La lettre juridique n°796 du 26 septembre 2019

La lettre juridique - Édition n°796

Bancaire

[Brèves] Précisions sur le devoir de mise en garde invocable par une SCI crédit-preneur

Réf. : Cass. civ. 3, 19 septembre 2019, n° 18-15.398, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8468ZNX)

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par Jérôme Lasserre Capdeville

Le 22 Novembre 2019

► Lorsque l’emprunteur est une société civile immobilière, seule celle-ci est créancière de l’obligation de mise en garde et non ses associés, même si ceux-ci sont tenus indéfiniment des dettes sociales, et le caractère averti de cet emprunteur s’apprécie en la seule personne de son représentant légal et non en celle de ses associés.

Tel est l’enseignement d’un arrêt de la Cour de cassation du 19 septembre 2019 (Cass. civ. 3, 19 septembre 2019, n° 18-15.398, FS-P+B+I N° Lexbase : A8468ZNX).

 

Le 28 décembre 2006, Mme A et MM. B, C et F (les consorts X) ont constitué une société civile immobilière en vue de l’acquisition d’un terrain sur lequel devait être édifié un immeuble à usage industriel et de bureaux. Par acte authentique du 11 juillet 2008, différents établissements financiers ont conclu avec la SCI un contrat de crédit-bail destiné à financer l’acquisition du terrain et la construction de l’immeuble. Un avenant a été conclu par la suite pour financer la réalisation de travaux supplémentaires.
Or, la SCI étant finalement défaillante, une ordonnance de référé du 6 septembre 2013 a constaté l’acquisition de la clause résolutoire insérée au contrat. La SCI et ses associés ont alors assigné les crédits-bailleurs en responsabilité pour manquement à leur devoir de mise en garde et de conseil lors de la conclusion du crédit-bail et de son avenant.
La SCI a été mise en liquidation judiciaire. Les crédits-bailleurs ont alors appelé le liquidateur en intervention forcée et demandé reconventionnellement la fixation de leur créance au passif de la SCI, ainsi que la condamnation des associés et de la caution à leur payer les sommes dues à la suite de la résiliation du crédit-bail.

La cour d’appel de Paris (CA Paris, Pôle 5, 9ème ch., 22 février 2018, n° 16/00657 N° Lexbase : A5046XHD) ayant donné raison aux crédit-bailleurs, les consorts X, la SCI et son mandataire liquidateur ont formé un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation rejette cependant ce dernier. Elle nous donne des indications utiles à propos du devoir de mise en garde (dont le manquement peut parfaitement être soulevé en matière de crédit-bail, Cass. com., 12 décembre 2006, n° 03-20.176, FS-P+B N° Lexbase : A8955DSH ; Cass. com., 22 mars 2016, n° 14-20.216, FS-P+B N° Lexbase : A3599RAK, sur lequel lire N° Lexbase : N2090BWC).

D’une part, elle rappelle que seules les personnes non averties peuvent bénéficier du devoir de mise en garde et que le caractère averti d’une personne morale s’apprécie, lors de la conclusion du contrat, en la personne de son représentant.
Or, les juges de la cour d’appel avaient relevé que M. B avait créé le groupe B en 1993 et était le dirigeant de toutes les sociétés de ce groupe, dont il connaissait la situation et les perspectives de développement, qu’il avait choisi le terrain, décidé des travaux et de l’opération dans son ensemble, qu’il avait auparavant réalisé une opération d’acquisition à effet de levier, dite LBO, pour procéder au rachat d’une société en 2001, avant de réaliser une autre opération de croissance externe en 2005, qu’il avait déjà procédé à des financements similaires et disposait de connaissances et d’une expérience avérées dans le domaine de la gestion, lui permettant d’appréhender le crédit contracté ainsi que la teneur et la portée de ses propres obligations en qualité de caution. Les magistrats parisiens ont donc pu en déduire souverainement, selon la Haute juridiction, que M. B était un de ces chefs.

D’autre part, on notera que les associés du crédit-preneur, la SCI, soutenaient que les crédits-bailleurs avaient manqué à leur devoir de mise en garde à leur égard, en ce qu’ils étaient des associés non avertis incapables de faire face au risque financier résultant de l’octroi des crédits litigieux à la SCI. Or, sur ce point, la Cour de cassation vient nous indiquer que lorsque l’emprunteur est une société civile immobilière, seule celle-ci est créancière de l’obligation de mise en garde et non ses associés, même si ceux-ci sont tenus indéfiniment des dettes sociales, et que le caractère averti de cet emprunteur s’apprécie en la seule personne de son représentant légal et non en celle de ses associés.

Cette affirmation ne surprendra pas le lecteur. La Cour de cassation a eu l’occasion de retenir une solution analogue, il y a peu, à l’égard des associés d’une société en nom collectif (SNC), même si ceux-ci sont solidairement tenus des dettes sociales (Cass. com., 11 avril 2018, n° 15-27.133, FS-P+B N° Lexbase : A1615XLE, sur lequel lire N° Lexbase : N3737BXP ; cf. l’Ouvrage «Droit bancaire» N° Lexbase : E7466E9E).

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Bancaire

[Le point sur...] Délit d’exercice illégal de la profession de banquier : précision sur le délai de prescription

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par Jérôme Lasserre Capdeville, Maître de conférences - HDR, Université de Strasbourg

Le 25 Septembre 2019

Le délit d’exercice illégal de la profession de banquier a pour intérêt de protéger l’activité des banques en sanctionnant les atteintes portées au monopole bancaire. Il n’est alors pas rare qu’il soit caractérisé en pratique. Pourtant, l’état du droit applicable à ce délit n’est pas totalement limpide. Son délai de prescription suscite notamment une question importante : à quel moment se met-il à courir ? Cette contribution cherche à répondre à cette importante interrogation.

1. L’activité bancaire est une activité réglementée et protégée. Un monopole, dit «bancaire», est ainsi prévu par notre droit pour réserver aux seuls établissements de crédit (voire aux sociétés de financement dans un cas) l’accomplissement «à titre habituel» des opérations de banque, c’est-à-dire la réception de fonds remboursables du public, la délivrance de crédit et enfin la fourniture des services bancaires de paiement [1].

2. Cette notion de «monopole bancaire» pourrait laisser penser qu’un privilège, un avantage particulier, est reconnu à certaines personnes par le droit bancaire. Or tel n’est pas exactement le cas. Il convient plutôt de voir, à travers ce monopole, une règle de protection. Il se justifie en effet par la nécessité de protéger les déposants, qui doivent être assurés de la liquidité du marché, et de les garantir contre tout risque d'insolvabilité des établissements du secteur bancaire. Il permet encore de centraliser la collecte de l’argent et facilite le contrôle de la distribution du crédit. Formellement le monopole bancaire se traduit par la définition de conditions strictes pour l’accès à l'exercice de l’activité bancaire, et plus particulièrement l’obtention d’un «agrément bancaire» délivré par la Banque centrale européenne (BCE) à la demande de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) [2].

3. Ce monopole est alors protégé par le droit pénal. Les articles L. 511-5 (N° Lexbase : L2550IXQ) et L. 571-3 (N° Lexbase : L4250AP4) du Code monétaire et financier prévoient et répriment ainsi l’atteinte à ce dernier par l’intermédiaire du délit d’exercice illégal de la profession de banquier [3]. Des sanctions non négligeables sont alors encourues : trois ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende pour les personnes physiques, et 1 875 000 euros d’amende pour les personnes morales [4]. Des peines complémentaires et accessoires sont également prévues [5]. Des exceptions légales existent néanmoins [6].

4. Mais une question peut se poser, en pratique, avec le délai de prescription de l’action publique de cette incrimination. Certes, sa durée ne suscite pas de difficulté. On sait que le délai applicable au délit est passé,  à la suite de l’adoption de la loi n° 2017-242 du 27 février 2017, portant réforme de la prescription en matière pénale (N° Lexbase : L0288LDZ) [7], de 3 à 6 ans [8]. Cette dernière évolution est entrée en vigueur le 1er mars 2017. Or, on rappellera que, pour l’article 112-2, 4° du Code pénal (N° Lexbase : L0454DZT), «lorsque les prescriptions ne sont pas acquises, les lois relatives à la prescription de l'action publique et à la prescription des peines» [9]. Dit autrement si, dans une affaire, au 1er mars 2017, la prescription de 3 ans n’était pas encore acquise, le délai de prescription applicable à cette même affaire est passé à 6 ans.

5. Mais à quel moment débute ce délai ? Selon l’article 8 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0383LDK), c’est «à compter du jour où l'infraction a été commise». Mais quand est-ce le cas en matière d’exercice illégal de la profession de banquier ?

6. La réponse à cette question (II) ne peut être donnée qu’après avoir qualifié l’incrimination en question (I). Or, il s’agit dans plusieurs cas d’une infraction d’habitude.

I - La qualification d’infraction d’habitude

7. Observons le délit d’exercice illégal de la profession de banquier, trouvant son siège à l’article L. 511-5 du Code monétaire et financier. On notera que, jusqu’au 1er janvier 2014, celui-ci envisageait deux éléments matériels distincts : d’une part, le fait pour «toute personne autre qu’un établissement de crédit d’effectuer des opérations de banque à titre habituel», et, d’autre part, le fait pour «toute entreprise autre qu’un établissement de crédit de recevoir du public des fonds à vue ou à moins de deux ans de terme». Cette seconde hypothèse, moins connue que la première, présentait deux caractéristiques : elle ne s’adressait qu’aux entreprises, et elle n’exigeait pas un fait commis de façon habituelle.

8. Cependant, depuis le 1er janvier 2014, c’est-à-dire l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2013-544 du 27 juin 2013, relative aux établissements de crédit et aux sociétés de financement (N° Lexbase : L2132IXA)[10], ces éléments matériels ont évolué en laissant leur place à deux nouvelles situations. La séparation entre celles-ci est désormais opérée en fonction de l’opération de banque réalisée : d’un côté, l’opération de crédit et, de l’autre, la réception de fonds remboursables du public et la fourniture de services bancaires de paiement. Reprenons, successivement, ces deux hypothèses.

9. En premier lieu, l’article L. 511-5, alinéa 1er, du Code monétaire et financier interdit «à toute personne autre qu'un établissement de crédit ou une société de financement d’effectuer des opérations de crédit à titre habituel». Il n’est pas rare que ce délit soit caractérisé par les magistrats, que cela soit pour les crédits sans mobilisation de créances [11], des crédits avec mobilisation de créances [12] ou encore des crédits par signature [13].

10. Or, nous le voyons à la lecture de l’alinéa en question, il est nécessaire, pour que l’infraction soit caractérisée, que les prêts aient été accordés «à titre habituel».

