la deuxième chambre civile, «les dispositions qui confèrent aux agents de contrôle des pouvoirs d’investigation sont d’application stricte» [7].
II - Après le contrôle : absence d’application des règles protectrices de l’article L. 8271-6-1 du Code du travail
Cependant, ces pouvoirs stricts des agents de contrôle connaissent une limite : celle de la vérification elle-même. Ce principe est démontré dans le pourvoi n° 18-19.847, dans une affaire où les dates ont leur importance.
En l’espèce, et toujours dans le cadre de la recherche et de la constatation d’infractions constitutives de travail illégal, une URSSAF avait effectué, le 30 avril 2013, un contrôle dans les locaux d’un hôtel à la suite duquel elle lui avait adressé une lettre d’observations en date du 23 mai 2013 opérant un redressement. Le même jour, l’organisme établissait un procès-verbal pour dissimulation d’emploi salarié (personne hébergée gratuitement dans l’hôtel en contrepartie d’une activité de gardiennage). A la suite de la réponse de la société à la lettre d’observations, l’agent de contrôle avait procédé, le 16 juillet 2013 (soit postérieurement à la clôture des opérations de contrôle) à l’audition d’une salariée, suivant procès-verbal ne mentionnant pas, toutefois, son consentement mais indiquant que l’audition était recueillie sur le fondement de la recherche des infractions de travail dissimulé (les éléments de l’audition ayant été cités dans la réponse de l’URSSAF du 26 juillet 2013).
La cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans un arrêt du 16 mai 2018, avait décidé que le déroulement de la procédure caractérisait «des manquements graves et caractérisé au principe du contradictoire» puisque le procès-verbal d’audition ne mentionnait pas le consentement de la salariée et que le cotisant n’avait pu répondre aux éléments d’audition cités dans la lettre de l’URSSAF du 26 juillet 2013. Elle ajoutait même que la condamnation pénale de la société était indifférente dès lors que la validité de la procédure de contrôle ne pouvait être appréciée que par la juridiction sociale. Cette position est censurée par les juges suprêmes : l’audition litigieuse étant intervenue après la notification de la lettre d’observations consécutive au procès-verbal de constatation d’infraction, elle n’entrait pas dans le champ d’application des opérations de recherche et de constat d’infraction.
La démonstration de la Cour de cassation peut sembler imparable ! Après tout, l’audition étant intervenue après les opérations de contrôle, les garanties prévues en faveur du cotisant (dont le consentement de la personne interrogée) ne pouvaient trouver application. Après tout, les dispositions de l’article R. 243-59, II, al. 5 du Code de la Sécurité sociale susmentionné, précisant que quand les dispositions de l'article L. 8271-6-1 du Code du travail trouvent application, il est spécifié au procès-verbal d'audition le consentement de la personne entendue, ne trouvent application qu’en matière de contrôle [8].
Cependant, cette solution laisse un certain nombre de doutes et de questions sans réponse :
▪ d’abord, on peut s’interroger sur les garanties dont disposent les personnes interrogées après la procédure de contrôle. En effet, l’article L. 8271-6-1 du Code du travail traite de deux garanties en faveur de la personne auditionnée : son consentement et l’application des dispositions de l’article 61-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7470LPD). Or, à la lecture de la décision, ces protections semblent disparaître dès lors que l’audition se situe après le contrôle…
▪ ensuite, l’argument suivant lequel l’audition survenue après une opération de vérification n’entre pas dans le champ d’application des opérations de recherche et de constat d’infraction de travail dissimulé mériterait pour le moins d’être étayé. Car, si l’article L. 8271-6-1 susmentionné ne semble concerner que les opérations de contrôle, la référence est reprise à l’article R. 243-59, II, al. 5 du Code de la Sécurité sociale, article qui, par ailleurs traite non seulement du contrôle mais aussi de l’ensemble de la procédure contradictoire, et ce, dans une section intitulée «Contrôle». En un mot, les rédacteurs du Code de la Sécurité sociale ne semblent pas avoir limité les garanties des personnes interrogées lors du simple temps du contrôle…
▪ enfin, la solution dégagée par la Cour de cassation pose un véritable problème au regard de la procédure contradictoire [9]. En effet, les éléments de l’audition avaient été cités par l’URSSAF dans le courrier du 26 juillet 2013, soit deux mois après la lettre d’observations et surtout après la réponse du cotisant. Or, cette manière de procéder ne laissait plus la faculté au cotisant de faire valoir ses arguments dans le cadre de la procédure contradictoire. L’URSSAF s’appuyant sur de nouveaux fondements pour appuyer son redressement, il aurait semblé cohérent que des échanges contradictoires puissent intervenir afin de susciter un dialogue avant tout contentieux.