11. Dès lors, une question se pose immanquablement : à partir de quel moment cette habitude peut-elle être retenue ? La loi étant muette sur ce point, la Cour de cassation est venue le préciser. De longue date, elle estime que cette notion débute à partir du second acte [14] et n’implique pas que des actes aient été accomplis à l’égard de personnes différentes. Cependant, en matière d’exercice illégal de la profession de banquier, les magistrats se sont quelque peu démarqués de cette solution en exigeant que les opérations bancaires, et plus particulièrement l’octroi de crédits, aient été réalisées auprès de plusieurs personnes. Ainsi, le seul fait de constater que le prévenu a accordé plusieurs prêts successifs à une même société ne permet pas de retenir le caractère habituel de cet acte [15]. Comme le résume une décision de la cour d’appel de Paris, le caractère habituel des opérations de banque effectuées par des personnes non agréées suppose «la recherche de clientèle» et l’incrimination étudiée «a pour objet de réprimer les prêteurs d'habitude se présentant comme des professionnels auprès de plusieurs emprunteurs éventuels» [16].

12. En second lieu, l’article L. 511-5, alinéa 2, du Code monétaire et financier interdit « à toute personne autre qu’un établissement de crédit de recevoir à titre habituel des fonds remboursables du public ou de fournir des services bancaires de paiement ». Nos propos porteront, en particulier, sur le cas de la réception des fonds remboursable du public, la catégorie des services bancaires de paiement étant aujourd’hui des plus réduites, car simplement limitée au chèque [17].

13. On rappellera que, pour l’article L. 312-2 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L7483LQ9), cette notion de «fonds remboursables du public» est constituée par ceux «qu’une personne recueille d’un tiers, notamment sous la forme de dépôts, avec le droit d'en disposer pour son propre compte, mais à charge pour elle de les restituer». Les dépôts sont logiquement concernés, même si la notion est plus large que ces derniers [18]. Dans cette hypothèse encore, des condamnations sont régulièrement prononcées sur le fondement de l’exercice illégal de la profession de banquier [19].

14. Or, il apparait à la lecture de l’alinéa 2 de l’article L. 511-5 que, dans cette situation aussi, des faits habituels de la part de l’auteur sont requis.

15. Dès lors, il découle de ce qui précède que la commission du délit d’exercice illégal de la profession de banquier par octroi de crédit ou réception de fonds remboursables du public implique nécessairement une réitération d’actes, et même dans le premier cas, une pluralité des bénéficiaires des crédits. L’incrimination est donc d’habitude [20].

16. Pour mémoire, les infractions sont qualifiées de la sorte lorsque leur caractérisation implique la réitération d’un acte qui, pris isolément, n’est pas punissable. Ainsi, contrairement à l’infraction continue, l’infraction d’habitude exige non pas la continuation du même acte, mais sa réitération, c’est-à-dire l’accomplissement de plusieurs actes identiques [21]. Dans tous les cas, et quel que soit le nombre d’actes, la jurisprudence retient toujours une seule infraction d'habitude et non plusieurs. Relèvent de cette catégorie, par exemple, l’exercice illégal de la médecine [22], les appels téléphoniques malveillants [23], le harcèlement sexuel [24] ou encore la célébration d’un mariage religieux sans mariage civil préalable [25]. Pour chacune de ces infractions, et bien d’autres encore, la répétition du comportement infractionnel est en effet une condition des poursuites.

17. C’est cette nature qui va alors nous permettre de déterminer à quel moment doit se situer le point de départ du délai de prescription de l’action publique.

II - La détermination du point de départ du délai de prescription

18. Conformément aux articles 7 (N° Lexbase : L6212LLN), 8 et 9 (N° Lexbase : L0382LDI) du Code de procédure pénale, le délai de prescription de l’action publique court «du jour où l’infraction a été commise».

19. Mais quelle est cette date ? Tout dépend de la nature de l’infraction. On notera en effet que le législateur de 2017 est resté silencieux sur la différenciation du point de départ du délai en fonction de la nature matérielle de l'infraction (instantanée, continue, complexe, d’habitude). Les solutions dégagées de longue date par la jurisprudence sont ainsi toujours d’actualité [26].

20. Un rappel s’impose alors. D’abord, en présence d’infractions instantanées, qui sont constituées par un acte de commission (voire d’omission) qui s’exécute en un trait de temps (peu importe leurs effets), le point de départ du délai de prescription de l’action publique se situera le jour où l’acte est réalisé, c’est-à-dire une fois que le seuil de consommation de l'infraction sera atteint. La solution est donc particulièrement simple ici. Ensuite, en cas d’infraction continue, dont la consommation (et donc l’élément matériel) a pour caractéristique de se prolonger dans le temps, la prescription ne court qu’à partir du jour où l’état délictueux a pris fin [27]. Enfin, on rappellera que les infractions sont dites «complexes» lorsque leur caractérisation implique la réunion de plusieurs actes matériels distincts, coordonnés et concourant à une fin unique. On illustre traditionnellement cette variété d’infractions par le délit d’escroquerie [28] qui consiste à se faire remettre un bien quelconque par l’emploi de moyens limitativement énumérés, et notamment des manœuvres frauduleuses. Ici, le jour de commission de l’infraction, point de départ de la prescription de l’action publique, sera celui où tous ses éléments constitutifs auront été réunis. Ainsi, en cas d’escroquerie, il courra à partir du jour où le délit est consommé par la remise de la chose frauduleusement obtenue [29].

21. La solution est cependant différente pour les infractions d’habitude mentionnées précédemment : le point de départ se situera au jour du dernier acte manifestant l’état d’habitude.

22. Concrètement, la nouvelle commission de l’élément intentionnel dénoncé renouvellera le comportement infractionnel pour le tout, de sorte que le délai de prescription courra à compter de ce dernier, et ce même si le temps écoulé depuis le précédent acte caractérisant l’infraction est supérieur au délai de prescription [30].

23 Un auteur nous donne un exemple limpide : «si un premier acte a lieu en janvier, un deuxième en février, puis trois derniers autres un 1er octobre, c’est à cette seule dernière occurrence qu’il faudra se référer» [31]. Ainsi, les réitérations successives décalent dans le temps le point de départ du délai de prescription intéressant une infraction d’habitude.

24. Cette solution doit alors s’appliquer au délit d’exercice illégal de la profession de banquier. La jurisprudence parait aujourd’hui l’admettre, même si elle a connu, semble-t-il, une évolution sur ce point.

25. Citons d’abord une décision de la Chambre criminelle du 11 février 2009 qui interpelle [32]. En l’occurrence, le prévenu reprochait aux juges du fond d’avoir écarté l’exception de prescription qu’il avait soulevée devant eux. La cour d’appel de Bordeaux avait ainsi estimé que la prescription n’avait «commencé à courir qu’à la fin du remboursement des prêts s’agissant d'une infraction complexe qui n'est pas consommée par la seule remise des fonds». Or, pour l’intéressé, en retenant de la sorte que le délit n’était consommé qu’en cas de remboursement des fonds prêtés, et en déterminant à la date du dernier remboursement le point de départ du délai de prescription, la cour d’appel aurait ajouté à la définition de l’infraction un élément non prévu par la loi et violé différents articles. La Cour de cassation rejette cependant ce moyen, estimant à son tour que «la perception des remboursements est un élément constitutif de l’infraction faisant courir le délai de prescription». Elle confirme de la sorte la position de la cour d’appel.

26. Cette solution, déjà retenue par le passé par la Haute juridiction [33], n’échappe cependant pas à la critique. Comme nous avions pu le souligner à l’occasion de notre commentaire de cette décision il y a dix ans [34], celle-ci semble opérer une confusion entre l’infraction complexe et l’infraction d’habitude, en voulant absolument classer le délit étudié dans la première catégorie alors qu’il relève, comme son contenu l’indique, de la seconde. En outre, selon nous, le remboursement n’est que l’effet du crédit consenti ; il n’est donc pas un élément «supplémentaire» constitutif à l’élément matériel de l’infraction. A défaut, l’article encadrant l’infraction l’aurait indiqué, comme par exemple pour le délit d’escroquerie [35].

27. Il est alors heureux de noter que les décisions postérieures se sont écartées de cette solution et ont appliqué au délit étudié les règles de prescription propres aux infractions d’habitude. Deux arrêts peuvent ainsi être cités. Tout d’abord, mentionnons une décision en date du 16 juin 2010 [36] dans laquelle il est clairement dit que pour ce qui est de l’exercice illégal de la profession de banquier ou de celle de conseiller financier, «il s’agit effectivement d'’infractions d’habitude dont seul le dernier acte accompli de façon illégale peut constituer le point de départ de la prescription». Ensuite, et plus près de nous, citons un arrêt de la Cour de cassation du 8 juillet 2015 [37] dans lequel est rappelé, par le pourvoi, que «le délit d’exercice illégal de la profession de banquier est une infraction d’habitude dont le point de départ du délai de prescription est fixé à la date du dernier acte constituant l’habitude». La discussion portait alors sur la date de la dernière opération de banque passée indûment. La Cour de cassation esquive d’ailleurs la question de la prescription du délit au motif qu’elle n’avait pas été soulevée par la cour d’appel et qu’il s’agissait d’un moyen mélangé de fait qui était irrecevable, confirmant ainsi la condamnation du prévenu pour complicité d’exercice illégal de la profession de banquier.

28. La solution parait donc simple, aujourd’hui, pour le délit nous occupe : le point de départ du délai de prescription de l’action publique se situe au jour de la dernière réitération de l’infraction.

29. Illustrons nos propos. Imaginons que des prêts aient été accordés par un prêteur non agréé en janvier 2014, puis en janvier 2016. Le délit peut alors, en théorie, être d’ores et déjà caractérisé à partir de cette dernière date. Cependant, si aucune action en justice n’a pas été entamée à ce moment-là, et que le même prêteur accorde de nouveaux concours en janvier 2017, nous serons certes toujours en présence du même délit, mais le point de départ du délai de prescription de l’action publique ne débutera qu’à partir de janvier 2017, c’est-à-dire à la date du dernier acte opéré de façon illicite.


[1] C. mon. fin., art. L. 311-1 (N° Lexbase : L2512IXC).

[2] C. mon. fin., art. L. 511-10 (N° Lexbase : L6597I8T) et s..

[3] Sur ce délit, nos obs., Banque, Rép. Pénal Dalloz, 2018, n° 53 et s. ; Ch. Claverie-Rousset, Banque, JurisClasseur Pénal des affaires, fasc. 10, 2019, n° 11 et s..

[4] C. pén., art. 131-38 (N° Lexbase : L0410DZ9).

[5] Nos obs., op. cit., n° 113 et 114.

[6] V. notamment, C. mon. fin., art. L. 312-2 (N° Lexbase : L7483LQ9), L. 511-6 (N° Lexbase : L9649LQG) et L. 511-7 (N° Lexbase : L0054LNC) ; nos obs., op. cit., n° 86 et s..

[7] JORF du 28 février 2017, texte n° 2.

[8] C. proc. pén., art. 8 (N° Lexbase : L0383LDK).

[9] La jurisprudence applique cette solution de longue date : v. par ex., Cass. crim., 3 novembre 1994, n° 94-80.010, publié (N° Lexbase : A9368CEP), Bull. crim., n° 349 ; Cass. crim., 28 février 1995, n° 93-83.493, publié (N° Lexbase : A2902CKP), Bull. crim., n° 87.  Sur cette question, C. Lacroix, Lois et règlements. Application de la norme pénale, Rép. Pénal Dalloz, 2018, n° 210 et s..

[10] JORF du 28 juin 2013, p. 10682.

[11] V. par ex., Cass. crim., 11 février 2009, n° 08-83.870, F-D (N° Lexbase : A3352ZPT) Gaz. Pal., 17 octobre 2009, n° 290, p. 9, nos obs. ; Resp. civ. et ass. juin 2009, comm. 171 ; CA Montpellier, 20 mai 2010, n° 09/01741 ; Cass. crim., 14 décembre 2016, n° 16-80.059, F-D (N° Lexbase : A2231SXW), Banque et droit, janvier-février 2017, n° 171, p. 66, nos obs. ; Gaz. Pal., 13 juin 2017, n° 22, p. 83, obs. J. Morel-Maroger ; LEDB, février 2017, p. 7, obs. N. Mathey.

[12] V. par ex., CA Paris, 19 janvier 2006, JCP éd. E, 2006, p. 2028, n° 1, obs. J. Stoufflet ; CA Rouen, 20 avril 2016, n° 14/00997, Banque et droit 2016, n° 168, p. 70, nos obs. ; Cass. crim., 18 juillet 2017, n° 16-83.346, F-D (N° Lexbase : A5917WNH), Banque et droit, septembre-octobre 2017, n° 175, p. 70, nos obs..

[13] V. par ex., Cass. crim., 5 décembre 2001, n° 01-82.351, F-D (N° Lexbase : A2933CNX).

[14] Cass. crim., 3 juillet 1896, Bull. crim., n° 218 ; Cass. crim., 4 avril 1919, Bull. crim., n° 87 ; Cass. crim., 24 mars 1944,  D., 1944, p. 75 ; Cass. crim., 5 février 2003, n° 01-87.052, inédit (N° Lexbase : A3349ZPQ).

[15] Cass. crim., 2 mai 1994, n° 93-83.512, publié (N° Lexbase : A8386AB9), Bull. crim., n° 158 ; JCP éd. E, 1995, I, p. 463, n° 5, obs. Ch. Gavalda et J. Stoufflet ; Cass. com., 3 décembre 2002, n° 00-16.957, FS-P (N° Lexbase : A2060A43), Bull. civ. IV, n° 182 ; D., 2003, p. 202, obs. A. Lienhard ; RTDCom., 2003, p. 344, obs. D. Legeais ; JCP éd. E, 2003, p. 953, note B. Dondéro ; RD banc. fin., 2003, comm. 58, obs. F.-J. Crédot et Y. Gérard ; Banque et droit, mai-juin 2003, n° 89, p. 55, obs. Th. Bonneau ; Cass. crim., 17 octobre 2007, n° 07-81.038 (N° Lexbase : A3351ZPS) ;  CA Montpellier, 20 mai 2010, n° 09/01741 ; CA Versailles, 15 septembre 2011, n° 10/08029, LEDB, février 2012, p. 2, nos obs. ; Cass. com., 30 juin 2015, n° 14-14.443, F-D (N° Lexbase : A5495NMH).

[16] CA Paris, 26 juin 1995, RD banc. Bourse, 1996, p. 234, obs. F.-J. Crédot et Y. Gérard.

[17] J. Lasserre Capdeville, M. Storck, M. Mignot, J.-Ph. Kovar et N. Eréséo, Droit bancaire, éd. Dalloz, 2019, 2ème éd., n° 893.

[18] Nos obs., op. cit., n° 74.

[19] V. par ex., Cass. crim., 11 mars 2015, n° 13-88.250, F-D (N° Lexbase : A3274NDM), Banque et droit, mai-juin 2015, n° 161, p. 92, nos obs. ; Cass. crim., 17 juin 2015, n° 14-80.977, FS-P (N° Lexbase : A5127NLH), Banque et droit, juillet-août 2015, n° 162, p. 83, nos obs. ; Cass. crim., 22 février 2017, n° 15-85.799, F-D (N° Lexbase : A2562TPL), Banque et droit, mars-avril 2017, n° 172, p. 66, nos obs. ; Cass. crim., 11 juillet 2017, n° 15-86.556, F-D (N° Lexbase : A9936WMX), Banque et droit, janvier-février 2018, n° 177, p. 63, nos obs. ; Gaz. Pal., 14 novembre 2017, n° 39, p. 80, obs. J. Morel-Maroger ; Cass. crim., 5 avril 2018, n° 17-81.465, F-D (N° Lexbase : A4425XK4), Banque et droit, mai-juin 2018, n° 179, p. 67, nos obs. ; Gaz. Pal., 12 juin 2018, n° 21, p. 77, obs. J. Morel-Maroger.

[20] Il en va différemment, en revanche, pour la fourniture de services bancaire de paiement, nos obs., op. cit., n° 82.

[21] L’infraction d’habitude doit être distinguée des infractions successives, c’est-à-dire de plusieurs infractions identiques commises les unes à la suite des autres. Dans ce dernier cas, en effet, chacune conserve son autonomie, la pluralité de faits similaires n’étant ni un élément constitutif, ni une cause d’aggravation.

[22] C. santé publique, art. L. 4161-5 (N° Lexbase : L9747IEQ).

[23] C. pén., art. 222-16 (N° Lexbase : L9322I3N).

[24] C. pén., art. 222-33, I (N° Lexbase : L6229LLB).

[25] C. pén., art. 433-21 (N° Lexbase : L1850AMH).

[26] Ch. Courtin, Prescription de l’action publique : Rép. Pénal Dalloz, 2019, n° 31.

[27] V. par ex., Cass. crim., 17 mai 1983, n° 83-90.110, publié (N° Lexbase : A8639CHG), Bull. crim., n° 142 ; Cass. crim., 20 mai 1992, n° 90-87.350, publié (N° Lexbase : A0484ABK), Bull. crim., n° 202.

[28] C. pén. art. 313-1 (N° Lexbase : L2012AMH).

[29] Cass. crim., 30 juin 1999, n° 98-82.009, publié (N° Lexbase : A5746CKZ), Bull. crim.,, n° 170.

[30] E. Raschel, Action publique. Prescription, JurisClasseur Procédure pénale, Art. 7 à 9-3, Fasc. 20, 2018, n° 94. Dans le même sens, Ch. Courtin, Prescription de l’action publique, Rép. Pénal Dalloz, 2019, n° 49.

[31] E. Raschel, op. cit., n° 95.

[32] Cass. crim., 11 février 2009, n° 08-83.870, préc., Gaz. Pal., 16 octobre 2009, p. 9, nos obs. ; Resp. civ. et ass., juin 2009, comm. 171 ; Ch. Claverie-Rousset, Banque, JurisClasseur Lois pénales spéciales, Fasc. 20, 2019, n° 50.

[33] Cass. crim., 22 septembre 2004, n° 03-87.452, F-D (N° Lexbase : A3350ZPR).

[34] Gaz. Pal., 16 octobre 2009, p. 9.

[35] C. pén., art. 313-1. On aurait également pu imaginer qu’un article décide de reporter le point de départ du délai de prescription comme avec le délit d’usure. Ainsi, pour l’article L. 341-51 du Code de la consommation (N° Lexbase : L3320K74), en ce qui concerne ce dernier «la prescription de l'action publique court à compter du jour de la dernière perception, soit d'intérêt, soit de capital». L’infraction est ainsi «continuée» en vertu de cet article. Or, le législateur n’a pas fait ce choix pour le délit d’exercice illégal de la profession de banquier.

[36] Cass. crim., 16 juin 2010, n° 08-88.211, F-D (N° Lexbase : A9716E4M).

[37] Cas. crim., 8 juillet 2015, n° 13-88.557, FS-D (N° Lexbase : A7728NM8), Gaz. Pal., 10 novembre 2015, n° 314, p. 33, obs. J. Morel-Maroger.

newsid:470495

Fiscalité des entreprises

[Brèves] Les dispositions régissant le crédit d’impôt pour investissement en Corse renvoyées devant la Conseil constitutionnel

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 16 septembre 2019, n° 432018, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5709ZNR)

Lecture: 2 min

N0435BYR

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par Marie-Claire Sgarra

Le 25 Septembre 2019

La question de la conformité à la Constitution des termes «le capital des sociétés doit être entièrement libéré» de l’article 244 quater E I du Code général des impôts (N° Lexbase : L4721I7Y), dans sa version applicable à l’imposition des bénéfices des exercices clos le 30 septembre 2013, est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 16 septembre 2019 (CE 8° et 3° ch.-r., 16 septembre 2019, n° 432018, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A5709ZNR).

Pour rappel, l’avantage fiscal prévu à l’article 244 quater E du CGI consiste en un crédit d’impôt pour les investissements réalisés et exploités par les PME en Corse. Instauré depuis le 1er janvier 2002, la loi de finances rectificative pour 2014 (loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014, de finances rectificative pour 2014 N° Lexbase : L2844I7H) l’a prorogé jusqu’au 31 décembre 2020.

En l’espèce, une société produit un mémoire à l’appui de sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l’exercice clos le 30 septembre 2013. Le président du tribunal administratif de Bastia, avant qu’il soit statué sur cette demande a décidé de transmettre au Conseil d’Etat la question de la conformité aux droits et libertés de l’article 244 quater E précité.

Pour la Haute juridiction, le moyen tiré de ce que les termes «le capital des sociétés doit être entièrement libéré» de cette disposition portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment aux principes d’égalité devant la loi et d’égalité devant les charges publiques, soulève un caractère sérieux nécessitant le renvoi de la question au Conseil constitutionnel (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X6573ALZ).

 

newsid:470435

Internet

[Brèves] Données personnelles : absence d’obligation pour un moteur de recherche de procéder au déréférencement sur l’ensemble de ses versions

Réf. : CJUE, 24 septembre 2019, aff. C-507/17 (N° Lexbase : A3917ZPR)

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N0511BYL

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par Vincent Téchené

Le 25 Septembre 2019

► L’exploitant d’un moteur de recherche n’est pas tenu de procéder à un déréférencement sur l’ensemble des versions de son moteur de recherche ;

► Il est néanmoins tenu d’y procéder sur les versions correspondant à l’ensemble des Etats membres et de mettre en place des mesures décourageant les internautes d’avoir, à partir de l’un des Etats membres, accès aux liens en cause figurant sur les versions hors UE de ce moteur.

Tel est l’enseignement d’un arrêt rendu par la CJUE le 24 septembre 2019 (CJUE, 24 septembre 2019, aff. C-507/17 N° Lexbase : A3917ZPR).

Par une décision du 10 mars 2016, la présidente de la CNIL a prononcé une sanction de 100 000 euros à l’encontre de Google en raison de son refus, lorsqu’elle fait droit à une demande de déréférencement, d’appliquer celui-ci à l’ensemble des extensions de nom de domaine de son moteur de recherche.  Google a demandé d’annuler cette décision au Conseil d’Etat (CE 9° et 10° ch.-r., 19 juillet 2017, n° 399922, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2056WNH ; lire N° Lexbase : N9633BWP) qui a saisi la Cour de justice de plusieurs questions préjudicielles.