Ainsi, ce dernier arrêt de la Cour de cassation laisse des interrogations essentielles sans réponse. Qui plus est, il réduit les garanties des cotisants au milieu d’un droit qui ne leur en accorde pas suffisamment.
Il est étrange de constater que dans la même journée, la Cour de cassation ait soufflé le chaud et le froid ! Sans doute la solution adoptée par le pourvoi n° 18-19.847 mérite-t-elle de plus amples précisions.
👉 Quel impact dans ma pratique ? La définition du travail illégal est particulièrement vaste, à tel point que d’aucuns ont pu considérer que maints employeurs le pratiquaient sans même le savoir… Les moyens donnés, notamment aux URSSAF, pour lutter contre ce phénomène sont très importants. Les sanctions applicables sont redoutables. Dans ces conditions, le professionnel confronté à un contentieux relatif au travail illégal va d’abord vérifier le respect de la procédure. Dans le pourvoi n° 18-19.929 la Cour de cassation conforte sa jurisprudence selon laquelle les dispositions qui confèrent aux agents de contrôle des pouvoirs d’investigation sont d’application stricte. La solution dégagée par le pourvoi n° 18-19.847 demande, quant à elle, à être précisée car le professionnel ne saurait se contenter d’incertitudes quant aux garanties des employeurs confrontés à une situation de travail illégal. |
[1] Cass. civ. 2, 7 juillet 2016, n° 15-16.110, FS-P+B (N° Lexbase : A0051RX8) : si la recherche des infractions constitutives de travail illégal mentionnées à l'article L. 8211-1 du Code du travail (N° Lexbase : A8472WYG) est soumise aux articles L. 8271-1 (N° Lexbase : L9980IQP) et suivants du même Code, ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'un organisme de recouvrement procède, dans le cadre du contrôle de l'application de la législation de Sécurité sociale par les employeurs et les travailleurs indépendants prévu par l'article L. 243-7 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L8234LRE), à la recherche des infractions susmentionnées aux seules fins de recouvrement des cotisations afférentes. V. dans le même sens : Cass. civ. 2, 9 novembre 2017, n° 16-23.484, F-P+B (N° Lexbase : A0051RX8) - rappelons que les garanties de procédure ne sont pas identiques s’agissant des articles L. 8271-1 du Code du travail et R. 133-8 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L8680IY7), d’une part, et L. 243-7 et R. 243-59 (N° Lexbase : L8752LGA) du Code de la Sécurité sociale, d’autre part.
[2] CA Versailles, 12 septembre 2019, n° 18/04400 (N° Lexbase : A3113ZNM).
[3] V. notre article, 3 questions - Travail dissimulé : un choix de procédure pour les URSSAF, JCP éd. E, 2018, 562.
[4] C. trav., art. L. 8271-6-1 (N° Lexbase : L5006K8W).
[5] Dans la version issue du décret n° 2016-941 du 8 juillet 2016 (N° Lexbase : L2678K93).
[6] V. Cass. civ. 2, 9 octobre 2014, n° 13-19.493, FS-P+B (N° Lexbase : A2168MYX) - V. également : CA Rennes, 17 avril 2013, n° 12/05614 (N° Lexbase : A2958KCK) ; CA Rennes, 17 décembre 2014, n° 13/07994 (N° Lexbase : A8429M7C) et n° 13/08000 (N° Lexbase : A8512M7E) ; CA Rennes, 14 octobre 2015, n° 13/08889 (N° Lexbase : A2616NT3) ; CA Agen, 27 septembre 2016, n° 15/00140 (N° Lexbase : A3451R4L) ; CA Rouen, 15 mars 2017, n° 15/05232 (N° Lexbase : A1914T7Z) ; CA Paris, Pôle 6, 12ème ch., 1er juin 2017, n° 14/04653 (N° Lexbase : A9158WEW) ; CA Rouen, 11 octobre 2017, n° 15/04256 (N° Lexbase : A4613WUE) ; CA Versailles, 17 mai 2018, n° 16/00907 (N° Lexbase : A0017XNX).
[7] V. en ce sens : Cass. civ. 2, 10 mai 2005, n° 04-30.046, F-D (N° Lexbase : A2429DIS).
[8] D’ailleurs, cet article trouve sa place dans une section intitulée «Contrôle».
[9] V. notre article, Quelques réflexions sur le respect du principe du contradictoire dans le contrôle URSSAF, Gaz Pal., 27 février 2018, n° 8, p. 16 et s..
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