La Cour commence par rappeler qu’elle a déjà jugé (CJUE, 13 mai 2014, aff. C-131/12 N° Lexbase : A9704MKM) que l’exploitant d’un moteur de recherche est obligé de supprimer de la liste de résultats, affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom d’une personne, des liens vers des pages internet, publiées par des tiers et contenant des informations relatives à cette personne, également dans l’hypothèse où ce nom ou ces informations ne sont pas effacés préalablement ou simultanément de ces pages internet, et ce, le cas échéant, même lorsque leur publication en elle-même sur lesdites pages est licite.

La Cour souligne que, dans un monde globalisé, l’accès des internautes, notamment de ceux qui se trouvent en dehors de l’Union, au référencement d’un lien renvoyant à des informations sur une personne dont le centre d’intérêt se situe dans l’Union est susceptible de produire sur celle-ci des effets immédiats et substantiels au sein même de l’Union, de telle sorte qu’un déréférencement mondial serait de nature à rencontrer pleinement l’objectif de protection visé par le droit de l’Union. Elle précise néanmoins que de nombreux Etats tiers ne connaissent pas le droit au déréférencement ou adoptent une approche différente de ce droit. La Cour ajoute que le droit à la protection des données à caractère personnel n’est pas un droit absolu, mais doit être considéré par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité. En outre, l’équilibre entre le droit au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles, d’un côté, et la liberté d’information des internautes, de l’autre côté, est susceptible de varier de manière importante à travers le monde. Or, il ne ressort pas des textes que le législateur de l’Union a procédé à une telle mise en balance pour ce qui concerne la portée d’un déréférencement en dehors de l’Union, ni qu’il a fait le choix de conférer aux droits des individus une portée qui dépasserait le territoire des Etats membres. Il n’en ressort pas non plus qu’il aurait entendu imposer à un opérateur, tel que Google, une obligation de déréférencement portant également sur les versions nationales de son moteur de recherche qui ne correspondent pas aux Etats membres. Le droit de l’Union ne prévoit pas, qui plus est, d’instruments et mécanismes de coopération pour ce qui concerne la portée d’un déréférencement en dehors de l’Union.

Ainsi, la Cour conclut que, en l’état actuel, il n’existe pas, pour l’exploitant d’un moteur de recherche qui fait droit à une demande de déréférencement formulée par la personne concernée, le cas échéant, à la suite d’une injonction d’une autorité de contrôle ou d’une autorité judiciaire d’un Etat membre, d’obligation découlant du droit de l’Union de procéder à un tel déréférencement sur l’ensemble des versions de son moteur.

Le droit de l’Union oblige, toutefois, l’exploitant d’un moteur de recherche à opérer un tel déréférencement sur les versions de son moteur correspondant à l’ensemble des Etats membres et de prendre des mesures suffisamment efficaces pour assurer une protection effective des droits fondamentaux de la personne concernée. Enfin, la Cour constate que, si le droit de l’Union n’impose pas, en l’état actuel, un déréférencement sur l’ensemble des versions du moteur de recherche, il ne l’interdit pas non plus. Partant, les autorités des Etats membres demeurent compétentes pour effectuer, à l’aune des standards nationaux de protection des droits fondamentaux, une mise en balance entre, d’une part, le droit de la personne concernée au respect de sa vie privée et à la protection des données à caractère personnel la concernant et, d’autre part, le droit à la liberté d’information, et, au terme de cette mise en balance, pour enjoindre, le cas échéant, à l’exploitant de ce moteur de recherche de procéder à un déréférencement portant sur l’ensemble des versions dudit moteur.

Dans un autre arrêt important rendu le même jour en matière de données personnelle et de déréférencement, la CJUE a notamment précisé que l’interdiction de traiter certaines catégories de données personnelles sensibles s’applique également aux exploitants de moteurs de recherche (CJUE, 24 septembre 2019, aff. C-136/17 N° Lexbase : A3916ZPQ ; lire N° Lexbase : N0484BYL).

newsid:470511

Internet

[Brèves] Données personnelles sensibles : application de l’interdiction de traitement aux moteurs de recherche et mise en œuvre du droit au déréférencement

Réf. : CJUE, 24 septembre 2019, aff. C-136/17 (N° Lexbase : A3916ZPQ)

Lecture: 5 min

N0484BYL

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par Vincent Téchené

Le 25 Septembre 2019

►L’interdiction de traiter certaines catégories de données personnelles sensibles s’applique également aux exploitants de moteurs de recherche ;

►Dans le cadre d’une demande de déréférencement, une mise en balance doit être effectuée entre les droits fondamentaux de la personne demandant le déréférencement et ceux des internautes potentiellement intéressés par ces informations.

Tels sont les enseignements d’un arrêt rendu par la CJUE le 24 septembre 2019 (CJUE, 24 septembre 2019, aff. C-136/17 N° Lexbase : A3916ZPQ).  

En l’espèce, plusieurs personnes ont agi, devant le Conseil d’Etat contre la CNIL concernant quatre décisions de celle-ci refusant de mettre en demeure Google de procéder à des déréférencements de divers liens inclus dans la liste de résultats affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir de leurs noms. Le Conseil d’Etat (CE Ass., 24 février 2017, n° 391000, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A2360TP4) a soumis à la Cour de justice plusieurs questions portant sur l’interprétation des règles de droit de l’Union relatives à la protection des données à caractère personnel (Directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 N° Lexbase : L8240AUQ).

La Cour rappelle que l’exploitant d’un moteur de recherche, en tant que personne déterminant les finalités et les moyens de son activité doit assurer, dans le cadre de ses responsabilités, de ses compétences et de ses possibilités, que celle-ci satisfait aux exigences du droit de l’Union pour que les garanties prévues par celui-ci puissent développer leur plein effet et qu’une protection efficace et complète des personnes concernées, notamment de leur droit au respect de leur vie privée, puisse effectivement être réalisée. La Cour souligne ensuite que l’exploitant d’un moteur de recherche est responsable non pas du fait que des données à caractère personnel sensibles figurent sur une page internet publiée par un tiers, mais du référencement de cette page et, tout particulièrement, de l’affichage du lien vers celle-ci dans la liste des résultats présentée aux internautes à la suite d’une recherche. C’est en raison de ce référencement et, donc, par l’intermédiaire d’une vérification à effectuer, sous le contrôle des autorités nationales compétentes, sur la base d’une demande formée par la personne concernée que l’interdiction ou les restrictions s’appliquent à l’exploitant d’un moteur de recherche.

La Cour constate, ensuite, que si les droits de la personne prévalent en règle générale sur la liberté d’information des internautes, cet équilibre peut, toutefois, être remis en question selon la nature de l’information en question et de sa sensibilité pour la vie privée de la personne concernée et selon l’intérêt du public à disposer de cette information, qui peut notamment varier en fonction du rôle joué par cette personne dans la vie publique.

Ainsi, la Cour conclut que, lorsque l’exploitant d’un moteur de recherche est saisi d’une demande de déréférencement portant sur un lien vers une page internet sur laquelle des données sensibles sont publiées, il doit, sur la base de tous les éléments pertinents du cas d’espèce et compte tenu de la gravité de l’ingérence dans les droits fondamentaux de la personne concernée au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel, vérifier si l’inclusion de ce lien dans la liste de résultats, qui est affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom de cette personne, s’avère strictement nécessaire pour protéger la liberté d’information des internautes potentiellement intéressés à avoir accès à cette page internet au moyen d’une telle recherche.

Enfin, en ce qui concerne des pages internet contenant des données relatives à une procédure judiciaire en matière pénale menée contre une personne en particulier, qui se rapportent à une étape antérieure de cette procédure et ne correspondent plus à la situation actuelle, il appartient à l’exploitant du moteur de recherche d’apprécier si cette personne a droit à ce que les informations en question ne soient plus, au stade actuel, liées à son nom par une liste de résultats, affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir de son nom. Afin d’apprécier ce droit, l’exploitant du moteur de recherche doit prendre en considération l’ensemble des circonstances de l’affaire, telles que, notamment, la nature et la gravité de l’infraction en question, le déroulement et l’issue de ladite procédure, le temps écoulé, le rôle joué par cette personne dans la vie publique et son comportement dans le passé, l’intérêt du public au moment de la demande, le contenu et la forme de la publication ainsi que les répercussions de celle-ci pour ladite personne.

La Cour précise encore que, quand bien même l’exploitant d’un moteur de recherche devrait constater que la personne concernée n’a pas le droit au déréférencement de tels liens, cet exploitant est, en tout état de cause, tenu, au plus tard à l’occasion de la demande de déréférencement, d’aménager la liste de résultats de telle sorte que l’image globale qui en résulte pour l’internaute reflète la situation judiciaire actuelle, ce qui nécessite notamment que des liens vers des pages internet comportant des informations à ce sujet apparaissent en premier lieu sur cette liste.

Dans un autre arrêt important rendu le même jour en matière de données personnelle et de déréférencement, la CJUE a notamment précisé que l’exploitant d’un moteur de recherche n’est pas tenu de procéder à un déréférencement sur l’ensemble des versions de son moteur de recherche (CJUE, 24 septembre 2019, aff. C-507/17 N° Lexbase : A3917ZPR ; lire N° Lexbase : N0511BYL).

newsid:470484

Justice

[Brèves] Publication d'une ordonnance et de deux décrets portant substitution du tribunal judiciaire au tribunal de grande instance et au tribunal d'instance dans les textes réglementaires

Réf. : Ordonnance n° 2019-964 (N° Lexbase : L4046LSN), décrets n° 2019-965 (N° Lexbase : L3935LSK) et n° 2019-966 (N° Lexbase : L3936LSL), du 18 septembre 2019

Lecture: 2 min

N0446BY8

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par Aziber Didot-Seïd Algadi

Le 25 Septembre 2019

L'article 95 de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (N° Lexbase : L6740LPC) a créé le tribunal judiciaire en opérant la fusion, au 1er janvier 2020, des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance ; présentée en Conseil des ministres le 18 septembre 2019, l'ordonnance n° 2019-964 du 18 septembre 2019 (N° Lexbase : L4046LSN), prise en application de la loi du 23 mars 2019, a été publiée au Journal officiel du 19 septembre 2019 ;

 

► aussi ont été publiés deux décrets n° 2019-965 (N° Lexbase : L3935LSK) et n° 2019-966 (N° Lexbase : L3936LSL) du 18 septembre 2019, portant application de l'article 95 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

 

 

Le premier décret (n° 2019-965) opère la substitution du tribunal judiciaire au tribunal de grande instance et au tribunal d'instance dans deux dispositions réglementaires en vigueur et nécessitant l'adoption d'un décret en conseil des ministres pour leur modification. Il s’agit des articles 43 du décret n° 98-733 du 20 août 1998 portant organisation de la consultation des populations de la Nouvelle-Calédonie prévue par l'article 76 de la Constitution (N° Lexbase : L6329G9B) et 25 du décret n° 2005-1613 du 22 décembre 2005, portant application de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République (N° Lexbase : L0285HEB).

 

 

Le second décret (n° 2019-966) tire les conséquences, au sein des textes et codes en vigueur, de la substitution du tribunal judiciaire au tribunal de grande instance et au tribunal d'instance prévue par l'article 95 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation (2018-2022) et de réforme pour la justice. Ce décret corrige, en outre, certaines erreurs matérielles, notamment dans le tableau fixant le siège et le ressort des conseils de prud'hommes annexé au décret n° 2019-913 du 30 août 2019 pris en application de l'article 95 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation (2018-2022) et de réforme pour la justice N° Lexbase : L8789LRX).

 

 

L'ordonnance ainsi que les deux décrets entreront en vigueur le 1er janvier 2020.

newsid:470446

Marchés publics

[Brèves] Examen des candidatures : faculté de prévoir la communication d'éléments d'information utiles non prescrite à peine d'irrégularité de l'offre

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 20 septembre 2019, n° 421075, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3218ZPU)

Lecture: 2 min

N0483BYK

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par Yann Le Foll

Le 25 Septembre 2019

L’obligation, pour le pouvoir adjudicateur, d'éliminer les offres incomplètes (CE 2° et 7° s-s-r., 12 janvier 2011, n° 334320, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8791GPW), n’empêche pas celui-ci de prévoir la communication d'éléments d'information utiles non prescrite à peine d'irrégularité de l'offre ;

 

ces éléments peuvent préciser qu'en l'absence de ces informations, l'offre sera notée zéro au regard du critère ou du sous-critère en cause.

 

Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 20 septembre 2019 (CE 2° et 7° ch.-r., 20 septembre 2019, n° 421075, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3218ZPU).

 

 

Pour juger que l'offre du groupement était incomplète et, donc, irrégulière, la cour administrative d'appel de Marseille (CAA Marseille, 30 mars 2018, n° 16MA04379) a relevé qu'elle ne comportait pas certaines informations, relatives notamment aux matériaux utilisés pour la réalisation des travaux et à leurs fiches techniques.

 

En jugeant ainsi que la communication de ces éléments relatifs au contenu des offres était prescrite par le règlement de la consultation, elle n'a pas dénaturé celui-ci.

 

Elle n'a, par ailleurs, commis aucune erreur de droit.

 

En effet, alors même que, ainsi qu'il ressort du dossier soumis à la cour, ce règlement prévoyait, parmi les critères d'attribution, un critère de la valeur technique divisé en un sous-critère relatif à la méthodologie employée, un sous-critère relatif aux matériels employés et aux personnels affectés et un sous-critère relatif à la qualité des matériaux et des prestations et qu'il ajoutait que "toute absence de renseignement d'un sous-critère sera sanctionnée d'une note égale à zéro", la production d'informations sur la qualité des matériaux employés, notamment de leurs fiches techniques, ne pouvait être regardée que comme une production d'éléments nécessaires prescrite par le règlement (voir a contrario sur l'absence d'irrégularité lorsque les exigences du règlement sont manifestement inutiles, CE, 22 mai 2019, n° 426763 N° Lexbase : A1412ZDN), dont l'absence dans une offre entraînait nécessairement son irrégularité (cf. l'Ouvrage "Marchés publics" N° Lexbase : E6795E9K).

newsid:470483

Procédure pénale

[Brèves] Contentieux de la détention provisoire : le Conseil constitutionnel censure le recours à la visioconférence sans l’accord de la personne

Réf. : Cons. const., décision n° 2019-802 QPC, du 20 septembre 2019 (N° Lexbase : A8596ZNP)

Lecture: 4 min

N0451BYD

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par June Perot

Le 26 Septembre 2019

► Eu égard à l'importance de la garantie qui s'attache à la présentation physique de l'intéressé devant la juridiction compétente pour connaître de la détention provisoire et en l'état des conditions dans lesquelles s'exerce le recours à ces moyens de télécommunication, les dispositions contestées de l’article 706-71 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7459LPX) portent une atteinte excessive aux droits de la défense et sont donc contraires à la Constitution ;

le Conseil relève en effet que, par exception, en matière criminelle, en application de l'article 145-2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3506AZU), la première prolongation de la détention provisoire peut n'intervenir qu'à l'issue d'une durée d'une année ; il en résulte qu'une personne placée en détention provisoire pourrait se voir privée, pendant une année entière, de la possibilité de comparaître physiquement devant le juge appelé à statuer sur la détention provisoire.

Telle est la position adoptée par le Conseil constitutionnel dans sa décision rendue le 20 septembre 2019 (Cons. const., décision n° 2019-802 QPC, du 20 septembre 2019 N° Lexbase : A8596ZNP).

La question soumise au Conseil constitutionnel par la Chambre criminelle (Cass. crim., 26 juin 2019, n° 19-82.733, F-P+B+I N° Lexbase : A5460ZGC) portait sur le troisième alinéa de l'article 706-71 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 1er décembre 2016 (N° Lexbase : L4817LBZ). Cet article fixe les conditions dans lesquelles il peut être recouru à un moyen de télécommunication audiovisuelle pour les audiences de la chambre de l'instruction relatives au contentieux de la détention provisoire.

Le requérant soutenait que, faute de la possibilité, pour le détenu qui a déposé une demande de mise en liberté, de s'opposer à ce que son audition devant la chambre de l'instruction ait lieu par visioconférence, ces dispositions porteraient atteinte aux droits de la défense et au droit, en matière de détention provisoire, de comparaître physiquement devant son juge. Le requérant faisait également valoir que les garanties encadrant le recours à la visioconférence seraient insuffisantes ; que ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité devant la loi et l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L1294A9S), en raison de l'absence de critères précis permettant de déterminer les cas dans lesquels le recours à la visioconférence peut être imposé à la personne détenue.

La décision du Conseil constitutionnel rappelle le régime applicable aux demandes de mise en liberté formées par les personnes placées en détention provisoire. Elle relève notamment que, en vertu de l'article 148 du Code de procédure pénale, de telles demandes peuvent être faites à tout moment. Conformément à l'article 199 (N° Lexbase : L4955K8Z), lorsque la chambre de l'instruction est ainsi saisie, la comparution personnelle de l'intéressé est de droit s'il le demande. Il en découle que la chambre de l'instruction est susceptible d'être saisie, par une même personne, de nombreuses demandes de mise en liberté successives, accompagnées d'une demande de comparution personnelle, qui impliquent alors l'organisation d'autant d'«extractions» de l'intéressé lorsqu'il n'est pas recouru à un moyen de télécommunication audiovisuelle.

Le Conseil constitutionnel juge à cet égard que, en prévoyant que, lorsque l'audience porte sur une demande de mise en liberté, l'intéressé ne peut s'opposer à ce que sa comparution personnelle s'effectue par le biais d'un moyen de télécommunication audiovisuelle, les dispositions contestées visent à éviter les difficultés et les coûts occasionnés par les extractions judiciaires. Elles contribuent ainsi à la bonne administration de la justice et au bon usage des deniers publics.

Effets de l’inconstitutionnalité. Le Conseil relève que les dispositions déclarées contraires ne sont plus en vigueur. La remise en cause des mesures ayant été prises sur le fondement des dispositions déclarées contraires à la Constitution méconnaîtrait les objectifs de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions et aurait ainsi des conséquences manifestement excessives. En conséquence, ces mesures ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité (cf. l’Ouvrage «Procédure pénale», Les débats N° Lexbase : E4529EUB).

A paraître dans la revue Lexbase Pénal, un commentaire de A. Danet, auteur notamment d’une thèse sur La présence en droit processuel et de Visioconférence et droits fondamentaux dans le procès pénal, Lexbase Pénal, février 2018 (N° Lexbase : N2805BX8)

 

 

 

 

newsid:470451

Rupture du contrat de travail

[Brèves] Compétence du bureau du jugement pour la demande de requalification d’une démission

Réf. : Cass. soc., 18 septembre 2019, n° 18-15.765, FS-P+B (N° Lexbase : A3155ZPK)

Lecture: 2 min

N0487BYP

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par Charlotte Moronval

Le 25 Septembre 2019

► L'article L. 1451-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6248I3S), aux termes duquel lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de qualification de la rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine, ne fait pas de distinction entre une rupture du contrat de travail par prise d'acte du salarié aux torts de l'employeur et une rupture résultant d'une démission dont il est demandé la requalification.

Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 18 septembre 2019 (Cass. soc., 18 septembre 2019, n° 18-15.765, FS-P+B N° Lexbase : A3155ZPK).

En l’espèce, une salariée démissionne de son emploi et décide de saisir la juridiction prud'homale d'une demande de requalification de sa démission en une prise d'acte aux torts de l'employeur. Le litige est porté directement devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes.

La cour d’appel (CA Aix-en-Provence, 6 avril 2018, n° 16/17824 N° Lexbase : A5185XKA) rejette la demande de l’employeur tendant à déclarer prescrites les demandes de la salariée. Celui-ci décide de former un pourvoi en cassation, estimant que seul le bureau de conciliation aurait dû être compétent pour statuer sur la demande relative à une démission.

Enonçant la solution susvisée, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel mais seulement en ce qu'il condamne l'employeur à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à la salariée du jour de son licenciement.

Les Hauts magistrats rejettent le moyen soulevé par l’employeur. Ils estiment que la cour d'appel a exactement décidé que, l'article L. 1451-1 du Code du travail ne faisant pas de distinction entre une rupture du contrat de travail par prise d'acte du salarié aux torts de l'employeur et une rupture résultant d'une démission dont il est demandé la requalification, la salariée avait valablement saisi le conseil de prud'hommes de sorte que sa demande n'était pas prescrite (sur Les exceptions au caractère obligatoire de la conciliation, cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E3778ET4).

newsid:470487

Santé et sécurité au travail

[Jurisprudence] L’expansion du domaine de l’action en réparation d’un préjudice d’anxiété

Réf. : Cass. soc., 11 septembre 2019, n° 17-24.879, FP-P+B (N° Lexbase : A0748ZNZ)

Lecture: 16 min

N0494BYX

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par Sébastien Tournaux, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux

Le 26 Septembre 2019


Résumé : En application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, le salarié qui justifie d’une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d’un préjudice d’anxiété personnellement subi résultant d’une telle exposition, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité.

Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés.


 

Par un arrêt rendu le 11 septembre 2019, la Chambre sociale de la Cour de cassation accueille la position retenue au mois d’avril dernier s’agissant de la réparation du préjudice d’anxiété : l’exposition à l’amiante, sans que les conditions posées par la loi du 23 décembre 1998 (N° Lexbase : L5411AS9) soient réunies, peut donner lieu à indemnités pour préjudice d’anxiété. Comme on pouvait s’y attendre, la Chambre sociale va toutefois plus loin puisqu’elle accepte le principe d’une action en réparation du préjudice d’anxiété résultant de l’exposition à une substance toxique ou nocive autre que l’amiante (I). Si la solution est parfaitement cohérente avec la position adoptée par l’Assemblée plénière, elle soulève de nombreuses questions auxquelles il faudra bien que les juges du fond puissent apporter des réponses (II).

Commentaire

I - L’expansion de l’action en réparation du préjudice d’anxiété à d’autres substances que l’amiante

A - Les évolutions de l’action en réparation du préjudice d’anxiété

Le lien entre cessation anticipée d’activité et préjudice d’anxiété. Prenant enfin conscience de l’ampleur des dégâts causés par l’amiante dans les milieux professionnels y ayant massivement eu recours pendant tout le XXème siècle, les pouvoirs publics adoptaient, au tournant du siècle, et en deux temps, des mesures destinées à y apporter des réponses. D’abord, la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, de financement de la Sécurité sociale pour 1999 institua le Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (FCAATA) destiné à verser à des salariés exposés à l’amiante une allocation de départ à la retraite anticipé à hauteur de 65 % du salaire antérieur (ACAATA). Ensuite, la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, de financement de la Sécurité sociale pour 2001 (N° Lexbase : L5178AR9) créa le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) destiné à permettre la réparation intégrale des préjudices subis par la victime de l’exposition ou ses ayants droit.

Les salariés demandant le bénéfice de l’ACAATA intentèrent rapidement d’autres actions pour obtenir la réparation de préjudices non couverts par l’allocation, en particulier un préjudice économique (perte de salaire, amputation des futurs droits à retraite) et un préjudice d’anxiété résultant de la situation d’angoisse et d’inquiétude permanente de voir une maladie se déclencher.

Par plusieurs arrêts rendus le 10 mai 2010, la Chambre sociale de la Cour de cassation refusait la réparation d’un préjudice économique, mais reconnaissait l’existence d’un préjudice d’anxiété subi par des salariés qui «se trouvaient par le fait de l’employeur dans une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante et étaient amenés à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver cette angoisse» [1].

Au fil des décisions, les contours de l’action en réparation du préjudice d’anxiété causé par l’exposition à l’amiante étaient précisés. La Chambre sociale de la Cour de cassation jugeait ainsi que la réparation du préjudice d’anxiété englobait la réparation de tous les troubles psychologiques liés à l’exposition et qu’aucune demande distincte de réparation d’un préjudice moral ne pouvait donc prospérer [2]. Elle décidait par ailleurs que seuls les salariés ayant travaillé dans un établissement classé sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du Travail, de la Sécurité sociale et du Budget, condition d’ouverture des droits à l’ACAATA, pouvaient obtenir l’indemnisation d’un préjudice d’anxiété [3]. Si les conditions de bénéfice de l’allocation étaient réunies, le salarié n’avait pas à démontrer avoir été exposé à l’amiante ni avoir subi un préjudice [4]. En dehors de ces conditions, la réparation du préjudice d’anxiété était totalement impossible, les salariés exposés se trouvant dans une véritable impasse [5].

La distinction entre préjudice d’anxiété et préjudice spécifique d’anxiété. L’Assemblée plénière de la Cour de cassation, saisie par la Chambre sociale elle-même, a choisi au mois d’avril 2019 d’ouvrir cette voie : «il y a lieu d’admettre, en application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, que le salarié qui justifie d’une exposition à l’amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n’aurait pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998» [6].

Il coexiste, depuis cette importante décision, deux manières pour un salarié d’être indemnisé pour le préjudice d’anxiété qu’il a subi à la suite de l’exposition à l’amiante : soit il remplit les conditions pour bénéficier de l’ACAATA (préjudice spécifique d’anxiété), soit il peut démontrer que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité parce qu’il a été exposé à l’amiante et qu’il subit un risque élevé de développer une pathologie grave, l’employeur pouvant s’exonérer de sa responsabilité en démontrant qu’il a pris toutes les mesures de prévention prescrites par les articles L. 4121-1 (N° Lexbase : L8043LGY) et L. 4121-2 (N° Lexbase : L6801K9R) du Code du travail (préjudice d’anxiété) [7].

Une question parallèle faisait toutefois débat : si le régime de droit commun de la responsabilité contractuelle et l’obligation de sécurité de l’employeur permettent la réparation du préjudice d’anxiété d’un salarié victime d’une exposition à l’amiante en dehors des conditions posées par la loi du 23 décembre 1998, ces règles ne permettent-elles pas également d’indemniser le préjudice d’anxiété né de l’exposition à d’autres risques professionnels graves [8] ? C’est à cette question que répond la Chambre sociale de la Cour de cassation dans l’arrêt présenté.

B - L’affaire

Faits et procédure. De nombreux mineurs de charbon des Houillères du bassin de Lorraine, devenues Charbonnages de France placé en liquidation en 2008, avaient agi devant le juge prud’homal pour obtenir la réparation de leur préjudice d’anxiété résultant du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. Les demandes des salariés étaient repoussées par la cour d’appel de Metz [9]. Elle jugeait que la réparation du préjudice spécifique d’anxiété ne pouvait être prononcée que pour les salariés exposés à l’amiante et seulement au «profit» (sic) de ceux remplissant les conditions prévues par l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998. Le préjudice n’était donc pas «indemnisable, même sur le fondement de l’obligation de sécurité, et ce en l’absence de dispositions légales spécifiques». Sans entrer dans le détail, les juges d’appel analysaient également de nombreux éléments de faits, très contradictoires, produits par les salariés ou la direction de l’entreprise relatifs aux mesures de prévention et de sécurité dans l’entreprise, très insuffisantes pour les premiers, satisfaisantes pour les seconds.

La Chambre sociale de la Cour de cassation, dans le sillage de l’Assemblée plénière. Par un arrêt rendu le 11 septembre 2019, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse cette décision au visa de l’article L. 4121-1, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 (N° Lexbase : L7627LGL), et de l’article L. 4121-2 du Code du travail. Elle reprend, en l’adaptant à l’espèce, la motivation retenue par l’arrêt d’Assemblée plénière et juge qu’«en application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, le salarié qui justifie d’une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d’un préjudice d’anxiété personnellement subi résultant d’une telle exposition, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité» (§ 5). Se référant expressément à cet arrêt, elle ajoute «que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés» (§ 6). Elle conclut finalement qu’«en se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à établir que l’employeur démontrait qu’il avait effectivement mis en œuvre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, telles que prévues aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail, la cour d’AA, qui devait rechercher si les conditions de mise en œuvre de la responsabilité de l’employeur telles que définies aux paragraphes 3 et 4 étaient réunies, n’a pas donné de base légale à sa décision » [10].

II - Les interrogations persistantes relatives aux conditions d’engagement de la responsabilité

A - Le fait générateur

Exposition à d’autres substances que l’amiante. Sans aucune surprise donc, la Chambre sociale fait sienne la position de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation s’agissant du préjudice d’anxiété subi à la suite d’une exposition à l’amiante. Deux décisions rendues le même jour admettent que la responsabilité de l’employeur puisse être engagée sur le fondement de l’obligation de sécurité dans les mêmes conditions que celles dégagées au mois d’avril 2019 [11]. La décision présentée est toutefois plus innovante en ce qu’elle ne concerne pas des salariés exposés à des poussières d’amiante.

Ainsi, ce ne sont pas les seuls salariés exposés à l’amiante ne remplissant pas les conditions de la loi du 23 novembre 1998 qui peuvent tenter d’obtenir la réparation du préjudice d’anxiété, mais également les salariés qui justifient «d’une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d’un préjudice d’anxiété personnellement subi résultant d’une telle exposition». Les mineurs en l’espèce avaient été exposés à des poussières d’amiante, mais encore à une impressionnante liste de substances : silice, hydrocarbures aromatiques polycycliques, fumées de tir, gaz d’échappement de diesel, brais de houille, goudrons, bitumes, benzène, trichloréthylène, formol, rayonnements ionisants, métaux cancérogènes, méthylène, perchloréthylène, poussières de fer et d’oxyde de fer et créosote.

L’extension du champ de l’action en réparation du préjudice d’anxiété au-delà des seules expositions à l’amiante est parfaitement logique. Dès lors que l’Assemblée plénière et la Chambre sociale de la Cour de cassation s’appuient sur «les règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur», il n’y a plus lieu de distinguer selon le type de substance à laquelle le salarié a été exposé. D’ailleurs, en extrapolant, on peut se demander si tout facteur de risque professionnel et non les seules expositions à une substance toxique ou nocive ne devrait pas permettre l’examen des conditions de réparation d’un préjudice d’anxiété sur le fondement de l’obligation de sécurité [12].

Cela ne signifie naturellement pas que toute exposition à un risque donnera nécessairement lieu à réparation d’un préjudice d’anxiété. Les conditions d’engagement de la responsabilité de l’employeur devront être réunies, même s’il est certain qu’il sera nécessaire qu’elles soient précisées.

Une substance nocive ou toxique qui génère un risque élevé de pathologie grave. La substance à laquelle le salarié doit avoir été exposé doit être toxique ou nocive. Le livre IV de la quatrième partie de la partie réglementaire du Code du travail (C. trav., art. R. 4411-1 et s. N° Lexbase : L8345ISU), qui vise de nombreuses substances chimiques, biologiques ou ionisantes, devrait aider à identifier certains de ces toxiques ou nocifs. Les juges du fond devraient pouvoir aller plus loin lorsque la toxicité ou la nocivité d’une substance est avérée, sans être saisie par le législateur en droit du travail. On peut illustrer cette problématique avec l’exposition à la créosote, comme cela était le cas des mineurs en l’espèce. Biocide puissant employé principalement pour traiter les traverses de chemin de fer, cette substance n’est envisagée ni par le Code du travail ni par aucun arrêté du ministère du Travail listant les substances nocives ou toxiques impliquant des mesures spécifiques de prévention. Elle est pourtant reconnue cancérigène [13], sans que son usage soit totalement interdit [14]. Sa nocivité ne fait aucun doute, mais elle ne sera pas suffisante pour obtenir la réparation d’un éventuel préjudice d’anxiété résultant de son exposition.

La Cour de cassation exige en effet que l’exposition à la substance génère «un risque élevé de développer une pathologie grave». Pour demeurer sur l’exemple de la créosote, son caractère carcinogène indique sans aucun doute que son contact (peau, inhalation de vapeurs) peut entraîner une maladie grave. Mais comment déterminer s’il existe un «risque élevé» ? Faut-il se référer à des études épidémiologiques [15] ? A des études étiologiques ? Celles réalisées au plan européen restent très prudentes et ne permettent pas de déterminer à partir de quel seuil d’exposition le risque de développer un cancer est important [16]. Difficile pour les juges, dans ces conditions, d’identifier si le risque est suffisamment élevé.

B - Le préjudice réparable

Caractère personnel du préjudice. Le préjudice d’anxiété réparable doit avoir été «personnellement subi» et résulter de l’exposition à la substance. Cette formule dresse une barrière à l’indemnisation des ayants droit.

Elle exige surtout un effort d’objectivation d’un préjudice qui, par nature, est éminemment subjectif. Comme pour toute souffrance morale, l’anxiété n’est pas facile à mesurer, parce qu’elle est parfois sourde, parfois surexprimée, parce son intensité varie d’un individu à un autre. Diagnostics médicaux et témoignages de l’entourage du salarié devraient aider à l’identifier, mais il est certain que la question de l’existence d’un préjudice personnellement subi sera discutée dans les prétoires.

Caractère certain du préjudice. Le caractère certain du préjudice pourra lui aussi poser des difficultés, en particulier quand il s’agira de démontrer qu’une anxiété décelable résulte effectivement de l’exposition à une substance nocive ou toxique. La plupart des troubles psychologiques sont multifactoriels et l’on peut donc s’attendre à d’intenses discussions portant sur le lien de causalité entre anxiété et exposition.

C - Exonération de l’employeur

Ce terrain est mieux balisé puisque la Chambre sociale revient ici à sa propre conception de l’obligation de sécurité, c’est-à-dire à une obligation de prévention.

Depuis l’arrêt «Air France» de 2015, l’employeur est admis à s’exonérer s’il «justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail» [17]. L’adjectif «toutes» revêt une importance capitale dans cette motivation, reprise à l’identique par l’Assemblée plénière et par l’arrêt commenté. Il marque l’équilibre de la nouvelle obligation de prévention. L’employeur peut certes s’exonérer, mais la condition d’exonération est très stricte et couvre l’ensemble des mesures de prévention imposées par la loi.

En conclusion, si les conditions d’engagement de la responsabilité seront sans doute parfois difficiles à réunir, si elles seront souvent complexes à apprécier, il sera fréquent que la réparation du préjudice puisse être obtenue une fois ces étapes franchies.

👉 Quel impact dans ma pratique ?

La Chambre sociale de la Cour de cassation étend le domaine de l’action en réparation du préjudice d’anxiété. Jusqu’ici limitée aux cas d’exposition à l’amiante, l’action pourra désormais être engagée à la suite de l’exposition à toute substance toxique ou nocive, à condition que cette exposition implique un risque élevé de développer une maladie grave.

La décision laisse toutefois en suspens de très nombreuses questions : quelles substances sont toxiques ou nocives ? Qu’est-ce qu’une maladie grave ? A partir de quel seuil le risque de la développer est-il élevé ? Tout cela devrait laisser une large marge d’appréciation aux juges du fond et, par conséquent, inciter les conseils à de nouvelles argumentations.

 

[1] Cass. soc., 11 mai 2010, n° 09-42.241, FP-P+B+R (N° Lexbase : A1745EXW et les obs. de Ch. Willmann, Préjudice d'anxiété reconnu pour les salariés exposés à l'amiante, mais réparation d'une perte de chance refusée pour les préretraités amiante, Lexbase, éd. soc., n° 395, 2010 (N° Lexbase : N1931BP9) ; D., 2010, p. 2048, note C. Bernard ; Dr. soc., 2010, p. 839, avis J. Duplat ; RTD Civ., 2010, p. 564, obs. P. Jourdain.

[2] Cass. soc., 25 septembre 2013, n° 12-12.110, FP-P+B+R (N° Lexbase : A9515KLY) ; Cass. soc., 27 janvier 2016, n° 15-10.640, FS-P+B (N° Lexbase : A3331N7I).

[3] Cass. soc., 3 mars 2015, quatre arrêts, n° 13-20.486, FP-P+B+R (N° Lexbase : A9056NCE), n° 13-26.175, FP-P+B+R (N° Lexbase : A9022NC7), n° 13-21.832, FP-P+B (N° Lexbase : A8937NCY) et n° 13-20.474, FP-P+B (N° Lexbase : A9039NCR) et les obs. de Ch. Willmann, Préjudice d'anxiété : tout n'est pas réparable, tous ne peuvent être indemnisés, Lexbase, éd. soc., n° 605, 2015 (N° Lexbase : N6461BUT) ; Dr. soc., 2015, p. 360, note M. Keim-Bagot.

[4] Ibid..

[5] M. Keim-Bagot, Préjudice d'anxiété : sortir de l'impasse, Cah. soc., 2018, n° 123d0, p. 247.

[6] Ass. plén., 5 avril 2019, n° 18-17.442, P+B+R+I (N° Lexbase : A1652Y8P) et les obs. de Ch. Willmann, Préjudice d’anxiété : un revirement attendu, beaucoup d’inconnues, Lexbase, éd. soc., n° 780, 2019 (N° Lexbase : N8642BXD) ; Lexbase, éd. priv., n° 785, 2019, obs. H. Conte (N° Lexbase : N9225BXX) ; JCP éd. G, 2019, 909, note M. Bacache ; RDT, 2019, p. 340, note G. Pignarre ; Dr. soc., 2019, p. 456, note D. Asquinazi-Bailleux ; SSL, 2019, n° 1857, note M. Keim-Bagot.

[7] L’arrêt de l’Assemblée plénière avalise, à cette occasion, le revirement opéré par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans l’arrêt Air France, Cass. soc., 25 novembre 2015, n° 14-24.444, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A7767NXX) et nos obs., L'obligation de sécurité de l'employeur : retour à la case départ, Lexbase, éd. soc., n° 636, 2015 (N° Lexbase : N0322BWT) ; RJS, 2016, p. 99, note A. Gardin ; Dr. soc., 2016, p. 457, note P. H. Antonmattei.

[8] V. not. Ch. Willmann, Réparation du préjudice d'anxiété et produits chimiques cancérigènes autres que l'amiante, Lexbase, éd. soc., n° 603, 2015 (N° Lexbase : N6241BUP) ; M. Keim-Bagot, SSL, 2019, n° 1857, préc..

[9] CA Metz, 7 juillet 2017, n° 16/02838 (N° Lexbase : A6907WN7).

[10] La référence aux paragraphes 3 et 4 constitue très probablement une erreur matérielle, les conditions de l’engagement de la responsabilité de l’employeur étant énoncées par les paragraphes 5 et 6 de l’arrêt.

[11] Cass. soc., 11 septembre 2019, n° 17-26.879, FP-P+B (N° Lexbase : A4741ZNW) ; Cass. soc., 11 septembre 2019, n° 17-18.311, FP-P+B (N° Lexbase : A4792ZNS).

[12] On pensera ici aux facteurs de risques professionnels dont la liste est établie par l’article L. 4161-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8033LGM) ou aux risques psychosociaux.

[13] Une évaluation de la créotose, menée par la Suède en 2016 en application du Règlement biocide (Règlement (UE) n° 528/2012 du Parlement européen et du Conseil, 22 mai 2012, concernant la mise à disposition sur le marché et l'utilisation des produits biocides N° Lexbase : L6768ITT), conclut que cette substance peut présenter des risques pour la santé des travailleurs qui y sont exposés, v. C. Mir, E. Rebeyrotte, Evaluation des impacts d'une interdiction d'utilisation de la créosote en France, Rapport remis au ministère de la Transition écologique et solidaire, mai 2018, p. 12.

[14] L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail a restreint, en 2018, l’usage de la créotose sans totalement l’interdire, v. L’Anses restreint l’usage des produits à base de créosote.

[15] Explorant cette hypothèse, v. M. Keim-Bagot, SSL, 2019, n° 1857, préc..

[16] «Aucune dose sans effet n’a pu être observée dans cette étude. Il est donc impossible de déterminer une concentration limite pour la créosote, ce qui est d’ailleurs généralement le cas des substances génotoxiques», Les données de l’IBGE : «Interface santé et environnement», Crésote (n° 38), Observatoire des données de l’environnement, 2011, p. 5.

[17] Cass. soc., 25 novembre 2015, préc..

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Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Jurisprudence] Régime de TVA sur la marge : la CAA de Lyon conforte sa position

Réf. : CAA de Lyon, 25 juin 2019, n° 18LY00671 (N° Lexbase : A9341ZG3)

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par Franck Laffaille, Professeur de droit public, Faculté de droit (CERAP) - Université de Paris XIII (Sorbonne/Paris/Cité)

Le 15 Mai 2021

L’application de la TVA sur la marge aux livraisons de terrains est seulement conditionnée par le fait que l’acquisition n’a pas ouvert initialement droit à déduction. S’avère non pertinente l’argumentation de l’administration centrée sur le constat suivant : la modification des caractéristiques physiques et de la qualification juridique du bien acheté avant la cession. Il suffit, rappelle le juge, que les terrains cédés correspondent à des terrains à bâtir. Voici ce que dit en substance l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon en date du 25 juin 2019. Sont encore rejetées encore les prétentions de l’administration s’agissant du calcul de la marge relatif aux opérations de lotissement.

Une société exerçant une activité de marchand de biens acquiert, en 2011, des tènements immobiliers sur les territoires de deux communes. Ces tènements sont acquis auprès de particuliers agissant en tant que tels ; ils ne possèdent pas la qualité d’assujettis à la TVA. Ce faisant, de telles opérations n’ouvrent pas- à la société exerçant cette activité de marchand de biens -de droit à déduction de la TVA.

Puis, les tènements ont fait l’objet de création de parcelles ; les terrains dépourvus de construction ont été revendus comme terrain à bâtir sous le régime de la TVA sur la marge.

A la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration remet en cause l’application du régime de la TVA sur la marge aux ventes des terrains à bâtir ; tout comme elle remet en cause les modalités de calcul de la marge concernant les opérations de lotissement (situés sur l’une des deux communes).

L’administration réclame des rappels de TVA d’un montant de 53 203 euros. Selon elle, un terrain revendu comme terrain à bâtir doit ne pas avoir ouvert droit à déduction lors de son acquisition initiale, et doit avoir déjà eu la qualification de terrain à bâtir. Le régime de la TVA ne peut recevoir application -toujours selon l’administration- en l’absence d’identité entre le bien acquis et le bien revendu ; identique situation prévaudrait en cas de division parcellaire intervenue entre l’acquisition et la cession. De plus, l’administration -invoquant sa doctrine- soutient que la constatation d’une marge nulle ou négative entraîne une base d’imposition nulle à la TVA. Tout comme elle soutient que le coût d’acquisition des lots vendus doit être déterminé à partir du coût des terrains formant l’emprise du lotissement, sans prendre en compte les parcelles cédées pour un euro symbolique à la commune (finalité de cette dernière opération : procéder à l’élargissement de la voie publique et non aux aménagements du lotissement).

De tels raisonnements ne sont pas pertinents aux yeux de la société requérante. Il est avéré que le terrain à bâtir n’a ouvert aucun droit à déduction de TVA lors de son acquisition ; une seule qualification est nécessaire, la qualification de terrain à bâtir lors de la revente ; l’administration ne saurait ajouter une condition relative à l’identité de qualification du terrain entre l’acquisition et la revente. Saisine du tribunal administratif de Grenoble il y a. Par un jugement du 23 novembre 2017, il fait droit à la requête de la société. Le ministre interjette appel.

La cour administrative d’appel de Lyon fait lecture combinée de la Directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 (article 392) (N° Lexbase : L7664HTZ) et de diverses dispositions du Code général des impôts (articles 256 N° Lexbase : L0374IWR, 257 N° Lexbase : L9308LH9, 266 N° Lexbase : L9106LNL, 268 N° Lexbase : L4910IQW). En vertu de la Directive de 2006, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat s’agissant des livraisons de bâtiments et terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction lors de l’acquisition.

En vertu de l’article 256 du Code général des impôts, sont soumises à TVA les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. En vertu de l’article 257 (1° et 2° du I) du Code général des impôts, les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir (ou d’immeubles bâtis dans les 5 ans qui suivent leur achèvement) sont imposables de plein droit à la TVA. En vertu de l’article 266 du Code général des impôts (b du 2), la TVA est assise pour les mutations à titre onéreux sur le prix de cession augmenté des charges qui s’y ajoutent (pour les opérations de livraison de biens immeubles visées au I de l’article 257 du Code général des impôts).

Quant à l’article 268 du Code général des impôts, il dispose, en matière de livraison de terrain à bâtir, que la base d’imposition est constituée (dans l’hypothèse où l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction) par la différence entre : le prix exprimé (et les charges qui s’y ajoutent) … et soit les sommes que le cédant a versées (à quelque titre que ce soit) pour l’acquisition du terrain, soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature par lui effectués.

Rappel salutaire des textes dans la mesure où la cour administrative d’appel de Lyon va réaliser un salutaire rappel, d’une autre nature : l’administration fiscale ne saurait entreprendre lecture à ce point ductile des normes qu’elle en viendrait à imposer/ajouter des conditions non prévues par le législateur.

Il est bon que le principe d’interprétation stricte des obligations fiscales des contribuables -parfois oublié- reçoive idoine application. Des dispositions en vigueur, le juge opère le constat suivant, limpide constat : le régime de la TVA sur la marge s’applique aux livraisons de terrains à bâtir pour lesquels l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction. Pour être plus précis, l’application d’un tel régime «est conditionné au seul fait» qu’il n’y a pas eu droit à déduction lors de l’acquisition.

Dans une telle hypothèse, la base d’imposition est constituée de la seule marge dégagée par l’assujetti au titre de l’opération d’achat/vente. Est prise en compte la différence entre le prix indiqué (+ les charges s’y ajoutant) et les sommes versées en vue de l’acquisition du terrain. L’argumentation de l’administration fiscale ne saurait être retenue quand elle s’appuie sur la modification des caractéristiques physiques et la qualification juridique du bien acheté avant cession. De tels changements sont sans incidence sur l’application du régime de TVA sur la marge au sens de l’article 268 du Code général des impôts à partir du moment où les terrains cédés correspondent bien à des terrains à bâtir.

Et la cour administrative d’appel de Lyon d’opérer une (rapide) leçon de hiérarchie des normes, morigénant le ministre et son administration : «contrairement à ce que soutient le ministre, en se prévalant de sa doctrine, laquelle ne saurait légalement fonder une imposition»… Si toute interprétation emporte création, les vertus de l’herméneutique se révèlent souvent dangereuses en matière fiscale, au regard de la propension de l’administration à s’ériger en source primaire et première de droit. Ici, le juge rappelle que l’interprétation par trop créatrice est synonyme de dénaturation, a fortiori lorsque la doctrine prétend faire office de para-législateur.

La cour administrative d’appel de Lyon s’est encore prononcée sur la question du calcul de la marge relatif aux opérations de lotissements. L’administration a remis en cause la prise en compte -dans le calcul du prix de revient- du coût d’acquisition de parcelles acquises puis cédées à une commune au prix d’un euro symbolique. Une telle cession vise à permettre un élargissement de la voie communale. En vertu des articles 256 et 268 du Code général des impôts mentionnés en amont, dans l’hypothèse d’une revente par lot d’un immeuble acheté en une seule fois pour un prix global, chaque lot représente une opération distincte. Dès lors, le vendeur doit acquitter une taxe calculée sur la base suivante : différence entre le prix de vente du lot et son prix de revient estimé en imputant à ce lot une fraction du prix d’achat global de l’immeuble. C’est au contribuable de réaliser une telle imputation et il peut utiliser la méthode de son choix.

Les dispositions précitées ne permettent pas au contribuable -si la vente d’un lot génère un prix inférieur au prix de revient- de déduire la moins-value découlant de cette vente de la base d’imposition dégagée par d’autres ventes. Contrairement aux assertions du ministre, le contribuable n’a pas imputé la marge négative dégagée par la vente des parcelles à la commune (pour un euro symbolique) sur la marge dégagée lors de la vente des lots ; le contribuable a seulement pris en compte, au titre du prix d’achat global de l’immeuble, le prix d’acquisition des parcelles (prix qui se retrouve dans la fraction du prix d’achat global de l’immeuble devant être imputée sur le prix de cession des terrains lotis). Ni les dispositions législatives précitées, ni encore l’instruction administrative du 29 décembre 2010 (BOI 3 A-9-10 n° 93) invoquée (à mauvais escient d’ailleurs) ne peuvent justifier la thèse de l’administration selon laquelle les parcelles cédées en vue de la réalisation d’aménagements non réservés aux seuls habitants du lotissement devraient être exclues du prix d’achat global de l’immeuble.

Comme le rappelle le juge, nul ne conteste que la cession à la commune pour un euro symbolique d’une fraction du terrain fût une condition de réalisation de l’opération de lotissement ; les parcelles correspondantes faisaient bien partie de l’ensemble immobilier acquis pour réaliser le lotissement. C’est à bon droit que la société requérante a pris en compte -pour la détermination du prix de revient global et dans la détermination du prix de revient des lots et du calcul de la marge correspondante- les sommes versées pour leur acquisition. La requête du ministre est rejetée, le jugement du tribunal administratif de Grenoble confirmé.

La question du régime de la TVA sur la marge n’a pas manqué, ces derniers mois, de susciter controverses. La cour administrative d’appel de Lyon s’était déjà  illustrée le 20 décembre 2018 (CAA de Lyon, 20 décembre 2018, n° 17LY03359 N° Lexbase : A4734YS7), en des termes similaires : «l'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge aux livraisons de terrains à bâtir est conditionnée au seul fait que l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée lors de son acquisition.  La SARL Promialp a acquis un terrain supportant un immeuble d'habitation en vue de le céder à des particuliers après démolition de l'immeuble et division cadastrale en sept parcelles, dont six lots de terrain à bâtir. Elle a placé ces livraisons sous le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge au motif qu'elle n'avait pas bénéficié d'un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée sur l'acquisition initiale de l'immeuble achevé depuis plus de cinq ans, acquis auprès de particuliers et, par suite, hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Contrairement à ce que soutient le ministre, en se prévalant de sa doctrine, laquelle ne saurait légalement fonder une imposition, la circonstance que les caractéristiques physiques et la qualification juridique du bien acheté ont été modifiées avant la cession est sans incidence sur l'application du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge au sens de l'article 268 du code général des impôts. Par suite, la SARL Promialp est fondée à soutenir que ces livraisons ne pouvaient être imposées sur le prix total des terrains à bâtir cédés».

Et encore le 7 mai 2019 (CAA de Lyon, 7 mai 2019, n° 18LY01019 N° Lexbase : A5157ZDD) : «Il résulte des dispositions précitées du code général des impôts et de la Directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 que l'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge aux livraisons de terrains à bâtir est conditionnée au seul fait que l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée lors de son acquisition.  Il résulte de l'instruction que la SARL F.B. Immobilier a acquis trois immeubles auprès de particuliers non assujettis et non redevables de la taxe sur la valeur ajoutée qui n'ont pu, dès lors, lui ouvrir aucun droit à déduction. Après division parcellaires et démolition des immeubles, elle a ensuite revendu les lots de terrains à bâtir en plaçant ces livraisons sous le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, au motif qu'elle n'avait pas bénéficié d'un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée lors de l'achat des biens. Contrairement à ce que soutient le ministre, en se prévalant de sa doctrine, laquelle ne saurait légalement fonder une imposition, la circonstance que les caractéristiques physiques et la qualification juridique du bien acheté ont été modifiées avant la cession ne saurait par elle-même faire obstacle à l'application du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge au sens de l'article 268 du code général des impôts. Par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que ces livraisons devaient être imposées sur le prix de vente total des terrains à bâtir cédés».

La cour administrative d’appel de Marseille (CAA de Marseille, 12 avril 2018, n° 18MA00802 N° Lexbase : A7535Y9X) avait elle aussi le 12 avril 2018 expliqué l’interprétation idoine des dispositions invoquées qu’il était impératif d’adopter. La cour administrative d’appel de Marseille avait même utilisé une formule lapidaire (de la clarté en droit fiscal) pour rejeter les prétentions de l’administration : «Il ne résulte pas des dispositions précédemment citées, qui sont claires, que cette division ferait obstacle à l'application de ce régime de taxe sur la valeur ajoutée ou que celle-ci serait réservée, en cas de revente de terrains à bâtir, aux achats de biens constitués exclusivement de tels terrains». Là encore, une société avait acquis un bien immobilier (composé d'un local à usage d'habitation et d'un terrain attenant), acquisition auprès de particuliers n'ayant pas la qualité d'assujettis à la TVA et n’ouvrant ainsi pas droit à déduction. Après division parcellaire, la société avait cédé plusieurs terrains à bâtir.

Mêmes situations de fait, même textes, identique interprétation de l’administration, identique condamnation par les juges d’appel.

newsid:470456

Travail illégal

[Brèves] Travail illégal : du respect strict par les agents de contrôle des conditions légales pour l’audition d’un dirigeant de la société contrôlée

Réf. : Cass. civ. 2, 19 septembre 2019, n° 18-19.929, F-P+B+I (N° Lexbase : A8475ZN9)

Lecture: 2 min

N0447BY9

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par Laïla Bedja

Le 25 Septembre 2019

► Les auditions auxquelles les agents de contrôle procèdent pour la recherche et le constat des infractions en matière de travail illégal ne peuvent être réalisées qu’avec le consentement des personnes entendues.

Telle est la solution retenue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 19 septembre 2019 (Cass. civ. 2, 19 septembre 2019, n° 18-19.929, F-P+B+I N° Lexbase : A8475ZN9).

Résumé des faits. Dans le cadre de ses missions de recherche et de constatations des infractions constitutives de travail illégal, l’URSSA a effectué un contrôle au sein d’une société et l’inspecteur du recouvrement a procédé, le 15 janvier 2013, à l’audition de son représentant. A la suite de ce contrôle, la notification d’un redressement résultant de l’infraction de travail dissimulé a été envoyé à la société. Contestant ce redressement, la société a saisi d’un recours une juridiction de Sécurité sociale.

Un redressement sans faute selon la cour d’appel. Les juges du fond, pour rejeter le recours de la société, retiennent que ce n’est que lorsque l’organisme contrôleur entend exclusivement fonder un redressement sur les déclarations d’un témoin ou d’un dirigeant qu’il doit procéder à son audition en respectant les formes prévues par l’article L. 8271-6-1 du Code du travail (N° Lexbase : L5006K8W). Or, l’organisme n’a pas fondé à titre principal le redressement sur l’audition du représentant de la société mais sur les vérifications des livres comptables de la société. Ainsi, n’entendant pas ce témoin pour qu’il dénonce des faits particuliers mais dans le cadre de ses vérification, l’URSSAF n’était pas tenue de dresser un procès-verbal d’audition tel que le prévoie l’article L. 8271-6-1 précité.

Cependant, la Haute juridiction n’est pas de cet avis. Selon elle, les dispositions qui confèrent aux agents de contrôle des pouvoirs d’investigation sont d’application stricte, la cour d’appel a donc violé l’article L. 8271-6-1.

newsid:470447